Suite à mes confessions de femme frigide…Ce second épisode, on s’en apercevra, n’était initialement pas prévu. Sa compréhension (s’il est ici quelque chose de compréhensible là-dedans) suppose la lecture préalable des « Confessions d’une femme frigide ».Résumé de l’épisode précédent :Femme frigide, je tente quelques expériences destinées à guérir sans résultat probant. En désespoir de cause, je confesse mon mal aux lecteurs de Rêvebébé.RemerciementsJ’avais décidé de ne produire qu’un seul texte sur Rêvebébé, « Confessions d’une femme frigide », mais il faut croire que mes bonnes résolutions sont vouées à rester lettres mortes. Gageons qu’il n’y en aura pas de troisième. Quelles sont les excellentes mauvaises raisons de ce revirement ? Évidemment, vous lecteurs et lectrices qui m’avez submergée sous un flot de messages et de questions. Ne soyons pas bégueule, j’avoue avoir été touchée par votre sollicitude ainsi que, dans une moindre mesure, par vos compliments qui m’ont consacrée auteure, digne de figurer parmi vous sur le site. Je tiens à vous en remercier très sincèrement, tous, même ceux qui ont manifesté quelques doutes ou ont exprimé des critiques, fort légitimes d’ailleurs. Devant l’abondance de vos commentaires, surtout par émails, j’avais soit la possibilité de ne répondre à aucun, soit de retourner à chacun de vous un bref courrier préformaté et vaguement personnalisé. J’ai choisi une troisième option, vous conter la suite de ce que je suis contrainte de qualifier d’aventure. Après confesse et absolution publique, on a hâte de se livrer à de nouvelles inconduites. Jugez-en plutôt !Excusez-moi enfin de cette présentation trop courte et insuffisante à exposer l’intégralité des péripéties assorties des nuances qui font leur charme.-oOo-L’un de vos hommages m’a particulièrement interloquée :« Très chère,Ne vous offusquez pas de ce titre que rien ne justifie, a priori, entre deux inconnus, rien si ce n’est, de ma part, le sentiment d’une communauté d’idées et de ressenti. Songez donc, c’est la première fois que je me risque, non sans quelques craintes, à contacter un auteur.Bravo ! J’ai follement vibré à la lecture de votre texte grisant et intense. J’ai partagé vos émotions si éloquemment restituées et si élégamment contées autant qu’adoré la langue dont vous les avez emballées. Votre verbe sonne juste et percute. Si je ne prise guère les personnages trop raides dans leurs bottes, j’ai, à l’inverse, beaucoup apprécié votre manière d’osciller sur vos talons. Comme vous, je souffre d’un mal invisible, hélas, en ce qui me concerne, incurable. Rassurez-vous, il n’est ni contagieux, ni dangereux, ni même disgracieux.Un indice me fait supposer que vous habitez à proximité. Si c’était le cas, puis-je espérer un jour vous rencontrer et tenter d’expurger vos maux ? La présomption ne m’égare pas jusqu’au point de penser pouvoir vous guérir, néanmoins j’imagine une thérapie par le jeu susceptible d’adoucir votre tourment.Alexalex.muler-67@gmail.com » Bien sûr, hormis Alex, le libellé de cette adresse est pure fantaisie. Mon réflexe immédiat fut d’y voir un dragueur impénitent parmi d’autres. Toutefois l’aveu d’un mal mystérieux et l’adresse qui ne ressemblait pas à un pseudo composé à des desseins exclusivement fripons retinrent mon attention. Il osait s’exposer, était-ce confiance ou naïveté ? Bon, s’il devait en être un, ce serait celui-là. Je me décidais à lui écrire : « Cher Alex,Vos louanges m’ont fait rougir d’aise, et je vous en remercie. J’ai l’impression de deviner quels sont ces jeux qui attisent votre imagination. Envoyez-moi votre adresse complète, je verrais si une entrevue est envisageable.Charmée,Lamiel » Trois heures plus tard, une notification m’annonçait la réception d’un message. « Très chère Lamiel,Je n’osais briguer si prompte réaction. À vrai dire, je pensais même que ma missive demeurerait lettre morte. Je suppose que, vous enquérant de mon adresse complète, vous me lancez un défi souhaitant tester ma confiance : c’est normal et je ne m’en scandalise nullement, vous la trouverez au bas de ce courrier.Quant à imaginer ce que j’imagine, rien de plus simple, c’est vous qui m’en avez fourni la trame avec l’histoire de votre amie Jocelyne d’abord, votre engouement à l’égard des prostituées ensuite. Vous en êtes donc dès à présent maîtresse d’œuvre et je ne ferais que me conformer à vos desiderata. Je nous ai imaginés dans cette scène, vous tenant le rôle de Jocelyne, pendant que je vous tripatouillerai sans scrupule. Au reste, n’ayez pas peur, je vous assure que je suis parfaitement incapable de contraindre qui que ce soit, à quoi que ce soit, contre son gré.Alex » Suivait son adresse postale qui me permit de constater que nous habitions effectivement la même ville, quoiqu’à l’opposé.Il tapait juste ! L’histoire de Jocelyne m’avait tellement aguichée que je l’en avais jalousée et me désespérais d’en vivre un équivalent. Cette seule perspective suffit à emporter mon assentiment. Il ne fallait néanmoins rien précipiter. Je rongeais mon frein deux jours durant avant de lui envoyer le courriel suivant : « Cher Alex,Vous trouvez les mots qui convainquent, toutefois la prochaine fête des Lumières se déroulera dans sept mois et je crains d’être vieille et laide d’ici là.Je vous suis presque acquise sauf que j’ignore totalement ce que cache ce vous.Lamiel » La réplique, elle, fusa, ce qui m’incita à penser qu’il avait dû la mitonner depuis quelque temps. « Très chère Lamiel,Votre seul nom déjà résonne à mes oreilles comme une promesse de félicité, et irrigue mes veines ainsi que miel. Vous vous êtes introduite par effraction dans ma vie pour la transformer en folie, en obsession. Comment ? Pourquoi ? Que sais-je de vous ? Quelques mots livrés en pâture à tout venant, que j’ai choisi d’entendre véridiques. Et pourtant, j’ai le sentiment de vous connaître mieux que quiconque. Quel mystérieux message subliminal avez-vous dissimulé à mon intention entre vos phrases afin que j’y succombe. Depuis notre échange, vous hantez mes pensées et envahissez ma vie ; je m’endors à vos côtés, vous peuplez mon sommeil et irradiez mon réveil de votre soleil. Pendant la journée, vous éblouissez mon esprit d’images si prégnantes qu’elles y éclipsent les autres. Comme vous devez l’espérer, elles ne sont cependant pas toutes très chastes. Oui, j’aimerais vous accabler de caresses jusqu’à ce que vous imploriez grâce, vous arracher des soupirs jusqu’à ce que vous vous en étrangliez.Quant à moi, qui suis-je ? L’animal qui s’enorgueillit d’y parvenir, votre humble et dévoué caudataire qui revendique le privilège d’avoir su vous débusquer entre vos lignes. Admettons que je n’existe pour vous que par vous.Vous avez raison, la prochaine fête lyonnaise est bien loin et j’avoue mon impatience de vous connaître encore jeune et belle. Je vous propose donc de la simuler dans le confort discret (et douillet) de mon appartement. Je vous y attendrai demain à 15 h. Si vous êtes joueuse, je peux vous éviter le choix toujours difficile d’une toilette en vous suggérant de ne porter qu’une somptueuse lingerie sous votre manteau. Je préconise aussi qu’un silence absolu encadre le début de notre rencontre. J’espère vous soumettre en toute confidentialité aux vertiges et transes de Jocelyne.Excusez la liberté de ces paroles, mais si j’osais…Enfin, il ne tient qu’à vous de permettre.À demain donc ! Combien de fois, d’ici là, ma chère Lamiel, ton prénom assaillira-t-il mon esprit halluciné et souhaiterais-je convertir Lamiel en Lamienne !Rien qu’à toi, Alex. » Le bougre grillait les étapes, affichait ostensiblement ses libidineuses intentions, ce qui néanmoins ne me déplaisait point. Demain, il n’y songeait pas ! Je m’étais engagée à participer à une importante conférence. Au diable le boulot, on ne saurait se dérober à un premier rendez-vous. Et puis cette proposition de me rendre nue chez lui me fouettait le sang. Il me fallait différer la réponse, le laisser frire sur le gril de ses envies et tester sa constance, voir si malgré mon mutisme, il restait dans ces dispositions. Quatre messages de relance plus tard, je lui envoyais un laconique « OK ».-oOo-J’use de toute la puissance de la force de frappe de mes dentelles, hésite à ceindre la guêpière, mais renonce, car elle m’emprisonnera trop. Soutien-gorge pigeonnant, culotte froufroutante, porte-jarretelles affriolant seront par contre de la partie.Un immeuble cossu – Alex Muller – je sonne – le loquet grésille – ascenseur – mon dieu combien un misérable adultère fait-il battre mon cœur – un long couloir – sur une porte son nom et collé dessus une enveloppe ornée du mien – elle contient un bandeau et ces simples mots – « vous êtes joueuse : le noir et le silence seront notre règle ». Je m’aveugle, puis frappe. Immédiatement la porte s’ouvre, une main saisit la mienne et me guide, sans doute au centre d’une pièce où elle me lâche. Bientôt, elle palpe énergiquement mon fessier. Je réprime un sursaut, et titube légèrement sur mes aiguilles. Le contrat était clair et j’y ai souscrit à cette fin. J’écarte un peu mes jambes visant à raffermir ma stabilité tout en cédant à une seconde de panique ; combien sont-ils là, face à moi, à me zyeuter sans vergogne ? Je conçois combien la politique de l’autruche a du bon, car un danger occulté s’estompe, d’autre part, en cet état, rien ne viendra me distraire de mes sensations. La rôdeuse déjà les exacerbe, arpente mon flanc, cajole mon cul. Je le tends en arrière afin de renforcer le contact. Ce prélude me ravit si fort que j’ai envie de le prolonger indéfiniment et pourtant je m’agace, bous de dépasser ces préliminaires et d’atteindre au vif du sujet, d’être débarrassée de la carapace isolante de mon manteau, de me livrer nue ou presque, de consommer ma délicieuse indignité.Enfin, un corps se colle contre mon dos et la main se faufile au fond de ma poche. Dans le calme feutré de l’appartement chuinte le crissement d’une étoffe qu’on lacère. Une incommensurable volupté m’envahit dès cet instant. Je quitte les vicissitudes du quotidien et m’échappe vers un monde fantasque, ouaté et onirique. Surtout, il me semble accéder à une forme de désir que j’ignorais qui combine sensualité et sentimentalité, qui ne se borne pas à être désir de l’autre, mais s’enrichit en étant désir du désir de l’autre. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, suppose l’axiome : hélas, rien de lumineux ici, seulement les chatoiements d’un clair-obscur, et mon souhait d’entretenir cette confusion.La suite de ce propos n’est ainsi que l’expression fautive de péripéties difficiles à dépeindre et ne correspond qu’approximativement à mon vécu qui reste très embrouillé. Comment pourrais-je me souvenir de commotions et de perceptions qui m’ont hébétée et qui, dès que je me les remémore, désorganisent une claire raison, m’abandonnent pantoise devant ma page blanche. Le simulacre d’ordre que je vais introduire, les tentatives de ratiocination dont je n’eus cure alors, procèdent des exigences de la grammaire, de la cohérence de la narration et de la linéarité textuelle, contraintes fort impropres à traduire les chocs émotionnels, les télescopages de sentiments contrastés. Rapportant ces évènements, je vise bien plus à les revivre qu’à les relater. À tel point que j’ai revêtu, en vue de les transcrire, la tenue de l’autre jour, manteau en moins et que c’est pratiquement nue que je m’applique à rédiger l’épisode.Quand les phalanges indiscrètes investissent la brèche ouverte et s’aventurent sur les sensibilités de mon ventre, s’égarent sur mon petit mont dodu ébouriffant sa touffe soigneusement élaguée, je me jette en avant, impudique. Elles ne se précipitent pas davantage et prennent soin d’en repeigner les frisottis puis descendent, inexorables, vers ma brûlure où elles effleurent mes lèvres secrètes, affectueusement, pour récolter les premières larmes de ma félicité. Mon dieu, je mouille… Je discerne cette ardente moiteur qui englue ma chatte et me semble s’étendre jusqu’à envelopper mon corps entier. Ma propre main, au-dessus de mon manteau, engage la fouineuse à plus de hardiesse. Celle-ci dispense un tel rayonnement qu’elle m’irradie, même en l’absence d’une vénielle palpation. Exaltée par mes fièvres, je déboutonne le haut de mon accoutrement que j’entrebâille amplement – des voyeurs, s’il y en a, apprécieront – et pelote mes seins durs et dilatés, toujours camouflés sous leur ruche de dentelle. Avec un râle qui condense les accents d’une supplique, j’implore : « Vas-y… vas-y enfin ! » Alors, lentement, comme à regret, un doigt me pénètre et me fouille. Convulsivement, je me resserre sur lui.Comment se fait-il que lorsque mon mari me traite presque à l’identique, les résultats en soient aux antipodes ? Peut-être que cette mise en scène me détourne et me libère de mes craintes obsessionnelles, que ma disponibilité donc s’en améliore. Ici je joue, et ainsi qu’acteur, me laisse emporter par mon rôle. À domicile le sérieux, l’importance et les enjeux du manège m’interdisent ce relâchement. Cela néanmoins ne fournit qu’une explication partielle. Les attouchements de mon amant inconnu recèlent tant de mystères, une chaleur et une affabilité telles que j’accède à des ivresses ignorées. Tout, depuis que j’ai franchi le seuil de cette caverne, m’est étranger et je n’échappe pas à cette règle me percevant étrangère à moi-même. Il muse dans mon cou, et sa langue y suscite des frissons qui trahissent mes convoitises. Un puis deux autres explorateurs rejoignent l’éclaireur et mènent une sarabande endiablée. Sans que je ne m’y attende, ils déclenchent un tsunami, une lame de fond qui me bouscule et me chavire. Mes guibolles se dérobent et je lâche un interminable hululement.Heureusement, on me soutient sans quoi je m’affalerais, pantin inconsistant, déjà terrassée par ma trop rapide et brève jouissance. On me dépouille graduellement de ma carapace et des lèvres gloutonnes poursuivent le nonchalant reflux du textile, hérissant ma peau d’une grisante horripilation. Quand celui-ci s’évade le long de mes lombes, les caresses énamourées qui le traquent m’affolent si fort, que même désireuse des prochains rebondissements et en dépit d’une stricte logique, j’aimerais que cette situation s’éternise.La pelisse enfin s’affaisse à mes pieds et je m’exhibe maintenant, complètement découverte, follement nue sous mes guipures, devant mon invisible adulateur. Un soupçon de fierté m’encourage. Je me redresse afin de valoriser la finesse de mes lignes et la fermeté de mes rondeurs. Me poussant par les épaules, on me fait avancer vers une pièce contiguë où l’on m’assied puis me couche, le dos sur un lit qui fleure la lavande, les jambes ballantes. On les écarte et un corps fluet, à mon plus grand étonnement toujours vêtu, se faufile entre elles. Des doigts, une armée de doigts, tambourinent sur mon ventre, rythmant le tremblement qui m’agite, escortant une pointe de langue qui visite mon nombril.On agrippe les côtés de ma culotte que l’on me retire insensiblement. Une haleine torride embrase mon intimité avant qu’une bouche gourmande ne vienne en aspirer les nectars. Je ne peux plus contenir mes gémissements. Ce délicieux supplice se prolonge. Je sens s’enfler une prodigieuse explosion, et soudain, quand j’atteins l’orée d’une déflagration que j’imagine finale, un arrêt brutal me condamne aux affres de Tantale. C’est horrible, dire que je touchais à l’apothéose ! J’égrène une longue plainte qui ne réveille aucun écho. Quelques gestes précis et empreints de bienveillance m’invitent à m’installer à quatre pattes sur le lit, position que j’affectionne avec mon époux, car elle lui dissimule l’apathie de mon visage.Je n’avais jamais constaté la réceptivité de mon postérieur aux caresses. On le flatte et l’embrasse, le malaxe et le pince subtilement, l’échaude de baves ignées et le masse. Bientôt un objet raide et oblong s’insinue entre mes jambes. Je palpite à la limite de la défaillance, c’est trop bon. Un bras m’enlace, une main effilée dirige délicatement cette verge vers les portes d’un huis fébrile qui l’attend impatiemment. La poussée ensuite, par courtes saccades, me fait vibrer et chaque degré de pénétration génère des cascades d’émotions. Je m’étonne de la profondeur de mon vagin qui à chaque élan, à chaque retrait de l’intruse ne cesse de s’excaver. Maintenant le pilonnage gagne en ampleur et je suis écartelée. Pas un pouce de mes chairs qui ne soit épargné. Tandis qu’une friponne flâne sur mes épaules et mon cou pour finir par s’établir sur mon buste, l’autre fureteuse baguenaude en lisière de ma chatte inondée. Le monde alentour tourbillonne et vacille d’autant plus que je suis aveugle et ne peux fixer une quelconque ligne d’horizon.Mes geignements se mêlent à un souffle guttural et ces sons conjugués cadencent des éclairs jubilatoires qui s’intensifient progressivement. Une bourrasque tord mes entrailles, je me désagrège. Je suis la noyée qui se débat, tente d’émerger, mais se sent inéluctablement entraînée vers les abysses et c’est si bon !Un éblouissement et un anéantissement, je sombre, comblée, enfin presque, car je conserve le vague sentiment de n’avoir pas épuisé les ressources du plaisir, qu’une nuance m’en a échappé, la vétille qui précisément pimente la démarche pour lui conférer tout son relief. Quelque chose manque toujours à mon euphorie. Qu’importe, je le subodore, le Graal est proche.On m’ôte le bandeau. C’est sous l’impulsion d’une main aimable, caressant mon buste, que je recouvre doucement mes esprits. Une lumière chaude, orangée et caressante baigne la chambre, enlumine ma peau d’éclats mordorés. Cet éclairage de crépuscule tourmenté, filtrant entre des nuées d’orage, renforce ma sensation de naître ou de renaître. Une bienheureuse asthénie empâte mes muscles et un brouillard exquis embrume mes neurones. Je me tourne vers lui et ne distingue d’abord que sa bouche vampire, toujours humide de ses baisers et de mes débordements. Ce sont ensuite des yeux émeraude, pailletés d’or dont le chatoiement transperce les nébulosités de mon inconscience qui me sourient. Peu à peu un visage d’ange se compose, encadré de longues mèches frisées auburn. Stupeur ! Je me frotte les mirettes, incrédule un instant, l’homme s’est métamorphosé en fée, mon amant est une amante ! La chimère cède sa place à une réalité plus étonnante encore. Face à cette séduisante gamine qui affiche moins de trente ans, je balbutie faiblement « C’est toi, Alex ? ». Un peu penaude, elle opine de la tête. « Mais… mais tu es une femme ? ». Elle se redresse, se débarrasse du juste corps très serré qui comprime sa poitrine et dévoile deux jumeaux magnifiques aux tétons cabrés. Extrêmement perplexe, j’y porte une main hésitante et timide pour m’assurer de leur authenticité. Elle frémit, quant à moi, on dirait que j’ai peur de m’électrocuter. Ce sein, dans mon entendement chancelant, agrège et représente ma surprise, mes admirations, ainsi que mes plus extravagantes envies doublées des alarmes qu’elles suscitent.Elle s’empare d’un boîtier à peine plus volumineux qu’un téléphone portable et y saisit un code. Aussitôt une voix légèrement métallique résonne marquée à présent d’un timbre nettement féminin.— Je me prénomme Alexandra, mais tout le monde m’appelle Alex. Dès mon premier message, je t’avais confessé un mal incurable. En fait, ils sont deux, car je suis muette et femme. Considères-tu ces tares rédhibitoires ?Décidément, je vole de stupéfaction en consternation.Son air désolé, suppliant presque, la rend adorable. Je suis désarçonnée par la terrible cavalcade des évènements et, débordée, ne sais plus que penser. En moins d’une heure, les révélations d’un plaisir prodigieux et celle de l’amour au féminin avec une partenaire qui sait transmuer sa mutité en une extraordinaire éloquence des regards, des pauses et des gestes. Si c’est la transgression qui m’attirait, je suis servie !Je la découvre maintenant au bord des larmes, suspendue à mes lèvres, attendant mon verdict, accablée par le délai de ma réaction. De quelle autre réplique puis-je la gratifier sinon de la serrer dans mes bras, en écrasant sa bouche de la mienne, lui signifiant ainsi mon assentiment et montrant que je ne m’effraye nullement de son infirmité. Nous partageons les fièvres d’un interminable baiser qui me la révèle volubile. À l’issue de cette étreinte, je ne sais m’empêcher de l’interroger : « Je t’ai pourtant éprouvé homme auparavant ? ». En guise de réponse, d’un mouvement de son menton, elle désigne le bas du lit où traîne un godemiché ceinture luisant de mes baves intimes. Je ris d’avoir été abusée par cet artifice. Après avoir pianoté sur son clavier, elle me le tend et celui-ci rugit :— Je me présente, je suis un synthétiseur vocal et m’appelle Al, diminutif d’Alex dont je traduis les pensées et vous transmets les affections.Elle me le retire et quelques touches plus tard l’appareil s’excuse :— Pardon, j’ai commis une impardonnable faute de tonalité. J’ai sélectionné ‘indigné’ au lieu de ‘tendre’. Puis il reprend la phrase précédente sur un ton beaucoup plus suave.Je rigole de bon cœur.Longtemps ensuite nous restons couchées, face-à-face et nous admirant réciproquement, perdues dans un songe éveillé, éblouies. Nous nous apprivoisons et nous approprions mutuellement, tout en douceur, nous accouplant à la faveur de la verve de nos regards. Son teint de lys, ses senteurs de vanille, sa peau de pêche imperceptiblement duvetée, ses splendides oranges couronnées d’arrogantes framboises érubescentes, son juteux abricot, ses yeux en amande, ses lèvres charnues, pulpeuses comme des quartiers d’agrumes, c’est un Arcimboldo inspiré par les grâces féminines et point n’est besoin d’y adjoindre une cucurbitacée importune et vaniteuse.Nous nous effleurons, ce qui nous arrache de petits spasmes et de grands sourires embués de complicité. Il en résulte bientôt une insupportable quoiqu’exquise tension et j’ai l’impression que des étincelles électriques jaillissent du bout de nos doigts. De la pointe de mes ongles, je redessine une Carte du Tendre sur sa gorge en suivant le parcours de ses veines bleues que gonflent et pulsent leur charge de désir et d’anxiété.Une étonnante faim d’elle me saisit et je repars à l’assaut de ses lèvres auxquelles je dévoue mes ferveurs. Le miracle, non le mot n’est pas trop fort, se produit : à quelques minutes d’intervalle, en dépit ou en raison de l’étrangeté de ce que je vis, mes plus folles convoitises ressuscitent et me submergent. Il faut impérativement que je dispense à la belle Alexandra un équivalent des émois qu’elle m’a prodigués, avec usure, s’il se peut. Et me voilà, tour à tour panthère, chatte ou tigresse, féline en tout cas, plus tempérée, câline et docile par moment, afin de nous permettre de déguster l’ampleur de nos bouleversements. C’est moi qui conduis la danse, ce dont, jusqu’alors, je m’estimais absolument incapable. Frigide ou non, pas une seconde je ne m’en préoccupe. Balayant l’ébauche même d’une considération stratégique, seule compte ma volonté de l’élever au Nirvana.Nos corps, semble-t-il, conçus pour cette union, s’ajustent à la perfection ainsi que nos bouches auparavant et se fondent l’un dans l’autre. Ils s’enchâssent parfaitement, prévus, semble-t-il, pour se compléter, et on pourrait croire que nous nous absorbons mutuellement. Liane souple, elle m’enlace de tous ses membres qui sont légion, me sangle et me broie de son étouffante constriction, tandis que fauve aux aguets, je n’hésite pas à l’égratigner des banderilles de mes griffes. D’un commun accord, nous méprisons le misérable succédané en plastique. Je me perds entre ses cuisses et me noie dans les enchantements de ses nymphes moites.Lorsque nous nous établissons tête-bêche, je perçois son sexe telle une coupe généreusement offerte. Je n’avais, avant ce jour, jugé les organes génitaux d’une femme que comme un objet honteux et presque obscène et voilà que j’y distingue un calice floral somptueusement épanoui et pleurant ses voluptés. Je n’avais pas plus imaginé le gentil cabochon de chair qui abreuve mes papilles d’ambroisie aussi séduisant. Si Alex m’a décongelée, je l’en dédommage en mettant en œuvre l’impétuosité de mes talents, hélas novices, et elle trépide sous mes doigts, ma bouche et ma langue.Faisant l’amour avec des hommes (il y en eut avant mon mari), je m’appliquais à prévoir leurs fantaisies répondant à l’obligation informulée de les devancer. Rien de tel ici, le ballet de nos corps se règle de lui-même. Il n’est pas un instant où je m’angoisse quant à la suite des opérations, de ce qu’elle souhaite que je lui fasse ou de ce que j’aimerais qu’elle m’inflige et nos cajoleries s’ordonnent naturellement. Un tourbillon ascendant nous élève vers un ciel parsemé de papillons multicolores.Une seconde, la superbe Alex, saisie d’un incoercible tremblement, émet des borborygmes éloquents et je m’accorde à son divin délire. Des flammèches sillonnent mes entrailles, mes chairs s’embrasent, mon cœur crépite, ma vue se brouille, une pensée toutefois, celle d’un alpiniste joignant la cime des Annapurna, cri de victoire et de soulagement « enfin » par rapport auquel l’eurêka d’Archimède aurait fait triste mine.Nous nous effondrons inextricablement emmêlées, bercées par la cantate de nos halètements rauques. Quand je rouvre les yeux, elle est penchée sur moi, me contemple pleine de ravissement tandis qu’un lourd sanglot perle au coin de son œil.— Ainsi donc, tu ne m’en veux pas ? susurre Al.— Et comment t’en voudrais-je de tant de bonheur ?— À la lecture de ton texte, j’ai auguré que nous pourrions nous aimer, me suis-je fourvoyée ?— J’avoue être venue avec l’intention de satisfaire des pulsions primaires, m’adonner en quelque sorte à un adultère thérapeutique. Il est vrai que disposant de quinze ans d’arriérés, je ne pouvais espérer les solder en une seule séance, mais tu présides au plus indescriptible des chambardements. Je n’attendais nullement cela et tu m’as entraînée, à mon corps consentant et mon régal, vers des horizons totalement insoupçonnés que je ne saurais, à l’avenir, dédaigner. Aucune sirène ne m’avait jusqu’à présent circonvenue, aucun faune d’ailleurs non plus. Étais-je tribade qui s’ignorait, j’en serais fort étonnée, pourtant nombre de femmes doivent réagir comme moi, stupéfaite lors d’un premier accostage sur les berges de Lesbos. Mais plus grave, tu m’as profondément émue bien au-delà des attentes d’une sensualité frustrée.Nous poursuivons ensuite en confidences et elles sont captivantes. Mon amante est d’une vélocité surprenante sur son clavier. Oui, elle aussi, la vie l’a frustrée, oui, elle aussi, a traversé le désert de l’absence d’orgasme, oui, elle aussi, se sent tiraillée entre son handicap et ses aspirations, oui, elle aussi, apprécie la lingerie sophistiquée qui ennoblit et sublime si agréablement les corps féminins et singulièrement, elle aussi, est fascinée par les fleurs de bitume, l’aspect vénal excepté. Oui, ma bouteille jetée à l’océan du Web l’a troublée ou pis, l’a foudroyée et, inexplicablement, elle s’est sentie immédiatement en totale empathie avec moi. Non, pas plus que moi, elle n’a précédemment sacrifié à Sapho, bien qu’en en ayant subi maintes fois l’attraction. Il lui fallait impérativement tenter sa chance et profiter de l’aubaine.Elle est jeune et mignonne et de nombreux mâles la courtisent convaincus que le fait d’oublier sa mutité le temps d’une baise la récompense suffisamment, les affranchit des moindres civilités et ils l’ont traitée régulièrement en serpillière.Les jours suivants, nous nous retrouvons dès que nous parvenons à nous libérer conjointement. Une complicité charmante nous unit, au-delà des allégresses partagées. Elle me pousse très vite à des jeux coquins. Un après-midi, elle me racole dans une allée déserte du parc à deux pas de chez elle. Le lendemain, elle m’invite à inverser les rôles. Me voici affublée de la tenue de notre première rencontre. La garce ne se hâte pas et j’attire déjà les regards libidineux de quelques passants. Un jouvenceau encore boutonneux entame une spirale dont j’occupe le foyer. Je suis aux anges autant que terrifiée. Mon portable bipe. Son texto :« Tu te mets insuffisamment en valeur, ouvre davantage ton manteau, dégage et expose l’une de tes jambes plus haut. Il faut que l’on distingue la peau nue au-dessus du bas ».Elle doit m’observer d’un affût caché, s’égayer de mes embarras sans comprendre que je risque l’agression à tout moment. Je m’exécute néanmoins, fébrile. Enfin, elle apparaît et négocie âprement mes tarifs. Nous drainons au moins les vigilances de quatre paires d’yeux quand elle récidive ensuite devant ce public l’exercice de la fête des Lumières.-oOo-Voilà deux semaines que nous nous rencontrons journellement et à chaque fois je grimpe, nous grimpons aux rideaux (il faut croire que chez elle, les tringles sont solidement ancrées). Quel confort, une bavarde comme moi, trouve-t-elle d’autre part, face à l’auditoire d’une muette et je réponds souvent à mes propres interrogations.Bien sûr, il est trop tôt et je ne puis l’affirmer formellement, cependant je crois que je vais quitter mon mari, vivre avec elle et peut-être l’épouser ! Mon dieu, qu’en diront mes parents ! Je me demande aussi comment elle prononcera le « oui » réglementaire ? Un synthétiseur vocal est-il admis par un officier de l’état civil ? Toutefois, hormis un impondérable, les dés semblent jetés, elle inspirera mon verbe, je serai sa langue.PS : ce texte a été écrit à quatre mains – il ne lui en succédera aucun autre cette fois, je ne jouerais les prolongations sous quelque prétexte que ce soit. Mes remerciements sont d’emblée acquis à tous ceux qui me feront l’honneur de lire et de se réjouir de cette nouvelle page de ma vie.