Pour un mois d’avril, le temps est vraiment pourri. Le vent fort pousse une pluie fine, froide. Ce n’est pas un jour à aller se balader. Mais malgré tout, la rencontre de rugby prévue aura lieu. Alain et Tania sont en pleine discussion.— Écoute, tu m’as promis de venir au match si je ne restais pas à la troisième mi-temps et que j’accepte de sortir ce soir. D’accord, il fait un temps dégueulasse, mais je ne pouvais pas le prévoir.— Je voudrais bien venir te voir, mais mets-toi à ma place, je ne comprends rien au rugby, et puis je me mouillerais, me gèlerais.— Mais tu te mettras dans les tribunes, tu seras à l’abri à la fois de la pluie et du vent. Tu peux bien venir pour une fois. Toutes les femmes des copains y sont.— Bon, je viens.Alain voudrait convertir sa copine Tania à son sport favori, mais elle est vraiment réfractaire. Samedi dernier, il l’a laissée seule le temps du match. Mais quand il est rentré, elle lui a fait la tête. Ils se retrouvent le week-end chez Alain. Ils s’entendent bien tous les deux, mais ne savent pas si c’est sérieux et n’ont pas encore décidé de vivre en couple.Ils se sont rencontrés au Dragon bleu, un boîte des environs où Alain allait toutes les fins de semaine, après le match. Il n’avait aucune peine pour trouver des compagnes : bon baratineur, sa stature de pilier, 1 mètre 78 et 85 kilos, sans un gramme de graisse, est assez impressionnante, tout cela plaît aux filles.Mais ce n’est pas un bagarreur, loin de là. Quand il a dragué Tania, elle l’a suivi chez lui le deuxième samedi. Elle avait peur d’avoir un partenaire un peu rustre, au contraire, elle a trouvé un homme prévenant, très doux. Il lui a bien plu, elle n’avait pas de prétendant à ce moment-là, lui ne s’était jamais fixé avec une fille. Ils se sont retrouvés le samedi suivant et ainsi a débuté leur liaison.Il n’y a qu’un seul point sur lequel il est intransigeant, qu’on ne le prive pas de son sport.Ils sont partis au stade, rejoindre les copains. Son équipe joue contre un club de la ville voisine. Tania est allée dans la tribune, à l’endroit le plus protégé, qu’il lui a indiqué. Là, elle a retrouvé d’autres femmes qui viennent encourager leurs hommes. Le peu de public courageux en dehors d’elles, s’est regroupé aussi à l’abri.La pelouse verte qui brille sous le crachin, est séduisante. Les deux équipes entrent, c’est un spectacle magnifique de voir tous ces athlètes, grands, carrés d’épaule.Le match débute et Tania est perdue devant les évolutions des joueurs. Sa voisine a l’air de s’y connaître parfaitement, encourageant par des cris stridents leur équipe.Tania reste passive, ce qui étonne sa compagne.— Tu as vu, il a fait un en avant et l’arbitre n’a pas sifflé.— Ah, bon.— Pas possible, tu n’y connais rien.— Non c’est la première fois que je viens. Remarque ils ont de la chance de jouer sur une aussi belle pelouse.— Belle pelouse ! Attends un moment et tu vas voir le merdier que ça va être.En effet, quand débute la deuxième mi-temps, le terrain est déjà retourné, labouré par les chaussures des joueurs. Ceux-ci sont couverts de boue, méconnaissables. Elle ne reconnaît plus Alain des autres. Mais ce qui la surprend le plus c’est leur brutalité, la violence des contacts, ils doivent drôlement se détester pour s’étriper ainsi !— Mais non, lui dit sa voisine, c’est le jeu. Après il va y avoir la troisième mi-temps et alors là, ils sont tous copains.Drôle de coutume, pense Tania. Mais c’est sûrement pour ça qu’Alain ne me parle que des retrouvailles d’après match, pas de la partie elle-même.Au coup de sifflet final, elle a suivi les quelques femmes pour aller attendre Alain aux vestiaires. Elles sont rentrées dans le bâtiment, malgré l’interdiction affichée. Dans le couloir elles entendent les exclamations, les commentaires, les rires des joueurs.Puis ils sortent de la douche avec seulement une serviette autour des reins comme vêtement.Elle reconnaît honnêtement que, même s’ils portent quelques traces de leurs contacts virils, surtout sur le visage, ils ont des musculatures impressionnantes. Ce n’est pas de la gonflette. Enfin voilà Alain. Il discute et rit avec un copain. Ce dernier est nettement plus grand, plus mince mais costaud lui aussi, et beau ! Elle ne voit plus que lui, oublié Alain.Quelques minutes plus tard, ils sortent habillés. Alain entraîne son ami vers Tania.— Tania, je te présente Kevin, mon copain, mon… frère depuis toujours et en tout. En classe déjà, puis au rugby, et aussi au boulot, son père m’a embauché. On ne se quitte pour ainsi dire jamais dans la semaine. Kevin, voilà Tania. Alors, elle est pas belle ?Le garçon tend la main, reste muet.— Tu peux l’embrasser, elle ne te mordra pas !Kevin est obligé de s’incliner pour lui poser un baiser sur la joue. Elle reste toujours silencieuse.— Bon, Kevin nous te quittons, j’aurais bien aimé rester, mais j’ai promis à Tania.— Je regrette que vous nous quittiez tous les deux, répond l’autre.Il va partir, je ne peux pas le laisser partir, je ne le verrai peut-être plus. Tant pis j’y vais.— Mais Alain, si tu tiens tant que ça à rester, nous pouvons passer un moment, si vous admettez les femmes.— Bien sûr, réagit vivement Kevin, venez tous les deux passer une heure avec nous.Alain est très surpris de la réaction de Tania. Bon, se dit-il elle a dû apprécier le match, elle va faire comme toutes les autres femmes de joueur, c’est bon.Les deux équipes se sont rendues dans l’arrière-salle d’un café, siège du club. Et là, tous les gars se sont retrouvés, ont commenté le match, discutant des plaquages qu’ils se sont faits, le tout dans une ambiance de franche camaraderie. Alain discute avec celui qui était son adversaire direct.Kevin reste à l’écart, silencieux. Tania se rapproche de lui, ils se mettent à parler. La bière, les charcuteries abondent, les gars des deux équipes se goinfrent dans cette ambiance fraternelle. Alain soudain se rend compte que sa compagne n’est plus avec lui. Il la repère, avec Kevin, tout près de lui, tout contre lui. Ils doivent avoir des choses passionnantes à se raconter, ils sourient, semblent heureux.Surpris, un pincement au cœur, son meilleur ami a l’air d’apprécier sa femme. Kevin qui d’ordinaire est assez timide, est en train de la lui lever. Ce salaud, pense-t-il.Mais il est lucide, il sait bien qu’avec Tania ils sont ensemble afin de ne pas rester seuls, qu’ils ne s’aiment pas vraiment. Oh, puis tant pis, on va bien voir s’ils s’apprécient. Se dirigeant vers eux, il dit :— Tania, je t’ai promis ta soirée en boîte, on s’en va si tu veux.— Pourquoi ? Tu n’es pas bien avec tes copains. Tu veux les laisser ? lui répond-elle.— Non, je suis très bien, si tu veux, on reste, ou bien si tu es fatiguée, je t’emmène et je reviens. À moins que Kevin accepte de te raccompagner.Le cœur de Tania a bondi dans sa poitrine. Pourvu que son nouvel ami accepte.— Bien si tu veux, je la ramène, le match m’a fatigué, j’irai me coucher, je crois que c’est le mieux. Tu es d’accord Tania ?— Oui. Accompagne-moi chez moi, Alain je te retrouve demain.— D’accord, dit ce dernier.Il vient de comprendre que leur aventure est terminée. Tant pis, elle était gentille, baisait bien. Mais ça aurait duré combien ? Autant finir comme ça, et puis Kevin a l’air mordu, elle tombe dans de bonnes mains.Quand Alain ouvre les yeux, il est presque onze heures. Il est rentré tard, parti parmi les derniers, et surtout il a exagéré sur la bière. Il sent un cerceau autour du crâne. D’ordinaire, il est sobre, mais il a voulu oublier Tania, alors il a un peu forcé.Elle m’a dit qu’elle me rejoindrait, mais je crois qu’il vaut mieux ne pas y penser. Je vais vite le savoir.Il appelle Kevin. La sonnerie résonne un moment avant qu’il ne décroche.— Salut vieux, ça va ?— Oui, ça va mieux.— Tu me passes Tania ?Silence au bout de la ligne. Une vingtaine de secondes plus tard :— Oui, qu’est-ce que tu veux ? demande Tania.— Rien de particulier, c’était juste pour te dire bonjour.Nouveau silence. Puis :— Alain, viens manger à midi à la maison, reprend Kevin, je préviens ma mère.— Je ne veux pas vous déranger.— Non, au contraire, on pourra parler.— Tu as raison, je m’habille et je viens.Le soir, Alain est rentré seul chez lui. Pendant le repas, avec les parents de Kevin, ils ont parlé rugby. Après, ils sont allés dans la chambre de Kevin. Un long silence, chacun avait compris dans quelle situation ils étaient. Tania a pris la parole, expliqué la déroute de son cœur devant un tel phénomène, leur a demandé à tous les deux de lui laisser un peu de temps pour mettre de l’ordre dans son esprit.Elle ne veut surtout pas qu’ils se disputent, qu’ils se fâchent, elle préfèrerait les quitter. Elle les invitera tous les deux quand elle aura réfléchi. Elle est partie, seule, à pied.Tous deux sont restés, silencieux après son départ. Puis Alain calmement a dit à Kevin qu’il ne voulait pas retenir Tania. Pour lui elle était une compagne agréable, gentille, mais il n’éprouvait pas de sentiment profond.Kevin soulagé, a reconnu qu’avec Tania, ils avaient agi la veille sur un coup de tête, plutôt un coup de cœur. Faucher la copine de son meilleur ami, c’est dégueulasse, mais cela avait été plus fort qu’eux. Et Alain, calmement est parti.Le sommeil a été long à venir. Il reconnaît en lui-même que ce n’était qu’une aventure et que jamais aucun des deux n’avait envisagé un avenir commun. Et pour une fille sympathique, gentille comme elle, Kevin est un compagnon idéal. Le mieux est de le prendre calmement. De toute manière, ils sont obligés de se rencontrer, de travailler tous les jours ensemble.Aujourd’hui, c’est jour de fête, l’entreprise est fermée. Kevin épouse Tania. Tout le personnel est invité à la noce, Alain est témoin, il ne sait du quel des deux. Les deux mariés rayonnent de bonheur et leur ami est aussi content qu’eux. Un seul regret, je crois que bientôt Kevin ne jouera plus.Les samedis soirs, il a repris sa quête de compagne au Dragon bleu. Son charme, sa gentillesse et surtout son physique opèrent toujours et il trouve souvent une fille pour la soirée et parfois plus longtemps. Mais depuis son aventure avec Tania, il devient plus circonspect.Ce soir, sa partenaire de la semaine précédente n’est pas là, pourtant elle était charmante et surtout très talentueuse au lit. Tant pis, il repart en chasse. À côté du bar, un gars reluque une fille, ne la quitte pas des yeux.C’est vrai qu’elle est belle. Belle, le mot n’est pas exact, disons plutôt qu’elle lui plaît bien. Pas trop grande, une fois il en a levé une qui le dépassait, pas trop mince. J’aime qu’il y ait de quoi toucher, juste ce qu’il faut. Le gars va probablement l’attaquer, à moins que je ne sois plus rapide que lui. Il se glisse jusqu’à elle, lui adresse quelques mots. À la danse suivante, elle accepte son invitation.Longtemps il la fait danser, elle semble elle aussi apprécier sa compagnie. Pourtant il ne peut pas la monopoliser pour la première rencontre. Il va boire au bar, avec son copain Georges, le tombeur de toutes les filles. En le voyant arriver, ce dernier sourit.— Elle est belle, et danse bien. C’est dommage.— Dommage, pourquoi ? lui demande Alain.— Parce que c’est une pute.— Tu n’es pas un peu malade, je parie que c’est parce que tu n’as pas pu te la faire.— Oh si, j’aurais pu, si j’avais voulu sortir 200 €.— Quoi ? Comment tu l’as su ?— Parce que quand je l’ai attaquée, elle a dit d’accord et m’a indiqué son tarif.— Et tu y es allé ?— Tu n’es pas fou, je ne paie jamais. Les putes, ça ne m’intéresse pas. D’ailleurs, invite-la, demande-lui. Ou plutôt observe-la, elle regarde toujours son mac, il est au bord de la piste et ne la quitte jamais des yeux.Alain est surpris, choqué même, mais il ne le croit pas. Profitant d’une nouvelle danse, il retourne l’inviter. Elle accepte après avoir regardé le gars en question. Ils dansent enlacés, mais en effet il remarque que plusieurs fois elle jette un œil sur le garçon, lui ne la quitte pas des yeux. À la fin du morceau, il la raccompagne et la quitte un peu cavalièrement.— Tu pars ? lui demande-t-elle.— Oui, lui répond-il, il me faut rentrer.— C’est dommage. Tant pis, au revoir, à bientôt.Il a regagné le bord de la piste, passé devant Georges goguenard, et quitté l’établissement seul. Jamais il ne s’était fait accrocher par une prostituée, c’est probablement qu’il devient vieux ou gâteux. C’est quand même dommage, une belle fille comme ça, être entre les mains d’un proxénète.Elle était probablement au chômage et elle a été obligée de faire ça pour vivre. Si elle trouvait du travail, elle abandonnerait sûrement ce métier.Le samedi suivant, il est revenu, ils y étaient tous les deux, elle et son mac. Elle lui a souri de loin, il n’a pas pu résister, l’a invité à danser. Comme la fois précédente, c’était formidable, elle se collait à lui. Et il a eu de la peine à la fin de la soirée de ne pas l’inviter chez lui. Mais elle regardait trop souvent son type, comme pour lui indiquer que ça y était, elle l’avait accroché.Alain ne va plus au Dragon bleu. Il ne veut plus la rencontrer, ça lui fait trop mal. Il est mordu. Mais pourtant, il ne va pas payer pour faire l’amour !Il est allé dans toutes les autres boîtes, mais n’a pas retrouvé l’ambiance du Dragon bleu, et surtout une fille qui lui plaise autant. Il va de l’une à l’autre, et certains week-ends, il ne sort même pas. Certes une fille de temps en temps, mais sa pute comme il dit, il n’arrive pas à la chasser de sa tête.Ce soir, il est invité chez Kevin et Tania. Ces derniers nagent en plein bonheur, Alain ne regrette pas d’avoir eu l’occasion involontaire de les rapprocher. Maintenant, il a deux vrais amis. Ils sont si bien ensemble que Kevin vient moins souvent jouer, mais quand il est là, elle le suit pour l’encourager. Tania lui a dit qu’ils avaient une surprise pour lui.Pendant tout le repas ils l’ont fait languir, refusant de parler. Mais elle est rayonnante, plus belle que jamais. Ils vont prendre le café au salon. Kevin dit alors :— Tu es notre meilleur ami et on veut que tu sois le premier…— À m’annoncer que Tania est enceinte ?— Kevin, tu m’avais promis de ne rien lui dire, s’exclame son épouse.— Mais je ne lui ai rien dit, je te le jure.— Ne vous disputez pas, personne n’a vendu la mèche, mais à voir votre joie, Tania resplendissante, ce n’était pas difficile à deviner !Les hommes ont arrosé ça, Tania est restée sobre pour son petit. Alain est rentré heureux de la nouvelle. Dans la nuit, il a eu une petite idée.Le samedi suivant, il est retourné au Dragon bleu. Elle était là, avec son chien de garde. Dès qu’elle l’a vu, elle a souri, a regardé son homme. Alain est allé l’inviter à danser. Entre les différents morceaux, il l’a invitée au bar, ils ont un peu discuté. Difficile pour lui de lui demander son tarif, il préfère sembler ignorer. Elle parle volontiers, il l’interroge sur son métier, pour savoir ce qu’elle va répondre.— Je suis au chômage. J’ai un bac comptabilité, mais pas moyen de trouver une place, alors, je me débrouille pour survivre.— Tu t’es inscrite à l’ANPE ?— Oui, et j’y ai laissé mes coordonnées, j’y passe souvent. Le gars qui s’occupe de moi est sympathique. Il m’a promis de me prévenir dès qu’il aurait une proposition. D’ailleurs quand j’arrive il dit en souriant : « Tiens Béatrice Combe ».— Ah bon, eh bien bonne chance.Oui, drôle de manière de se débrouiller, mais en effet, il faut bien qu’elle vive. Il l’a quittée comme les fois précédentes, mais cette fois-ci, elle paraissait navrée de son départ, il a failli céder. Mais il va trouver une autre solution.La grossesse de Tania se déroule bien, son ventre s’arrondit. Elle ne pourra bientôt plus tenir son poste de secrétaire au bureau, il va lui falloir s’arrêter.Un soir, Alain a enfin accepté l’invitation permanente que lui font ses amis. Il va essayer de réaliser le plan qu’il a imaginé. Après manger, il leur demande :— Tania, tu vas bientôt arrêter de venir au bureau ?— Oui, dans un mois. D’ailleurs, il va falloir embaucher une fille pour la durée de mon arrêt.— J’en connais une qui cherche une place, elle est bien.— Donne-moi ses coordonnées, je l’appellerai, lui dirai que c’est toi qui l’as pistonnée.— Elle s’appelle Béatrice Combe, elle est inscrite à l’ANPE. Mais surtout, ne lui dis pas que c’est grâce à moi qu’elle est embauchée, surtout pas.— Bon, eh bien d’accord.La nuit suivante, il a bien dormi, heureux de pouvoir peut-être sortir cette fille de la situation désastreuse dans laquelle elle se trouve.Maintenant qu’il sait que Béatrice aura un emploi, il craque, il veut la revoir le plus rapidement possible. Certes, lorsqu’elle travaillera, il la verra tous les jours, mais il languit tellement qu’il décide de retourner au Dragon bleu. Il espère qu’elle y sera.Ce samedi, dès qu’il rentre dans la salle, il les voit, tous les deux appuyés au bar. Elle est toujours autant surveillée, mais tant pis aujourd’hui pour la première fois de sa vie il paiera pour coucher avec une femme. Il ne peut plus tenir.Quand il l’invite elle accepte avec joie. Un sourire à son mec comme pour lui demander l’autorisation, et ils s’élancent sur la piste. Pour Alain c’est un moment merveilleux. Il la serre, elle répond à ses avances, sourit à l’homme qui la regarde au loin.En fin de soirée, il lui propose de venir chez lui. Elle accepte, simplement elle va prévenir son mac. Elle doit lui dire qu’elle a trouvé un pigeon. Eh bien tant pis, je vais bien voir si j’en ai pour mon argent.Dès l’arrivée dans son appartement, il essaie de l’embrasser, bien qu’il sache que les putes n’embrassent pas sur la bouche. Surprise elle répond, et même avec fougue. Puisqu’elle veut jouer les amoureuses, autant continuer. Délicatement il la dénude comme pour les autres filles, caressant au passage des appâts fort appétissants.Il l’allonge sur le lit, se déshabille rapidement, reprend le baiser. Ses mains s’égarent sur les fesses somptueuses. Il descend vers les seins, pas très importants, mais fermes. Elle apprécie les lèvres qui sucent ses bourgeons qui se dressent. Visiblement elle prend du plaisir ou alors elle joue bien la comédie.Il descend vers le mont de Vénus, sa langue écarte les poils et vont dénicher le bouton. C’est elle qui pivote afin de prendre possession du pénis. Alain met toute sa science à déclencher le plaisir chez sa partenaire, qui de son côté le lui rend bien. Il s’arrache à cette succion délicieuse ne voulant pas exploser dans sa bouche.Elle revient alors sur lui et met elle-même la flèche en place dans sa cible. Elle garde l’initiative, conduit le débat avec beaucoup de professionnalisme. Et elle y prend beaucoup de plaisir, ou tout au moins elle joue très bien son rôle. Et quand elle pense que le jeu a assez duré, elle se bloque en criant son plaisir, provoquant celui de son partenaire.Ils sont retombés côte à côte. Alain est totalement séduit par cette fille. Il en a rarement eue d’aussi bonne. Il espère que quand elle aura son travail, elle abandonnera cette activité dégradante. Il aimerait lui dire qu’il l’aime, mais a peur de rompre le charme ou bien qu’elle joue le jeu pour justifier sa prestation.Ils se sont à nouveau aimés. Le plaisir a toujours été aussi grand pour lui. Elle n’a pas pu simuler les orgasmes qui la faisaient crier, ou bien c’est une actrice extraordinaire.Béatrice s’est endormie, mais Alain reste longtemps éveillé. Appuyé sur le coude, il la regarde, si belle, avec un visage aussi innocent. Mon dieu, que je l’aime, je vais la sauver.Il s’est éveillé le premier. Dans la cuisine il a préparé un plateau avec le café. Le bruit de la porte ou bien l’odeur du café l’ont réveillée. Se redressant, le buste nu au-dessus des draps, elle est stupéfaite de la gentillesse de son client.Elle s’est levée, s’est douchée. Ils ont déjeuné ensemble, Alain se dit qu’elle est parfaite. Dans quelques temps, ce sera merveilleux quand nous vivrons ensemble.— Alain, excuse-moi, mais il me faut partir, on m’attend. J’espère que nous nous reverrons.Cette phrase sonne comme un glas, le tire de son rêve, Alain retombe de son nuage. Il faut qu’elle apporte le fric à son homme. L’argent est déjà prêt dans une enveloppe. Il la raccompagne jusqu’à la porte, lui glisse dans la main son salaire.Elle sent ce papier, le regarde, ouvre l’enveloppe, voit l’argent. Elle pâlit, jette les billets, gifle à toute volée Alain et lui crie « Salaud !»Elle bondit dans les escaliers répétant « Salaud, salaud ! »Il reste figé, ne comprenant pas son attitude. Il a été correct, lui a remis la somme qu’elle avait honnêtement – si l’on peut dire – gagnée. Ou bien…Assis sur le canapé, il se demande quelle faute il a pu commettre, se serait-il trompé ? Un coup de sonnette, c’est probablement elle qui vient s’expliquer.Il ouvre, un violent coup de poing sur le nez, l’envoie à terre. C’est son mac qui le lui a décroché.— Ne touche plus Béatrice, sinon je te tue !Et il est parti.Alain s’est péniblement relevé, essuyant le sang qui coule de son tarin, a fermé la porte. Dans la salle de bain il obstrue ses narines avec du coton pour arrêter l’écoulement sanguin. Demain il va avoir de la peine à expliquer ce qui lui est arrivé.Elle n’a pas voulu prendre l’argent, mais son mac n’a pas dû l’entendre de cette oreille. Elle lui a peut-être alors dit qu’il n’avait pas voulu payer. Mais maintenant, c’est sûr, je n’ai plus aucune chance.Le lendemain, dès son entrée au bureau, Tania a remarqué la mine sombre, mais surtout le nez éclatant de Alain. Elle a souri et dit :— Je ne sais pas si vous avez gagné, mais j’ai l’impression que samedi tu es tombé sur un balèze, plus costaud que toi.— Oh oui, et j’ai perdu.— C’est pour ça que je ne veux plus que Kevin joue, je ne tiens pas à ce qu’on me l’abîme.Alain est heureux que Tania lui ait trouvé involontairement un alibi.Vendredi après-midi, Alain est monté au bureau déposer une feuille de travail. À côté de Tania, Béatrice est là qui l’écoute lui expliquer les horaires pour la semaine suivante.— Tiens, Alain, je te présente Béatrice qui va me remplacer. Je reste une semaine avec elle pour tout lui expliquer. Béatrice, c’est Alain, un très bon copain, aussi bien à moi qu’à mon mari.— Bonjour Monsieur, dit Béatrice.— Bonjour, répond Alain.Tania est surprise : ils s’ignorent alors que c’est Alain qui l’a faite embaucher. Enfin, c’est leur affaire, il m’a dit de garder le silence.Depuis deux mois qu’elle travaille et remplace Tania, Béatrice est très appréciée. Compétente, gentille, elle est aimable avec tout le monde. Il n’y a qu’à Alain qu’elle manifeste une évidente froideur. Kevin s’en est étonné, mais Alain n’a rien voulu lui dire.Kevin est arrivé en courant dans le bureau :— Ça y est, c’est un garçon ! Ça s’est très bien passé, Tania n’a pas souffert.Et il est reparti annoncer ça dans toute la boîte.À la clinique, les visites des patientes sont autorisées l’après-midi. Alain veut être le premier à féliciter Tania. Il ne veut pas arriver les mains vides. Il est allé chez un fleuriste. Mais devant une telle diversité de plantes, il n’a pas su que prendre, ne connaissant pas le langage des fleurs, est ressorti sans rien malgré les conseils de l’employée.Il est allé chez un chocolatier et a fait préparer un grand coffret de chocolats belges. Il sait que Tania adore ça.Béatrice a tenu à remercier Tania de lui avoir proposé cet emploi. Aussi elle arrive avec un magnifique bouquet.— Il ne fallait pas, tu as dû te ruiner ! Tiens, va dans la salle de bain, il y a un vase, arrange les fleurs.Pendant qu’elle dispose le bouquet, on frappe à la porte de la chambre.— Entrez, dit Tania. Ah, c’est toi Alain, comment vas-tu ?— C’est à moi de te le demander, c’est toi et ton bébé que je viens voir.— Je vais très bien et le petit aussi.— Tiens, je ne t’ai pas apporté de fleurs, mais je crois me souvenir que tu aimais les chocolats, tu me liquidais les miens.— Oh merci, là, vraiment tu me fais plaisir. Alors comment ça marche au boulot ?— Très bien, Kevin a dû te le dire.— Oui, mais il m’a dit aussi qu’avec Béatrice vous étiez en froid.— Non, on ne se connaît pas.— Ne te moque pas de moi, tu oublies que je l’ai embauchée sur ta demande, pour te faire plaisir. Je croyais que c’était ma remplaçante, côté cul, mais on me dit que ce n’est pas le cas. Allez, tu peux bien me dire ce qu’il y a, tu me dois bien ça.— Oui, mais… mais jure-moi que tu ne le diras à personne.— Je ne parlerai pas.— Eh bien, Béatrice, je l’ai draguée au Dragon bleu, comme toi. Mais je te jure, elle m’a fait un effet formidable. Le premier soir, je n’ai dansé qu’avec elle. À un moment, un autre l’a invitée et je suis allé au bar. Georges, tu te souviens de lui ?— Oui, il a couché avec toutes les filles, même moi.— Oui, je sais. Georges m’a vu arriver en souriant. Mais il m’a dit qu’il n’avait pas couché avec elle, qu’il ne payait pas pour une fille.Et Alain raconte ses déboires, lui dit qu’il ne comprend pas. D’autant que son mec vient souvent l’attendre le soir à la sortie du boulot.— Aussi je ne vais pas risquer un esclandre qui pourrait lui porter tort. Je dois t’avouer que je l’aime comme un fou. Alors, je ne sais pas quoi faire.— Tu verras, tout s’arrangera avec le temps, lui dit Tania.— Espérons-le.Ils ont discuté un moment, admiré le bébé. Mais Alain n’est pas à l’aise dans un hôpital. Aussi, après quelques minutes :— Bon, je te quitte, je reviendrai peut-être demain.— Au revoir Alain.À peine Alain est-il sorti que Tania dit :— Ça y est, tu peux venir, il est parti.Mais rien ne bouge, à croire que Béatrice s’est enfuie par la lucarne.— Allez, viens me raconter ta version de l’histoire.La porte s’ouvre, Béatrice entre le visage tout maculé par le rimmel qui a coulé.— Va d’abord te nettoyer un peu.Quand elle revient, elle est très malheureuse.— Au Dragon bleu, quand j’ai vu Alain la première fois, j’ai été… emballée. Beau comme un dieu, souriant, gentil, enfin tu le sais aussi bien que moi puisque je viens d’apprendre que vous étiez ensemble. Il est venu m’inviter à danser et c’était merveilleux. J’étais bien entre ses bras, j’étais prête à le suivre s’il me le demandait.— Mais Alain voyait ton mec qui te surveillait.— Ce mec, c’est mon frère. Il veille sur moi. Notre père a été nommé à Paris, avec un avancement intéressant. Mes parents nous ont laissés ici à condition que Bernard s’occupe de moi. Et ils peuvent être tranquilles, personne ne me touche. Je lui ai tout dit, que j’étais amoureuse d’Alain, il a un peu hésité, mais a été finalement d’accord.Aussi le jour où il m’a invitée, j’ai prévenu mon frère. Comme pour Alain, cette nuit a été merveilleuse, mon rêve se réalisait. Jusqu’à ce qu’il me paie comme une pute. Alors là, tout s’est brisé, je l’ai détesté.— Mais pourquoi as-tu demandé de l’argent à Georges ?— Il voulait coucher avec moi et je ne voulais pas. C’est mon frère qui m’a conseillé de lui demander du fric. Mais je ne pensais pas qu’il irait le raconter et surtout que je passerais pour une pute.Tania l’a consolée, lui a dit qu’elle allait tout arranger. Béatrice est repartie, à la fois heureuse de savoir Alain amoureux et désespérée de voir la situation dans laquelle elle se trouve. Elle s’est empressée de rentrer chez elle et de raconter à son frère ce qu’elle vient d’apprendre.Alain est rentré chez lui, il n’a plus goût à sortir. Les filles ne l’intéressent plus, la seule qu’il voudrait lui est désormais inaccessible. Il est tout de même un peu soulagé d’avoir parlé à Tania. Il sait qu’elle ne dira pas un mot. Au moins une personne saura qu’il n’est pas un salaud. Mais il ne sait plus comment conquérir Béatrice.La sonnette d’entrée retentit. Alain n’attend personne, il est bien seul maintenant. Se souvenant de la dernière fois où il a ouvert la porte sans se méfier, il fait attention. N’ayant pas de judas, il ouvre et se recule vivement.Bon réflexe, en face de lui le mec de Béatrice.Ce dernier, souriant, s’avance. Mauvais réflexe, Alain lui décoche un direct du droit dans l’estomac. Plié en deux, l’arrivant s’écroule… dans les bras de Béatrice qui tombe aussi.Alain est stupéfait, que viennent-ils faire ici ? Et pourquoi tous les deux ?Elle se redresse et se penche vers le gars à terre. Ce dernier tente de se relever aidé par sa compagne, mais sans succès. Alain est méfiant, mais ne peut pas laisser un adversaire à terre, ça n’est pas fair-play. Il lui tend la main, mais prudemment, l’aidant à se redresser. Le blessé, visiblement mal en point, est obligé de se tenir au montant de la porte.— Je te l’avais dit Bernard de me laisser passer la première. Tu ne connais pas Alain, la dernière fois tu l’as surpris, mais cette fois-ci il s’est méfié !— Qu’est-ce que c’est que cette histoire, demande Alain soupçonneux.— On venait pour discuter, s’expliquer.— M’expliquer quoi, qu’il voulait te vendre à moi ? Non merci, la seule fois où j’ai voulu payer pour une femme, ça m’a coûté trop cher. Foutez le camp, laissez-moi tranquille, sinon, je vais me mettre en colère et alors là, je ne réponds de rien.— Laisse-nous entrer, Bernard ne tient pas sur ses jambes, laisse-le reprendre son souffle. Je t’assure, il ne te veut pas de mal.Il ne peut rien refuser à Béatrice. Soutenant sa victime, il la conduit jusqu’au canapé. Allongé, l’homme retrouve difficilement son souffle.— Tu as une sacrée pèche, murmure-t-il. Je crois que je vais vomir.Alain l’aide à se relever et l’amène jusqu’à la salle de bain. Béatrice prend la main d’Alain et l’entraîne vers la salle de séjour, laissant l’homme tout seul.— Qu’est-ce que vous venez faire chez moi ?— On venait t’expliquer notre attitude.— M’expliquer quoi ? Tu es partie en me traitant de salaud, ton mec m’a frappé par surprise, je ne vois pas pourquoi.— Et toi, tu m’as baisée, puis payée comme une pute.— Mais je t’ai donné ce que tu demandes pour une prestation. Tu as refusé le pognon et ton mec est venu me casser la gueule parce que je n’avais pas payé. Et maintenant tu viens m’expliquer quoi ?— Mon mec, comme tu dis, c’est mon frère.— C’est encore pire, mettre sa sœur sur le trottoir !— Mais je ne suis pas une pute ! C’est Georges qui t’a dit ça ! Mais…— Attend, Tania a parlé ! Toutes les femmes sont des salopes, moi qui avais confiance en elle ! Je suis vraiment le roi des cons !— Elle t’avait promis de ne pas parler, elle n’a rien dit. Mais quand tu es venu, j’étais dans la salle de bain en train d’arranger les fleurs que j’avais apportées. J’ai tout entendu. Tania t’a juré de ne rien dire, parce qu’elle savait que j’entendais tout, elle pouvait te promettre son silence sans se parjurer.— Oui, alors tu sais tout, mais moi je n’y comprends rien.Alors Béatrice raconte toute l’histoire, le malentendu qui en a résulté. Tous deux parlent longtemps.Une toux discrète attire leur attention. Bernard, un peu pâle, adossé au mur les regarde en souriant.— J’ai encore fait une connerie. Ça fait deux fois que je ne veux pas écouter ma sœur. La première fois c’est la colère qui m’a conduit, la deuxième fois, c’est pour faire la paix. À chaque fois, ça fait des dégâts. Mais je vois que vous n’avez plus besoin de moi, je m’en vais.Alain s’est levé, est allé le prendre par les épaules et l’a fait asseoir.— Excuse-moi, je t’ai pris pour un salaud, tout ça c’est la faute de Georges.— Non, reprend Bernard, c’est moi qui ai dit à Béatrice de lui demander de l’argent pour s’en débarrasser. Mais je n’en avais pas prévu les conséquences.Ils ont mangé ensemble, tous les trois heureux. Puis Bernard les a quittés, sans même que les deux amoureux s’en aperçoivent, ils étaient trop occupés.