Le commandant Pierre Dumas n’eut guère le temps de dire « ouf » : son avion de chasse explosa en plein vol, le transformant en son et lumière.Une belle fin, nette, rapide et Ă©vocatrice pour celui qui incarna l’homme viril pour toute la base, un homme canaille Ă ses heures, homme Ă femmes, au passĂ© africain chargĂ© de lourdes perplexitĂ©s Ă son encontre. Sa vie fut un splendide feu d’artifice aux mille couleurs : sa mort en fut de mĂŞme.Jean-Émile de Bassonrocaille (JEB pour les intimes) n’eut pas non plus le temps de dire « ouf » que sa voiture antĂ©diluvienne pila net sur la petite route dĂ©partementale dĂ©serte. Il sortit dĂ©pitĂ© de cette fichue automobile Ă peine payĂ©e après dix ans de traites et se tint debout, près du fossĂ©, Ă maudire cette cruelle destinĂ©e qui l’avait fait naĂ®tre titrĂ© d’une antique noblesse et sans le moindre sou vaillant. Il soupçonna Dieu d’être dĂ©finitivement du cĂ´tĂ© des manants.Tandis il maugrĂ©ait sur son sort injuste, une fine fumĂ©e sortait de dessous le capot de sa voiture. LĂ -haut dans le ciel, une fine traĂ®nĂ©e suivait l’avion de chasse qui virevoltait dans le ciel sans nuage. Jean-Émile leva les yeux et suivit, rĂŞveur, l’oiseau de mĂ©tal, songeant que c’aurait peut-ĂŞtre Ă©tĂ© lĂ sa destinĂ©e, aux commandes d’un Ă©pervier Ă©tincelant, en plein ciel, loin de la foule vulgaire, plutĂ´t que derrière un bureau administratif Ă aligner les chiffres pour en faire des nombres.Il contemplait, mĂ©ditatif, le firmament quand, soudain, une gerbe de feu illumina le ciel pourtant bleu azur. HĂ©bĂ©tĂ©, il constata que l’avion de chasse avait explosĂ© sans qu’il ne distingue aucun parachute Ă l’horizon. Frissonnant, il se dit que, finalement, sa place au sol avait du bon !Soupirant, d’un geste calculĂ© et fataliste, il sortit son tĂ©lĂ©phone portable de la poche de son costume Ă©limĂ© et composa, sans mĂŞme regarder les touches, le numĂ©ro du garagiste, un copain d’enfance chez qui il avait un abonnement Ă l’annĂ©e pour son Ă©pave roulante.— === —Pierre ouvre les yeux, un flou artistique l’entoure. OĂą est-il donc ? Il Ă©tait aux commandes de son avion pour un entraĂ®nement de routine quand, plouf, plus rien. Rien de rien, le trou noir dans toute sa splendeur.Il Ă©carquille les yeux au maximum mais rien n’y fait. Pas moyen non plus de remuer le petit doigt ou le moindre orteil. Il entend un brouhaha lointain.— Je suis dans le cake ! songe-t-il.Alors il attend que ça se passe. Ça lui rappelle le jour oĂą il avait reçu quatre balles dans le corps de la part d’un notable colonial un peu trop jaloux des charmes de sa jeune femme de 25 ans de moins que lui. Celle-ci, très dĂ©sabusĂ©e sur les performances conjugales du notable replet, avait vite flashĂ© sur le fringuant jeune homme qu’il Ă©tait alors. Un sacrĂ© numĂ©ro cette Amandine ! Il en sourit avec tendresse…Et il attend que ça se passe…— === —Jean-Émile est debout face Ă sa voiture qui vient d’être remorquĂ©e, le portefeuille bientĂ´t un peu plus vide que ce matin. Son copain le garagiste lui a encore dit qu’il serait plus intelligent de changer carrĂ©ment de voiture, plutĂ´t que de gaspiller de l’argent pour une telle antiquitĂ©. Il soupire :— Tu me feras, je prĂ©sume, un prix pour la rĂ©paration ?— Bien sĂ»r ! Tu sais que ton « machin », ça devient pour moi un cas d’école ?— Un cas d’école ? Comment cela donc ?— Je m’en sers souvent pour tester les capacitĂ©s de mes apprentis…—  ???— Oui, s’ils y arrivent Ă faire repartir ton tas de b***, ta voiture, c’est qu’ils sont douĂ©s et que je n’aurais pas de problème avec eux par la suite. C’est pour ça que tu t’en tires toujours Ă moindre frais !— À moindre frais, Ă moindre frais, c’est vite dit !Jean-Émile s’agite, marchant Ă grands pas autour de sa voiture. Le garagiste, impassible, reste accoudĂ© Ă un grand tonneau d’huile de vidange.— Râle pas, Jeb ! J’te fais mĂŞme pas payer la main d’œuvre et pas très souvent, non plus, les pièces dĂ©tachĂ©es ! Pour ĂŞtre franc, des pièces pour ta voiture, y’en a plus !— Plus du tout ? Mais comment fais-tu alors ?— Pas d’autre solution que de les prendre sur des modèles plus ou moins similaires et de les usiner dans certains cas !Jean-Émile baisse les bras, dĂ©couragĂ©. Le garagiste s’approche de lui, lui tape sur l’épaule et lui demande, amusĂ©Â :— T’avais pas un rendez-vous, toi, par hasard ?— Tu sais très bien que si !— Je sais, avec ta Clotilde prĂ©fĂ©rĂ©e ! DĂ©cidĂ©ment, les aristos ne se reproduisent qu’entre eux !— Oh, Pierre, je t’en prie !— Allez, allez, ça ne te dĂ©plairait pas de lui en coller un, de marmot (tu remarqueras que je censure ma pensĂ©e) Ă ta Clotilde ! Depuis le temps !— Ne sois pas inutilement vulgaire ! Tu connais très bien ma situation…— Ouais, ouais, tu ne pourras convoler (moi, j’dirais aut’chose) que nanti d’une situation digne de ce nom, de ton nom Ă particule, de son rang comme du tien ! N’empĂŞche…— N’empĂŞche ?— N’empĂŞche que le paternel de ta Cloclo, il n’est pas dans une meilleure situation que toi, et ta dulcinĂ©e, non plus ! Mais bon, comme je suis un manant, je ne comprends que dalle Ă ce genre de sentiment noble et Ă©levé…Le garagiste part alors d’un grand Ă©clat de rire, et Jean-Émile doit reconnaĂ®tre que ce n’est pas tout Ă fait faux…— === —Comme dans un Ă©pais brouillard, Pierre essaye de trouver des repères, quelque chose de tangible mais rien Ă faire alors il attend un peu. Le souvenir d’Amandine lui revient, cette belle jeune femme au corps magnifique, pulpeuse Ă souhait et terriblement sensuelle ! Il se dit qu’il aurait peut-ĂŞtre dû… peut-ĂŞtre… Mais il y a si longtemps, comme dans une autre vie. Il ne lui reste plus que ce souvenir, de belles images, des morceaux de vĂ©cu extraordinaire. Il songe Ă cette femme gâchĂ©e, donnĂ©e Ă ce vieux barbon quasi sĂ©nile…Oui, du gâchis !Comme une partie de sa vie d’ailleurs, Ă folâtrer Ă droite Ă gauche, de soirs de beuverie en soirĂ©es de poker dans des ambiances louches avec des types qui l’étaient plus encore. De l’alcool, du fric, des femmes, une bien belle Ă©quation qu’il pouvait se permettre au vu de sa solide constitution. Mais parfois, il enviait la sĂ©rĂ©nitĂ© de couple de certains de ses collègues. Ça le faisait sourire intĂ©rieurement, Ă l’époque ! Il enviait la vie calme de certains, tandis que d’autres enviaient sa vie de patachon ! Comme quoi que l’herbe est toujours plus verte chez le voisin…Toujours est-il qu’il ne sait pas ce qu’il fait lĂ Â ! Une image fugace valse devant ses yeux : une femme, une greluche. Pas spĂ©cialement belle, une sorte de grande perche, oui, c’est ça, une greluche, lui qui n’aime que les femmes solidement charpentĂ©es aux charmes tout en rondeurs lascives.Oui, de belles lascives aux envoĂ»tements vĂ©nĂ©neux, comme dans les films d’espionnage d’avant-guerre, matinĂ©es aux admirables courbes des magnifiques italiennes du cinĂ©ma d’après-guerre. Il en mangerait de ces femmes-lĂ , tant leur fĂ©minitĂ© suintait de l’écran, un sex-appeal infernal, sans limite, indĂ©cent, des phĂ©romones par tombereaux !Il flotte heureux de ce souvenir…— === —Jean-Émile a fini par rejoindre sa Clotilde adorĂ©e, une fine et pâle aristocrate toute en longueur, au charme discret et subtil. Son visage est fin, ses yeux dĂ©lavĂ©s, sa voix douce, sa peau de pĂŞche, ses longs cheveux rĂ©unis en chignon le rendent fou, d’autant plus fou qu’hĂ©las, il n’a toujours pas « consommé », comme on le dit allĂ©goriquement dans son milieu. Pourtant, il aimerait bien, depuis tout ce temps mais, hĂ©las, justement dans son milieu et celui de Clotilde, on ne transige pas avec certaines valeurs.Comme dans les antiques gravures victoriennes, dans le jardin de la petite maison de Clotilde, Ă l’ombre du grand arbre sĂ©culier, ils prennent le five o’clock, en toute innocence. Non, on ne transige pas avec certaines valeurs…Alors, il lui vient Ă l’esprit les fiancĂ©es Ă©ternelles comme Minnie, Daisy ou Olive (le portemanteau attitrĂ© de Popeye)… Il songe alors Ă ses anciennes lectures interdites de BD, ces nuits Ă lire sous les draps avec une lampe de poche. Ah, Dale Arden, la fiancĂ©e Ă©ternelle de Flash Gordon, cette splendide femme toujours enlevĂ©e, sĂ©questrĂ©e, toujours secourue mais jamais devenue le repos du guerrier…Surprise, Clotilde hausse les sourcils derrière ses fines montures, elle ne comprend pas bien. Jean-Émile se rend compte qu’il a pensĂ© tout haut et se rattrape illico :— Je songeais Ă ma voiture : ça en devient d’un lassant qu’elle tombe en panne pour un oui ou pour un non, ne pensez-vous pas ?— Oui, en effet, c’est dĂ©courageant qu’il en soit ainsi, mon chĂ©ri.Et elle l’embrasse chastement. Jean-Émile est content mais il en aurait voulu un peu plus quand mĂŞme ! La pensĂ©e fugace de lui arracher sa robe trop sage et de la serrer passionnĂ©ment dans ses bras jaillit en lui Ă©nergiquement, follement. Il est lui-mĂŞme surpris de cette pulsion soudaine. Mais il reconnaĂ®t en lui-mĂŞme que cette situation est très très lassante, sa Clotilde Ă la fois si proche et si lointaine !Alors il se contente de regarder le petit jardin soignĂ© de sa fiancĂ©e, d’apprĂ©cier l’ombre du grand arbre et le vert gazon anglais Ă©tendu Ă leurs pieds.— === —Pierre dĂ©ambule dans un fatras de choses et de pensĂ©es confuses. Il a vĂ©cu des tas d’évĂ©nements Ă©tranges mais celui-ci dĂ©passe les autres d’une solide longueur d’avance !Quand il touche certaines formes, des souvenirs remontent en lui, mais ce ne sont pas les siens. PoussĂ© par la curiositĂ©, il pose une main anxieuse sur un bloc frĂ©missant multicolore. Le prĂ©nom « Clotilde » le renverse alors par sa puissance.Ă€ quatre pattes sur le sol spongieux, il reprend ses esprits. D’autres blocs se teintent de couleurs vives. Il s’approche de l’un d’eux et ressent le fort dĂ©sir d’une femme, cette volontĂ© de la possĂ©der, de l’avoir rien qu’à soi. Il connaĂ®t bien ce sentiment mais celui-ci est teintĂ© de refoulement. Il s’avance vers un autre bloc. Clotilde est le mĂŞme dĂ©nominateur. Un autre bloc, ce mĂŞme prĂ©nom, encore un autre bloc, encore ce mĂŞme prĂ©nom.— Mais merde, je suis oĂą, moi ?Il regarde ces blocs qui s’agitent de plus en plus dans cet univers blanc et spongieux, ces zĂ©brures dans un ciel bas, ces soubresauts, ces espoirs qui naissent, ces pulsions qui meurent, cette envie de, cette contenance de ne pas faire.— Mais bordel de merde, je suis oĂą, moi ?Sans regarder derrière lui, il recule contre une masse froide, se colle Ă elle puis cherche Ă s’en dĂ©pĂŞtrer. La forme rĂ©siste, s’englue Ă lui. D’innombrables flots de mots et d’images l’assaillent, il comprend alors :— Bordel de bordel de merde : je suis dans quelqu’un ?— === —Jean-Émile s’agite singulièrement sur son banc, quelque chose ne va pas. Mais quoi donc ? Il avait dĂ©jĂ ressenti des frustrations d’enfer mais lĂ , ça dĂ©passe tout ce qu’il connaissait ! Il serre les poings, pense Ă son rang mais peine perdue. D’autant qu’il sent nettement que, dans son pantalon, ça prend des allures dantesques !Il se sent des vellĂ©itĂ©s de conquĂ©rant, d’aller loin, très loin, de franchir les montagnes et les mers, d’accĂ©der au plus haut des pics, de sabrer dans la forĂŞt vierge, de traverser les dĂ©serts, d’être adulĂ© des foules et des femmes, surtout d’une en particulier : sa Clotilde !SA Clotilde ! Elle est Ă lui, rien qu’à lui, elle sera Ă lui, elle sera sienne, c’est Ă©vident, limpide. Au diable les conventions Ă la con qui le baignent depuis son enfance !!— === —EngluĂ© dans la forme qui le soude Ă l’univers dont il est Ă©tranger, Pierre comprend petit Ă petit comment piloter cette interface particulièrement bizarre.Il a actuellement accès Ă la totalitĂ© du rĂ©seau neuronique de l’être qui l’hĂ©berge. Il ne comprend pas le pourquoi, ni le comment mais il sait qu’il est Ă prĂ©sent dans quelqu’un. Un quelqu’un qui a visiblement besoin de lui, maintenant qu’il connaĂ®t tout de lui, en osmose parfaite, son passĂ©, son prĂ©sent, ses limites et ses possibilitĂ©s.— Tu veux te la faire, ta Clotilde ? T’inquiète ! Papa Pierre va t’aider, mon Jeannot !Il s’essaye Ă diverses manĹ“uvres, il constate les rĂ©actions, il approuve, tout va bien, il a compris ; c’était simple, comme le fil Ă couper le beurre mais fallait le savoir. Un avion de chasse est bien plus complexe, et seul Dieu sait combien d’heures de vol il a dans les mains ! A prĂ©sent, le problème est rĂ©glĂ©Â : il a compris.Il sourit : on va voir ce qu’on va voir !— === —Clotilde parle de tout et de rien, ses lunettes glissent doucement le long de son petit nez pointu. Sous la brise qui balaye le petit jardin clos, quelques mèches s’échappent du chignon trop strict. Assis Ă ses cĂ´tĂ©s, sur le petit banc de pierre, Jean-Émile sent des bouffĂ©es de chaleur monter en lui, des envies irrĂ©pressibles, son self-control lui Ă©chappe. Ce qui n’échappe pas Ă sa fiancĂ©e :— Mais, mon chĂ©ri, qu’avez-vous ? Je vous sens absent et fĂ©brile.— Excusez-moi, ma chĂ©rie, je ne sais pas exactement ce que j’ai mais ça passera, un mauvais moment Ă passer. Sans doute ce que j’ai vĂ©cu, il y a peu.— Vous ĂŞtes sĂ»r ? Je sais que cela fut terrible pour vous ! Vous m’inquiĂ©tez, c’est bien la première fois que je vous vois en pareil Ă©tat !Sans le faire exprès, son regard glisse plus bas et elle dĂ©couvre une certaine protubĂ©rance marquante et marquĂ©e sous la ceinture. Elle rougit, dĂ©glutit puis reprend malgrĂ© tout, dans un faible souffle :— Oui… bien la première fois que je vous vois en pareil Ă©tat…— Excusez-moi, rĂ©pond machinalement Jean-Émile, qui n’a rien remarquĂ©.— Euh… beau temps, n’est-il pas ? Diverses personnes disent qu’il risque de faire très beau durant la semaine.— Pardon ?— Oui… je disais que… eh bien la semaine… belle… très belle… Enfin, oui…C’est au tour de Jean-Émile de s’étonner de voir Clotilde perdre son flegme. Elle se tortille sur place, se mord dĂ©licatement les lèvres, dĂ©tourne les yeux, respire bruyamment.— === —Pierre, lui, a Ă©tĂ© rĂ©ceptif Ă la situation. Contrairement Ă certains, il a une certaine expĂ©rience des femmes, et pas des moindres.— Bieeeen ! Tout baigne, ma cocotte ! Je sens que ton fiancĂ© va avoir deux ou trois choses Ă t’expliquer d’ici quelques temps !!Et il plonge plus loin encore dans les frustrations refoulĂ©es.— Waow l’animal, ça va pas ĂŞtre triste si je rĂ©ussis Ă flinguer ce machin-lĂ qui bloque tout !Une sorte de grosse sphère sombre aux multiples ramifications flotte dans l’espace des dĂ©sirs, inhibant les moindres oscillations des envies et des convoitises. Menaçante, elle dĂ©truit irrĂ©mĂ©diablement toute volontĂ© autre que la sienne. Tapies dans les divers recoins, des centaines de pulsions se cachent, des milliers, sans doute plus encore… Quand Pierre se prĂ©sente face Ă la masse sombre, une vague incrĂ©dule secoue l’assemblĂ©e des parias, puis tous se prennent Ă espĂ©rer…La sphère oscille puis s’élance vers l’intrus mais celui-ci est aguerri au combat. Quelques passes et très vite, la masse inhibitrice comprend que la partie ne sera pas facile. DĂ©jĂ , les pulsions s’enhardissent et se rapprochent.Grondant, le globe tĂ©nĂ©breux fait mine de foncer sur elles, elles s’éparpillent dans toutes les directions mais reviennent aussitĂ´t. Pierre en a profitĂ© pour se placer Ă son avantage puis attaque rĂ©solument. La sphère rĂ©agit violemment : qui ose ?Mais Pierre accentue son avantage, encore et encore plus.La sphère mincit, elle perd de l’importance. Ă€ prĂ©sent, elle recule quand son adversaire s’approche. Le face-Ă -face s’éternise, les pulsions s’agglutinent en un mur compact.D’un coup, la sphère attaque, mais on ne la fait pas Ă un vieux singe tel que Pierre. Celui-ci s’esquive sans problème et s’offre mĂŞme le luxe d’un bon coup de pied Ă ce qui pourrait ĂŞtre un derrière. Le globe gronde de rage et de peur. Il s’enfle dĂ©mesurĂ©ment, imposant, immense. Pierre s’inquiète un peu, se demandant quelle sera la suite.Tout va alors très vite, la masse fonce fĂ©rocement, Pierre l’évite de justesse puis se plaque au sol pour Ă©viter diverses ramifications qui cinglaient vers lui. Le globe tente un rĂ©tablissement pĂ©rilleux mais Pierre sabre du pied les minces tentacules qui essayaient de s’agripper Ă un bloc. L’attaque Ă©choue lamentablement, la sphère est complètement dĂ©sĂ©quilibrĂ©e et ripe sur le sol, rebondit, se fracassant sur divers blocs de granit, telle une baudruche crevĂ©e. Pierre se redresse d’un bond, il est maĂ®tre de la situation. Il avance vers la sphère vaincue mais il est alors devancĂ© par les pulsions qui se jettent sur la masse affalĂ©e et sans rĂ©action. La curĂ©e est terrible, Pierre en aurait presque des remords d’avoir vaincu ainsi. L’air est Ă©lectrique, chargĂ© de milliers de pulsions enfin libres.Un lĂ©ger temps d’oscillation, comme pour apprĂ©cier la victoire, puis toutes les pulsions fusent dans toutes les directions, sans plus aucun obstacle Ă prĂ©sent.— Ça risque de ne pas ĂŞtre triste, se dit Pierre en lui-mĂŞme…— === —Jean-Émile comprend exactement ce que signifie dans toute sa plĂ©nitude la notion de self-control ! Jamais, au grand jamais, il n’a Ă©prouvĂ© d’attirance aussi passionnĂ©e et dĂ©vorante pour Clotilde. Il a bien eu parfois des Ă©lans vite rĂ©primĂ©s mais jamais un tel raz-de-marĂ©e !Il s’essuie furtivement le front, croise les jambes sur son mandrin devenu dur comme le banc sur lequel il est assis. Puis il lève la tĂŞte au ciel, les yeux clos :— Pourvu que j’arrive Ă me contrĂ´ler, pourvu, pourvu !!!— Mais, m-mon chĂ©ri ! Qu’a-avez-v-vous ?Clotilde, elle aussi, semble en Ă©moi, elle en bafouille. Elle sent confusĂ©ment que quelque chose d’inattendu se passe. Elle devine obscurĂ©ment quoi : son Jean-Émile a visiblement des problèmes très prĂ©occupants et ce n’est pas forcĂ©ment liĂ© Ă sa voiture tombĂ©e en panne comme de coutume.Pour se donner une contenance, pour ne pas dĂ©clencher une rĂ©action incontrĂ´lĂ©e, elle tend la main vers la table oĂą attendent deux tasses et la thĂ©ière et demande innocemment :— Accepteriez-vous de me prendre… ?Jean-Émile sursaute violemment sur son banc. Clotilde Ă©carquille les yeux sous la surprise, des grands yeux de biche sous sa fine monture. Elle rĂ©alise d’un trait le double sens involontaire de la phrase. Non, elle ne pensait pas Ă mal ! Jean-Émile la dĂ©visage avec ardeur, elle rougit, ne sait plus quoi faire de ses mains. Elle ouvre la bouche, aucun son ne sort. Le temps semble suspendu.Clotilde sent qu’il faut sortir vite de l’impasse. Une pensĂ©e fugace la traverse : et si c’était pour aujourd’hui ? Elle repousse l’idĂ©e jugĂ©e inconvenante. Bien que… Quoique…— Je parlais d’une tasse ! souffle-t-elle.—  ???— Oui, oui, oui, une tasse, prendre le thé… Vous savez…— Une tasse ?— Oui, une tasse, prendre une tasse avec moi…— Ah… une tasse.« Ouf, se dit Clotilde, il semble calmĂ©Â ! Mais qu’est-ce qu’il a aujourd’hui ? Jamais, je ne l’ai vu dans pareil Ă©tat ! Qu’allait-il donc imaginer ? Et moi donc ? DĂ©cidĂ©ment, aujourd’hui est un jour bien Ă©trange ! »Jean-Émile se lève d’un bond, StupĂ©faite, Clotilde sursaute, la tasse qu’elle avait en main retombe sur la table de jardin. Son cĹ“ur bat la chamade, ses mains tremblent, la brise s’accentue. Elle recule sur le banc.— Non, Clotilde !— Pardon ? demande-t-elle d’une petite voix.— Non, Clotilde chĂ©rie, prendre le thĂ© ainsi, y en a marre !— V-vous ne v-voulez pas pr-prendre le thĂ©Â ?— Non !— Non ?— Non ! C’est vous que je veux prendre !— OoĂ´h, Jean-Émile ! Que d-dites-v…Les lèvres capturĂ©es par un baiser ardent et avide, Clotilde n’a pas le temps de terminer sa phrase. Elle flotte un lĂ©ger moment sur la suite Ă donner. Il est agrĂ©able d’être ainsi embrassĂ©e mais c’est inconvenant quand mĂŞme ! C’est Jean-Émile qui rĂ©pondra Ă son dilemme muet : il l’enlace fĂ©rocement, la serre Ă lui passionnĂ©ment et entreprend de l’embrasser plus follement encore. Elle chavire, portĂ©e par la vague. « Enfin ! » songe-t-elle confusĂ©ment.La suite dĂ©passe ses attentes, Jean-Émile se montre particulièrement empressĂ© et sauvage, mettant un dĂ©sordre inconcevable dans ses vĂŞtements, embrassant comme un fou dans son cou, sa bouche, l’orĂ©e de son dĂ©colletĂ©, ses cheveux, tandis que de multiples mèches s’échappent du chignon austère.—===—EngluĂ© dans la forme qui palpite, Pierre n’a rien perdu de la scène, il a mĂŞme sĂ©rieusement poussĂ© Ă la chose en titillant ci et lĂ le rĂ©seau neuronal de son hĂ´te. Les pulsions qui attendaient depuis de nombreuses annĂ©es l’ont clairement aidĂ©.Soudain, la masse, dans laquelle il Ă©tait engluĂ©, l’englobe totalement ; il est Ă prĂ©sent en elle, il voit tout, il sent tout, il apprĂ©hende tout. Il reste lui-mĂŞme, tout en Ă©tant dĂ©jĂ un peu Jean-Émile. Il lui semble que son cerveau se relie directement au propriĂ©taire des lieux et qu’une sorte de copie de certaines zones s’opère.— Il ne serait pas en train de me pomper toute ma science, le Jeannot ?Il a l’impression d’être dĂ©doublĂ©Â : chaque geste de Jean-Émile, c’est comme si c’était lui, Pierre qui l’avait commanditĂ©, sans l’avoir vraiment fait. Situation Ă©trange et curieuse mais terriblement saisissante.— Eh bien, si le Jeannot rattrape le temps perdu avec en bagage, toute mon expĂ©rience en la matière, cette chère Clotilde va avoir bien du plaisir et des surprises ! se vante-t-il.—===—Le Jeannot en question a-t-il rĂ©ellement besoin des conseils avisĂ©s de celui qu’il hĂ©berge ? Peut-ĂŞtre que oui, peut-ĂŞtre que non. Fougueusement, il embrasse celle qu’il dĂ©sire depuis si longtemps, ses mains caressent son dos, la cambrent contre lui en une Ă©treinte passionnĂ©e. LibĂ©rant sa bouche, il la couvre de baisers tandis que ses mains, doucement mais sĂ»rement, commencent une exploration un peu plus bas, dans le creux de ses reins. Clotilde frĂ©mit, elle essaye de rĂ©sister mais elle adore cette dĂ©monstration d’ardeur Ă son Ă©gard.— Non, non, je vous en prie ! hasarde-t-elle, peu convaincue elle-mĂŞme.— Oh si, ma Clotilde ! Oh si !Cette phrase semble ĂŞtre le dernier rempart de politesse et de galanterie mondaine de Jean-Émile car, sitĂ´t ces mots dits, il redouble d’exaltation, ses mains venant se plaquer sur la courbe pleine du fessier de sa promise. Aucunement gĂŞnĂ©, il caresse voluptueusement les fesses frĂ©missantes de la jeune femme, tout en continuant de la plaquer contre lui, ses petits seins Ă prĂ©sent pointus dardĂ©s contre sa chemise fine. Il savoure d’un mĂŞme Ă©lan, l’avant et l’arrière du corps souple qui Ă©pouse le sien.Il manque quelque chose Ă sa voluptĂ©, Ă son dĂ©sir de l’avoir Ă lui, contre lui, pour lui. Lui capturant Ă nouveau la bouche dans un baiser auquel elle rĂ©pond timidement dans un premier temps, il se colle plus encore Ă elle, ses reliefs sur les siens, plaquant, sans remord ni regret, son entrejambe tendu Ă fond contre la robe fine. Clotilde rĂ©agit par un petit soubresaut, puis s’enhardissant tout Ă fait, Ă la grande surprise et aussi au ravissement de son fiancĂ©, elle vient elle-mĂŞme chercher un baiser profond tout en remuant lascivement contre le kidnappeur de baisers et de sensations.Cette pleine acceptation sera le dĂ©clic d’une suite brĂ»lante, l’un comme l’autre se dĂ©sirant après tant d’attente et de respect Ă prĂ©sent inutile de dĂ©suètes conventions. Leurs corps se tordent pour capturer la moindre parcelle de l’autre, leurs bouches se ravagent dans mille baisers profonds et mouillĂ©s. Leurs mains impudiques se cherchent, caressent leurs courbes et leurs angles, oublieux du reste du monde.— Oh non ! Oh non ! murmure-t-elle tout en s’offrant complètement.— Oh si ! Si… si tu savais combien je te veux, combien je te dĂ©sire ! Ma Clotilde !— Oh non ! rĂ©pète-t-elle, les yeux clos, la tĂŞte en arrière.S’enhardissant tout Ă fait, il glisse une main le long de la robe Ă prĂ©sent chiffonnĂ©e jusqu’à sentir la peau fraĂ®che de la jeune femme. Ă€ ce contact, il reçoit comme une dĂ©charge Ă©lectrique qui amplifie plus encore son dĂ©sir. Ses doigts se referment avidement sur la jambe nue, pour mieux l’avoir Ă lui, la sentir, la possĂ©der. Leurs baisers s’accroissent plus encore.Sa main remonte imperceptiblement sous la robe, le long d’une cuisse frĂ©missante et fraĂ®che. Ce contact le grise, ce toucher la trouble.Il tremble de convoitise quand un doigt effleure le tissu fin du slip, une concupiscence tant inassouvie. Un vague remord fuse en lui : trop rapide ! Il n’en a cure. RĂ©solument, il glisse ses doigts sous l’élastique pour mieux caresser sa peau, pour goĂ»ter sa douceur, pour en savourer le grain, sa texture.Puis, dĂ©licatement, il s’aventure vers la fesse nichĂ©e sous le fin tissu, pour en Ă©pouser ensuite le galbe et l’arrondi. Elle se cabre sous la caresse, leurs bouches rivĂ©es dans un long baiser sans fin. Il savoure cette victoire, cette sphère dĂ©licate et cachĂ©e conquise dont il pelote dĂ©licieusement la molle fermeté…Clotilde se sent comme folle, folle de se livrer ainsi, folle d’aimer ça. Une dernière pensĂ©e pour son noble statut, sa noblesse ancienne, pour toutes ces traditions qui font obstacle au lâche abandon du corps. Une dernière pensĂ©e avant de se laisser sombrer dans un stupre honni mais, Ă´ combien, jouissif !— Oh oui, prends-moi ! susurre-t-elle, dĂ©tachant momentanĂ©ment ses fines lèvres de sa bouche avide.— Ma Clotilde ! rĂ©pond-il, ravi.Elle enfouit ses doigts dans ses cheveux, replace ses lèvres Ă prĂ©sent voraces sur une bouche insatiable tandis qu’il capture une fesse sous sa large main. Alors que leurs langues se mĂŞlent, il s’autorise une ample palpation de l’agrĂ©able derrière qui ondule sous son toucher. Elle adore ce contact intime, cette approche Ă la fois douce et effrontĂ©e, mi-gentleman, mi-voyou.« Oh non, non, non… ». songe-t-elle.Il s’enhardit plus encore, ses doigts plongeant doucement dans le sillon fessier. Il ose effleurer un petit trou frĂ©missant, s’attarde un peu puis continue plus bas. Il traverse ainsi certains reliefs interdits puis ses doigts frĂ´lent un poil bouclĂ©, le commencement de la fin de ce voyage impromptu. Un peu plus bas, l’orĂ©e d’une fente frĂ©missante qu’il dĂ©couvre humide, prĂŞte Ă l’accueillir. DĂ©licatement, il la caresse, effleurant les chairs tendres et sensibles, s’offrant des incursions dans la grotte mouillĂ©e. Elle s’offre puis se rĂ©tracte pour mieux s’offrir ensuite. Elle chaloupe sous la caresse, il Ă©pouse son rythme. Frissonnant, elle cesse de l’embrasser, manquant d’air pour se nicher dans son cou, lĂ©chant du bout de sa langue rosĂ©e la ligne menant Ă la nuque, sous l’oreille qu’elle mordille parfois. Il est aux anges, jamais, il n’aurait espĂ©rĂ© une telle participation.— Oh non, non, non, mon J… Je… Jea… oh ! …an…. non !Un cri. Une protestation inutile. Elle se cabre sous la caresse insidieuse, il pousse son avantage, elle rĂ©siste faiblement, il accentue sa prĂ©sĂ©ance, elle gĂ©mit doucement, sa respiration s’entrecoupe, une sorte de vague naĂ®t en elle. Elle panique un peu devant cette sensation inconnue mais terriblement excitante. Elle oscille, il caresse de plus en plus impudiquement. Un tourbillon lointain accompagne la vague qui augmente sans cesse, quelque chose de dantesque, infernal, irrĂ©sistible, insurmontable, excitant, phĂ©nomĂ©nal ! Elle ouvre les yeux, son front contre l’épaule de son amant, le souffle court.« C’est donc ça, l’orgasme ? songe-t-elle, Ă©bahie. J’avais fini par croire que ça n’existait que dans les romans ! »Un dernier rempart, une dernière digue puis la vague ravage tout sur son passage, la secouant si fort de la tĂŞte aux pieds que son amant s’en inquiète. Vaincue, vidĂ©e, elle se laisse aller sur l’épaule accueillante, dans divers soupirs d’aise.DĂ©licatement, il se laisse choir au sol, l’entraĂ®nant avec lui. L’instant d’après, ils sont allongĂ©s sur la pelouse, près du banc, enlacĂ©s.— Merci ! dit-elle.— Pourquoi me remerciez-vous ? C’est plutĂ´t Ă moi de m’excuser… Je me suis comportĂ© Ă votre Ă©gard comme le dernier des…— Tu me dis « vous » Ă prĂ©sent ?— Euh…— Alors ? demande-t-elle.Il la regarde, lĂ©gèrement inquiet. Ce qu’il dĂ©couvre dans son regard le rassure pleinement, une dernière barrière tombe. Cette femme est dĂ©cidĂ©ment Ă©tonnante et faite pour lui. Il veut la garder Ă lui pour toujours :— Non, tu as raison…— En quoi, j’ai raison ?— Je n’ai pas Ă m’excuser, ni te dire « vous ». Cette Ă©poque est rĂ©volue !— Comment ça, Joan chĂ©ri ?— Ah, tu m’as trouvĂ© un surnom ? dit-il, amusĂ©.— Ça fait longtemps mais je n’osais pas…— Et maintenant, tu oses ?— Maintenant, j’ose tout… j’ose tout avec toi !Et elle l’embrasse.Plus tard, ses seins nus accueillent les mains avides de son amant qui en palpent pour les reliefs, les couvrant de baisers, suçant les tĂ©tons dressĂ©s, lĂ©chant les arĂ©oles brunes.Ă€ prĂ©sent nue, offerte, elle maintient la tĂŞte de son amoureux auprès de sa touffe tandis qu’il y fourrage avec aviditĂ© du bout de la langue, buvant Ă sa source, se dĂ©lectant de sa cyprine.Puis, dĂ©licatement, il se couche sur elle, l’embrassant avec passion tandis qu’un membre bien dressĂ© cherche une entrĂ©e convoitĂ©e. Ă€ l’orĂ©e des lèvres intimes, il pousse un mince soupir suivit d’un long frisson de contentement, son dard Ă©carte le passage intime, s’enfonce dans l’antre humide. Elle soupire d’aise de se sentir remplie ainsi, de l’accueillir en elle, de l’avoir pour elle. Elle l’écarte un peu, leurs lèvres se sĂ©parent, ils se regardent intensĂ©ment, les yeux dans les yeux, un pur dĂ©sir y brille.Elle regarde ainsi son visage tandis qu’il plonge en elle, que son membre de chair chaude emplit son intimitĂ©. Elle le regarde tandis qu’il serre des dents pour se contenir, qu’il ferme parfois les yeux, en proie Ă une forte sensation. Elle le regarde tandis qu’il coulisse en elle, la bouche ouverte, les yeux au ciel, se frottant Ă son mont de VĂ©nus, caressant ainsi indirectement son clitoris qui s’enflamme doucement. Elle le regarde toujours quand la douceur du dĂ©part fait place Ă une furie possessive, une volontĂ© de conquĂŞte, de prendre, de donner, de se fondre, d’oublier, de ne plus faire qu’un.Elle ferme les yeux, murmure son nouveau prĂ©nom, tandis que le jardin s’emplit d’une double jouissance qui en ferait trembler l’arbre sĂ©culier, une double vague, une double tempĂŞte, un double raz-de-marĂ©e qui les balayent dĂ©finitivement.—===—Pierre se rĂ©veille. Un autre paysage aux innombrables formes colorĂ©es est autour de lui. Un dĂ©cor distinct, aux couleurs diffĂ©rentes. L’instant d’après, Pierre sait que le changement est dĂ©finitif, la symbiose entre lui et son hĂ´te est presque finie. Il sent qu’il se dilue dans la masse blanche qui l’enrobe toujours, comme absorbĂ©, tout en restant lui-mĂŞme. Il n’a aucune crainte, il sait.—===—Dans les jours qui suivent, il aurait fallu ĂŞtre aveugle pour ne pas constater une certaine modification d’attitude et d’apparence des deux tourtereaux ! Jean-Émile a troquĂ© son Ă©ternel complet Ă©limĂ© pour une tenue nettement plus dans le vent et dĂ©contractĂ©e. Sa façon de parler est devenue nettement moins ampoulĂ©e. Sa chevelure a aussi subi quelques modifications, tout le personnage est devenu beaucoup plus affirmĂ© et se permet de donner son avis très pragmatique, que ça plaise ou non. Il a nĂ©gociĂ© une nouvelle voiture au look plus sportif, avec son ami garagiste qui n’en revenait pas de la transformation opĂ©rĂ©e en si peu de temps, et encore moins du marchandage forcenĂ©, un vrai requin ! Dans la foulĂ©e, il rompu avec son ancien travail, fondĂ© un cabinet et commence dĂ©jĂ Ă bien gagner sa vie de par ses facultĂ©s naturelles et son carnet d’adresses. Et surtout, il se fait appeler Jean, tout court, et Joan par sa fiancĂ©e.De son cĂ´tĂ©, la mĂ©tamorphose de la pâle Clotilde est encore plus remarquĂ©e et remarquable : son entourage a dĂ©couvert qu’elle avait de beaux cheveux longs ondulĂ©s, un visage Ă la fois angĂ©lique et volontaire, elle a jetĂ© aux orties ses vĂŞtements stricts et s’habille, elle aussi, d’une façon plus dĂ©contractĂ©e et surtout subtilement sexy, sans que cela ne verse dans le « matuvu ». Ses manières sont devenues nettement moins Vieille France. Elle est plus spontanĂ©e, plus franche, plus gaie et surtout plus libre. Elle est devenue la cible de bien des regards envieux masculins et de secrètes envies ou jalousies fĂ©minines.Ils sont devenus en un temps record un couple bien en vue, bien dans sa peau et heureux d’être ensemble. Le soir mĂŞme du fameux Ă©pisode horticulteur, Jean (ex Jean-Émile) est venu affronter le paternel de sa dulcinĂ©e, lui a mis les points sur les i devant une Clotilde mĂ©dusĂ©e par tant d’assurance, dĂ©finitivement acquise Ă son viril fiancĂ©. Le nouveau Jean a remportĂ©, haut la main, l’affrontement contre sa future belle-famille dĂ©concertĂ©e et a dĂ©cidĂ©, illico, de vivre dans le pĂ©chĂ© avec sa promise totalement pâmĂ©e, chez elle. Point !Le petit jardin est devenu le lieu de tendres ou de brĂ»lantes Ă©chauffourĂ©es entre les deux tourtereaux, un lieu de perdition, de stupre et de dĂ©bauche. Presque pas un jour ne passe sans que le vieil arbre ne soit tĂ©moin de scènes rĂ©prĂ©hensibles Ă la bonne morale et totalement interdites aux mineurs innocents…Mais ça, c’est une histoire qui ne regarde que Clotilde et son Joan…