Résumé des épisodes précédents : La descendante d’une sorcière de Mazan l’Abbaye retrouve la trace de son ancêtre grâce à moi, érudit local. Nous nous trouvons aussi de nombreuses affinités et envisageons l’avenir tout en étudiant le passé.24 décembre 2019 : ce soir j’attends Béalaure ; Béalaure qui ne viendra pas… ce soir.Ce soir, Béalaure fête Noël en famille, enfin, presque. Béalaure va passer ce soir de Noël avec son ex-mari, son ex-belle-famille et leur fils qui doit présenter à la dynastie celle qu’il ambitionne d’épouser devant Dieu et devant les hommes. C’est une soirée importante pour la future continuatrice de la dynastie et Béalaure a été conviée à la cérémonie.Si ce qu’elle m’en a dit est vrai, son fils a rencontré une vraie grenouille de bénitier, aussi folle de la messe que molle de la fesse. Béalaure se rend à la soirée avec un enthousiasme à la limite de l’infiniment petit. Elle m’en dira plus après-demain et puis, surtout, dans cinq jours, quand elle viendra.25 décembre 2019 : ce soir encore, j’attends Béalaure qui ne viendra pas… ce soir.Aujourd’hui, Béalaure est allé passer Noël chez sa fille et la femme de sa fille. Là, au moins, pas d’ex-beaux-parents à ménager : ils fuient ce couple comme s’il était porteur d’un nuage de malédictions digne des sept plaies d’Égypte. Quant à Béalaure, elle désigne le couple en disant tout simplement « mes filles » et sa façon de le dire suffit à montrer l’affection qu’elle a pour elles.Pourtant, là aussi, une bonne nouvelle, bien appropriée à un jour de Noël, est à annoncer : le ventre de la belle-fille de Béalaure commence à s’arrondir et les deux amoureuses seront bientôt « parent 1 » et « parent 2 » dans leur livret familial d’état civil.Pas de PMA pour autant, trop compliqué à mettre en place entre interdictions et tolérances ; elles ont eu recours à un ami dévoué, un vieux camarade de Lycée qui vit une vie aventureuse entre montagnes, banquises et océans. Elles voulaient un géniteur respectable et responsable, mais qui ne se mêlerait pas de l’éducation de sa progéniture. Lui n’osait penser à assurer sa descendance par peur de devoir renoncer à sa vie d’aventures.Un mois de séjour à trois dans un chalet perdu de l’Oisans avait permis de multiples et fort plaisantes séances de procréation par les voies naturelles. Chaque candidate à la maternité avait reçu énormément d’affection et de spermatozoïdes vigoureux.À la fin du mois, c’est l’épouse de la fille de Béalaure qui s’était trouvée enceinte. Le couple était rentré sur Lyon en voguant sur un petit nuage.Là aussi, Béalaure aura certainement des choses à me dire quand elle arrivera… dans quatre jours.28 décembre 2019 : j’attends Béalaure qui arrivera dans deux jours. Ma factrice est passée ce matin pour me faire choisir mon calendrier des postes. Elle m’a montré des photos de chatons, de mignons petits chiens, de montagnes enneigées ou fleuries et de plages envahies de baigneurs. En buvant son café, et comme je n’arrivais pas à me décider, elle m’a parlé d’un calendrier avec des paysages canadiens, des traîneaux à chiens et des motoneiges. Elle doit venir me le montrer dans trois jours.On a aussi parlé des endroits où passer un bon réveillon dans le coin : elle m’a recommandé son endroit favori, une ancienne magnanerie qu’on appelle « Le Golf ». Je vais me renseigner un peu mieux et réserver si affinité.30 décembre 2019 : Ce soir, j’attends Béalaure qui arrivera à la nuit tombée.Demain, on ira réveillonner au Golf, Béalaure, elle aimera ça.Comme elle doit en avoir plein les yeux des sapins illuminés le long des avenues, je n’ai pas mis de sapin de Noël dans la grande pièce de ma fuste : j’ai simplement enguirlandé abondamment l’épicéa qui est planté à l’entrée de la propriété et qui tient ma boîte aux lettres à l’abri des intempéries. Un bon transformateur, cinquante mètres de fils tendus d’arbre en arbre et un gros sac de guirlandes lumineuses ont transformé l’arbre en un véritable phare aéronautique.Ma factrice est passée poser le courrier ce matin. Je croirais presque qu’elle est repassée cet après-midi, car j’ai entendu un bruit de voiture, mais, franchement, je ne vois pas pourquoi elle serait repassée par ici.La nuit tombe, j’ai allumé mon épicéa-sapin de Noël pour que Béalaure trouve facilement la maison dans la nuit noire.La voilà, j’entends son moteur et je reconnais sa façon de conduire souple et précise, c’est là son caractère, au volant comme au lit.La voiture se gare, je descends à la porte prendre les valises et embrasser ma belle. Elle est devant la boîte aux lettres et elle regarde une décoration du sapin. Elle rit, elle rigole, elle se marre même ostensiblement, et puis, ce qui devait arriver après trois heures de route arrive, elle se plie en deux, met sa main sur son entrejambe et se précipite vers la maison en direction des toilettes.Moi, j’arrive à la voiture et je découvre ce qui a déclenché cette hilarité diurétique : juste au-dessus de la boîte aux lettres, mon épicéa a une pigne. Enfin, pour les puristes de la langue française, je devrais dire « un cône d’épicéa ». Bref, cette fructification naturelle mais à la forme évocatrice a été emballée dans un joli préservatif rose, à l’intérieur duquel, le facétieux farceur a emballé aussi quelques diodes lumineuses, histoire qu’on le voit bien.Et puis, pour que l’évocation soit plus explicite, à la base de la pigne, un petit ruban maintient le préservatif et deux belles boules de Noël de couleur rose (elles aussi) pendant aux extrémités du ruban.Je récupère soigneusement l’objet du délire, et je monte sagement les valises de ma chérie jusqu’à la chambre.Quand je ressors de la chambre, je trouve Béalaure dans le couloir, sortant des toilettes, avec son pantalon dans une main et sa petite culotte humidifiée dans l’autre.Bien entendu, elle laisse tout tomber pour tomber dans mes bras. Bien entendu, je l’embrasse comme quelqu’un qui attend ce moment depuis plus d’un mois. Bien entendu, le reste de ses vêtements tombe, lui aussi, au sol et mes vêtements à moi les rejoignent.Nous hésitons entre chambre et salle de bains pour aller nous dévorer, nous lécher, nous sucer et nous accoupler frénétiquement.Comme elle trouve qu’elle a beaucoup sué en voyageant après sa journée de travail, c’est sous la douche que nous allons en premier nous savonner mutuellement. C’est aussi là que nous réalisons que nous avons encore nos chaussettes et qu’il faudrait les ôter.Bien entendu, je m’agenouille pour retirer les siennes et mon nez se retrouve juste à la hauteur de sa toison soigneusement taillée en forme de cœur. Je serais inconvenant en ne déposant pas un baiser sur ce délicat signe d’affection.C’est à tâtons que je fais glisser les chaussettes, car j’ai les yeux contre le ventre de ma belle, car j’ai le nez dans son petit cœur de poils, car j’ai la langue qui joue avec ses lèvres et avec son bouton magique.Et puis, elle met sa main sur ma tête, me fait relever et, à son tour, descend pour enlever mes chaussettes trempées. Et, bien entendu, sa bouche se trouve à la hauteur de ma virilité qui est au comble de l’émotion, dressée vers le septième ciel et rigide comme un sapin de Noël, mais il est vrai, sans guirlandes clignotantes.Elle butine un peu mon cierge et constate rapidement qu’elle ne pourra pas améliorer son état d’excitation.Sous ma douche, en prévision de mes vieux jours, j’ai prévu deux robustes rampes en branches de frêne, scellées dans le mur. Béalaure saisit une de ces branches, se penche en avant et me présente son sexe ruisselant de multiples humidités.Je ne sais pas si c’est une demande ou si c’est un ordre, mais elle me dit « Ensorcelle-moi », et puis elle ajoute « enfonce-toi en moi ».Nous nous accouplons, lentement au début, en prenant le temps de savourer chaque contact entre nos épidermes et nos muqueuses, puis nous passons les vitesses et nous accélérons le rythme jusqu’au tremblement final. La douche entraîne au sol nos sécrétions mélangées et nous finissons de nous rincer en reprenant notre souffle. En bonne sorcière dévouée à son diable, elle n’oublie pas de déposer, au passage, un baiser respectueux sur mon anus et, en bon petit diable amoureux de sa sorcière, je lui rends la politesse.Je suis prévoyant : ça fait deux jours que j’ai poussé le chauffage, au mépris des règles d’économie d’énergie (je le confesse). Du coup, on n’a pas besoin de se rhabiller pour aller manger.Je crois qu’on se nourrit plus en se dévorant des yeux qu’en picorant ce qui est dans nos assiettes. C’est vrai qu’en cette période de fêtes, il est difficile d’avoir faim mais c’est vrai aussi que c’est de l’autre que chacun de nous est le plus affamé.Son sein droit me sert de dessert, avec de la confiture de myrtilles, et son sein gauche lui succède avec de la confiture de framboises. Mon gland se retrouve assaisonné avec de la crème de marrons et son sexe reçoit un peu de confiture de rhubarbe. On a même ajouté un peu de Chantilly, pour que ça soit plus festif.On se lèche et on se suce en se faisant des petits compliments gastronomiques, et, tout doucement, d’autres saveurs plus intimes s’ajoutent et se substituent aux goûts des fruits.Une fois encore, on remet à demain la corvée de vaisselle et on se précipite vers la chambre.Je témoignerais volontiers encore mon affection à ma belle sorcière, mais, après sa journée de travail et son long trajet, elle tombe de sommeil. Nous nous endormons donc très sagement.Je pourrais même dire « sages comme des images », si on songe à toutes les images qui ont été dessinées pour illustrer le Kamasoutra.Bref, nous dormons… Mes rêves sont bleus, ou roses, ou multicolores, je ne sais plus, mais je sens du fond de mon sommeil l’odeur de ma belle qui ravit mes narines, et je sens, sur ma peau, la tiédeur de sa peau.C’est la douceur d’une caresse qui m’éveille aux premières lueurs du jour : par une souple reptation, Béalaure est en train d’introduire dans son vagin mon érection du petit matin.Les yeux encore fermés, je savoure le contact de ses muqueuses. Au fond de mon cerveau, quelques neurones mal réveillés rêvent encore que mon sexe va gonfler et durcir à l’infini tel un menhir mégalithique et granitique.Les yeux à moitié ouverts, je contemple ses seins qui sont juste devant mon visage. Les seins de Béalaure avouent, certes, que voici vingt ans ils ont allaité deux beaux enfants, mais il serait indécent, voire insultant, de dire qu’ils sont pendants.Les yeux maintenant grands ouverts, je cueille à pleines mains ces deux fruits aux tétons déjà durs et je les déguste à pleine bouche. Je lèche, je suce et je mordille.Et puis, nos bassins s’animent et nous nous chevauchons charnellement en prenant le temps de profiter de chaque étape du voyage. Le galop final n’en est que plus victorieux quand les deux compétiteurs arrivent au but simultanément.Béalaure, revenue sur terre, me dit : — Pas de sodomie ce matin, ce soir, je vais être assise pendant le réveillon, je ne veux pas que cette position risque d’être inconfortable pour mon anus meurtri. Alors nous remettons au lendemain, qui sera aussi l’an prochain tout en étant, tout compte fait, que dans quelques heures.Ensuite, nous allons prendre notre petit déjeuner. Nous nous habillons quand même un peu, car la factrice doit passer avec son lot de calendriers.Nous avons, d’ailleurs, tous deux une petite idée de l’identité du farceur qui avait redécoré mon sapin de Noël, il reste juste à la vérifier.La factrice arrive pendant que nous sommes en train de mettre la confiture sur les tartines. C’est la fin de sa tournée, alors elle s’assied avec nous et nous regardons tous trois les calendriers. Béalaure lui sert un thé. Bien évidemment, au niveau des textes, il n’y a pas vraiment de différence entre les différents modèles : l’année 2020 commencera demain par un premier janvier et se terminera par un 31 décembre. Aucun des calendriers n’a oublié qu’il y aura aussi un 29 février. C’est donc sur les illustrations que nous devons faire un choix.Ce faisant, nous lui resservons un thé et quelques tartines. Béalaure, sournoisement, lui propose la confiture de fraises et elles se mettent toutes deux à en vanter le goût… incomparable.— Tout dépend avec quoi on le compare, dit alors Béalaure en posant sur la table la pigne de la boîte aux lettres, encore ornée de son préservatif rose (le modèle aromatisé à la fraise !), de son ruban et de ses deux boules.Ma factrice n’a pas vraiment le temps de rougir, elle part dans un fou rire en forme d’aveux, reconnaît les faits sans réserve aucune et, soudain, plaque sa main sur son entrejambe en sollicitant humblement un accès urgent aux toilettes.C’est Béalaure qui la guide vers les sanitaires, et je l’entends lui proposer, fraternellement, le prêt d’une petite culotte sèche pour le retour à son domicile. J’entends qu’il est question de choix entre plusieurs modèles et de la promesse de restitution au plus tôt.Nous devons, bien évidemment, nous retrouver ce soir car, si ma factrice m’a recommandé « Le Golf », c’est parce que c’est là qu’elle a l’habitude d’aller fêter l’an neuf. Comme nous, elle a aussi réservé une chambre pour éviter d’avoir à conduire sur des routes sinueuses et sournoises dans un état d’ébriété prohibé et, de surcroît, dangereux.Si je ne m’abuse, ma sorcière réincarnée vient de procéder à une opération de marquage de territoire et a signifié à ma factrice que je dois désormais être considéré comme son diable personnel et privatif. D’ailleurs, nous avons fait pratiquer par nos médecins respectifs les tests requis pour copuler en toute sécurité sans latex intercalé.On prépare un petit sac avec ce qu’il faut pour la nuit et nous voilà partis pour ce fameux golf, établissement festif quasi légendaire, apparemment, dans la région.Nous franchissons le tunnel du Roux, vestige d’un projet fou de voie ferrée qui devait relier Le-Puy-en-Velay à Aubenas. Projet tombé en désuétude avant même que les premiers rails ne soient posés.L’établissement est de belle taille, c’est, visiblement une ancienne magnanerie et Béalaure se pose la question de savoir si son ancêtre Odilon aurait pu la connaître. Mais il existe tant d’anciennes magnaneries en Ardèche !Ce qui est curieux, c’est que l’enseigne lumineuse proclame que l’établissement se nomme « Les Magnans » et que, nulle part, il n’est question d’un terrain de golf. D’ailleurs, la vallée est bien trop encaissée. Voilà un mystère qu’il faudra éclaircir.Nous sommes chaleureusement accueillis et nous allons poser nos bagages dans notre chambre et passer nos tenues de soirée. La chambre est décorée de façon assez voyante, avec des miroirs un peu partout et, détail incongru, un monumental bidet de faïence ostensiblement posé au centre de la salle d’eau alors que la cabine de douche est remisée, presque à la sauvette, dans un coin.En ressortant de la chambre, nous retrouvons ma factrice, accompagnée d’un jeune athlète aux yeux rêveurs et à la barbe fleurie : ils coucheront dans la chambre voisine. Nous nous saluons amicalement, voire affectueusement.Le repas est à la hauteur des promesses, tout en étant très respectueux de l’environnement. Les écrevisses américaines sont considérées comme une espèce invasive, quoique très comestibles : nous en dégustons donc à satiété avec la satisfaction morale de lutter contre leur prolifération. Quant au sanglier, il est devenu tellement abondant qu’il est désormais classé comme espèce nuisible : la daube de sanglier servie généreusement est ainsi une façon délicieuse de sauvegarder l’agriculture locale. Béalaure est épatée par la variété des légumes servis avec la daube : pommes de terre bleues de Borée, panais, topinambours, radis d’hiver et, bien entendu, châtaignes de plusieurs variétés différentes.La musique est assez variée pour que tous les âges y retrouvent leur jeunesse et personne n’est là pour commenter les exploits chorégraphiques des autres. Au moment des slows, on entend même le grand Léo Ferré chanter son inimitable « C’est extra ».Le compagnon de ma factrice est un jeune cueilleur de plantes sauvages qui vend une bonne partie de sa récolte lors de la célèbre foire des violettes à Sainte-Eulalie, sur le plateau, au pied du mont Gerbier-de-Jonc. Sa conversation avec Béalaure est intense, émaillée de noms latins de plantes médicinales. Béalaure se renseigne sur les produits locaux, sur les teneurs en principes actifs, sur les dates de disponibilité des récoltes. De temps à autre, elle me demande mon avis sur la façon dont on pourrait extraire les principes actifs de telle ou telle espèce. Ces deux-là ont l’immense bonheur de gagner leur vie en vivant leur passion : chance extraordinaire dans notre société moderne.Je croise aussi mon voisin qui est au bar, en conversation apparemment très amicale avec un jeune homme endimanché comme un employé de bureau. Ils me demandent si je connais un peu la Crête et quels sont les jolis coins à visiter en deux semaines.On arrive ainsi en douceur aux douze coups de minuit. Tout le monde s’embrasse sous le gui qu’un arboriculteur local a fourni en abondance.Mon voisin et son ami prennent la route pour rentrer sur Aubenas qui n’est pas bien loin. Devant nous, ils ne craignent pas de s’enlacer tendrement.Ma factrice, son botaniste, Béalaure et moi montons l’escalier des chambres en laissant galamment, ces dames passer en premier. Elles nous font remarquer que ce geste de fausse courtoisie est probablement motivé par le simple désir de regarder leurs fesses pendant l’ascension des marches. Et comme nous protestons de la pureté de nos intentions, elles retroussent leurs jupes en montant pour nous faire admirer leurs petites culottes qui sont du genre minimaliste.Nous arrivons alors au premier étage : nos chambres sont au deuxième niveau.Le botaniste dit alors aux filles que, si elles continuent comme ça, nous risquons de leur sauter dessus avant le haut des marches.Béalaure propose de nous « donner un os à ronger » pour nous faire patienter.La factrice corrige en proposant de remplacer l’os à ronger par une culotte à renifler.Elles prennent une poignée de marches d’avance, remontent à nouveau leurs jupes et font glisser leurs petites culottes sur les marches en nous demandant de les ramasser.Le botaniste récupère un string à motif léopard, avec rubans noirs. Sous-vêtement festif relativement classique pour sa génération. La culotte de Béalaure, que je ramasse affectueusement, est un peu plus enveloppante et aurait pu être plus pudique, mais sa découpe et ses dentelles en font plus un présentoir mettant en valeur les charmes de ma belle qu’un voile dissimulateur.D’un même geste, nous humons les effluves intimes de nos amoureuses, et, dans la foulée, nous nous trouvons contraints de remettre à la verticale nos bandaisons qui s’arc-boutent douloureusement dans nos caleçons.À mon âge, je récite quelques vers de Léo Ferré entendus moins d’une heure auparavant : Comment peut-on cacher… sous si peu de tissu… Tant de choses à toucher.Quand nous arrivons à l’étage, les filles ont déjà disparu dans les chambres, dont les portes sont grandes ouvertes.Le temps de souhaiter une bonne soirée au botaniste, j’entrevois la tenue de soirée de ma postière qui s’envole et pendant qu’il referme la porte, je l’entr’aperçois, allongée sur le dos, au bout du lit, les talons sous les fesses, cuisses largement écartées, exhibant une orchidée charnelle déjà bien luisante que le botaniste se dépêche d’aller butiner. Je suis obligé de refermer moi-même la porte de leur chambre, car il est trop hypnotisé par cette corolle écarlate. Juste un instant, j’ai une pensée émue pour les insectes qui se précipitent dans les plantes carnivores.Béalaure, elle, est déjà dans notre salle de bains. Seule reste sur le lit sa robe de soirée, visiblement enlevée hâtivement. J’attends sagement qu’elle réapparaisse en tenue de nuit. Je constate en passant que l’insonorisation des chambres est très médiocre.Franchement parler, on pourrait même insinuer que c’est une véritable sono interactive. Au début, je n’entends guère que la voix de ma factrice ; je présume que, dans la continuité de l’action entrevue, la langue du botaniste a autre chose à faire. Ensuite, il est question d’une carte de « Bonne année » à glisser dans la boîte aux lettres de la Poste. La voix de ma postière explique que la carte doit être, au préalable, mise sous enveloppe et le botaniste demande s’il doit glisser sa correspondance dans la boîte réservée au courrier de proximité ou dans celle du courrier longue distance. Les comparaisons postales deviennent alors plus approximatives car il est question de mettre le courrier soit dans la fente verticale, soit dans la fente horizontale, soit dans l’orifice circulaire. Je pense pouvoir dire que, dans un premier temps, c’est la fente horizontale qui est choisie car, pendant quelques minutes, je n’entends plus la voix de ma factrice, j’en déduis que, à cette phase de leurs ébats, c’est elle qui a la bouche pleine.C’est alors que ma sorcière réapparaît en tenue de nuit. Elle est vêtue d’une réinterprétation de la « chemise de nuit à fente » qui, dans les siècles passés, permettait aux époux légitimes de copuler pour perpétuer l’espèce sans impudicité.Là, pour l’impudicité, je suis servi sur un plateau. La chemise de nuit, tombant presque jusqu’aux genoux, est ornée d’un motif doré qui représente le cadre d’un tableau dont le titre est inscrit sur une petite étiquette : « L’origine du Monde » par Gustave Courbet. Et, à la place du tableau, une ouverture rectangulaire met en scène, en lieu et place de la luxuriante et luxurieuse toison rousse du modèle de Courbet, la toison soigneusement taillée de Béalaure.C’est, me dit-elle, le cadeau de Noël de ses filles. Car ses filles non contentes de filer un amour sincère, coupent et cousent des sous-vêtements et des dessous chics ainsi que, à l’occasion des tenues de scènes pour les cabarets.Pas de doute, pour que ce vêtement cadre aussi parfaitement avec l’anatomie de ma sorcière, il a fallu qu’il soit réalisé sur mesures, et par des professionnelles aguerries. J’en suis tout ému.Il est évident que je dois examiner de près ce tableau vivant et vérifier si la peinture n’est pas trop fraîche. Visiblement, c’est le cas, car tout ceci est encore humide et envisage de s’humidifier encore au fur et à mesure que je regarde, que je hume et que je tâte.Les bruits et les sons qui nous parviennent de la chambre voisine ne réussissent pas à nous déconcentrer, bien au contraire. Comme dans un véritable sabbat de sorcières, nous nous trouvons en train de célébrer le Nouvel An en stéréo, que dis-je, en quadriphonie intégrale.Béalaure me rappelle que, au matin précédent, elle m’avait demandé de remettre sa sodomie à l’année suivante et que nous venons de franchir le seuil du Nouvel An.Elle a apporté quelques pots emplis d’onguents lubrifiants préparés par son assistant et associé. Visiblement, ces produits ont été testés et approuvés par des experts. Nous humons et tâtons les mélanges pour choisir, au final, un produit à l’arôme plutôt boisé.Pour notre première pénétration anale, peau contre peau, sans latex interposé, j’enduis donc généreusement tenon et mortaise avec cette petite merveille de la cosmétique intime.Encouragés par les soupirs de la chambre voisine, je m’introduis dans le fondement de ma sorcière non sans avoir retroussé la chemise de nuit dont l’ouverture ne permettait pas un accès aisé par la face nord du plaisir.Comme dans un chant polyphonique, nos soupirs conjoints se coordonnent à travers la cloison sous la baguette imaginaire d’un chef d’orchestre virtuel et nous nous offrons mutuellement un concert du Nouvel An aussi endiablé qu’improvisé.Nous avons, finalement, bien dormi, et ce n’est que peu avant la mi-journée que nous sommes descendus prendre un petit déjeuner, le premier de l’année nouvelle.On trouve sur la table de quoi reprendre des forces et affronter le voyage du retour qui, en cette saison, aurait pu être gêné par la neige et le froid. Ce n’est pas le cas, mais on est prié de faire comme si ça l’était.Béalaure est un peu étonnée de la conception de cet établissement, et l’appellation « Le golf » la laisse toujours perplexe. Alors, ma postière et la maîtresse des lieux lui expliquent le pourquoi et le comment des choses.Au tout début, il y avait une petite auberge pour les rouliers qui passaient sur le chemin avec leurs charrettes. Et puis vint la Grande Guerre, celle qui fit pousser les monuments aux morts avec leur litanie de victimes. Le patron de l’auberge a toujours son nom gravé dans le marbre, entre l’église et la mairie du village. Et sa femme se trouva seule à mener l’affaire. Elle était bonne cuisinière et courageuse, mais son homme lui manquait pour de multiples raisons.Elle fit donc appel à du personnel pour l’aider dans les tâches ménagères et s’aperçut qu’elle pouvait combler son manque d’affection tout en améliorant les revenus de l’établissement. Elle fit donc commerce de ses charmes auprès d’une clientèle locale, discrète et fidèle.Peu avant que la Seconde Guerre n’arrive, la fille qu’elle avait eue au début de la guerre, et dont son époux ne connut jamais qu’une photo sépia avant de recevoir une balle allemande, commença à participer activement aux activités de l’affaire.Arrivèrent la débâcle et l’exode, et l’administration distribua les réfugiés dans les hébergements disponibles. Dans un des bureaux de cette administration où le papier était encore roi, un fidèle client de l’auberge et grand amateur des charmes de ses tenancières eut l’idée de leur affecter un véhicule qui arrivait d’une ville d’Alsace-Lorraine ; véhicule dans lequel avaient pris place quatre pensionnaires d’une maison close fuyant l’avance allemande. Le proxénète qui les accompagnait avait abandonné le véhicule en panne avec ces dames pour gagner plus vite les rivages méditerranéens.L’activité de l’établissement en fut vivifiée. Non seulement ces dames apportaient de nouveaux visages à l’entreprise, mais, habituées à servir dans une ville de garnison, elles amenèrent aussi un savoir-faire et des prestations précédemment absentes du petit bordel artisanal.Jusque-là, la plupart des passes se déroulaient dans la position du missionnaire, comme à la maison, et la levrette était considérée comme un acte particulièrement audacieux. Si ces copulations avaient été menées entre époux, le curé du village les aurait bénies sans réserve. D’ailleurs, lorsque mère et fille allaient à confesse, elles ne manquaient pas de lui détailler leurs activités, quitte à lui fournir une démonstration. L’absolution et l’éjaculation se faisaient dans la même heure et au même lieu.Les Alsaciennes, elles, savaient utiliser leur bouche et même leur fondement pour satisfaire une clientèle plus variée. La réputation du lieu en fût amplifiée et, un beau jour, un client qui avait voyagé dans les îles britanniques fit la remarque que six filles ayant chacune trois orifices fonctionnels, cela faisait dix-huit trous, comme au golf. La formule plut aux notables locaux qui fréquentaient de plus en plus les lieux, et, dans les conversations entre initiés, on se mit à désigner l’auberge sous ce nom de code. Ces messieurs pouvaient se donner rendez-vous pour « aller faire un golf » sans que cela éveille les soupçons de leur épouse légitime ; laquelle épouse était bien souvent soulagée qu’une professionnelle aguerrie se charge de vider les bourses de leur mari besogneux, dans la mesure où ceci n’écornait pas trop la réputation et les finances du ménage.Bien entendu, les fonctionnaires de « l’État français », les pontes du marché noir et les officiers allemands fréquentaient l’établissement qui leur était même parfois « réservé » pour certaines soirées spéciales.En 1943 arriva une jeune cuisinière alsacienne, parente d’une des pensionnaires, visiblement un peu simplette, prénommée Thérèse. Elle se chargeait des besognes domestiques avec un sourire niais et bien des clients la traitaient d’imbaisable.Pendant l’été 1944, après le débarquement de Provence, une voiture chargée de quatre officiers allemands aux uniformes noirs frappés du sigle SS, s’égara près du village. Soucieux de les dorloter tout en les éloignant un peu, le maire les envoya au golf. Ils passèrent une soirée délicieuse, mangèrent et burent à satiété et purent profiter des filles jusqu’à ne plus pouvoir bander.Seule Thérèse manquait ce soir-là, mais la qualité du repas ne s’en ressentit pas.Ils repartirent en direction de la montagne, par de petites routes, pour éviter de tomber sur une colonne de l’armée alliée.C’est trois kilomètres plus loin que leur voiture fut prise sous le feu d’un groupe de résistants et c’est Thérèse qui se chargea d’achever les blessés, en leur disant quelques mots en allemand avant de leur tirer une balle dans la nuque. Un des résistants qui comprenait l’allemand comprit qu’elle leur donnait les noms des membres de sa famille morts dans les camps. Elle s’appelait Esther, et non Thérèse, et était juive allemande.Quand la première patrouille de l’armée d’Afrique arriva au village, les habitantes et les habitants, soucieux de prouver l’intensité de leur patriotisme tout neuf, se rendirent au golf pour tondre les « bochesses » qui avaient tant pratiqué la « collaboration horizontale ».Certains furent déçus, d’autres furent soulagés quand ils constatèrent que les lieux étaient déjà investis par une troupe de résistants qui, apparemment, jouissaient des lieux et qui déclarèrent simplement qu’ils « attendaient les ordres ».Ensuite arriva une jeep avec deux officiers portant une valise.Puis une troupe vint se placer devant la porte du golf et les sept filles sortirent, vêtues d’uniformes alliés, escortées par les soldats et les résistants. Le cortège se rendit sur la place, devant la mairie, et la population fut invitée à se rassembler pour une cérémonie militaire.Bigotes et frustrés se mirent, bien entendu, à se raconter qu’on allait fusiller les bochesses pour avoir collaboré avec l’ennemi et pire encore ?Et puis arriva un officier très galonné qui commença par faire l’appel des filles en leur donnant des grades militaires. C’est quand il nomma Thérèse « Esther » qu’on comprit que les choses allaient se passer autrement que prévu.Esther-Thérèse était un officier de renseignement et un opérateur radio qui, depuis son arrivée, envoyait des messages vers Londres. Toutes les filles venues d’Alsace, comprenant parfaitement l’allemand, avaient extirpé sur l’oreiller d’innombrables renseignements à leur clientèle allemande et quelques chambres très discrètes dans une remise à l’écart avaient servi d’infirmerie pour les blessés des maquis de la montagne.Bref, les putes étaient des héroïnes et les enfants de chœur en perdaient leur latin.Le lieutenant Esther Feuerstein repartit avec son poste émetteur et laissa ses amies poursuivre leurs activités sous la bienveillante protection des anciens maquisards. L’établissement reçut même des blessés de guerre en convalescence ou en rééducation. Les documents administratifs savaient rester évasifs sur la nature des soins prodigués dans le cadre de ladite rééducation.Arriva la loi Marthe Richard, qui déclara la fermeture des maisons closes : le petit établissement, avec son fonctionnement quasiment coopératif, son effectif réduit et son statut d’ancien haut lieu de la résistance bénéficia d’une certaine bienveillance et se reconvertit progressivement en ce qu’on nomma « un night-club ». Il semblerait que quelques initiatives moralisatrices se soient heurtées à des notes de service arrivées d’un bureau des services de renseignement situé à Marseille et qui portaient la signature du Capitaine, puis du Colonel Feuerstein. Thérèse-Esther savait veiller sur ses amies.Parmi les militaires américains envoyés en rééducation se trouvaient quelques musiciens noirs jouant du jazz. Après tout, certains dictionnaires d’entre les deux guerres ne le définissaient-ils pas comme « une musique que des nègres jouent dans les bordels de La Nouvelle-Orléans ». Ceux qui vinrent les écouter quand ils jouaient « au Golf » s’aperçurent vite que musique et musiciens valaient mille fois mieux que cette formule méprisante.Arrivèrent aussi, dans les années 1970, des bandes de jeunes chevelus qui rêvaient d’élever des chèvres en s’éclairant au feu de bois. Beaucoup repartirent après un premier hiver, mais d’autres restèrent et firent revivre le pays. L’établissement se convertit à de nouvelles musiques, de nouvelles danses, de nouveaux styles.Le « Golf » tenait ainsi, depuis plus d’un siècle, son rôle d’établissement aussi festif que discret.Nous sommes repartis vers la montagne, on a dit « à demain » à notre factrice et Béalaure a soigneusement noté les adresses et numéros de téléphone du jeune herboriste.On a à peine eu le temps d’entrevoir, sur l’écran du téléviseur, que, quelque part, dans la lointaine et mystérieuse Chine, des gens commençaient à souffrir d’une espèce de vilaine grippe et que certains en mouraient.Quoique l’Ardèche ait emprunté aux Chinois l’art d’élever les vers à soie, ce qui, culturellement, pourrait nous en rapprocher, c’est quand même bien loin la Chine !