Il se profilait comme un vague à l’âme ce matin. Je marchais, croisais des personnes, des lampadaires, du béton, je ne faisais attention à rien… Je ressentais bien que c’était un jour de plus, une allée de plus, le cœur blessé, que j’allais je ne sais où !Nous nous sommes croisés un jour d’automne, un jour grisonnant, évidemment ! Je marchais comme aujourd’hui, mais je savais où j’allais.Je m’étais assise le long de l’eau, j’avais remonté ma jupe pour glisser mes jambes dans cette eau froide…Quelques jours auparavant, alors que je rejoignais ma voiture, une fois au volant, je vis un bout de papier figé là, sous l’un des essuie-glaces. Le papier était bleu, déchiré avec précaution d’un petit carnet je suppose.Je souhaite vous rencontrer…Même si je trouvais cela très sympathique, je restai convaincue que c’était une plaisanterie, je repliai ce message et le laissai dans ma voiture.Le lendemain, même scénario. Vous êtes si jolie…Puis tous les jours :Je vous trouve attirante.Votre démarche… vos jambes…Votre désir de me rencontrer, est-il en train de monter ?Oui je le sens !Les jours suivants, je scrutais ma voiture. Je m’étais garée chaque jour de manière à voir celui qui me laissait tant de mystère. Mais en vain : jamais je ne le voyais me déposer ses mots qui commençaient plus à m’intriguer qu’à me faire sourire.Je vous ai vue, nue, vous êtes délicieuse…Là l’angoisse a pris place. Il me voyait…Le soir en prenant soin de me garer sous ma fenêtre, je laissai à mon tour, un message sur ma propre voiture !Vous qui me voyez, vous qui me trouvez délicieuse, vous qui êtes si sûr de vous… laissez-moi.Il était 6 heures, je tournais dans mon lit. Je me suis levée, me suis dirigée vers la cuisine où l’odeur du café réveillait peu à peu mes pupilles, mais je ne pouvais m’empêcher de rapprocher ces pupilles fatiguées à ce carreau de verre qui séparait ma vie interne à celle de mon inconnu postal !Il n’y avait pas de mot… mais le mien n’y était plus non plus !Trois jours, trois longs jours… Je m’y étais habituée, à cette sérénade de mots !Juste quelques mots qui perturbent votre vie tout d’un coup…Mardi, c’est un mardi que tu m’as laissé ceci :Le long de l’eau, entre les ponts où les péniches viennent s’échouer… à 15h.Ok je connais ce quai.En arrivant à mon bureau, j’ai demandé mon après-midi, il était impossible pour moi de ne pas rejoindre celui qui me joue des tours de vie !Je me suis assise le long de l’eau, j’ai remonté ma jupe pour glisser mes jambes dans cette eau froide…Les cloches sonnent. Il est 15 heures.Je regarde droit devant, je ne veux pas le voir s’approcher, je l’entends. Il est tout près, il est derrière moi, il se baisse et d’un chuchotement me dit :J’exécute !— Je vais vous embrasser… mais gardez bien les yeux fermés.J’exécute !Je sens son souffle s’approcher. Sa main se glisse tout le long de ma nuque, ses lèvres frôlent les miennes, plusieurs fois. Son autre main caresse mon bras, ma main, mes doigts. Puis sa langue, juste le bout de sa langue, entreprend une reconnaissance de la forme de ma bouche. J’entrouvre alors un peu mes lèvres. Il en profite pour y pénétrer son organe chaud et si agréable.Sa main a quitté mon bras pour parcourir mes hanches, le haut de ma jupe, et finir par connaître le grain de ma peau.De la paume, il monte puis redescend le long de mes jambes. Sa langue est plus entreprenante désormais et ce sont ses doigts maintenant qui caressent la fraîcheur de mes cuisses.J’ai envie d’ouvrir les yeux, voir quel est cet inconnu qui fait de moi ce qu’il veut !De ma nuque il vient à mon visage, passe sa main sur mes yeux… Il a compris !Il m’embrasse le long du cou, et sa main, cette main qui courait le long de mes veines, vient à découvrir un lieu moite et terriblement chaud, le lieu où je veux me perdre juste avec lui, juste là, juste nous, sa langue, sa main et mes yeux fermés…J’ouvre délicatement mes cuisses, le laisse se perdre sous ce tissu qui lui fait affront. Il le déplace doucement et touche légèrement du pouce mon clitoris. Un autre doigt se faufile le long de mes lèvres et les trois autres se laissent porter par le second.Je pousse un petit gémissement, car ses doigts sont en moi, et les deux premiers caressent tous les sens de mon excitation.Je souhaite jouer de mes bras, de mes mains, mais il m’en empêche.— C’est juste pour vous. Laissez-vous aller au plus loin… Imaginez-moi comme vous souhaiteriez que je sois.Sa voix si grave, et mon souffle de plus en plus rapide… Ça y est, je sens mon corps se cambrer dans ses mains. Je ne pense qu’à mon plaisir. Juste ma jouissance qui, je le sens, est proche.J’ai joui plusieurs fois au creux de ses mains, de ses doigts.— N’ouvrez pas les yeux, attendez quelques minutes.Il s’en est allé. Je savais qu’il ne fallait pas que je le suive – du regard.Je suis restée là, ma jupe en haut des cuisses, l’eau froide n’avait aucun effet tant mon corps était brûlant, ma bouche avait un goût de tentation, ma nuque un goût de provocation et mon sexe un goût d’exaltation.Lorsque j’ai ouvert mes paupières, je regardai tout droit. Je ne voulais pas savoir qui, que, quoi, dont, où sur cet être qui venait de me faire passer la meilleure après-midi de l’année !Je suis rentrée, je me suis déshabillée : nue, je voulais être nue, et sentir encore cette tiédeur.Je suis allée me servir un verre d’eau bien fraîche avec quelques glaçons, puis me suis dirigée vers la fenêtre ; il était peut-être là, à me regarder. Je voulais lui offrir quelque chose.J’ai alors déplacé mon fauteuil vers la vitre, me suis assise. J’ai placé chaque jambe sur chaque accoudoir et ai pris un glaçon. Je l’ai glissé jusqu’à mon sein. Cette fraîcheur vive me fit sursauter de plaisir. Puis j’ai attrapé un second glaçon. Chaque main, chaque glaçon se faufilait le long de mon corps. Je repensais à lui… Le glaçon fondait rapidement sous la chaleur de ma peau, sous la chaleur de mon présent pour lui, juste lui…Ce soir, au numéro 22 de votre rue. Vous montez au 3ème étage, porte de droite. Ne frappez pas, elle sera ouverte. Ne portez qu’un seul vêtement…Je compris que j’adorais cela, que cet homme que je ne connaissais pas, celui avec qui j’allais faire l’amour, je n’allais peut-être jamais le voir…Je n’ai pas pris l’ascenseur, comme pour faire monter le désir, je suis arrivée devant cette porte. Une odeur d’encens. Et puis instantanément j’ai fermé les yeux et je suis entrée.Je sens une main prendre la mienne.— Bonsoir, tu étais magnifique hier près de la fenêtre, j’ai adoré.Je n’ai pas le temps de répondre. Il m’embrasse, me plaque contre le mur, mais sans violence.— Un seul vêtement… hmmm…Juste un manteau enveloppe mon corps. La ceinture cède rapidement sous ses doigts. Il me le retire et se presse contre moi. Je sens alors sa peau.Le bonheur de ressentir enfin cet homme, nu sous mes doigts…Sa peau est douce, il sent bon la cannelle, il me paraît carré, sans trop l’être non plus, des bras juste comme il faut pour se réfugier, une taille que j’adorerais envelopper de mes bras pour l’éternité. Il me porte jusqu’à un sofa en velours. C’est doux, très doux sous mes fesses, et là, il me prend les mains. Je lui dis :— Laisse-moi m’occuper de toi !— D’accord !Les yeux fermés, je m’imagine chaque centimètre, chaque courbe de son corps, il a l’air magnifique…De ma langue, je parcours ses bras, son torse timidement velu, son ventre. Je joue un peu avec son nombril, puis me dirige vers sa cuisse, remonte doucement… Je sens son cœur qui s’accélère.Puis je découvre son orgueil, son membre doux et qui sent l’excitation ; avec ma bouche je lui fais quitter la terre quelques instants. Les va-et-vient, ma bouche entière le dévore et ma langue le survolte.Puis sa main est venue jusqu’à mon désir…Je suis accroupie sur ce sofa et il se laisse glisser le long de mon corps. Puis sa bouche embrasse mes lèvres gonflées par l’envie, sa langue désormais récite un va-et-vient dans mon antre humide. Il me fait frissonner pendant quelques instants. Il s’arrêta, se retourna en laissant une main près, tout près, prend la précaution d’apposer un préservatif et se rapproche derrière moi.— Je suis impatient de te connaître.Puis je le sens s’approprier mon intimité. Nous poussons un gémissement de bonheur. Au fil des positions, au fil des contractions que je m’amuse à produire, il se perd en moi.Nous avons fait l’amour plusieurs fois, dans toutes les pièces de l’appartement. Une fois, mes yeux se sont ouverts… Il faisait si noir, mais j’ai découvert que mon bel enchanteur était brun.Avant que la lueur du soleil ne vienne à troubler les rideaux clairs, il s’approcha et me dit :— Il faut que tu t’en ailles maintenant, c’était fabuleux.Je n’ai rien dit. Je crois que quelques années en arrière je lui aurais fait comprendre que ce qu’il venait de dire n’était pas respectable, mais là, je m’en fichais. C’était comme cela, j’avais bien compris.Nous nous sommes quittés un jour d’automne, un jour grisonnant, évidemment !Je marchais comme aujourd’hui, mais je savais où j’allais. Je rentrais chez moi.Je suis allée me coucher en gardant son odeur.Le lendemain, par curiosité, je suis retournée au numéro 22, mais la personne qui m’ouvrit était un agent immobilier : l’appartement était à vendre et… comment aurais-je pu lui demander quoi que ce soit ?Marche après marche, je suis redescendue. Arrivée sur le trottoir j’ai inspiré un grand coup en regardant le ciel et j’ai souri.Je me suis assise le long de l’eau, j’ai remonté ma jupe pour glisser mes jambes dans cette eau froide… et je t’y attends.