Mélodie
érotique pour un quatuor.
Un éclair,
le vide, un choc un peu violent…J’ouvre les yeux. Une volute
blanche et opaque m’entoure, j’ai du mal à discerner les choses.
J’en ai marre, c’est à chaque fois la même chose, et ces
atterrissages commencent à me lasser. Le corps un peu endolori, je
me lève et tends l’oreille. Tout est silencieux, un silence pesant,
je dirais même assourdissant . Où est-ce-que je suis arrivée
cette fois ci ? Et surtout, quand ?
La brume se
dissipe peu à peut. Autour de moi, des arbres majestueux, à
travers lesquels le soleil jette ses rayons et joue avec la nature,
donnant à l’endroit des airs de forêts dignes des comptes de fée.
Un froid vif
et piquant me transperce de part en part. Je grelotte et,
instinctivement, porte mes mains à mes bras. Mes épaules sont
dénudées. De longs cheveux aux couleur de feu flottent sur mon cou
orné d’un collier serti d’émeraudes. Au sol, un lourd manteau bleu
cousu d’or, bordé de fourrure d’hermine, et une couronne.
Soudain, un
grondement. Il se rapproche et des ombres se dessinent dans la clarté
des rayons du soleil. Des chiens, une meute de chiens me dépasse à
vive allure, suivie d’une, deux, cinq, dix silhouettes qui prennent
forme devant moi. Des chevaliers en armure, au blason portant des
armoiries que je ne reconnais pas. Un homme, plus grand que les
autres se détache du lot et s’approche de moi avant de mettre son
genou à terre.
«
Majesté, allez-vous bien ? » Je me retourne et scrute le
vide derrière moi..A qui cet homme s’adresse-t-il ?
«
Majesté, ma reine, portez-vous bien ?…Majesté !
Majesté ! »
Et, soudain,
je comprends que c’est à moi que ce bellâtre s’adresse. Le poing
sur sa poitrine et le genou qui décolle pas du sol, il me regarde
d’un œil fortement inquiet et interrogateur
« Je
vais bien, pourquoi cette question ?
-Mais,
majesté, vous venez de chuter lourdement de votre monture et nous
craignions pour votre vie. Nous voilà, mes compagnons et moi-mêmes
rassurés de votre bon allant.
Filez-moi
mon trench, j’ai froid
Plaît-il
Majesté ?
…Mon
manteau, donnez-moi mon manteau, j’ai froid !
Voici
Majesté, couvrez-vous avant d’attraper le mal
Merci »
L’homme,
interdit, scrute du regard ses compagnons. La reine a-t-elle perdu la
tête ? Elle ? Dire merci ? De plus, ne le reconnaît
donc pas ? Et quel est ce verbiage inconnu qu’elle prononce ?
La chute a dû probablement provoquer chez sa souveraine une perte de
mémoire passagère et ce comportement quelque peu inhabituel.
« Ma
reine, il fait froid et la nuit va bientôt tomber et ….
Rentrons
au château, je suis lasse et crasseuse dis-je dans un mouvement
impérial..Que mes gens préparent mon bain et un repas. J’irai
ensuite prendre repos dans mes appartements.
Majesté…pardonnez
mon indélicatesse..Le banquet, avez-vous oublié le banquet ?
Quel
banquet Messire ?
Avez-vous
oublié l’hôte de marque que vous avez convié ce soir à votre
table Majesté ? Etes-vous souffrante ?
La
chute m’a quelque peu désorientée, je l’admets. Je vais aller
prendre du repos avant l’arrivé de..
William
Shakespeare Majesté.. »
Quoi,
Shakespeare ? William Shakespeare ? To be or not to be ?
Mon dieu, je suis à la cour d’Angleterre ! Mon cœur rate un
battement. Me voilà dans la peau d’une reine anglaise !
Réfléchissons..Shakespeare…Je suis au XVI ème siècle ! Mon
cerveau fonctionne à plein régime..Je suis la reine Elizabeth. Mes
connaissances de l’époque sont plutôt basiques : Avènement le
17 novembre 1558, fille d’Henri VIII Tudor et de sa maîtresse Anne
Boleyn, devenue sa quatrième reine et décapitée 3 ans après
l’avoir épousée..Pourquoi Quantum m’a-t-elle envoyée ici ? Il
n’y a aucun mystère, aucun dessein,aucune problématique à
résoudre. L’histoire est limpide. Aucune comparaison avec
l’assassinat de JFK, la disparition de Marilyn Monroe, la zone 51 au
Nevada ou Jack the Ripper, alors, que dois-je découvrir ?
Ma
disparition dans mes appartements privés me paraissent un havre de
paix, un refuge dans lequel je prends vite mes repaires et prépare
mes agissements en fonction de la soirée qui s’annonce. Toute la
cour sera présente, une cour d’hypocrites, un vivarium assoiffé de
pouvoir, de faveurs, de noblesse, de titres, de privilèges,
d’argent, toujours à l’affût d’intrigues, d’esclandres et de
potins. Sur la table en chêne un parchemin attire mon attention.
Elle est signée de la main de Sir Francis Drake m’informant de
l’évolution de son périple à la voile autour du monde. Nous sommes
donc en 1579 et j’ai….46 ans. Ce constat vous paraîtra quelque peu
incongru, mais tout à fait normal quand on sait que je garde mon
apparence physique propre mais prend celle de la personne que
j’incarne aux yeux de son entourage..Et ce vieux bout de papier
m’aide à me situer dans ce siècle qui connut le plus grand de ses
souverains anglais.
Soudain, par
une porte dérobée apparaît une silhouette frêle qui se veut
discrète mais dont la beauté a juré le contraire. De son corps
gracile et souple, elle s’avance prés de moi après avoir fait sa
révérence et dépose sur un tabouret prévu à cet effet, des
tissus à l’apparence douce et spongieuse. Sans mot dire, la jeune
femme qui ne doit pas avoir plus de 30 printemps s’affaire ensuite à
porter, aidée par deux femmes non moins jolies, des lourds seaux
qu’elle déverse dans la baignoire en bronze massif qui trône au
milieu de la pièce ornée d’immenses tapisseries évoquant des
scènes de chasse et des batailles historiques. Il me semble que je
reconnais sur l’une d’elle, une scène retraçant la bravoure de
Guillaume le Conquérant, le premier roi à avoir fait sien le
royaume anglais en 1066.
« Majesté ?
-Plaît-il ?
Le bain
royal est prêt Majesté..
Allons,
aidez-moi à retirer ces haillons crasseux et puants » Je me
surprends à la prononciation de ces mots et la facilité à
laquelle ils arrivent. Enfin, il me faut bien garder mon rang de
reine et surtout son allant si je ne veux pas commettre des erreurs
qui pourraient altérer le continuum espace temps et entraîner de
graves changements dans le futur. Je me dois de laisser aller le
cours des choses et de les subir afin que l’histoire reste
inchangée.
Avec une
dextérité hors du commun, les trois jeunes femmes me débarrassent
de mes vêtements en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et
je me retrouve nue. Je ne sais pas à quoi je ressemble mais au
regard que me jettent ces domestiques, il m’est facile de deviner que
je suis encore une femme fort désirable. A peine installée dans mon
bain, elles déversent sur mon corps laiteux l’eau qu’elles
maintenaient chaude dans des brocs de cuivre posés sur un brasero.
Je ne saurais dire combien cette douche fortuite me fait du bien. Je
suis à peine assise que mes trois magnifiques donzelles retirent à
leur tour leurs vêtements et me rejoignent dans mon immense
baignoire. S’aidant de leurs mains, elles continuent de déverser sur
ma personne de petites quantités d’eau, qui sur les épaules, qui
dans mon cou, qui sur mes seins…L’une d’elle attrape un objet que
j’identifie comme étant un pain de savon et d’un geste sensuel en
investit mon dos, mon cou, mon buste. Les deux autres, quant à elles
s’occupent de mes jambes et de la chute de mes reins. Leurs gestes
n’ont plus rien de ceux d’une toilette classique, mais bien ceux de
caresses savantes et calculées. Je n’ai pas le temps de réagir, et
pourquoi réagirai-je d’ailleurs et me laisse envahir volontiers par
la volupté de l’amour saphique. La brune Guenièvre, la blonde
Alienor, et la rousse Zora m’entraînent dans un tourbillon indicible
de douceur et de sensualité. Les paupières closes, je sens chacun
de leur geste, chacune de leur caresse sur ma peau. Des mains
passent autour de mes seins, en frôlent les tétons déjà fiers et
arrogants, d’autres explorent mon ventre et les autres investissent
l’intérieur de mes cuisses sans s’arrêter sur mon sexe, noyant tout
mon être dans un bien-être exquisément parfumé. Les vapeurs du
bain bouillant, les senteurs agréables et les trois jeunes femmes me
font passer dans une dimension dont je n’ai plus envie de sortir à
cet instant.
Dans une
quiétude presque irréelle, je sens à présent se déverser sur mon
corps de l’eau et évoluer de douces mains, me débarrassant des
dernières traces savonneuses. Par un jeu de vases communicants,
l’eau laiteuse de mon bain laisse place à de l’eau pure, claire et
aussi parfumée. Mais mes compagnes de bain n’ont pas visiblement
l’intention de quitter les lieux. Zora se place au niveau de ma face,
à ma gauche et couvre mon visage de baisers enflammés. Les yeux,
les joues, les paupières, le front, le lobe de mon oreille, rien
n’échappe à sa bouche gourmande aux effets délicieusement
dévastateurs. Guenièvre, agenouillée à ma droite, parcourt mon
buste de ses mains habiles, descendant jusqu’à mon nombril pour
remonter aussi lentement en frôlant le grain de ma peau du bout de
ses ongles, mains retournées. Elle dessine des cercles invisibles
autour de mes seins durcis, se rapprochant inéluctablement de mes
tétons dont elle joue de ses doigts. Elle les fait rouler
délicatement entre le pouce et l’index, les pinces, les tire pour
les relâcher aussitôt et recommencer la manœuvre. Cette douce
violence fait parcourir sur mon corps de délicieux frissons dont
l’intensité redouble quand de sa bouche pulpeuse elle prodigue à
mes tétons, de savantes caresses, arrachant chez moi quelques
gémissements de plaisir. Je ne peux m’empêcher de m’allonger
d’avantage dans l’eau pour mieux m’abandonner à leurs caresses. Je
me sens vite à l’étroit et les caresses avec lesquelles la blonde
Aliénor investit le bas de mon corps font monter en moi une
excitation profonde. Et pourtant, ses mains et sa bouche ne font que
vagabonder sur le galbe de mes cuisses, mes mollets pour terminer
leur course sur mes pieds dont elle lèche un à un les orteils. Le
feu qui consume mes lèvres est apaisé sans modération par celles
de Zora dont la langue livre vigoureusement bataille à la mienne. Je
sens alors, entre mes jambes des doigts fureteurs, fouillant mes
chairs chaudes et gonflées, naviguant adroitement du nord au sud et
du sud au nord. Voulant agrandir leur champ de manœuvre à ces
doigts experts, j’entreprends d’ouvrir d’avantage mais jambes et
découvre que la belle Aliénor les maintient fermées alors que sa
main s’active sur ma fente détrempée. Me contorsionnant pour me
libérer de cette sublime torture, Zora cesse de dévorer mon visage
et va rejoindre sa blonde compagne de jeu au centre de mon plaisir.
Elle s’agenouille sur ma droite, passe ses bras délicats sous mes
cuisses qu’elle place l’une après l’autre, sur chaque épaule
d’Aliénor. Me retrouvant en équilibre sur mes propres épaules,
Guenièvre vient placer ses genoux juste en dessous afin de m’offrir
un équilibre stable et une position favorable au jeu qui va suivre.
Elle de penche sur mon visage et continue le travail de Zora en
dévorant à son tour mon visage. Zora, restée assise sur mon flanc
droit laisse courir sa main sur mon ventre avant d’investir d’un
doigt vaillant mon bouton magique gonflé et tendu. Aliénor se
régale un moment de ce spectacle qui s’offre à ses yeux, un
clitoris roulant, disparaissant et réapparaissant sous un majeur
talentueux, pincé, tiré et finalement aspiré par sa bouche
affamée.
« Majesté,
votre royal con est un éternel délice. Il me plaît à le goûter
et d’en savourer le divin nectar. » A peine Aliénor a-t-elle
prononcé ces quelques mots que je sens entrer en moi une langue
durcie, avide et besogneuse. Je la sens s’agiter en moi, explorer les
parois de mon intimité, entrer, sortir et venir à nouveau alors que
mon bouton subit à présent les assauts ininterrompus de la langue
de la rousse Zora et que la bouche de Dame Guenièvre dévore la
mienne. Les trois donzelles marient leurs caresses au rythme de mon
corps qui sent en lui un ras de marée se profiler. Soudain, une
immense déferlante arrivée du plus profond de mon être explose en
puissant tsunami auquel je réponds par spasmes tout aussi puissants
et ravageurs. De ma gorge s’échappe un cri évocateur aussitôt
étouffé par le baiser que Guenièvre dépose alors sur mes lèvres.
Me laissant
baigner dans un océan de sérénité et de bien être, mes trois
sculpturales maîtresses disparaissent aussi discrètement qu’elles
me sont apparues. Peu à peu, je reprends mes esprits et mon corps
reprend, à regret, le contrôle de lui-même. Je cherche toujours à
comprendre le pourquoi de ma venue à cette époque mais j’avoue que
ce mystère est pour moi, à ce moment précis d’une importance de
seconde catégorie.
Quantum
a-t-elle voulu m’offrir un entracte à mes multiples missions souvent
fort périlleuses ? Je me surprends à sourire en pensant au
fait qu’elle connaît mes préférences pour la gente féminine. Mais
pourquoi me sens-je gênée de cet élan de générosité et d’une si
grande délicatesse ? C’est ridicule, Quantum est une machine et
une machine ne peut pas éprouver des sentiments vis à vis d’une
unité carbone. Une machine est vierge de tout sentiment, de toute
émotion.
Toujours
est-il que ce magnifique passage au XVI ième siècle restera gravé
dans ma mémoire. On ne peut pas se vanter d’avoir été la reine
Elizabeth Première dont la particularité est de ne jamais s’être
mariée….Et là, la réponse à ma question surgit telle un éclair
déchirant les ténèbres de la nuit : Elisabeth, connue aussi
sous le nom de la reine vierge, était lesbienne.
Prise par
cette pensée, je quitte l’immense baignoire afin de quérir un
déshabillé susceptible de me donner un peu de chaleur dans cette
pièce devenue soudainement fraîche. A peine le pied posé à terre,
je suis enveloppée par une nuée blanche dont la densité s’accentue
en quelques secondes et me sens aspirée dans un vortex temporel qui
me transporte vers une autre dimension. Où et quand ?