J’avais fini de manger tôt ce soir et j’étais partagé entre prendre un livre ou descendre en ville, voir un film et aller boire un coup après, quand dans la cour j’entends un bruit familier. Grand coup de frein, portière qui claque, chien qui gémit de plaisir. Bon Dieu, j’avais oublié ! Lili ! La porte d’entrée claque la tornade arrive.— Milou, t’as oublié ! On sort ce soir, je t’avais promis de te faire rencontrer Mirka, ma copine sorcière, c’est ce soir ! Bouge, mon grand, on y va !— Tu ne veux pas boire un petit coup, le temps que je me prépare ?Je sors la gnole que je fais à l’automne avec les fruits du verger et l’alambic du grand-père. 60° minimum. Lili adore !Douche, rasoir, coup de peigne, vêtements propres et sobres, jean et pull, mon uniforme, comme dit Lili. Pompes de campagne, chaudes de préférence. La nuit est froide, il va geler, les étoiles scintillent. Une belle nuit claire.Lili m’avait dit la semaine dernière son projet de rencontrer sa copine Mirka, sorcière, chamane, druidesse, qui faisait soi-disant des miracles sur les bêtes et les gens. Connaissant Lili j’avais dit oui. Je suis d’un naturel curieux et tout m’intéresse, surtout les plans à Lili, explosifs souvent, décoiffants toujours!Sorcière, chamane, druidesse, autant de mots qui me faisaient venir des images de femmes échevelées sur leur balai, ou tapies dans d’infâmes taudis environnés de crapauds et autres chats noirs. Le cliché de base quoi.Deux trois verres après, Lili au volant, la voiture fonce dans la nuit. Les arbres dénudés font un dais de branches crochues comme des doigts tendus vers le ciel. Les quelques feuilles restantes sont comme autant de haillons oubliés par un spectre négligent.Après une heure de route, nous arrivons à un hameau perdu sur une lande. Je ne connais pas cet endroit, à cette heure-ci il paraît sinistre. Des voitures garées çà et là indiquent que nous ne sommes pas seuls. Derrière les bâtiments, une lueur dansante promet un feu. Un peu de chaleur sera bienvenue. Le vent qui était insensible en bas souffle ici à lentes bouffées glaciales.Lili prend mon bras et nous avançons. Les maisons semblent un peu à l’abandon. En tournant le coin d’un mur nous arrivons sur l’aire, terrain plat au centre de la cour. Un feu de belle taille éclaire le lieu. Une pile de bois assure que le combustible ne manquera pas. En face, des tables chargées de victuailles et de boissons disent la même chose : du combustible pour les humains.Nous sommes accueillis par une quinzaine de personnes à majorité féminine. Je connais quelques têtes, sans mettre vraiment un nom dessus. Les hommes, quatre pour l’instant, causent entre eux. Lili, à l’aise comme toujours, salue tout le monde, embrasse les hommes, les femmes, et annonce à la cantonade :— Voici Milou, mon ami très cher. C’est la première fois pour lui, je compte sur vous pour lui expliquer le sens de la fête de ce soir. Mais où est Mirka ?Une brunette, plutôt bien roulée, lui répond qu’elle n’est pas encore là. « Il est trop tôt » rajoute-t-elle d’un air polisson.Les présentations se font autour d’un vin chaud. Que des prénoms, confidentialité probablement. Tous sont détendus, joyeux et boivent sec. Vêtus simplement, sobrement, sauf une grande bringue échevelée haillonnée plutôt que vêtue, accompagnée d’un petit homme habillé en trappeur, sauf la toque de castor remplacée par une casquette graisseuse ornée du logo d’un marchand de pétrole. Lili papillonne d’un groupe à l’autre, discutant avec tout le monde. Moi, un verre à la main, je suis devant le feu avec la petite brune, Marie, qui me regarde comme un chat devant une souris bien grasse. Ses yeux disent : « Je vais te croquer tout cru, toi ». Mes yeux lui répondent : « Quand tu veux et avec plaisir, surtout du plaisir ! ».Lili me frôle et me susurre :— C’est un bon coup, elle est chaude comme la braise !Elle me mord l’oreille et repart.Marie qui a dû l’entendre se frotte de plus en plus contre ma hanche.Le vin chaud dans mon verre a une saveur de cannelle et d’autres choses. Marie me dit :— Le vin a bon goût ce soir, je ne sais ce que Mirka a mis dedans mais, si c’est comme la dernière fois, on va bien s’amuser.Sur ces paroles sibyllines, elle me plante un baiser sur la bouche et s’en va vers une grande femme nommée Jeanne que j’ai croisée une fois au village, qui semble une vieille fille raide et guindée.Je reste seul mon verre à la main, vidé, sans que je m’en aperçoive. Il a un furieux goût de revenez-y. J’y reviens.Autour de la table Bernard, un grand blond qui chasse le sanglier et que j’ai croisé dans les bois, à côté de chez moi, me dit :— La soirée va être chaude, si c’est la première fois, tu ne vas pas être déçu. Nous fêtons Yule, la fête de la lumière des temps anciens, les curés ont piqué cette date aux druides pour y mettre Noël, et nous remettons les choses en ordre. Mirka, la femme qui va venir, c’est une grande sorcière et chamane. Elle fait partie d’un des plus grands covents de France. C’est comme une religion pour moi, mais en plus intelligent et ouvert, m’explique-t-il, chacun est libre et responsable de sa vie et de ses relations avec le monde. Nous respectons la nature et tout ce qui vit, je suis apprenti druide du deuxième degré.« C’est quoi un degré ? », pensais-je. Je ne comprends rien à ce qu’il me raconte, juste que ce sacré pinard commence à me taper dessus et que j’en reprendrais bien encore un coup. Je me tourne vers Bernard pour lui en proposer.Mais à cet instant la foudre tombe sur le feu, un craquement violent secoue l’air, une nuée d’étincelles éclabousse les alentours, les flammes changent de couleur, prennent une teinte verte. Derrière le feu surgit une créature. Un tas de fringues bariolées l’emballe, des plumes, un masque de carnivore, chien, loup, ours, (un mélange des trois ?), lui couvre le chef. Des colliers de dents et de petits corps momifiés entourent son cou et tombent sur son plastron couvert de morceaux de miroir ? Une jupe façon toile à sac entoure ses hanches, à ses côtés pend une espèce de sabre ou de bâton décoré de rubans multicolores. Un clodo au carnaval ! Mirka, la chamane. Pas très grande, plutôt carrée de ce que je peux en voir. Elle est pieds nus, insensible au sol gelé.Derrière le masque, ses yeux brillants me regardent.— Il est nouveau celui-là, ce sera une bonne recrue, mettez-lui un masque, passez-lui le manteau blanc et, vous autres, préparez-vous !Tout ça dit d’un ton de commandement.Ça s’affole autour de moi, les gens se mettent à courir vers la grange, en ressortent couverts de vêtements amples marqués de runes illisibles, munis de bâtons décorés, de rubans et autres bouts de ficelle. Tous masqués, qui en loup, qui en renard, qui en corbeau, une ménagerie sauvage et belle à la fois. Un renard me pose dans les mains un masque de chat sauvage, un ou une autre un grand manteau blanc.— Va t’habiller, me dit le masque de renard. Dans la grange, garde juste tes chaussures, sans lacets, rien qui serre le corps. T’inquiète pas, il fera pas froid. Je t’accompagne pour t’aider.Dans la grange, à peine éclairée par les reflets du feu, il fait plutôt bon. Des mains impatientes me retirent mes habits, je flotte un peu. Les mains me frôlent, mon caleçon disparaît, j’ai une demi-érection venue je ne sais d’où. Le vin ? J’ai l’air un peu con la bite à l’air, mais une bouche chaude vient confirmer mon érection.— Ça suffit, Marie, plus tard, dit une voix venue de la porte.Dehors un cercle se forme autour du feu. Mirka, reconnaissable à son costume, entame une mélopée lente en s’accompagnant de son tambour. Tous se balancent peu à peu comme du blé sous le vent, chaque coup de tambour les courbe, ils se redressent et recommencent. Dans le cercle je suis pris du même mouvement, tous nous ondulons. Le rythme s’accélère, un mouvement se fait et s’instaure une danse accompagnée de bourdonnements de voix. Je suis le cercle, je flotte un peu. Satané pinard.Le rythme s’accélère et stoppe soudain sur un coup de tambour. La sorcière jette une poignée de quelque chose dans le feu qui crépite en prenant une belle couleur bleutée. Elle se tourne vers nous et commence à psalmodier une litanie incompréhensible pour moi. Je saisis les mots de printemps, renouveau, lumière, mais je flotte nonchalamment sur mon petit nuage. Une voix que je reconnais comme celle de Lili me demande si ça va, serre ma main fugacement et me lâche. Mes jambes tremblent de plus en plus. Je tombe en tas. Quelqu’un me relève m’adosse à un sac ou autre chose. Ma tête est prise dans du coton.J’ai dû dormir ? Devant moi se déroule une sarabande, les vêtements ont disparus, des êtres masqués et nus se déplacent dans tous les sens en une ronde plus ou moins ronde, autour du feu qui a crû en hauteur, des flammes immenses éclairent la cour. Les corps léchés par les flammes se parent de couleurs dorées et rougeoyantes. La musique, fifres et tambours résonnent dans ce lieu clos. Mû par mes jambes qui ont retrouvé leur vigueur, je me lance à mon tour dans cette danse échevelée. Mon manteau blanc m’entrave, je le laisse tomber derrière moi. Je suis nu comme les autres. En passant devant la table, des mains me tendent un broc rempli d’un liquide clair, de l’eau ? Non, enfin oui, de vie ! Je pète le feu soudain ! Toute inhibition envolée je saute sur les braises je cabriole, je tourne sur moi-même à l’instar des autres.Mirka est déchaînée, c’est elle qui saute le plus haut en poussant de grands cris semblables à des hululements de chouette amoureuse. Son corps brun et délié éclate de santé. Après chaque saut, elle va se frotter le torse contre un homme musclé qui l’accueille avec bonheur, son sexe se dressant un peu plus à chaque fois.Sortant un instant du cercle, elle se penche, montrant ses fesses musclées et une fente rose épilée soigneusement, ramasse un faisceau de branches feuillées, le trempe dans un récipient et fouette chacun en bas du dos, sur les fesses sur le ventre sur le sexe. Chaque contact avec les branches allume un feu violent, chaud et froid à la fois, qui nous fait hurler de douleur et de plaisir mélangé.Un petit corps brun vient se frotter à moi, sous son masque de renarde ses cheveux châtains flottent librement. Elle sent le fauve, mais une odeur terriblement érotique qui met mes sens en émoi et ma queue au garde à vous. Lili passe, m’empoigne les testicules. Mes mains ne restent pas inactives et vont de son mont de Vénus à ses seins. Une autre main me caresse les fesses et très vite un tourbillon de caresses m’entoure, me palpe ou me frôle. Je rends coup pour coup, m’égarant dans des entrecuisses fiévreux et trempés. Bernard s’en est pris à Jeanne, à genoux devant elle le nez enfoui dans son bas ventre. Elle, la bouche grande ouverte, se laisse faire en remuant sa tête. Des couples s’assemblent, se délient, renouent. Peu à peu l’atmosphère se remplit d’odeurs diverses, un paradis de phéromones à rendre jaloux un lupanar romain. Dans la grange ou du foin avait été répandu à foison, des couches improvisées de vêtements reçoivent les corps emmêlés.Marie la première à me chevaucher, déchaînée se plante sur mon pieu, puis les autres, Lili aussi. Les femmes passaient d’hommes en hommes les hommes de femme en femme. Chacun trouvait son plaisir, Mirka accueille tout le monde, hommes, femmes, elle reçoit le sperme des hommes sur son corps et Jeanne, occupée par derrière par une femme affamée de son cul, la lèche avec empressement, tout en branlant un homme, velu comme un ours et muni d’un braquemart de belle dimension. Trois femmes s’abattent sur Bernard, dans un tourbillon de cul de cheveux et de mains, il disparaît sous les corps, de temps en temps émerge un membre, un coin de peau, en réchappera-t-il ? Quant à moi je suis aussi submergé entre Lili et Marie, je ne sais où donner de la bouche, des mains et du sexe. Marie coule abondamment, de son sexe fauve coule une liqueur qui se pose et s’étale sur ma peau comme un vernis. Elle est assise sur moi, empalée. Lili vautrée en travers de moi lui lèche le clitoris. Mes doigts dans sa chatte vont lui caresser l’intérieur du vagin, ce qu’elle semble apprécier. Les petits seins de Marie appellent ma main restante, ils se tiennent au garde à vous, leurs pointes roses semblent électriques, dès que je les touche, elle fait entendre des petits cris de souris excitée qui m’incitent à recommencer encore. Nous jouissons presque ensemble. Marie vient s’allonger à côté de moi, prend la bouche de Lili et lui roule langoureusement une pelle tout en continuant de me caresser dans l’espoir de me faire rebander.Laissant les deux femmes continuer leurs caresses, je sors dans la cour récupérer un peu et faire une pose régénératrice.Sur les braises du feu tournait un porcelet, accompagné de deux ou trois rôtis. Pain, gâteaux, boissons, attendaient sur une table voisine. Un plateau de charcuterie me fait de l’œil. Je ne peux résister.Lili vient me rejoindre, habillée d’une veste courte, qui lui dévoile les fesses, elle s’appuie à moi.— Alors ça te plaît ?— Je suis vidé ! J’aurais jamais pensé que le sabbat c’était aussi rigolo ! Passe-moi donc une tranche de pain, avec le bout de jambon ! Faut que je me refasse. Depuis combien de temps fréquentes-tu ces joyeux lurons ?— Oh cela à commencé il y a un an environ, Lucette que tu connais bien, m’a emmené voir Mirka pour une histoire de soins et elle m’a fait découvrir ce monde. Il n’y a pas que le cul, mais aussi les arbres, les plantes, la terre. D’autres cérémonies sont prévues au cours de l’année, plus sérieuses, où on s’occupe de soigner la terre, les plantes et les animaux.La bouche pleine, j’écoute Lili. Dans sa petite veste à ras le bonbon, elle est craquante, je sens qu’en bas ça s’agite. Je pose verre et assiette, la prends par la main et je l’entraîne vers la grange. Une main posée sur ses fesses, je la pousse vers un tas de couvertures où nous nous enfouissons. J’ai retrouvé la forme ! S’ensuit un long moment de caresses et de baisers qui font monter le désir encore plus. Elle qui est si vive, maintenant dans mes bras se laisse aller. Ma douce Lili est allongée sur moi, son corps pèse comme une plume, elle remue un tout petit peu son bassin comme pour m’installer en elle. Son sexe humide m’absorbe entièrement. Je fonds dans cette douceur, s’ensuit un grand blanc…Un jour blafard éclaire la grange, Lili à côté de moi ronfle doucement, C’est le matin ? D’autres corps nous entourent, baillent, s’étirent s’habillent. Posant un baiser sur le front de Lili, en me tortillant comme un asticot je sors des couvertures. Je passe un moment avant de retrouver mes habits épars.Dehors, réunis autour du feu ranimé circulent bols et tartines. Mirka reste invisible.Peu à peu chacun s’en va non sans avoir ramassé un tison éteint.— Mets-le dans ta ferme, me dit Bernard, avec la nuit qu’on a passée, ça fera venir des petits, c’est un talisman de fécondité !Lili rigole, ramasse un gros bout de bois me le fourre dans la poche.— Comme ça tu seras en forme pour me faire plein de petits !Le brouillard s’est levé, un pâle soleil éclaire les environs. Nous regagnons la voiture accompagnés de Marie qui bavarde gaiement. Si cette nuit elle ressemblait à un renard, ce matin, emballée dans sa doudoune, c’est un rouge gorge, sautillante rondouillette, son œil noir à l’affût de tout. Je rigole, elle rit de me voir rire et nous finissons dans un fou rire qui nous accompagne sur le chemin.