Anne tira légèrement le rideau de la fenêtre du salon et pencha la tête pour regarder à l’extérieur. On entendit le bruit sourd d’une voiture qui s’éloignait. Le silence commençait à s’installer confortablement, dans cette maison qui avait été si bruyante un instant plus tôt. Elle se retourna :— C’est bon, ils sont partis ! La paix !Cela faisait maintenant deux longues journées qu’elle attendait ce moment. Elle s’en frottait les mains, enthousiaste, et ne cachait pas son soulagement : son père, et celui de sa meilleure amie, Julie, étaient partis. Les deux chefs de famille étaient en effet non seulement amis depuis l’enfance, mais également associés dans le monde professionnel. Les affaires avaient voulu qu’ils s’absentent et les deux jeunes femmes avaient convenu de se retrouver à cette occasion.Anne, une charmante jeune étudiante de vingt-cinq ans, accueillait donc sa meilleure amie de toujours, Julie, dans cette maison où elles avaient joué et grandi ensemble. Elles s’étaient ainsi retrouvées deux jours auparavant, après plusieurs années de vie à distance sans se voir, ou presque, et sans se donner de nouvelles, ou presque.— On respire c’est vrai ! répondit Julie, un large sourire aux lèvres. Dehors les bonshommes et place aux femmes, ajouta-t-elle en sautillant sur place comme une enfant surexcitée.— Je vais faire un tour en ville chercher des enceintes. Les vieilles ne marchent plus. Et on se fait une soirée musique ce soir. Qu’est-ce que tu dis de ça, ma belle ?— T’as raison, profitons tant qu’on est tranquille !Le premier après-midi passa rapidement. Les deux meilleures amies d’enfance qui s’étaient rencontrées en même temps que leurs papas respectifs, étaient redevenues les petites filles turbulentes et espiègles qu’elles étaient autrefois. Ce furent des retrouvailles riches en émotions et en souvenirs. Anne était heureuse de revivre ces moments de complicité avec Julie qui était de quelques mois sa cadette.Toutes deux chantèrent, dansèrent devant leurs clips préférés, et s’échangèrent des anecdotes plus croustillantes les unes que les autres sur leurs vies qu’elles commençaient à construire, chacune de son côté. Et lorsque, tard dans la soirée, la fatigue finit par prendre le dessus sur l’impétuosité de la jeunesse, elles se résignèrent à gagner leurs chambres à coucher. Dans un élan de tendresse, Anne prit son amie dans ses bras et lui souhaita une bonne nuit. Cette dernière lui rendit son étreinte, puis elles se séparèrent.Anne était maintenant allongée sur ce lit, dans lequel elle avait passé ses nuits de petite fille. Elle se figura à quel point son amie d’enfance avait changé en huit ans. Les deux adolescentes d’hier étaient devenues adultes. Elle revit défiler devant ses yeux la scène des retrouvailles quelques jours plus tôt. Julie s’était approchée avec un petit sourire gêné, mais sincère tout de même. Émue, ses pommettes s’étaient empourprées au moment de plonger son regard dans celui de sa vieille complice. Anne se souvint de ce sourire, de ce regard pétillant ; de ces cheveux roux, très courts et en bataille. Elle entendit résonner dans sa tête cette mélodieuse petite voix, étranglée par l’émotion, exprimant à la fois la timidité et la joie : « Anna ! Tu vas bien ? ».Les minutes passaient et Anne n’arrivait pas à s’endormir. Le sommeil n’avait jamais été un moment de répit pour la jeune femme. Elle se lassa rapidement de jouer avec les boucles de sa longue chevelure brune, et se mit à tripoter nerveusement la ficelle qui lui permettait de rester attachée à son lit, une fois immergée dans l’inconscience. Mais cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas « fait de petite promenade », comme elle disait, et ainsi elle décida de ne pas serrer le nœud autour de son poignet.Elle ne pensait qu’à son amie et au comportement anormalement émotif que cette dernière avait eu tout au long de la journée. Et à mesure que dans son esprit défilaient les images marquantes de leurs retrouvailles, son instinct lui souffla une idée qui était bien trop dérangeante et délirante pour être vraie : « Et si Julie était attirée par moi ? » entendait-elle résonner maintenant.Aussitôt la folle hypothèse réfléchie, elle pensa que cela ne devait être que le résultat d’une journée surchargée en émotion ou encore un fantasme furtif. La deuxième option lui semblait peu probable, car Anne n’avait jamais, jusqu’à présent, ressenti de l’attirance romantique ou sexuelle pour une autre femme.Elle avait, comme nombre de ses connaissances féminines, essayé maintes fois d’imaginer à quoi cela pouvait ressembler, mais ce phénomène restait un mystère bien entier. Néanmoins, la jeune femme se sentit de plus en plus perplexe et gênée par cette idée qui la taraudait. Ainsi, juste avant de s’endormir elle comprit qu’elle aurait nécessairement besoin d’en avoir le cœur net.***Le pied à peine sorti du lit, l’obsession d’Anne lui sauta à la gorge et lui donna l’impression d’émerger d’un cauchemar. Elle avait mal à la tête et ne se sentait guère d’humeur. Pourtant elle se ressaisit rapidement et se rappela de la petite mission qu’elle s’était fixée la veille. Elle ne pouvait s’empêcher de se représenter ce sourire gêné et ce regard troublé sur la petite mine de Julie. « Il faut que je sache, mais comment ? » se disait-elle. La première occasion se présenta lorsqu’un moment plus tard les deux demoiselles se retrouvèrent dans la cuisine pour le petit-déjeuner.Passées les salutations et les embrassades, le premier réflexe d’Anne fut de chercher le contact visuel avec son amie, mais à chaque fois, Julie souriait niaisement pendant quelques secondes puis détournait les yeux, feignant de s’intéresser soudainement à sa tasse de café. Pour Anne cela ne faisait plus aucun doute : elle avait vu dans le regard de son amie cette même petite étincelle qu’elle avait tant de fois décelée dans le regard des garçons qui lui couraient après. Cette petite étincelle qui trahissait tout et qui rendait les pensées de l’autre limpides, comme un livre ouvert.Il se passait bien quelque chose, Anne le sentait, mais il lui manquait à présent une preuve indiscutable de ce qu’elle avançait. Elle aborda donc les sujets habituels qui la faisaient rire, autant elle que son amie, puis, elle décida de commencer à développer son jeu.— Au fait, tu ne m’as pas dit si tu avais un petit ami en ce moment…— Oh ! Tu sais les mecs, ils viennent, ils repartent… C’est pas évident de trouver le bon : celui qui va pas se sauver après avoir eu ce qu’il voulait…— Oui, mais tu n’as personne, là ? insista Anne en s’efforçant de dissimuler son appréhension et l’intérêt qu’elle portait à la réponse.— En ce moment non… personne à l’horizon, avoua finalement Julie.Anne sentit son cœur accélérer légèrement quand elle vit que les joues de sa meilleure amie recommençaient à rougir et prendre la même teinte que ses cheveux. Elle ne savait plus comment rebondir pour la remettre dans un cadre confortable.En guise d’échappatoire elle enchaîna sur une plaisanterie taquine, et toutes deux terminèrent leur café dans un silence pesant. Anne était maintenant partagée entre un sentiment de gêne de plus en plus exacerbé et une curiosité de plus en plus dévorante. Elle était bien déterminée à continuer sa petite enquête, elle était plus convaincue que jamais de l’attirance que Julie éprouvait à son endroit, et elle entreprit bientôt de lui tendre un piège qui permettrait de lever définitivement le doute.Vers la fin de l’après-midi, Anne avait terminé d’échafauder son plan. En rentrant d’une sortie en ville où elles avaient pris le temps de faire de longues heures de shopping et rencontrer des copains, elle annonça à Julie qu’elle allait se doucher et qu’elle lui laisserait la place ensuite.Julie acquiesça et les deux jeunes femmes se douchèrent effectivement l’une après l’autre. Après quoi, Anne se saisit discrètement de son smartphone qu’elle avait camouflé dans la salle de bain, hors de la cabine, et le ramena dans sa chambre. Elle savait qu’elle allait peut-être être choquée par l’enregistrement, ou alors se sentir stupide d’avoir une imagination trop débordante.La jeune femme fixa le petit écran et mit en marche l’enregistrement. C’était le moment où elle avait terminé de se doucher et de se coiffer, elle avait passé la porte, Julie l’avait refermée derrière elle et prit sa place. La gorge d’Anne se noua lorsqu’elle observa, médusée, Julie se saisir du drap de bain encore humide. Le visage désormais dissimulé, elle respirait à pleins poumons la douce et enivrante odeur qu’Anne avait déposée derrière elle. Cette dernière resta bouche bée quand elle constata l’expression de jouissance qui se dessinait sur le visage de son amie. Anne n’en regarda pas davantage. Elle avait eu ce qu’elle voulait : elle savait maintenant.***Anne se sentait mal. Tout se bousculait dans sa tête. « Et maintenant ? Qu’est-ce que je vais faire ? » se disait-elle à elle-même. Retranchée dans sa chambre, ayant pris comme prétexte une envie de lire un peu, elle se mit à réfléchir à l’attitude qui serait la plus appropriée dans sa situation.Elle savait d’ores et déjà qu’elle ne pouvait pas risquer une confrontation avec son ancienne complice. Elle connaissait bien le caractère de Julie, pudique et têtue, et pour cette dernière, il allait être sans doute impensable d’avouer un tel secret. Après une demi-heure passée à se torturer l’esprit en vue de trouver une solution au problème, elle pensa qu’il vaudrait peut-être mieux faire comme si elle n’avait rien remarqué, comme si tout était parfaitement normal.Mais l’obsession, vivace et persistante, refusait de s’éteindre et incendiait littéralement l’esprit de la jeune femme. Anne n’arrivait pas à détourner ses pensées du secret mal gardé qu’elle avait découvert. Elle décida alors de prendre son mal en patience et de rejoindre Julie qui l’attendait dans le salon pour dîner.Et c’est ainsi que tout au long de cette nouvelle soirée, Anne fit de son mieux pour ne pas laisser paraître sa nervosité et s’efforça de faire passer un bon moment convivial à son amie qui était, tout compte fait, son invitée.Anne se retrouva encore une fois allongée sur ce lit tout juste à sa taille. L’obsession grandissait dans son esprit. Elle avait du mal à réaliser le fait que sa meilleure amie puisse ressentir une quelconque attirance pour elle. Et à mesure que les minutes passaient, sa curiosité prenait peu à peu le dessus, au point de devenir difficilement supportable. Anne avait terriblement envie de savoir, savoir de quels fantasmes elle pouvait être l’objet dans les rêves de Julie. « Pense-t-elle à moi en ce moment, allongée elle aussi sur son lit ? Est-elle tombée amoureuse de moi ? Est-ce que je lui plais physiquement ? » telles étaient les questions qui continuaient d’éprouver durement la conscience de la jeune femme.Et ce fut au moment où elle toucha la ficelle, toujours nouée au barreau de son lit, que tout bascula.C’était plus fort qu’elle, maintenant que l’idée s’était formée dans sa tête. En faisant passer entre ses doigts la ficelle qui lui avait si souvent évité de réveiller son entourage pendant ses crises de somnambulisme, Anne se sentit parcourue d’un frisson.L’idée de feindre une promenade nocturne pour tester les réactions de Julie lui sembla tout à la fois répugnante et incroyablement excitante. Elle se sentait déjà coupable d’avoir abusé de la vulnérabilité sentimentale de son amie. Mais la curiosité et l’excitation montaient crescendo, et bientôt, Anne ne tarda pas à se trouver une excuse pour justifier son geste.Elle se voulait raisonnable, mais au fond d’elle-même elle avait parfaitement compris ce qu’elle attendait de Julie. Elle attendit, allongée, nageant dans une nébuleuse de fantasmes, jusqu’à trois heures du matin. Puis, elle se leva lentement et se regarda un long moment dans le miroir de sa chambre.Elle se contempla de la tête aux pieds, comme pour essayer de comprendre ce que Julie pouvait bien lui trouver de si attirant. Elle déboutonna délibérément sa chemise de nuit jusqu’à deviner la naissance de ses seins. Elle était fière de sa poitrine, plus généreuse que celle de Julie, mais sans être malgracieuse ou dans la disproportion. Elle se plut à imaginer sa meilleure amie fascinée par la grâce de ses courbes. Enfin, elle décida de se lancer dans sa folle aventure. Son cœur se remit à battre de plus belle lorsqu’elle eut franchi le seuil de sa porte de chambre et qu’elle alla se perdre dans l’obscurité du couloir.Anne se sentit happée par les ténèbres qui l’entouraient et l’oppressaient, comme la sensation de tomber dans un puits sans fond. Elle entendit une voix intérieure lui souffler qu’il était maintenant trop tard pour faire machine arrière : il fallait qu’elle attire l’attention de Julie, qu’elle provoque quelque chose.Dans ce silence assourdissant elle pouvait sentir la violence de son pouls jusque dans ses tempes. Elle avançait à tâtons, pieds nus, vers la cuisine. Elle y resta encore un interminable moment, à hésiter entre le désir de retourner au lit et la pulsion qui la consumait de l’intérieur. Et lorsqu’elle se sentit enfin prête, telle une actrice de théâtre avant que le rideau se lève, elle retint son souffle, et poussa un verre resté sur la table, vers le bord.Le bruit de l’objet se brisant sur le carrelage retentit dans toute la maison. Anne attendit, prise à son propre piège, effrayée à l’idée de faire un pas de travers et se blesser sur un morceau aiguisé. Elle attendit une, deux, trois longues minutes. Puis elle crut entendre un bruit de porte qui s’ouvrait brusquement. Enfin, une lumière aveuglante lui arracha une larme. Anne avait eu le temps de baisser les yeux, de les garder mi-clos et de reproduire le regard et l’expression vague typiques. Julie arriva et laissa échapper un juron en voyant son amie debout, au milieu du salon, entourée de mille bouts de verre.***— Anna ? Anna ! Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce que t’as fait ? demanda Julie.Retranchée dans sa fausse torpeur, Anne se sentit d’abord presque rassurée d’entendre son amie l’appeler par son surnom affectueux : Anna. Cela signifiait que Julie n’était certainement pas furieuse ou contrariée sur le moment. Mais une pointe d’anxiété se faisait sentir dans sa voix, bien qu’Anne ne pût voir l’expression de son visage. Passé un nouveau silence interminable, elle s’approcha légèrement :Elle se plaça devant Anne, cherchant son regard dans l’espoir d’obtenir une réaction. Quand l’évidence s’imposa finalement, elle reprit :— Ne bouge surtout pas, tu vas te faire très mal. Je vais enlever tout ça.Julie courut chercher un petit balai dans un placard et en un clin d’œil les bouts de verres qui interdisaient tout mouvement à son amie avaient disparu. Anne ne bougea pas d’un pouce, pour donner l’impression d’être totalement inconsciente de son environnement, et attendit que Julie vienne à elle. Celle-là parut d’abord totalement désarmée face à une telle situation, mais Anne avait déjà traversé de vraies crises de somnambulisme en présence de Julie lorsqu’elles étaient enfants.Et comme à cette époque lointaine, la petite rouquine se rapprocha doucement de sa meilleure amie, la prit par la main, et la reconduisit calmement vers sa chambre pour la recoucher.Une fois de retour dans la chambre, Julie fit asseoir Anne sur son lit. Elle s’assit alors à ses côtés et tenta une dernière fois de lui parler :— Tu sais où tu es Anna ?De son côté, Anne avait cette impression désagréable d’entendre mieux le bruit des battements de son cœur, que les mots prononcés par Julie. Néanmoins, elle comprit qu’il lui fallait répondre quelque chose. Elle n’ignorait pas que dans cette situation précise, une personne n’était en principe pas suffisamment éveillée pour formuler des réponses complexes et intelligibles. Cependant il n’était pas rare qu’un somnambule réagisse en marmonnant un ou deux mots.— Oui… oui… oui… répondit Anne d’une voix enrouée et automatique.— Allonge-toi, lui chuchota Julie, tout en lui faisant doucement pression sur sa poitrine pour qu’elle bascule en arrière.Elle soutint puis déposa avec délicatesse sa meilleure amie sur son oreiller. Julie resta ensuite à genoux et immobile sur le matelas à côté d’Anne, visiblement inconsciente, les yeux toujours à moitié ouverts. Anne sentit alors la caresse des mains de Julie sur ses paupières, puis une douce voix lui susurrer :— Ferme tes petits yeux et dors. Ma pauvre chérie, quand je pense que tu aurais pu t’ouvrir le pied !Anne, désormais aveugle, eut peur de craquer émotionnellement quand elle s’aperçut que Julie était en train de l’enlacer tendrement et qu’elle venait poser sa tête sur sa poitrine. Anne pensa d’abord qu’elle allait être trahie par ses violents battements de cœur, ou que la petite rouquine allait succomber à la tentation, mais il n’en fut rien pour cette nuit-là.Son amie, après un long moment passé à se blottir contre son corps chaud et à jouer avec les bouclettes soyeuses de ses cheveux, lui déposa un baiser sur la joue, puis se retira de la chambre dans un tel silence qu’il fallut près d’une heure à Anne pour oser ouvrir les yeux. Cette dernière ne les garda pas ouverts longtemps. Épuisée psychologiquement, en manque de sommeil, elle se laissa happer et tomba dans un profond sommeil duquel même le somnambulisme n’aurait pu l’extirper.***La journée qui suivit passa si rapidement que ce fut comme si Anne ne l’eût jamais vécue. Elle n’était pas satisfaite de l’expérience qu’elle avait vécue la nuit précédente. Sa seule volonté était désormais de voir sa meilleure amie se montrer sous son vrai jour et de la voir révéler son attirance sexuelle et romantique. L’excitation donnait de plus en plus de force et d’imagination à Anne qui avait l’impression de se sentir plus vivante, enfin désirée véritablement.Julie, de son côté, semblait elle aussi marquée par ce qui s’était passé. Elle avait confié à son hôtesse qu’elle avait dû la reconduire à son lit cette même nuit car elle avait eu une crise de somnambulisme assez impressionnante. Et lorsque le troisième soir arriva, Anne était impatiente de concrétiser le fantasme qui la hantait depuis des heures. Elle décida d’avertir Julie de la forte probabilité qu’elle soit à nouveau dérangée par une de ses crises. L’intéressée réagit alors exactement comme Anne l’avait imaginé :— Tu veux que je reste avec toi cette nuit ? Ou alors tu peux essayer de t’attacher à ton lit comme tu faisais il y a quelques années.— Si tu y tiens vraiment, tu peux t’installer dans ma chambre. Mais me garrotter le poignet pour avoir une marque et la main engourdie, c’est hors de question !— Ce sera toujours mieux que te transpercer les pieds avec du verre…— Dans ce cas oui, viens donc dans ma chambre… je te laisserai le lit et je dormirai sur un matelas par terre, conclut Anne, hésitante.Quand la nuit fut tombée et que les deux jeunes femmes se furent allongées, Anne sut que le moment fatidique de sa drôle d’aventure était arrivé. Le jeu de la séduction entrait dans sa phase la plus dangereuse et la plus excitante : le franchissement de la ligne rouge. Anne avait réussi à trouver un prétexte bancal pour rester dans l’étroit petit lit. Elle se sentait quelque peu serrée contre Julie qui lui tournait le dos, mais cela ne la dérangeait pas, au contraire.Le moindre mouvement était une occasion de ressentir le contact charnel qui s’établissait entre elles, sans que cela ne paraisse déplacé. Elle soupçonnait sa meilleure amie de se cacher afin de dissimuler le désir qu’elle devait s’efforcer de refouler. Anne savait qu’elle allait devoir user d’ingéniosité, sinon de ruse, pour pousser Julie à assumer son attirance romantique et sexuelle.Dans le silence le plus complet et profitant de la pénombre, elle ôta son haut et bas de pyjama, restant ainsi complètement nue sous la couette. « Ce n’est plus qu’une question de minutes… ça passe ou ça casse » pensa-t-elle, à la fois tétanisée et excitée. Elle devait maintenant réfléchir vite, très vite, pour trouver la parade, faire jaillir la petite étincelle qui allait allumer le brasier. La respiration de Julie était toujours inaudible, ce qui semblait donc indiquer qu’elle était toujours consciente. Anne retint son souffle :— Julie… tu dors…— … Non… répondit-elle, le son de sa voix presque étouffé sous le poids du silence.— J’ai peur de me relever quand je dormirai. Tu vas rester près de moi, n’est-ce pas ?— Oui, ne t’en fais pas, je suis là, répondit Julie sur un ton qui se voulait rassurant.— Viens près de moi…Julie se retourna et se rapprocha d’Anne jusqu’à être nez à nez avec elle. Cette dernière l’enlaça, et sentit les mains de son amie lui rendre cette affection, mais soudain, les petites mains se retirèrent, brusquement, et on entendit un souffle se couper.— Tu es toute nue ! s’exclama Julie, la voix tremblante.Elle essaya de se libérer de l’étreinte mais Anne continua de la serrer contre elle.— Un petit câlin… s’il te plaît, Julie, supplia-t-elle.Anne sentit les mains de Julie se reposer sur ses épaules dénudées, elles restèrent un long moment rigides et froides, puis, elles se firent plus suaves, plus caressantes, et la jeune femme sentit un frisson lui parcourir toute l’échine.Elle déposa un baiser dans les cheveux de Julie et cette dernière le lui rendit en l’embrassant dans le cou. Alors Anne s’allongea de tout son long et se saisit de la main de son amie, qu’elle glissa entre ses cuisses.Julie laissa échapper un cri libérateur et sauvage lorsqu’elle put caresser les pétales de la fleur. En même temps Anne accrocha son bras à sa nuque et ramena ses lèvres jusqu’aux siennes. Le souffle chaud, les dents qui s’entrechoquèrent impétueusement, et les petites langues félines qui entrèrent en danse, firent voler les deux amantes au-dessus des nuages.Julie continua ainsi de masturber sa complice tout en l’embrassant langoureusement jusqu’à cet instant où cette dernière se redressa pour lui offrir sa poitrine. Anne se sentait délivrée maintenant, dans un état de plénitude, car elle savourait cette immense satisfaction de voir l’adorable petite rouquine jouir ainsi de ses courbes, comme elle l’avait imaginé.Tandis que Julie s’abandonnait à ses pulsions et continuait de se repaître des seins doux et fermes, tels un verger de fruits mûrs, Anne caressa la soyeuse petite touffe écarlate. Elle se pencha sur la nuque de Julie et laissa l’odeur de la sueur s’accrocher à ses narine et enivrer ses sens.Les deux jeunes femmes se trouvaient hors du temps, dans une autre dimension, dans leur monde qui n’appartenait qu’à elles seules, intime, magique et sans fin. Anne embrassa une nouvelle fois sa partenaire, avant de la faire asseoir entre ses jambes. Elle serra ses bras atour de la taille de Julie avant de lui déboutonner sa chemise de nuit.— Prends moi Anna… gémissait la petite rouquine dans un chuchotement.La brunette la fit alors s’allonger contre elle et lui mordilla la nuque plusieurs fois, tant sa libido était exacerbée. En ressentant le pincement des dents et la caresse de la langue sur sa peau, Julie commença à gesticuler nerveusement, comme si elle s’était assise sur une fourmilière. Instinctivement, Anne s’imprégna de la pulsion de sa partenaire et glissa sa main délicate le long des petites fesses tendres pour atteindre le point le plus chaud du brasier.Julie laissa alors sa tête retomber sur la poitrine de son amante, dans un profond soupir orgasmique. Elle se détendit et sembla se laisser dorloter par Anne qui la berçait de caresses sensuelles. Puis, sa respiration devint posée et régulière.Anne lui offrit un dernier baiser plein de tendresse et décida de porter la belle endormie dans ses bras, jusqu’à sa chambre.Et juste avant de s’endormir à son tour, la jeune femme se demanda combien de temps leur intime secret resterait bien gardé.