(Roman d’arrêts de bus en 6 épisodes) Résumé des épisodes précédents Un cadavre dont le visage affreusement mutilé a été découvert dans le petit hameau de Mérissard. Tout se complique : Corine-Marie Henneau est en réalité Louise-Marie Nobert. Le beau capitaine se serait planté. Le coupable n’est pas le marquis. Sans doute l’infirmière lesbienne… À voir ! Tout en, faisant infuser son thé, Amandine se demandait comment elle annoncerait à sa femme qu’elle était convoquée à la brigade de Pont-d’Ain. Avec les prélèvements A.D.N., il n’avait pas dû être difficile aux flics de comprendre la nature des relations entre Gaëlle et cette salope de Corine. Ils avaient un coupable avec ce Suisse en fuite, alors pourquoi vouloir l’interroger ? Quelle importance qu’elle ait couché avec la morte ? Peut-être pensaient-ils qu’elle détenait des informations. Ce devait être ça.Amandine, connaissant bien sa moitié, craignait malgré tout sa réaction. Cela risquait de se transformer en soirée « grandes eaux ». Elle allait savoir tout de suite : la porte d’entrée venait de se refermer. Le claquement nerveux des talons sur le carrelage de l’entrée n’annonçait rien de bon. La journée avait dû être mauvaise. Sa convocation chez les poulets n’améliorerait probablement pas son humeur. Gaëlle entra dans la cuisine, jeta son sac à main sur le plan de travail, se planta devant l’évier, posa les mains sur les rebords et éclata en sanglots.C’était parti pour un tour. Sa journée avait vraiment dû être à chier. Y’a des jours où ses petits vieux se montraient insupportables. De Hort estima qu’il valait mieux attendre avant de parler de la convocation. Elle se colla contre sa compagne, l’enlaça et la câlina. Elle l’interrogea sur le mode léger :— Tes pensionnaires t’ont pris la tête ? Y’en a un qui a piqué sa crise ?Entre deux hoquets, Gaëlle tenta de répondre.— Non… Non … Les … Les gend… Les gendarmes…Merde, se dit De Hort. Ces cons étaient passés à l’EHPAD.— Ils sont venus te voir ?— Non… Ils… Ils ont téléphoné … au directeur… pour savoir si je travaillais.Ceci expliquait la convoc’. Si Gaëlle n’avait été de service, ils seraient sans doute passés. Amandine trouva inutile de tergiverser.— Tu es convoqué demain à la brigade de Pont-d’Ain.Les pleurs qui s’étaient calmés sous ses caresses redoublèrent.— Ils vont m’accuser.— Pourquoi t’accuseraient-ils ? S’ils devaient accuser quelqu’un se serait plutôt moi. Toi tu n’as pas de mobile.— Oh que si.L’infirmière en avait oublié de pleurer. De Hort restait interloquée de la dernière réplique de sa compagne. Qu’est-ce qu’elle lui avait encore caché ? Gaëlle se retourna, repoussa Amandine et s’adossa à l’évier.— Je ne t’ai pas tout dit, commença-t-elle.— Encore tes putains de mensonges par omission, s’énerva immédiatement De Hort. Qu’as-tu « oublié » de me dire ?— Je ne voulais pas que tu fiches ta carrière en l’air à cause de moi.— Ma carrière, et encore quoi ? Qu’est-ce que ma carrière vient foutre là -dedans ? Tu me prends pour une conne ?— Ne crie pas. Je vais …— Déjà , je ne crie pas ! Et même si ! Je crois qu’avec tes mensonges par épisodes, j’en aurais parfaitement le droit ! Madame m’avoue un petit bout de vérité puis elle me dit qu’elle a omis… Tu crois que je vais supporter ça encore longtemps !— S’il te plaît, calme-toi, Didine. Je vais t’expliquer. Et cette fois, je n’omettrai rien.Et elle lui expliqua. De lâcher la vérité chassa son chagrin et c’est d’une voix apaisée qu’elle lui raconta la jalousie de Corine-Marie et ses menaces répétées. Au fur à mesure du récit, la colère qu’éprouvait De Hort envers Gaëlle se remporta sur l’intruse. Lorsque sa femme se tut, elle explosa.— Elle a de la chance d’être morte, cette salope, sinon j’allais la tuer.— Tu vois pourquoi je ne t’ai rien dit. Je sais comme tu peux être colérique et violente. Je ne voulais pas que tu fasses un esclandre, que tu la tabasses et que tu perdes toute chance de passer officier.— T’as qu’à leur dire ça, aux flics, ça me donne un excellent mobile, mais j’ai un alibi en béton.— Toi peut-être. Surtout que…— Surtout que quoi ?— L’après-midi, elle m’a dit que lundi matin, elle viendrait te voir pour te dire que l’on s’aimait, que notre amour était trop fort pour accepter le partage et que si tu ne cédais pas la place, elle te ferait la peau. J’ai essayé de lui dire que c’est toi que j’aimais, pas elle. Elle n’a rien voulu entendre. Elle prétendait que je disais ça parce que j’avais peur de toi. Alors le soir, je suis retournée la voir, mais…Gaëlle éclata en sanglots. Entre deux hoquets, elle parvint à dire :— … elle… était… déjà … morte. Et… je crois… que… j’ai fait… une bêtise.**********Gaëlle Zéneur n’avait pas mis les voiles. Elle arriva à la gendarmerie de Pont-d’Ain, un quart d’heure avant l’heure prévue pour son audition. Les traits tirés, sans le moindre maquillage, elle présentait toutes les caractéristiques de quelqu’un qui n’avait guère dormi et beaucoup pleuré.Lorsque la gendarmette de l’accueil l’introduisit dans la pièce qu’on avait octroyée à Élodie, cette dernière pensa que l’affaire serait vite réglée. Zéneur ne donnait pas l’impression de pouvoir résister longtemps à un interrogatoire. Elle avait presque pitié de la jeune femme.Gaëlle admit immédiatement qu’elle avait une liaison avec Nobert, une erreur qu’elle regrettait amèrement. Complètement dévastée, elle raconta d’une voix larmoyante, sans qu’Élodie n’ait à la presser de questions, le déroulement de son aventure, la jalousie et les exigences de sa maîtresse. Elle reconnut l’avoir vue une dernière fois, l’après-midi de son assassinat. Elles s’étaient disputées.— Mais quand je l’ai quittée, elle était bien vivante. Rouge de colère et en possession de toutes ses forces, vu comme elle a claqué la porte derrière moi, s’anima pour la première fois l’infirmière.Cette dernière remarque avait fait tiquer Moitoux. Jetant un regard interrogatif à l’adjudant-chef Levaudout qui l’assistait.— Je crois que l’on devrait faire une pause, mon lieutenant.— Vous avez raison. Je boirais bien un café. Voulez-vous une boisson ? demanda-t-elle, d’une voix bienveillante, à Zéneur.Celle-ci pensant arriver au bout de son calvaire acquiesça d’une voix qui avait retrouvé un peu de sérénité :— Un thé, déthéiné si vous avez.— On va vous trouver ça, répondit l’adjudant-chef en sortant de la salle.La porte fermée, Levaudout eut cette remarque sibylline :— Y’ a un os dans la noce !Répondant à la mimique d’incompréhension de sa supérieure, il enchaîna :— J’ne suis pas un spécialiste des interrogatoires criminels, mais elle nous l’a fait monocorde, larmoyante et monosyllabique. Et elle finit par une déclaration tarabiscotée sur le mode énervé.— Et vous en déduisez ?— Qu’il y a un loup dans le ragoût.Élodie éclata de rire.— Vous avez de ces expressions ! Mais si je l’interprète bien, je suis plutôt d’accord avec vous. Cette soudaine excitation déplacée et cette phrase, trop élaborée qu’on dirait apprise me paraissent suspectes. Elle n’a rien d’un truand, habitué aux interrogatoires. On va la laisser mariner un moment et elle va cracher le morceau.Les deux gendarmes prirent donc tout leur temps pour boire leur café. À leur retour, ils s’aperçurent que le thé avait refroidi dans le mug sans que Zéneur y touche. La tête dans ses mains, elle sanglotait nerveusement. Quand elle prit conscience de leur présence, elle releva les yeux et leur déclara résignée :— Autant que je vous dise tout. N’importe comment vous finirez par le savoir et j’aurais l’air encore plus coupable que je ne le suis déjà .Et elle leur raconta comment vers minuit le soir du meurtre, ne pouvant dormir, morte d’inquiétude, voyant son monde s’écrouler, elle avait voulu tenter une fois encore de convaincre Corine d’abandonner ses projets. Elle leur avoua qu’elle était prête à rester la maîtresse de celle-ci, si elle ne détruisait pas son couple. Elle avait frappé plusieurs fois à la porte de derrière, sans provoquer aucune réaction. Pourtant la lumière brillait dans la chambre. Elle ne voulait pas lui répondre. Alors qu’elle s’apprêtait à retourner chez elle, mue par elle ne savait quelle impulsion, elle avait tourné le loquet. La porte s’était entrebâillée. Elle était montée à l’étage en appelant. Toujours sans réponse, elle s’était dirigée vers la pièce éclairée qu’elle trouva vide et dans un désordre tout à fait inhabituel. Elle eut peur, elle se rendit au salon, trouvant le même désordre puis à la cuisine où elle était tombée sur le corps de son amie.Elle avait paniqué. Amatrice de roman policier, elle avait tout de suite compris qu’elle ferait la coupable parfaite. Pas d’alibi, un mobile en béton, un camouflage bidon en cambriolage alors qu’on avait laissé tablette, laptop et téléphone. Essuyant ses empreintes compromettantes sur les boutons de porte, elle avait également emporté les trois appareils autant pour les indices l’impliquant qu’ils pouvaient contenir, que pour renforcer l’idée du cambriolage.Pour Élodie, bien que Zéneur persistât à nier le meurtre, elle tenait la coupable. Elle déclencha la garde à vue, et avec l’approbation du procureur la fit transférer à Bourg. Elle avertit ensuite le capitaine Castagnette. Ah celui-là . « L’affaire est close. Le marquis, en fuite, est l’assassin. » Il allait devoir revoir ses positions. Ce qu’il fit, mais avec réticence.Du bout des lèvres, il admit que le témoignage de l’infirmière éclairait l’affaire d’un jour nouveau tout en affirmant que cela ne remettait pas nécessairement en cause la culpabilité de Barbier-Lacourt. Il voyait mal une « brouteuse de minou » commettre un acte aussi salissant. Moitoux jubilait devant une telle mauvaise foi. Elle se remémorait les propos du beau capitaine dans la voiture qui les ramenait à Bourg après l’entrevue avec Zéneur à l’EHPAD : « une crise de jalousie avait très bien pu dégénérer. Avec ces « refoulées de la bite », il fallait s’attendre à tout. » Maintenant, il avait un suspect en fuite qui ne pouvait le contredire, c’était bien plus pratique.Cependant, il ne pouvait ignorer les avancées faites par Moitoux, il se résigna à interroger Zéneur. Cette dernière conseillée par un avocat que De Hort avait engagé s’en tint à sa version de la veille et continua à nier avec calme toute implication dans le meurtre. Fini la pleureuse effarouchée qu’Élodie avait eue en face d’elle à Pont-d’Ain. Gaëlle avait retrouvé une certaine sérénité. Cette attitude ébranla les certitudes du jeune lieutenant et ne changea en rien l’opinion du capitaine qui sortit furieux de la salle d’interrogatoire.Fureur vite oubliée quand Desbois qui l’attendait lui annonça qu’il avait pu isoler des empreintes appartenant à deux petits délinquants déjà fichés pour des dégradations de mobilier urbain sur Bourg.— Bon travail Robin. Tu me loges ces racailles et tu les fais coffrer. Je vais voir le proc.Il quitta l’open space, tout guilleret, laissant Moitoux se débrouiller avec Gaëlle Zéneur. L’avocat de celle-ci exigeait la levée de la garde à vue alléguant l’absence totale d’éléments réellement incriminants. Élodie maudit son inexpérience, mais surtout son supérieur qui l’avait lâchée. Une mise en examen était-elle envisageable ? Elle devait contacter le juge d’instruction, mais ce n’était pas elle qui était en charge de l’enquête. La garde à vue courant encore sur plus de douze heures, elle décida de maintenir l’infirmière en détention.Après le départ de l’avocat, Élodie repensant à l’audition se morigéna. Casse-noisettes l’avait joué dilettante. Il n’avait pas évoqué le marquis. Quant aux chantages exercés par la victime, pressé d’en terminer, il avait squeezé. Au mépris de toute procédure, elle rejoignit Zéneur dans sa cellule. Elle la trouva assise sur la couchette, prostrée, les bras enserrant ses genoux pressés contre sa maigre poitrine. Elle eut pitié. Si c’était elle, la meurtrière, et c’était elle, elle était une meurtrière accidentelle. Gaëlle, sans tenir compte des recommandations de son conseil, ne fit aucune difficulté pour répondre aux questions concernant sa relation avec Corine. Cela se déroula plus comme une discussion que comme un interrogatoire. Le marquis, l’amant suisse, une brute que Corine haïssait : le sujet fut vite expédié. Il faisait partie de son passé. Elle l’avait fui en s’installant à Mérissard et ne l’avait jamais revu. Belle fable que la naïve Gaëlle avait avalée sans réticence.Quand les moyens pas très clean utilisés par sa maîtresse pour subsister furent évoqués comme mobiles possibles, l’infirmière se raidit, mais réfuta :— Ils ne lui auraient fait aucun mal, bien trop contents qu’ils étaient de la baiser. Marko était prêt à payer plus avec l’espèce de « tue-l’amour » qu’il avait pour épouse.— Donc, vous saviez ?— Oui, je savais. Elle m’avait montré quelques vidéos. Et alors c’étaient des gros porcs qui profitaient de son corps. Normal qu’ils paient pour ça.— Donc, pour vous ce n’était pas une forme de prostitution ?— Corine n’était pas une pute, s’énerva Gaëlle. C’était une artiste. Mais sa peinture ne lui rapportait pas assez pour qu’elle en vive.La colère ravivait l’affection que Zéneur portait à la victime.— Stop ! Vous saviez qu’elle ne travaillait pas en Suisse ?Nulle part dans son journal Nobert ne parlait des confidences qu’elle avait pu faire à sa maîtresse. Tous ses écrits se concentraient autour de son amour fou.— Plus ! Elle avait été licenciée à la mort de la personne handicapée dont elle s’occupait. Elle espérait bientôt pouvoir vivre de sa peinture, mais en attendant, elle avait trouvé ce moyen pour subsister.Sa vie n’était qu’une immense duperie. Elle aimait vraiment Gaëlle, mais elle ne pouvait lui dire la vérité.— Moyen ! Y’a d’autres moyens que le chantage. Et sur ce que j’ai pu lire dans son journal, c’est elle qui les a provoqués.— Avant qu’on se rencontre, elle était seule, elle a cherché la tendresse et elle n’a trouvé que des obsédés.Pauvre Gaëlle ! L’autre l’avait manipulée dans les grandes largeurs. Elle lui avait présenté une image d’artiste nécessiteuse alors qu’elle profitait de ces hommes pour satisfaire ses besoins physiques tout en en tirant un profit : elle joignait l’utile à l’agréable en quelque sorte.— Ce qui ne l’a pas empêchée de continuer après le début de votre liaison.— Vous mentez !— Malheureusement, elle en fait état dans son journal.— Elle m’a promis ! Je ne vous crois pas ! Elle n’était pas comme ça. C’est… c’était une bonne personne.— Eh ben, pour quelqu’un qui menaçait de briser votre couple, vous la défendez drôlement.— Je l’aime… enfin je l’aimais pas de la même manière que j’aime Amandine, mais je l’aimais. Et elle m’aimait.— Pourtant, elle continuait à baiser dans votre dos.— Non ! Non ! Elle n’en avait plus besoin.— C’est vous qui le dîtes.— C’est vrai, elle allait avoir beaucoup d’argent. Elle m’a proposé de fuir. J’ai essayé de la dissuader en lui disant que nous n’avions pas d’argent et que je me voyais mal à mon âge jouer aux routards.Élodie se tenait coite. Elle avait réussi à déstabiliser Zéneur, celle-ci s’était animée, son débit s’était accéléré, ses mains parlaient en même temps qu’elle. Il ne fallait surtout pas interrompre le flux.— Ça l’a fait rire. Elle m’a dit que je n’avais pas à m’en faire qu’elle allait avoir assez d’argent pour qu’on vive tranquille jusqu’à la fin de nos jours, même si on vivait très vieux, qu’il lui fallait juste quelques mois pour régler ses affaires. Je lui ai demandé si elle avait gagné au loto. Ça l’a fait rigoler. Elle m’a embrassée tendrement, nous avons fait l’amour.Gaëlle se tut. Un sourire éclaira son visage. Elle revivait la scène. Élodie attendit, laissa passer l’ange.— Une craque de plus… L’argent qu’elle avait sur ses comptes ne vous aurait pas menés loin. Un mois dans une auberge de jeunesse… et encore.— Son argent n’était pas à la banque. Et ce n’était pas de l’argent.— Pourquoi dîtes-vous que ce n’est pas de l’argent ?— Une impression, un regard, une allusion, je ne saurais pas vous dire. Si, elle a parlé de magot. Pour moi, elle faisait référence à quelque chose de tangible, concret. Je pense à des pierres précieuses ou de l’or.— OK ! Mais s’il n’était pas à la banque, où était-il ?— Elle ne me l’a pas dit, mais ce jour où l’on a parlé, elle a eu un regard, un geste qui m’ont fait penser qu’il se trouvait dans la maison.— La maison a été fouillée de fond en comble. Et on a des spécialistes.— Son assassin l’a pris… ou alors, il n’était plus dans la maison.— Plus dans la maison ?Zéneur avait baissé la tête, serré les mâchoires. Elle ne décrocha plus un mot.Plus dans la maison… Cette remarque tournait en boucle. Il fallait qu’elle en parle avec Électre et Robin. C’était eux les spécialistes.Elle allait sortir quand un détail lui revint en mémoire : le matos pour filmer. D’après Robin, elle utilisait soit une webcam haut de gamme, soit un très bon appareil photo.— Une dernière question. Saviez-vous avec quoi, elle filmait ses séances de baise ?— Vous n’êtes pas obligée de vous montrer aussi vulgaire. Elle avait une caméra connectée à son ordi. Je n’y connais rien. C’est Amandine, la spécialiste. Drôle, n’est-ce pas ! C’est elle qui l’avait conseillée.Elle décida de laisser une note à Castagnette sur l’entretien qu’elle venait d’avoir, une note brute sans avis et sans parler de l’idée qui trottait dans sa tête. Elle réalisa en l’écrivant que Nobert avait bien eu l’intention de doubler le marquis ce qui amenait de l’eau au moulin de Casse-noisette. Mais bon, Zéneur tenait la corde.En allant au labo retrouver Électre, elle se rendit compte qu’elle chantonnait : « C’est qui la plus forte, évidemment c’est Élo »**********Deux jours plus tard, elle n’avait plus du tout envie de chanter.Pourtant la veille au matin, Castagnette était arrivé tout sourire amenant café et viennoiseries.— En général, c’est quand il a baisé qu’il a cet air réjoui, avait glissé Électre à Élodie, en profitant au passage pour poser un petit bisou dans son cou.Elles avaient eu droit à un regard avertisseur de Robin. Les deux filles prenaient de moins en moins de précautions. Si le capitaine s’en apercevait, il allait leur pourrir la vie.Elles ne sauraient pas si Castagnette avait baisé, mais l’arrestation rapide des deux petits malfrats qui se pavanaient au pied de leur immeuble lui avait valu les félicitations du proc. Bonne humeur à peine altérée par le coup de téléphone qu’il avait dû passer au juge d’instruction pour la mise en examen de Gaëlle Zéneur. La demande, au vu des faits nouveaux, avait été immédiatement acceptée. Elle avait été maintenue en détention jusqu’à ce que le juge la reçoive et statue sur son sort.Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Moitoux se réjouissait d’avoir mis à mal les certitudes du capitaine, celui-ci exultait d’avoir mis sous les verrous les pyromanes et un peu aussi d’avoir un suspect en cabane pour le meurtre de Nobert. Deux affaires bouclées en peu de temps, c’était bon pour la brigade et surtout pour son chef.En début d’après-midi, l’appel d’un major de la squadra mobile de Milan avait modéré la joie de la jeune lieutenant. Élodie et Électre finalisaient le rapport sur le meurtre tandis que les deux hommes s’occupaient de cuisiner les auteurs « présumés » des incendies. Élodie avait pris l’appel. Heureusement pour elle, l’officier italien parlait un français correct. Ils avaient retrouvé la BM du marquis dans un terrain vague de la banlieue milanaise et le corps de celui-ci dans la malle arrière une balle dans la tête. D’après leur légiste, il avait été assommé puis placé dans le coffre et exécuté. « Les Rhodésiens avaient de la mémoire, pensa Élodie. Et ils s’étaient montrés plus efficaces que la police italienne. Enfin, les Rhodésiens ou les truands que le marquis avait arnaqués »La voiture avait déjà été visitée. Elle était sur cale et une partie du moteur manquait. Ils l’avaient malgré tout dépecée et analysé tout ce qui était analysable. Avec de la fierté dans la voix, l’officier italien lui annonça qu’ils avaient trouvé des traces de sang sur le tapis de sol côté conducteur. Une analyse ADN avait été lancée et ils avaient demandé à leurs homologues suisses les profils du marquis et de sa maîtresse. Les résultats de la comparaison leur seraient communiqués sous 48 heures.La bonne humeur d’Élodie s’était envolée et Électre, quand elle lui eut rapporté la conversation, ne lui avait pas remonté pas le moral. Barbier-Lacourt tué dans le coffre, le sang sur le tapis risquait fort d’être celui de Nobert. Cela dédouanait Zéneur, donnait raison à Castagnette et surtout lui donnait tort à elle. Voir ce connard se réjouir la gonflait par avance. À son grand étonnement, cette colère ne dura pas. Elle éprouvait de la sympathie pour Gaëlle. Sympathie probablement due, pour partie, à leur commune identité sexuelle. Mais dans le cas où le sang appartiendrait au marquis, Zéneur aurait du mal à se disculper et, avec la mort de celui-ci, ils ne sauraient sans doute jamais la vérité.Elle avait dû affronter, une première fois, Castagnette qui à sa grande surprise était resté sur la réserve et s’était contenté, sans une once de triomphalisme, d’un simple : « Attendons demain ! ».Les filles avaient passé la soirée au lit en compagnie d’une bouteille de rhum. Élodie rougissait intérieurement en repensant à l’usage qu’elles en avaient fait quand la bouteille fut vide et qu’elles étaient complètement pleines.Électre et Robin, appelés par la brigade d’Ambérieu pour s’occuper d’un cambriolage, le beau capitaine ne donnant pas signe de vie, elle se trouvait seule dans l’open space quand le téléphone avait sonné. C’était encore elle qui dut prendre l’appel. La sentence était tombée : le sang appartenait à Nobert.Elle avait beau s’y attendre, elle eut dû mal à encaisser. Castagnette avait raison : le marquis était bien l’assassin. Groggy, elle se remit à la paperasse. Quand il s’était pointé, quelques minutes plus tard, son chemin de croix avait commencé. Après qu’elle lui eut rapporté les propos du flic italien, il l’avait toisé un sourire satisfait sur les lèvres.— Eh bien, Moitoux. Je vous charge de prévenir Monsieur le Juge afin qu’il puisse faire libérer cette pauvre Mademoiselle Zéneur que vous avez fait embastiller.Il lui tourna le dos et entra dans son bureau. Il y resta jusqu’au retour des deux de la PTS. Elle eut droit alors à un remontage de bretelles en règle devant les deux adjudants qui ne savaient pas trop où se mettre. Malgré l’envie de pleurer, elle resta stoïque jusqu’à la fin de la représentation. Lorsque le silence s’établit, elle parla d’une voix qu’elle voulait neutre, mais assurée :— À par le fait que j’ai fait mon travail d’enquêtrice, avez-vous quelque chose à me reprocher, capitaine ? Sinon, puis-je reprendre mon travail. J’ai un compte rendu à terminer pour le juge.Sans attendre de réponse, elle se pencha sur son PC et se mit à écrire. Il l’avait publiquement humiliée, elle le lui ferait payer, mais plus tard. Pour l’instant, elle repensait à la discussion qu’elle avait eue avec Électre. L’or ! Castagnette, lors de son show, avait clairement laissé entendre que ses propriétaires l’avaient certainement récupéré et que, de plus, cela ne relevait pas de la justice française.La découverte des « Ritals » clôturait l’enquête, point barre. Les déclarations de Zéneur n’avaient plus d’importance.**********Elle le chevauchait. Des cuisses musclées, bien que marbrées de cellulite, enserraient son torse. Un postérieur avantageux remuait au-dessus de sa tête. En appui sur ses coudes, les mains en crochet derrière les genoux, il broutait une chatte dépourvue de toute pilosité. Sa langue s’activait entre des lèvres délicieusement mafflues et compactes d’où sourdait un liquide divin. Son nez s’insinuait dans la fente tandis qu’il titillait un mini clito qui se gonflait d’importance.Tandis qu’il la réjouissait ainsi, elle le pompait furieusement. À chaque poussée sa grosse poitrine s’écrasait mollement contre un ventre musclé. Le frôlement des poils de l’homme sur ses tétons durement érigés exacerbait son plaisir. Sa bouche avide engloutissait entièrement un membre pourtant d’une taille plus que respectable. Quand ses lèvres touchaient la toison de son partenaire, elles y restaient collées jusqu’au moment où, menacée d’étouffement, elle libérait la tige pour replonger dès qu’un air neuf avait rempli ses poumons. Ses mains aux longs doigts fins malaxaient une paire de couilles velues comme s’il s’était agi de boules de relaxation.L’homme rompit l’harmonie de ce 69 parfait en tapotant sur la fesse droite de la femme. Fleur comprit le message, elle cessa immédiatement sa fellation. Avec souplesse, elle se dégagea de sa position. Dans un mouvement de rotation, enjamba le corps musclé de Castagnette et d’un geste plein d’autorité et d’expérience, planta la bite au bord de l’explosion dans son intimité abondamment lubrifiée.L’empoignant par les hanches, il la guida dans sa chevauchée. D’abord un petit trot des familles, une mise en jambes en quelque sorte. Le cul confortable de Demaville rebondissait contre les cuisses musclées du fringant capitaine. Les yeux fermés, laissant l’initiative à l’homme, elle pressait ses seins l’un contre l’autre, agaçant ses tétons du bout de ses pouces. Le trot se changea rapidement en galop. Pour maintenir son assise, elle dut lancer ses mains à l’arrière et se cramponner aux chevilles de son étalon. Étalon dont le bassin se soulevait spasmodiquement pour cogner avec ardeur contre les cuisses agitées elles aussi de soubresauts incontrôlés.Aux grognements, ahanements de Castagnette répondaient les soupirs et plaintes de Fleur. Soudain, le corps de l’homme se tendit dans un dernier rush. Son bassin s’immobilisa quelques centimètres au-dessus de la couette. Fleur comprit que son amant jouissait et eut la sensation surréaliste du foutre de l’homme giclant contre ses parois. Si elle voulait le rejoindre dans l’orgasme, il allait lui falloir faire vite. Le mufle qu’était Cricri ne s’embarrassait pas de savoir si sa compagne avait joui. Heureusement, il ne lui restait guère qu’une marche qu’elle franchit sans grande difficulté en frottant son clito contre le pelvis tendu. Un orgasme libératoire éclata in extremis à la seconde où le corps de Castagnette se relâchait. Elle se déficha et roula sur le côté.Elle regarda son compagnon qui, yeux au plafond, l’air béat retrouvait son souffle.— Cet air satisfait c’est parce que je t’ai bien baisé ou parce que tu as bien baisé ta nouvelle subordonnée ?— Un peu des deux, ma biche. Quoique Moitoux, je ne la baiserai jamais. Ni moi ni un autre d’ailleurs.— Ah ? Tu as remarqué ?— Je sais bien que tu me prends pour un macho primaire et que je te sers de défouloir sexuel, mais n’oublie pas que je suis flic.— Et aussi bon flic que baiseur. Bien que dans un cas comme dans l’autre tu pourrais être nettement meilleur et plus partageur.Comme à son habitude, il ignora la pique.— N’empêche qu’elle m’a épaté. En tant qu’enquêtrice, elle a la hargne. Avec l’expérience, elle jouera dans la cour des grands. Mais où elle a été encore plus forte, c’est de dégeler Cité.— Un de tes beaux râteaux.— Qui s’explique…— Tu ne vas pas me faire le coup qu’elle a résisté à ton charme parce que c’était une lesbienne qui s’ignorait.— Sans commentaires. Et je trouve qu’elles vont très bien ensemble.— Finalement, tu n’es pas si homophobe que ça !— J’ai jamais été homophobe, c’est juste que j’aime pas les tarlouzes. Et puis imaginer Électre et Moitoux s’envoyer en l’air, c’est bandant !— Espèce de cochon.— En tout cas, entre la résolution du meurtre de Henneau et l’arrestation des pyromanes, la brigade a fait du bon boulot.— Vous n’avez pas retrouvé l’or ?— Il s’est tiré avec et les Rhodésiens l’ont récupéré.— Tu es vraiment sûr de ça ?— En fait, je m’en bats les couilles. L’affaire est pliée pour nous. En passant, on a identifié le corbeau.— …— Robert Tignac, le gentil retraité. Il avait rendu une visite de courtoisie à Sandrine Bayolle qui se sentait seule en l’absence de son mari. Une salope, celle-là  !— Et t’aimes les salopes, mon Cricri, ironisa-t-elle en s’emparant de la bite semi-érigée de son amant. Si on remettait ça !**********Six mois plus tard, sur une plage, dans un pays où le soleil brille tout le temps, deux jeunes femmes sirotaient un cocktail, allongées dans des transats à l’ombre d’un parasol. La carnation très sombre et le corps voluptueux de la première offraient un contraste intéressant avec le teint clair et le corps androgyne de sa compagne.Vêtues de maillots de bain identiques. Enfin si on pouvait appeler maillot, le petit bout de tissu qui dissimulait difficilement leur intimité. S’il remplissait sa mission pour l’une, il n’y parvenait que partiellement pour la seconde, la jeune femme de couleur, dont les poils follets s’échappaient par toutes les issues possibles.Leurs plastiques opposées auraient réjoui l’œil d’un observateur impartial.L’une, blonde aux yeux bleus, la peau nacrée par le soleil, avait un physique d’éphèbe : longues jambes fuselées, hanches étroites, poitrine peu marquée aux aréoles claires et aux tétons de garçon dardés.L’autre, brune à la chevelure bouclée et indisciplinée, l’œil aussi noir que sa peau, offrait aux regards un corps plus conforme aux canons de la féminité : jambes tout aussi fines et longues, mais prolongées par un bassin aux formes marquées, des seins qui sans avoir eu recours à la chirurgie esthétique se dressaient vers le ciel malgré leur taille respectable. Ses tétons d’une taille hors normes pointaient au centre de très larges aréoles qui parvenaient à être plus sombres que la peau de la jeune femme.L’une comme l’autre dégageaient une féminité incontestable. L’une comme l’autre, ventres plats et musclés, sans aucune once de graisse, auraient fait honte à beaucoup de sportifs du dimanche. Et enfin l’une avec l’autre semblaient vivre dans une bulle nirvanesque dont qui excluait le reste du monde.De temps à autre, elles se rapprochaient pour une caresse, un baiser. Après avoir posé son verre dans le sable, Électre en s’étirant, s’exclama :— J’y crois toujours pas !— Que je t’aie fait virer ta cuti ou qu’on soit mariées ?— Ni l’un, ni l’autre. Nous deux, ça me paraît tellement évident aujourd’hui.Elle posa sa main sur la cuisse satinée d’Élodie.— Le mariage n’était qu’une conclusion logique. Mais que ce soit Casse-Couillette qui nous l’impose quasiment.— Reconnais qu’il a bien fait. Encore que je pense qu’il a été conseillé.— Fleur ?— Je crois. Comme elle m’a parlé le jour du mariage, elle a dû le travailler au corps.Les deux filles, à cette évocation, éclatèrent de rire.**********Elles riaient beaucoup moins deux mois auparavant quand Castagnette les avait convoquées dans son bureau. Le sujet qu’il aborda, même s’il était brûlant, n’était pas du tout celui qu’elles imaginaient. Pourtant ses premiers mots avivèrent leurs craintes.— Mesdemoiselles, je sais tout.Qui avait cafté. Pas Robin, il était partie prenante. Quelqu’un du village se serait-il rendu compte de leurs manigances ? Pas impossible ! À Mérissard, les fenêtres avaient des yeux. Elles se regardèrent. Message muet : on ferme nos gueules et on attend la suite. Que sait-il exactement ?— Cela ne peut continuer ainsi ! Jusqu’à là , je n’ai rien dit, mais si cela parvenait à l’oreille de notre hiérarchie… Vous avez que vous enfreignez un certain nombre de règles. Il existe une certaine tolérance, mais votre … comment dirais-je une particularité aggrave la chose.Elles se regardèrent, déconcertées. Qu’elles enfreignent des règles, ça, elles le savaient. Mais pourquoi Robin n’était-il pas avec eux et quelle particularité aggravait les choses ? Quelque chose clochait. Il éclaira rapidement leur lanterne.— Je peux comprendre. Vous êtes jeunes et avez envie de vous amuser. Mais vous portez un uniforme, vous devez le respecter.Elles se jetèrent un coup d’œil inquiet. Il ne parlait pas de leurs petites investigations. Le seul autre sujet … Ça sentait mauvais. Il savait pour elles. Il confirma immédiatement.— Est-ce que c’est sérieux entre vous ou est-ce que c’est seulement une histoire de cul ?La foudre tomba. Sans se regarder, sans réfléchir, elles répondirent d’une seule voix.— Oui ! C’est sérieux !Il insista.— Vraiment sérieux, sérieux ?Même réponse et dans la même harmonie.— Alors, il ne reste qu’une possibilité. J’espère que vous en êtes conscientes.Elles se regardèrent intensément. Élodie prenant la main de sa compagne :Électre hocha la tête.— Capitaine, pouvez-vous nous indiquer la marche à suivre pour être rayées des cadres ?Castagnette ouvrit de grands yeux et partit dans un fou rire inextinguible. Électre et Élodie échangèrent des regards d’incompréhension. Qu’est-ce qu’il y avait de drôle dans leur situation ? Quand, enfin, il se calma…— Vous ne croyez pas qu’il serait plus simple de vous marier. Nous sommes au XXIe siècle et la loi l’autorise. En plus ça évitera de vous faire surprendre en train de vous lécher la pomme ! Mieux, ça donnerait une image moderne de notre vieille maison.Cette proposition inattendue les avait clouées à leur siège ne sachant trop quoi répondre. C’est Électre, avec son à -propos habituel, qui proposa :— On peut s’entretenir seule à seule.Leur aparté n’avait guère duré. Ensuite tout s’était déroulé comme dans un rêve auquel elle n’avait guère participé. Les négociations qu’elles venaient d’entreprendre pour conclure leur affaire les occupaient beaucoup plus. Elles se marièrent dans l’intimité. L’assemblée se résumant à Robin, témoin d’Électre, avec son épouse Olivia et Fleur, témoin d’Élodie, accompagnée de Castagnette. Juillet arrivant, la brigade toujours en sous-effectif avait besoin d’elles, elles reprirent donc le travail dès le lundi qui suivit leur union.**********Aucun voyage de noces en perspective et pourtant en ce début septembre, elles ricanaient sur la plage privée d’un palace exotique.— Alors qu’est-ce que tu ne crois toujours pas ?D’une main, elle balaya le paysage autour d’elles :— Ça ! Et grâce à toi ! Grâce à ton flair de limier !— Grâce à moi, grâce à moi ! Comme tu y vas. Tu y es peut-être bien pour quelque chose, Robin, Amandine aussi, sans parler de Gaëlle dont le rôle a été essentiel et même la Berthe, sans qu’elle le sache.— Oui, mais c’est toi qui as tout déclenché.— Peu importe, si on réclamait un nouveau cocktail ?Elle avait eu, sinon du flair, du moins une intuition : l’or n’avait pas quitté Mérissard. Elle ne pouvait vraiment l’expliquer. Mais, pour elle, la rage, la volonté destructrice qui avait animé Barbier-Lacourt dans le meurtre de Henneau ne s’expliquait que par le fait qu’il n’ait pas trouvé l’or. Elle supposait qu’elle avait refusé de lui révéler où elle avait caché le magot et que, dans un geste d’énervement ou en voulant la faire parler, il l’avait tuée. Il avait alors pété un câble et s’était acharné sur le corps et principalement sur le visage.Et si la Berthe n’avait pas contacté la brigade de Pont-d’Ain, que l’adjudant-chef Levaudout qui avait reçu l’appel n’avait appelé Bourg et était tombé sur Élodie, l’histoire serait passée aux oubliettes. La Berthe s’inquiétait parce que des prétendus journalistes rodaient depuis plusieurs jours dans le hameau et selon elle, ils ressemblaient autant à des reporters que l’Esther, la femme au Robert, ressemblait à une concurrente pour le titre de Miss France. Ils avaient déguerpi quand l’Elvire avait sorti le fusil.Pour Élodie, la présence de ces « barbouzes » prouvait que l’or n’avait été récupéré ni par les Rhodésiens ni par les amis douteux du marquis. En clair, le magot dormait quelque part et probablement à Mérissard. Électre et Robin n’avaient pas été vraiment convaincus par ses arguments, mais ils l’avaient suivie. L’une par amour, l’autre par amitié pour l’une.Élodie ne partait pas à l’aveuglette. Le récent intérêt de Corine-Louise pour la chapelle et son cimetière l’avait interpellée. Soit les lingots n’avaient pas quitté la maison, soit ils avaient été dissimulés quelque part autour de la chapelle.La première hypothèse ne la séduisait pas. Les deux technos, pourtant des spécialistes, n’avaient pas trouvé la cache où Barbier-Lacourt avait planqué l’or, cache sans doute vide. Et il lui semblait hautement improbable que Henneau ait pu en créer une seconde. Cependant, il fallait lever cette possibilité d’autant que sa chérie et Robin l’avaient mauvaise de n’avoir rien trouvé. Il fallait donc, à nouveau, fouiller la maison. L’affaire en instance, aucun héritier ne s’étant présenté, les scellés n’avaient pas été ôtés. Difficile pour eux d’entrer ouvertement dans la propriété. Passer par-derrière, sans se faire remarquer, mission impossible. Restait la solution d’impliquer les voisines.La peur au ventre, accompagnée d’Électre, elle se présenta à leur domicile. Elle aurait pu déléguer, mais il fallait qu’elle les affronte. À sa grande surprise, elles furent bien accueillies. Les deux lesbiennes les avaient reçues comme des sœurs. Leur amour était-il si visible ? Les filles étaient persuadées que l’innocence de Gaëlle avait été reconnue grâce à son action. Elles ne les détrompèrent pas. Après tout Casse-Noisette s’était attribué tout le succès de l’enquête alors… Et de plus comme leur dit De Hort avec beaucoup de pragmatisme : « Si la mort de cette salope peut nous rapporter quelque chose, ça compensera le mal qu’elle nous a fait. »Elles purent ainsi, accompagnées par Robin, s’introduire chez Corine en toute discrétion en passant par les jardins mitoyens. Durant tout un week-end, ils campèrent dans l’appartement, ravitaillés par De Hort/Zéneur qui jouaient les cuisinières. Ils finirent par trouver que tout le grenier avait été surélevé d’une vingtaine de cm par un faux plancher. Dans un coin, des empreintes matérialisées par différentes épaisseurs dans la couche de poussière dessinaient cinq emplacements rectangulaires d’environ 30 cm sur 15. Ils avaient découvert la cachette construite par le marquis. Mais, comme elle l’avait prévu, les lingots brillaient par leur absence.Malgré leurs efforts et leur ténacité, ils ne trouvèrent aucune autre cache. Conclusion évidente : il fallait explorer la chapelle et ses alentours. De Hort et les deux de la P.T.S. s’étaient montrés sceptiques et voulaient en rester là , mais elle reçut un soutien inconditionnel de Gaëlle. Cette dernière convainquit, par son enthousiasme, les trois autres. Élodie s’en voulait de l’avoir soupçonnée. Elle comprenait l’amour que Corine avait pu éprouver pour elle. S’il n’y avait pas eu Électre… et accessoirement Amandine.Toute l’équipe avait décidé d’attendre le week-end suivant pour passer au crible les alentours de la chapelle. Durant la semaine, Gaëlle n’était pas restée inactive, elle avait interviewé tout ce que le hameau comptait comme informateur potentiel, en fait tous les résidents, de la Berthe, radio officielle, jusqu’à Marko Linka. Elle avait ensuite synthétisé, analysé. « Tu aurais fait un super flic », lui avait dit Robin à la lecture du tableau récapitulatif qu’elle avait dressé dans leur salon.Elle avait en effet effectué un superbe travail d’investigation. Au travers des différents « témoignages » recueillis, il apparaissait que Corine fréquentait assidûment une partie de l’ancien cimetière. La Berthe, qui regardait beaucoup France 3, en fan de l’inspecteur Barnaby, a posteriori, affirmait qu’elle s’y rendait pour se faire pardonner une faute. Ses délires ne valaient que par la présence de Corine dans un coin assez précis du cimetière. Localisation corroborée par Marko, Robert Tignac et tous les yeux attentifs de Mérissard.La difficulté serait de mener leurs recherches sans attirer l’attention. Impossible de passer du temps dans l’ancien cimetière sans qu’une bonne âme ne le remarque. Encore une fois, Gaëlle avait amené la solution. Pourquoi ne pas organiser un barbecue et très ouvertement, dans l’après-midi visiter la chapelle et ses alentours. Robin apporta sa pierre à l’édifice en proposant de venir avec Olivia. À cette occasion, Élodie apprit que son subordonné, et de plus en plus ami, se révélait un père attentionné et joyeux avec ses trois charmants marmots. Les enfants courant dans le cimetière, s’ils choqueraient les villageois, leur éviteraient de se poser des questions.Ainsi fut fait. Dans un premier temps en mode flânerie, ils firent chou blanc. Aussi Électre et Robin eurent une approche plus technique cherchant à faire parler la végétation. Les autres, dans une bruyante partie de pétanque sur le terre-plein devant l’édifice, détourneraient l’attention d’éventuels curieux.Il fallut trois parties en 15 points avant que les recherches des technos aboutissent. Les lingots, du moins ce qu’il en restait, se trouvaient dans un caveau abandonné, situé à l’ombre du bâtiment. Henneau avait fait un bon travail de dissimulation. Mais si rien n’aurait laissé deviner au promeneur du dimanche que la tombe avait été ouverte, l’œil averti des spécialistes avait remarqué que, à un certain endroit, la verdure n’était pas distribuée naturellement. En l’arrachant, ils avaient constaté que la porte du caveau avait été ouverte récemment. La suite fut un jeu d’enfant. Cinq caissettes contenant les lingots reposaient bêtement dans un angle de la crypte. Quatre complètes et une contenant « seulement » huit lingots soit un total de 128 kg d’or. Sans la volonté, d’Élodie, ils seraient restés là , sinon pour l’éternité, du moins jusqu’à la destruction du cimetière.Après avoir refermé soigneusement le caveau, ils trinquèrent abondamment en fantasmant sur comment ils allaient dépenser la fortune qui venait de leur échoir. L’euphorie retombée, la raison prit le dessus. Aucun d’entre eux n’avait la mentalité d’un aventurier et quatre, par leur appartenance à l’armée, possédaient un sens de l’honneur qui les empêchait de profiter de cet or. S’ajoutait à cette attitude philosophiquement correcte, la trouille que les « barbouzes » de la Berthe s’en prennent à eux. Après maintes palabres, ils décidèrent de prendre langue directement avec le gouvernement de Nouvelle Rhodésie du Nord. Les trois flics refusant obstinément de signaler leur découverte à la gendarmerie, car ils avaient agi en limite de la légalité et, en outre, ils ne voulaient pas que Casse-Roupette tire, encore une fois, la couverture à lui.Tout en discutant, ils avaient préparé un repas copieux au cours duquel ils mirent au point leur plan d’action. Gaëlle, la seule civile, de l’équipe fut chargée d’entrer en contact avec les Rhodésiens.À la nuit tombée, ils transportèrent discrètement les cinq caisses chez De Hort/Zéneur. Ils ne résistèrent pas à la tentation, de les ouvrir et de recompter les lingots : 128, c’était bien ça. Olivia Desbois qui, avant d’être femme au foyer, avait travaillé dans la banque, après un rapide détour par internet calcula qu’ils avaient devant eux pour environ 5,2 millions d’euros de métal précieux. L’énormité de la somme les scotcha. Ils planquèrent les caisses sous le lit des deux lesbiennes puis allèrent se coucher, avec dans les yeux des reflets dorés et en se promettant que le lendemain, ils n’aborderaient pas le sujet pour profiter d’un dimanche de pure détente entre amis. En gens pour qui la richesse n’était pas une fin en soit, ils dormirent sur les deux oreilles (j’adore cette image !). Bien que ne se déroulant pas vraiment comme il l’avait prévu, la restitution de l’or à la Nouvelle Rhodésie se fit assez facilement. Le plus difficile pour Zéneur fut de passer l’obstacle de l’ambassade, mais une fois l’ambassadeur convaincu, tout alla très vite. Les Rhodésiens refusèrent d’agir dans le dos des autorités françaises, mais obtinrent de celles-ci l’anonymat total pour les découvreurs et l’impunité pour les militaires. Même si Gaëlle ne signifia jamais clairement qu’ils voulaient une récompense, une somme équivalent à 10 % de la valeur totale leur fut attribuée la NRN, trop heureuse de récupérer une manne dont ils ignoraient l’existence jusqu’à la mort de Nobert. Ils se partagèrent ainsi 500 000 €.Elodie et Électre avaient pu, après avoir demandé une permission spéciale, s’offrir un voyage de noces de rêve et, ainsi, siroter, à moitié nues (au trois quarts), un nouveau cocktail sur cette plage paradisiaque.**********Quel bel « Happy End ». Il manque juste le soleil couchant sur le Pacifique et l’ultime phrase : et elles vécurent heureuses et n’eurent jamais de moutards qui chouinent et tachent des couches. Ben oui dans le monde merveilleux des contes, l’histoire aurait pu, auraient fini ainsi, mais c’était sans tenir compte du principe de réalité.Lorsqu’elles se présentèrent au rendez-vous fixé par l’ambassade, Moitoux et Zéneur étaient attendues non pas par un diplomate, mais par un officier traitant de la DGSE et deux sous-fifres. Elles devaient remettre les quatre caissettes à ce barbouze prétentieux immédiatement. Élodie exigea que cette restitution se fasse dans les locaux de la gendarmerie de Bourg en présence de leurs supérieurs. Il lui fut répondu, dans un éclat de rire dédaigneux, qu’elle n’avait rien à exiger déjà bien qu’elles ne se retrouvent pas en taule.Heureusement, par une chance incroyable (d’ailleurs le connard de la DGSE ne le crut pas et dut faire contre mauvaise fortune bon cœur), le commandant Castagnette assisté de l’adjudant Levaudout et de deux gendarmes patrouillaient fort opportunément à Mérissard. Il usa de son grade et de sa légitimité pour mettre en doute celle des flics parisiens, les obligea à les accompagner à la brigade de Pont-d’Ain et de le mettre en rapport avec leur supérieur.Élodie ne sut jamais ce qui fut dit, mais la remise de l’or fut faite de manière très officielle à la gendarmerie de Pont-d’Ain.Si leur naïveté les avait perdus, cette même naïveté sauva trois d’entre eux. L’homme des services de renseignement, lors de leur rencontre, confisqua leurs téléphones portables, mais ne prit pas la peine de vérifier si la jeune lieutenant en avait un second. Celui-ci était ouvert et permit à Robin et Électre, postés à une centaine de mètres du lieu de rendez-vous, de suivre leur conversation. Ils entendirent surtout que les deux femmes prétendaient avoir agi seules. Cela les mettait hors circuit, mais la carrière d’Élo était foutue. En désespoir de cause, foutus pour foutus, ils appelèrent Castagnette. L’esprit de corps (et aussi peut-être le plaisir d’enculer ces connards de barbouzes) joua à fond.Ayant rempli sa mission et reçu des instructions pour ne pas faire de vague, le flic de la DGSE savait probablement qu’il s’était fait rouler dans la farine, mais il n’eut pas le loisir d’approfondir.Aucune récompense n’ayant été demandée lors des contacts avec l’ambassade de Nouvelle Rhodésie, l’administration ne pouvait rien reprocher à Gaëlle, une civile, et se contenta de taper sur les doigts d’Élodie qui avait squeezé sa hiérarchie. À l’automne, Élodie « demanda » un changement d’affectation pour Guéret dans la Creuse. Dans le cadre du rapprochement familial, Électre la suivit, car les deux filles s’étaient réellement mariées à l’instigation de Castagnette. Pareillement, le voyage de noces avait bien eu lieu, avant qu’elles ne rejoignent leur nouvelle affectation, mais loin du soleil tropical sur les plages de Normandie.Quatre caisses ! L’auteur se serait-il trompé ? Une incohérence de plus dans son récit ! Que nenni ! Faisant fi de leur honneur militaire et de leur fidélité au drapeau, ils avaient escamoté la caisse contenant seulement huit lingots. Elle était retournée dans la cachette sous le faux plancher de la maison de Henneau. Les deux protagonistes morts, nul ne connaissait le nombre de lingots restant. Négociés par Olivia auprès d’un receleur lyonnais connu de son mari, ils leur avaient rapporté une coquette somme qui partagée leur avait laissé plus de 90 000 €.À défaut de boire des cocktails à l’ombre des cocotiers, les deux filles fêtaient cela en compagnie des deux lesbiennes « mais gentilles » et du couple Desbois dans le petit nid douillet qu’elles avaient loué près de Guéret. Demaville et Castagnette, invités, n’avaient pu venir pour cause de voyage de noces.Fin des hostilités***********Ce roman d’arrêt d’autobus est dédié à mon camarade en écriture Patrick.alias Asymptotealias Laure Topignealias Scarlett,Et comme d’hab’ : un grand merci à Karlotta, Gräfin von Königsbergstein. Étrange comtesse virtuelle, ma critique correctrice et ma conseillère inspiratrice peut-être même mon amie sans qui cette histoire aurait une tout autre allure.