Elle s’ennuyait ferme depuis une bonne demi-heure. Assise sur sa chaise, les jambes croisées dévoilant la jarretière d’un bas sous sa robe de satin mauve, elle laissait errer son regard sur la piste de danse. Les froufrous chatoyants se mêlaient au sombre des smokings. Elle avait dansé un peu elle aussi. Un homme, très séduisant, l’avait entraînée dans un rock échevelant. Ils avaient même bu une coupe de champagne… Puis il s’était montré un peu trop prévenant et elle l’avait sévèrement planté au bar. Elle l’avait revu tout à l’heure sur la piste, dans les bras d’une brune pulpeuse apparemment bien moins farouche qu’elle. Quelle idée avait-elle eu de venir à cette soirée ?Élodie avait insisté et elle n’avait pas eu le courage de se battre. Elle était allée jusqu’à faire des efforts de toilette et s’était même trouvée jolie dans le miroir. Mais elle n’était plus, à cette heure, que le pâle reflet de son propre reflet. Le rockeur et la brune pulpeuse envahirent son champ de vision. Ils ondulaient l’un contre l’autre sur un slow. Elle, un bras accroché à son cou à lui et l’autre lové sur le torse qu’une veste cintrée laissait imaginer des plus agréables ; lui, une main posée au creux de ses reins à elle, la seconde effleurant la nuque délicate que caressaient déjà quelques mèches rebelles. Les yeux dans les yeux, ils n’avaient a priori pas grand chose à se dire que leurs corps n’aient déjà exprimé !Quand elle pensa qu’elle aurait pu être à la place de la grande brune elle afficha un sourire désabusé. Elle imaginait sans peine la main de l’homme dans son dos, sa légère pression pour plaquer leurs ventres l’un contre l’autre. Un premier frisson courut sur sa peau à la pensée de son ventre satiné dansant contre celui plat et musclé de son cavalier imaginaire… Imaginaire? Il était pourtant diablement réel, avec ses épaules larges, son teint hâlé, ses hanches souples, son… Elle se refusa à davantage d’investigations. Mais le mal était fait et une chaleur incongrue s’insinuait déjà entre ses cuisses. Le baiser sulfureux que les deux autres échangeaient ne fit qu’attiser cette sourde sensation d’un désir naissant.Ses lèvres s’entrouvrirent sur un léger soupir à la vue des mains masculines qui pétrissaient les hanches fines moulées dans un fourreau de velours vert émeraude. Sa bouche s’assécha tandis qu’elle sentit entre ses cuisses une inspiration toute autre. Elle décroisa ses jambes, se redressa sur sa chaise, chercha une contenance plus… convenable.Pendant ce temps, le couple s’était fondu dans la foule. Elle les chercha du regard. Soudain un sentiment de déprime l’assaillit et elle se leva d’un bond, bien décidée à partir, sans même saluer Élodie qui, de toutes façons, l’avait bien vite délaissée pour les bras d’un bellâtre scandinave. Elle serait bien la seule ce soir à s’abîmer dans un plaisir solitaire !Sans regret, elle quitta la salle bondée et plongea dans un couloir obscur. Le silence et la fraîcheur qui y régnaient l’apaisèrent un peu. Elle s’arrêta un instant pour goûter ce calme et reprendre ses esprits. Les notes de musique perçaient le mur. Les notes de musique et… Son corps se tendit comme la corde d’un arc. Sans même y réfléchir, elle se laissa guider par des soupirs jusqu’à une porte entrebâillée. À chaque pas son coeur battait plus fort et sa respiration s’altérait. La légère ouverture laissait filtrer un rai de lumière tamisée. Elle s’en approcha et y glissa un oeil timide mais déjà enfiévré. Rien ! Elle ne voyait rien. Le coeur au bord des lèvres, elle poussa doucement la porte. Des jambes nues entremêlées à même le sol apparurent. Elle percevait des bruits de langues, de frôlements, de peaux humides, de désir… Elle s’aventura dans l’entrebâillement, poussée par une curiosité excitée. Elle les vit alors.La femme était allongée sur le dos; la robe fourreau vert émeraude avait cédé la place à une peau mate et veloutée sur laquelle luisaient déjà des paillettes de sueur. Ses mains caressaient ses seins et son ventre, tantôt douces, tantôt exigeantes. Ses reins se cambraient sous la langue qui déchaînait des trésors entre ses cuisses. Les yeux fermés, la nuque courbée, les cheveux bruns épars sur le parquet, elle gémissait et soupirait. Ses jambes, toujours galbées dans les bas de soie, frémissaient.L’homme était totalement nu. Son corps athlétique dégageait un parfum musqué qui enivrait les sens. Allongé près de sa maîtresse, ses mains en arpentaient les jambes, sa bouche dégustait l’eau du plaisir que sa langue faisait sourdre avec délectation. Puis ses doigts se glissèrent dans la chaleur de cette source goûteuse, apprivoisèrent les ondulations de la jeune femme pour maîtriser son plaisir. Quand il la sentait prête à jouir, il se faisait plus suave. Puis à l’apaisement succédait un nouvel embrasement.De l’autre côté de la porte, une main fébrile avait soulevé le satin mauve et se noyait en caresses solitaires. Le poing serré sur la bouche filtrait la respiration soupirante. Le corps tanguait, la nuque chavirait, les yeux se brumaient… Les yeux ? Quel était ce reflet de sa propre excitation ? La raison égarée revint à grandes foulées et elle comprit que son regard était accroché à celui de la sculpturale brune : elle était découverte en flagrant désir !Pétrifiée de honte, elle ne pouvait faire aucun mouvement. Bientôt, l’homme s’étonna du changement d’attitude de sa partenaire jusque là si fougueuse. Il suivit son regard et découvrit une image des plus adorables : dans l’entrebâillement de la porte, une jolie aux courbes généreuses se tenait là, la robe relevée sur les cuisses jusqu’à la culotte de dentelle blanche déformée par une main fanée.Il regarda à nouveau son amante, lui sourit, chercha son assentiment puis se leva. Le sexe dressé, il avança sans pudeur vers la jeune voyeuse dont il retira délicatement la main de la culotte pour la porter à ses lèvres et sucer les doigts parfumés du nectar de cette petite fleur affolée. La femme s’était levée elle aussi, provocante de beauté et de désir. Elle se lova contre l’homme, attira ses lèvres aux siennes pour partager son festin sensuel. Ses yeux mordorés souriaient à l’autre jeune femme. D’un geste lent, elle glissa ses doigts le long de son bras frémissant, enveloppa sa nuque tendue d’une main chaude et apaisante. Puis, toujours avec une exquise lenteur, elle se détacha de l’homme et s’approcha d’elle, caressa ses épaules, son visage ; posa ses lèvres sucrées sur les siennes et, d’une langue suave et experte, s’invita dans cette bouche novice aux plaisirs féminins. L’homme sentit son sexe se durcir davantage encore. Il les attira dans la chambre et referma la porte…Laissant toute liberté à votre imagination…