Ce n’est pas évident, la vie moderne. Prenez Karine, par exemple. Vingt-quatre ans, elle vient de finir ses études. Un D.U.T. et une école de communication très cotée auraient dû lui ouvrir les portes du monde de la publicité. Mais… Sa voix fluette et haut perchée ne la rend pas crédible, ses lunettes trop grandes pour son fin visage font penser à la Mademoiselle Jeanne de Gaston Lagaffe, et ses vêtements moulants et très échancrés ne lui donnent pas l’apparence nécessaire de la maturité. Elle est peut-être intelligente, mais elle n’est pas armée pour affronter le monde de l’entreprise et ses requins. C’en est presque touchant de voir tant de naïveté chez une jeune femme d’aujourd’hui.Mais elle est tenace et elle ira au bout de son rêve : une vie bien à elle, heureuse, indépendante, avec juste assez d’argent pour ne pas s’inquiéter dès le 15 du mois. Et puis un jour, un homme. Un vrai, cette fois. Pas un crétin comme Jean-Marc avec qui elle a passé près de deux ans durant ses études. Peu importe les raisons de leur séparation, elle était peut être trop fragile ou rêveuse, il était peut être trop intransigeant. Quoi qu’il en soit, cette expérience l’avait confortée dans l’idée qu’elle chercherait un partenaire seulement quand le reste sera réglé : un boulot et un appart’.Alors la voilà : cela fait maintenant un mois qu’elle a accepté de » prendre la gérance » de ce petit Tabac-Journaux. Ce n’est pas glorieux, mais elle est au moins libre. Tout ce que le propriétaire lui demande, c’est de lui assurer un revenu minimum.Ce soir, après avoir arrêté la caisse et fait un brin de ménage, elle fait son réassort. Les nouveaux magazines sont arrivés et, par manque d’organisation, elle n’a pas eu le temps de tous les placer dans les rayons. Il est bientôt 22 heures et elle a presque fini. Les titres principaux les plus demandés ont déjà été déballés en cours de journée, il ne lui reste plus qu’à ranger les parutions plus… spécialisées. Debout sur son tabouret, elle place les revues pour adultes sur l’étagère la plus haute. Les bras tendus, son petit gilet se soulève suffisamment pour laisser apparaître un ventre plat, une adorable chute de rein creusée par sa colonne vertébrale, et la lisière d’un tanga blanc.Comme il fallait s’y attendre, c’est en plaçant les derniers magazines que, trop penchée, elle perd l’équilibre et manque de tomber. En revanche, plusieurs titres n’ont pas échappé à la chute.Elle descend de son promontoire et, alors qu’elle ramasse les journaux ouverts, son regard est attiré par certaines pages. On y voit des couples enlacés, des hommes musclés prenant possession de jeunes femmes aux corps de ballerines… Mais ce qui retient son attention, c’est ce titre : » Masturbation : le plaisir sans les ennuis « . Le long article est illustré de photos de femmes et d’hommes s’apportant à eux-mêmes un plaisir sans limites, à en juger par l’expression de leurs visages. Alors qu’elle cherchait à identifier quelle lotion utilise le beau brun de la photo pour masser son impressionnant sexe, elle se rend soudainement compte de son trouble. Sa poitrine a durci mais surtout, une douce chaleur gagne son bas-ventre.Elle a toujours été fascinée par la masturbation. Des l’âge de 10 ans, elle éprouvait un plaisir confus à s’asseoir sur l’accoudoir du canapé de ses parents. Une fois, elle avait essayé d’amener Jean-Marc sur le sujet. Elle s’était volontairement laissée surprendre à se caresser. Elle aurait tellement voulu le voir faire de même. Qu’ils se masturbent l’un en face de l’autre, qu’ils puissent s’offrir l’un à l’autre cette incursion dans leurs intimités respectives. Malheureusement, cet idiot s’est vexé. Il lui avait lancé » Je ne te suffis pas ? Quand tu sauras que ça vaut pas une vraie bite, tu me téléphoneras ! « , puis il était parti en claquant la porte.Se disant qu’elle risquait de le conserver un moment, elle laissa les 42 francs du magazine sur la caisse, le mit dans son sac et quitta la boutique.Dans son studio, c’est la monotonie habituelle. Rien ne l’attend. Même pas un message de son envahissante mère sur le répondeur. Elle ingurgite rapidement un plat de poisson surgelé, s’obligeant à ne penser à rien. Elle est toujours dans le même état lorsqu’elle se prépare à se câliner un peu… Elle sait qu’elle va le faire, mais elle ne se l’avoue pas. Peut-être qu’au fond elle n’assume pas… Ni de le faire, ni d’aimer ça.La voilà dans la salle de bains, prête à se débarrasser de la crasse de son exténuante journée. Elle laisse tomber un a un ses vêtements sur la décidément trop grosse pile de linge sale. Son petit haut trop court sent le tabac, elle n’arrive pas à décrocher de la cigarette. Ses jeans délavés le rejoignent, suivent son soutien-gorge dans une légère effluve de sueur. Elle tire ses chaussettes en les coinçant avec le talon de l’autre pied, comme quand elle était enfant. Puis, doucement, elle fait rouler son tanga blanc jusqu’à ses pieds. Elle soupire de satisfaction. Enfin, elle peut respirer, la poitrine dégagée de toute entrave. Elle masse machinalement ses hanches pour faire disparaître les marques du sous-vêtement tandis que, de la main droite, elle démêle ses poils pubiens.D’un mouvement de la jambe, Karine envoie sa culotte rejoindre la pile de vêtements. Sans vraiment savoir pourquoi, sa main explore rapidement son sexe. Du bout des doigts, elle caresse ses grandes lèvres, les écarte et frotte quelques instants la légère moiteur de sa vulve. Portant sa main à son nez, elle lance pour elle-même « EUUARRK ! C’est la fin de la journée ! ». C’est idiot, mais ça l’amuse. Assise nue sur les toilettes refermées, elle commence la lecture de son magazine. Elle commence par scruter les photos. Elle les dissèque littéralement. En un éclair, Karine à l’impression d’être dans la scène. Elle s’imagine assise à côté du sofa où un jeune homme aux airs de lycéen prend du plaisir en solitaire. Elle entend presque son souffle saccadé.Karine sent son clitoris s’éveiller. Elle ondule pour mettre sa vulve humide en contact avec le froid couvercle des toilettes. Les rotations de son bassin appliquent une pression lancinante sur ses lèvres. Son désir est là. Une autre photo montre une ravissante jeune fille blonde dont la douceur des caresses la trouble. S’imprégnant de l’atmosphère de l’image pour ne pas l’oublier trop vite, Karine se lève, laissant une trace de buée sur son siège lisse. Enjambant le rebord, elle s’accroupit dans la baignoire et règle la température de l’eau sur une chaleur idéale. Avec le jet de la douche, elle chauffe le fond de la baignoire et s’y allonge délicatement, laissant monter l’eau autour de son corps ferme aux proportions magnifiques. Ses cours de danse moderne y sont pour quelque chose.Le pommeau de douche en position » massage tonique « , elle délasse ses mollets et l’extérieur de ses cuisses. Des milliers de doigts vigoureux s’acharnent à dénouer la tension sous sa peau. L’eau montante lèche doucement son sexe. Quand les vaguelettes ont dépassé son bouton sensible, c’est comme si une enveloppe de chaleur absorbait tout son bas ventre. Amortis par l’eau, les doigts du jet de douche se font plus doux, mais toujours terriblement précis. Peu à peu, elle remonte le long de sa cuisse gauche, mais à l’intérieur cette fois. Elle est fascinée par la petite dépression que creuse le jet dans sa peau. Un léger chatouillis atteint son aine, s’y attarde, puis continue sa route. Toujours plus haut.Karine ne peut réprimer un sourire lorsque la caresse liquide écarte sa grande puis sa petite lèvre. Elle sent ce massage persistant la faire fondre peu à peu. Son corps commence à onduler malgré elle. Eloignant légèrement le pommeau de sa cible pour atténuer la force des caresses, elle l’aligne sur son clitoris complètement en éveil, puis l’approche, très doucement.Le plaisir augmente, ses sourires se muent en soupirs. Et le massage se fait plus puissant.…Tellement puissant que le petit capuchon que forment ses lèvres autour de son point sensible commence à s’agiter. Les rafales d’eau pulsée agitent tantôt à droite, tantôt à gauche le délicat écrin. Elle continue à approcher le pommeau, ses abdominaux tendus se dessinent sur son ventre, ses fesses rondes se serrent. Son corps n’est plus qu’un bloc, aussi dur que possible, pour offrir la plus grande résistance à l’infatigable mouvement circulaire de l’eau. Elle ne soupire plus, elle gémit dans chaque souffle. Sa poitrine est tendue, ses tétons dressés. Là ! Karine a trouvé le meilleur angle. Son clitoris est assailli de toute part. Droite, gauche, droite, gauche. Inexorablement, son plaisir monte. L’eau de la baignoire agitée de remous a déjà inondé le sol. Posant ses pieds sur les rebords, elle s’offre complètement à l’infatigable masturbation liquide.Son orgasme est imminent. Elle l’attend mais elle le redoute en même temps. Ça ne peut pas être déjà fini. Bizarrement, son esprit reprend le dessus. Elle repense à la fille de la photo. Elle s’est sentie voyeuse en la regardant, et maintenant elle se sent victime. Elle a soudainement honte d’elle. » C’est tout ce qu’il te reste. Tu es seule. » Pense t’elle. Ça ne lui avait jamais traversé l’esprit. Elle a honte. Honte de sa libido. Honte d’être dépendante de ses pulsions. Elle se sent ridicule, vautrée au fond de sa baignoire, les pieds relevés, à masser son sexe pour se donner du plaisir. Quelle déchéance ! Faut-il à ce point manquer d’orgueil pour se mettre dans un tel état ?Puis elle repense au titre de l’article » Le plaisir sans les ennuis « . Pourquoi se prendre la tête avec un mec ? Pourquoi devoir le supporter, lui, ses matches de foot, ses envies, ses poils de barbe dans le lavabo, ses sautes d’humeur quand il a passé une sale journée. » Et puis merde ! » Et elle applique de nouveau le masseur sur son sexe.Une véritable décharge saisit son corps. Elle n’en n’est pas sûre, mais elle croit bien avoir crié. Sa main gauche est blanche tellement elle serre fort le bord de la baignoire. Son bassin s’agite de plus en plus vite. Son ventre se tend et se détend. Karine émet des râles à chaque expiration. Non, pas déjà ! Elle lutte de toutes ses forces contre le plaisir.Son sexe a déjà rendu les armes. Il n’est plus qu’un monument dédié à l’excitation. Son clitoris est saturé de sensations. Sa poitrine se soulève et retombe presque violemment tellement sa respiration est forte. Un gémissement, puis un autre, plus fort, et un autre. Sa main gauche quitte son appui et vient écarter sa vulve. Un petit cri, discret, elle se rend compte qu’elle ne peut pas augmenter les sensations de son sexe. Ses doigts descendent jusqu’à son anus. Décontracté par l’eau chaude, il n’offre que peu de résistance. L’index, non le majeur de Karine viole sa plus stricte intimité. Elle se sent attaquée, submergée par les sensations. Mais elle résiste, elle tiendra bon. Ses » Oooh » deviennent des » Aannhhh « , elle ne peut plus articuler. Son corps ne sert plus qu’à une seule chose : donner du plaisir. Et quel plaisir ! Encore… Encore… Ouiiiii ! Karine ne gémit plus, elle ne râle plus, elle ne cire plus… Elle hurle !Elle a joui ! Non, ce n’est pas de la jouissance, ce n’est même plus un orgasme. C’est le plaisir à l’état pur.Son sexe est maintenant trop sensible. En frissonnant, elle trouve la force de fermer le mitigeur. Prise d’un rire nerveux, elle se laisse aller dans l’eau qui lui paraît désormais brûlante. Elle n’a plus de forces. Ses membres sont lourds. Elle se sent écrasée par le liquide comme par un amant qui s’affale sur elle après l’amour. Mais elle n’a jamais connu pareil amant. Et elle n’en connaîtra jamais. Complètement détendue, elle se laisse envahir par la torpeur. Ravie de ce qu’elle vient de s’offrir. Puis cette pensée lui revient » Ce que je viens de m’offrir. De me faire à moi. Je viens de me faire l’amour toute seule, parce que je n’ai personne. Je suis seule. Pas la peine de me faire des illusions, c’est pas l’eau qui m’a faite jouir, c’est moi ! « Malgré ses efforts, son corps n’a pas résisté. Elle a perdu. Elle a voulu tenir, mais elle a joui, presque malgré elle. Elle s’est violée elle-même. Pour cause de solitude. Elle s’est faite violée par la solitude. Une autre sensation la gagne. Une tristesse immense. Ses larmes montent. Elle n’y peut rien. Elle se rend compte que le chagrin est comme le plaisir : plus fort qu’elle, irrépressible._____Karine n’est pas encore couchée ! A suivre, si vous le voulez…Hal Jordan(haljordan10@hotmail.com)