RĂ©sumĂ©Â : Olivier Carkanpois, modeste auteur vivotant dans le Chalonnais et mari de la belle et suave Sophie, se trouve pris dans un engrenage infernal : il doit livrer le scĂ©nario d’un tĂ©lĂ©film pour lequel il a dĂ©jĂ deux mois de retard et pas une seule idĂ©e valable. Alors que son agent le harcelle au tĂ©lĂ©phone, un Ă©trange visiteur investit son bureau, prĂ©tendant que sa femme le trompe. Une suite d’aventures rocambolesques s’en suit (voir « Un merveilleux don », n°14466) qui amènent l’auteur Ă assister au dĂ©shonneur suprĂŞme : après un strip-tease dĂ©bridĂ© sur la scène d’un bordel, son Ă©pouse monte avec deux clients.EffondrĂ©, Olivier accepte alors de signer le pacte que lui propose son inquiĂ©tant guide, Konstantinos – Ă©changer Sophie contre le don d’inspiration absolue, censĂ© lui garantir gloire et fortune. L’auteur en dĂ©shĂ©rence a deux jours pour tester ce fameux don, avant que le pacte ne devienne dĂ©finitif. C’est justement le dĂ©lai accordĂ© par Offengluck, le producteur du tĂ©lĂ©film, pour qu’Olivier termine son scĂ©nario.Lorsque notre hĂ©ros reprend conscience, il n’est plus le mĂŞme homme. Olivier dĂ©borde Ă prĂ©sent de talent… mais n’a aucun souvenir de ce qui s’est passĂ©. Se mettant immĂ©diatement au travail, il entame une Ĺ“uvre qui se rĂ©vèle, Ă sa grande surprise, magistrale. La qualitĂ© bluffante de son scĂ©nario Ă©merveille Sophie, ce qui va permettre Ă leur couple de retrouver intimitĂ© et chaleur, malgrĂ© des liens quelque peu distendus.Sophie a prĂ©parĂ© une surprise Ă Olivier : elle a pris en secret des cours d’effeuillage et lui fait un numĂ©ro Ă domicile. C’est l’occasion pour son mari de se remĂ©morer ce qu’il prend toujours pour un mauvais rĂŞve : sa rencontre avec Konstantinos. Mais quand il en parle Ă Sophie, celle-ci se dĂ©compose. En effet, elle-mĂŞme a signĂ© un pacte avec l’incube (voir « Ma sorcière bien-aimĂ©e », n°14502) et sait que ce dĂ©mon lubrique fera tout pour mettre la main sur elle !Olivier et son Ă©pouse se rendent alors chez la voyante et amie de Sophie qui a invoquĂ© bien malgrĂ© elle cette crĂ©ature malĂ©fique. Sophie espère que Mme Robert saura comment les aider. Celle-ci propose alors au couple d’invoquer une puissance occulte qui pourrait s’opposer aux projets de l’incube…Troisième PartieNous nous sommes donc retrouvĂ©s dans la chambre de Mme Robert, une pièce fleurie Ă la tapisserie fanĂ©e, Ă peine assez grande pour hĂ©berger un lit double. Au mur, une sĂ©rie de cadres photo bon marchĂ© oĂą l’on pouvait reconnaĂ®tre une Ludmilla miraculeusement mince et jeune en compagnie d’un militaire dĂ©cati. Le couple disparate s’embrassait Ă pleine bouche devant le mont Saint-Michel, Ă©cartant la thèse d’une filiation directe entre la gracile jeune femme et l’officier Ă la coupe argentĂ©e.— Jean, mon mari. DĂ©cĂ©dĂ© en 95, dit la voyante.Je baissai les yeux, gĂŞnĂ©. Les deux femmes s’étaient assises sur le lit, lequel avait Ă©mis en retour une grinçante protestation. Un grimoire au cuir moisi, ouvert en son milieu, reposait entre leurs cuisses. Sur la page de gauche, une gravure attira mon attention : une sorte de cavalier dĂ©charnĂ© Ă longue barbe, vĂŞtu d’une ample tunique et tenant un arc en main. L’illustration me faisait furieusement penser à « Gandalf le Gris » dans le Seigneur des Anneaux…— Nous allons invoquer l’esprit du chevalier blanc, l’un des quatre cavaliers de l’apocalypse…— Rien que ça, persiflai-je.— Olivier ! Je t’en prie !— D’accord, d’accord. Faites comme si je n’avais rien dit…Dans la petite pièce dĂ©buta alors une Ă©trange cĂ©rĂ©monie. PriĂ©e de se dĂ©shabiller entièrement, mon Ă©pouse dut s’allonger sur le lit du dĂ©funt mari, bras crucifiĂ©s et cuisses jointes. Après s’être emparĂ© d’un pot rempli d’une mixture glaireuse, la voyante entreprit de tracer une grande croix blanche sur la peau bronzĂ©e de Sophie, usant d’un blaireau de barbier pour Ă©taler le mĂ©lange odorant sur sa poitrine et son ventre.Chatouilleuse comme l’était ma femme, je craignis un instant qu’un fou rire incoercible ne vienne perturber le digne cĂ©rĂ©monial. Il n’en fut rien, heureusement. La pellicule blanchâtre et fortement camphrĂ©e semblait au contraire lui occasionner un certain trouble, vu la soudaine turgescence de ses seins. Deux douilles de fort calibre transperçaient Ă prĂ©sent ses arĂ©oles charnues, aussi froncĂ©es que le rideau de fer.Voir ses nichons s’épanouir Ă ce point me dĂ©concertait… Effet mĂ©canique d’un peinturlurage en règle, ou bien excitation incontrĂ´lable liĂ©e Ă la nuditĂ© forcĂ©e ? Je repensai malgrĂ© moi au Chihuahua’s et Ă la prestation de Sophie, assez « hot » pour faire triquer toute la salle. Qui aurait pu croire ça d’elle ? Une femme si peu attirĂ©e par les joies du sexe, du moins en apparence… ?Il est vrai que depuis, j’avais appris quantitĂ© de choses sur mon Ă©pouse. Comme son goĂ»t secret pour l’exhibition ou encore le lĂ©chage de chatte au fond des bois. Cela faisait-il d’elle une salope ou une bisexuelle pour autant ? Je ne pense pas. C’était plutĂ´t Ă moi, de me remettre en cause. Quel piètre amant, de n’avoir jamais entrevu son potentiel sexuel ! J’aurais dĂ» brouter ma femme plus souvent, tiens, ça nous aurait peut-ĂŞtre Ă©vitĂ© un tas d’ennuis !Tandis que je me laissais aller Ă ces navrantes constatations, Ludmilla psalmodiait d’incomprĂ©hensibles litanies. Ça ressemblait un peu Ă ces psaumes en latin entendus au hasard des reportages sur BenoĂ®t XVI. Au fait, quel âge pouvait-elle avoir, cette voyante ? Quarante-cinq ? Cinquante ? Un cul correct, pas franchement moche mais pas non plus bandante. Alors, qu’est-ce que Sophie avait bien pu lui trouver, Ă cette bonne femme ? Elle lĂ©chait mieux que moi ?— J’abandonne ! dĂ©clara soudain la mère Robert, refermant son livre d’un claquement sec.— Quoi, dĂ©jĂ Â ! ? sursautai-je.— Ce ne sont vraiment pas des conditions pour bosser, s’énerva l’autre. Ce rite nĂ©cessiterait au minimum une jeune vierge et pas mal de concentration. Alors que lĂ , vous et vos ondes nĂ©gatives, vous me donnez mal Ă la tĂŞte !— Qu’est-ce qui se passe, Ludmilla ? Vous prĂ©fĂ©reriez rester seule avec ma femme, peut-ĂŞtre ? Je comprends, il y a certaines choses difficiles Ă faire devant un mari…— J’aurais jamais dĂ» te parler de ça ! s’énerva ma moitiĂ©. T’es vraiment trop con !— N’allez pas vous mĂ©prendre, Olivier, susurra la mère Robert. L’exaltation fĂ©minine est un catalyseur redoutable, en matière de magie, que ce soit noire ou blanche. C’est pour cette raison, d’ailleurs, que nos grands-mères enduisaient leurs balais de substances aphrodisiaques…— Et hallucinogènes, aussi, certainement ! M’enfin bon, je peux pas comprendre, il n’y a jamais eu de sorcières dans ma lignĂ©e…— Toi qui es si malin, pourquoi tu ne me lèches pas ! ? explosa soudain SophieJe la dĂ©visageai, interdit.— Ben oui ! Pour une fois, sers-toi de ta langue, au lieu de raconter toujours les mĂŞmes conneries !— Mais, chĂ©rie…— T’as pas compris que je suis prĂŞte Ă TOUT, pour me sortir de lĂ Â ! ?Je jetai un regard en coin Ă la voyante. Quoi ! ? Faire « ça » devant cette gouinasse ? Goguenarde, Ludmilla me souriait de toutes ses dents. T’inquiète pas ma poulette, me dis-je en m’installant entre les cuisses relevĂ©s de mon Ă©pouse, je vais te clouer le bec, tu vas voir !J’entamai mes manĹ“uvres par quelques bisous et effleurements lĂ©gers aux abords du théâtre d’opĂ©ration, avant de doigter dĂ©licatement les nymphes gonflĂ©es, Ă la viscositĂ© prometteuse. L’état d’excitation de Sophie, liquĂ©fiĂ©e avant mĂŞme que j’attaque les choses sĂ©rieuses, confirmait sa formidable rĂ©ceptivitĂ© aux attentions publiques. Écartant la crĂŞte de ses petites lèvres rougies, je savourai un instant l’odeur de sa mouille abondante, avant d’étaler du bout du nez le nectar poisseux sur ses zones sensibles.Tandis que je me lançais plus franchement dans mon exploration linguale, la mère Robert reprit la lecture de ses colonnes de texte bien serrĂ©es, relevant de temps Ă autre la tĂŞte de son grimoire pour mater le spectacle. C’est que ça la faisait saliver, la vieille cochonne !Ă€ force de mignarder Sophie dans tous les sens, celle-ci commençait Ă sĂ©rieusement s’échauffer. Soudain, sans prĂ©venir, les doigts tremblants posĂ©s sur ma tĂŞte ont agrippĂ© mes cheveux Ă pleines poignĂ©es, m’écrasant la bouche sur sa fente en fusion. Le nez dans sa touffe, je raclais son clito comme je pouvais, pendant que madame, elle, poussait une sĂ©rie de « Gnnniiiiii ! » suraiguĂ«s. Et Sophie de me tordre les cervicales tout en m’écrabouillant les oreilles entre ses cuisses ! Mais vas-y donc ! Je suis l’homme en caoutchouc, c’est bien connu !ArrivĂ©e au sommet de son orgasme (et moi, Ă la limite de mon oxygène), ma douce moitiĂ© poussa un cri d’amour genre Cracoucass, avant de relâcher son Ă©treinte sur mon cuir chevelu. Lorsque la peau satinĂ©e de ses gambettes se dĂ©colla enfin de mes tympans avec un « plop » douloureux, je recouvris l’ouĂŻe (minorĂ©e d’un lĂ©ger acouphène) et accessoirement ma libertĂ© de mouvement. Essuyant d’un revers de main la cyprine sur mon menton, j’entrouvris mes mirettes, encore toutes collĂ©s de sĂ©crĂ©tions, et rencontrai la paire (d’yeux) de madame Robert.Avec les cris que venait de pousser Sophie, on allait forcĂ©ment dĂ©crocher le quartĂ© de l’apocalypse ! Le regard de la voyante, Ă la fois admiratif et dĂ©solĂ©, me rĂ©pondit silencieusement que oui, je cunnilinguais comme un dieu, et que non, la cavalerie cĂ©leste n’avait toujours pas donnĂ© signe de vie.— On peut essayer encore une fois, peut-ĂŞtre ? risqua Ludmilla.— Sans moi ! rĂ©pondis-je avec un mouvement de tĂŞte aussi prĂ©cautionneux que nĂ©gatif. Aucune envie de me bloquer les vertèbres ! Sans mĂŞme parler de ces horribles crampes de la langue…— Je peux vous remplacer, si vous voulez, proposa cette pouffiasse au culot dĂ©cidĂ©ment sans borne.— DĂ©solĂ©, contrai-je sèchement en dĂ©signant le grimoire, j’ai pas pris option latin au collège. Et je doute qu’espagnol deuxième langue suffise Ă dĂ©chiffrer ce charabia !Sophie de son cĂ´tĂ© Ă©mit des borborygmes qui en gros voulaient dire : « PitiĂ©Â ! Laissez-moi me remettre deux secondes ! »— Au fait, demandai-je sur le ton de la conversation, vous en invoquez beaucoup, des dĂ©mons et autres esprits farceurs ?— Heu, quelques-uns…— Et ils rĂ©pondent souvent Ă l’appel ?Silence gĂŞnĂ© de Ludmilla. Je m’en doutais ! Cette mystificatrice disposait d’autant de pouvoirs magiques qu’un balai de chiottes !— Ça n’a jamais marchĂ©, hein ?— J’ai quand mĂŞme rĂ©ussi Ă convoquer un incube !N’osant pas soutenir mon regard, elle baissa finalement les yeux.— Bon ok… J’ai cru que ça allait marcher encore une fois. Je fais ça uniquement pour faire plaisir aux clientes, vous savez ! C’est censĂ© ĂŞtre anodin, ne pas faire de mal…— Et surtout mettre du beurre dans vos Ă©pinards, n’est-ce pas ?Hochement de tĂŞte coupable. Sophie, qui entre temps avait retrouvĂ© ses esprits, ne trouva rien de mieux que de voler au secours de sa chiromancienne prĂ©fĂ©rĂ©e :— Ça ne sert Ă rien d’accabler Ludmilla ! Elle fait ce qu’elle peut… En tout cas, moi je lui conserve ma confiance et ma sympathie.— Merci, ma chĂ©rie !— Et puis n’oublie pas, Olivier, on ne sera pas trop de trois pour rĂ©cupĂ©rer ce parchemin…— D’accord, tout est de ma faute ! Si je n’avais pas signĂ© ce putain de pacte, on n’en serait pas lĂ Â ! Mais en attendant, on fait quoi ?— Y’a t-il quelque chose qui pourrait tenir Konstantinos Ă l’écart ? demanda alors Sophie. Cercle magique, pentacle, gousses d’ail ?Bien que la question fĂ»t destinĂ©e Ă la voyante, ce fut moi qui rĂ©pondis :— Ces deux types, au bar du Chihuahua’s, ils avaient l’air de lui inspirer une sainte frousse.— Tu veux dire les gars avec qui j’ai… enfin bref ! Tu vois quoi !— Oui, ceux lĂ mĂŞme a qui tu as proposĂ© une passe, confirmai-je sans me soucier de sa pudeur outragĂ©e et de son teint rouge brique. Des loups garous, d’après notre ami l’incube.— La voilĂ , la solution ! s’exclama Ludmilla. Il faut absolument nous attacher les bonnes grâces de ces charmants garçons !— Je m’en charge, dĂ©clara aussitĂ´t Sophie, sautant du lit pour enfiler une culotte.— Mais, mais… C’est que ça pourrait ĂŞtre dangereux ! m’affolai-je.— Pas plus que de se retrouver coincĂ©e 99 ans sur l’île de Nulle Part, avec pour toute compagnie un pervers au priapisme chronique, objecta mon Ă©pouse.Sans faire plus cas de moi, elle se dirigea d’un pas dĂ©cidĂ© vers la salle de bain.— Tu as toujours cet ensemble sexy dont tu m’as parlĂ© la dernière fois, Ludmilla ? Je crois que je vais en avoir besoin…« La dernière fois ? » J’étais loin d’être au bout de mes surprises !ooOOooAffalĂ© devant l’ordi, mon bureau plongĂ© dans une quasi-obscuritĂ©, j’attendais avec nervositĂ© la visite prochaine d’un certain gnome hirsute. Ă€ l’horloge de mon Mac, il Ă©tait presque 20 heures ; Konstantinos n’allait plus tarder. Surgirait-il dans mon dos, comme la dernière fois, signalant sa prĂ©sence d’un raclement de gorge ?De la chambre me parvinrent des rires Ă©touffĂ©s, des bruits de cavalcade, des grincements de lit. Les gĂ©missements de Sophie reprirent de plus belle… Une flambĂ©e acide me consuma l’estomac. N’en avaient-ils donc jamais assez, bon dieu ! ? Ma femme leur tenait compagnie depuis le milieu de l’après-midi ! (oĂą comment se prĂ©munir de la peste en s’inoculant le cholĂ©ra !)Je me forçai Ă ne pas y penser, ce qui Ă©tait le meilleur moyen de ne plus avoir que ça en tĂŞte.Un peu plus tĂ´t chez la voyante, j’avais tentĂ© de dĂ©tourner Sophie de son projet (il y a pire que le viol, avais-je essayĂ© de lui faire comprendre), mais cette tĂŞte de mule m’assurait qu’elle n’avait rien Ă craindre dans le multivers… Rien qui laissât des sĂ©quelles dĂ©finitives, en tout cas. Je m’inquiĂ©tais, pourtant (et avec quelles raisons !) d’autant que je ne pouvais la suivre lĂ oĂą elle allait, n’ayant aucun moyen de me tĂ©lĂ©porter au fin fond du Far West avec elle. Ă€ bout d’arguments et en l’absence de solution concrète, il avait bien fallu que je cède…Mon Ă©pouse s’était grimĂ©e en fille-de-rien, pour la circonstance : jupette en cuir tellement courte que l’on voyait la bande de maintien de ses bas autofixants, et top Ă©chancrĂ© sous lequel elle ne portait rien du tout. La transparence du tissu dĂ©voilant honteusement ses seins rebondis, j’avais hurlĂ© au scandale (en pure perte). Et je n’avais encore pas vraiment cogitĂ© sur la façon dont elle entendait se faire « protĂ©ger »…Alors que je la suppliais de ne pas se jeter dans la gueule du loup — au sens propre comme figurĂ© — Sophie m’avait rĂ©pĂ©tĂ© une dernière fois qu’elle savait ce qu’elle faisait. Puis, Ă l’endroit mĂŞme oĂą elle s’était tenue une seconde plus tĂ´t, il n’y avait plus eu que le vide. Une sorte de mini trou noir avait absorbĂ© jusqu’au souvenir de sa prĂ©sence…Mme Robert, chargĂ©e par mon Ă©pouse de me cornaquer, m’avait raccompagnĂ© jusqu’à chez moi avec ses paroles lĂ©nifiantes : Il n’y avait plus rien de commun entre Sophie et la frĂŞle jeune femme, innocente et sans dĂ©fense, que je me l’imaginais. Oui, j’avais bien cru comprendre ça dernièrement !ArrivĂ© Ă la maison, je m’étais servi un double sec avant de m’avachir sur le canapĂ©, sans plus faire cas de l’autre harpie. Ça ne l’avait pas empĂŞchĂ©e de poser ses fesses sans y ĂŞtre invitĂ©e, lorgnant sur mon 12 ans d’âge dont il Ă©tait bien entendu exclu que je l’abreuve.— Ça ne vous gĂŞne pas, j’espère, que j’attende le retour de Sophie chez vous ?— …— C’est uniquement pour pouvoir rĂ©conforter la pauvre chĂ©rie, quand elle va revenir.— …— Vous n’êtes pas vraiment causant, vous, hein !— …— Ça vous dĂ©range, si on allume la tĂ©lĂ©Â ?— …Comprenant enfin que je ne lui adresserais pas la parole, Ludmilla n’avait plus mouftĂ©. J’en avais profitĂ© pour me balancer un autre double derrière la cravate, suivi de près par un troisième du mĂŞme tonneau.J’ai dĂ» m’assoupir un instant, car lorsque j’ai rouvert les yeux, la voyante n’était plus lĂ et de drĂ´les de bruits s’échappaient de notre chambre. Vaseux au possible, je me suis levĂ© pour aller voir. Ce satanĂ© plancher n’arrĂŞtait pas de rouler et de tanguer comme un chalutier en pleine mer ! Et qui c’est que j’avais trouvĂ©e, devant la porte, me barrant le chemin de ma propre chambre Ă coucher ? Ludmilla, bien sĂ»r !— Ôte-toi de lĂ , espèce de voyeuse Ă la manque ! avais-je glapi, levant le poing tout en essayant de conserver mon Ă©quilibre.— On dit voyante, et « s’il vous plaĂ®t ». Mais de toute façon, mĂŞme avec des politesses plein la bouche, je ne comptais pas vous laissez passer.— De quoi ! ? Chuis chez moi, sale gougnotte ! C’est pas toi qui va m’empĂŞcher de…Et c’est lĂ que j’ai entendu les premiers râles, suivis par une sĂ©rie de « Oh Oui ! » que mĂŞme les grincements du sommier, malmenĂ© au dernier degrĂ©, n’arrivaient pas Ă couvrir. Je m’étais figĂ©, verdâtre et indĂ©cis, tandis que Ludmilla arborait ce sourire que l’on prĂŞte en gĂ©nĂ©ral aux chats des dessins animĂ©s.— Votre femme est revenue !Tiens, je l’aurais jamais devinĂ© tout seul : trop forte, cette voyante !— Et vous savez quoi ? Elle a rĂ©ussi Ă persuader Wolf et Revival de jouer les gardes du corps ! C’est Konstantinos qui va dĂ©guster…— « Wolf Revival », avais-je opinĂ© distraitement. Et ils ont vraiment besoin d’être aussi près de son corps, pour le garder ?— Ne dit-on pas que toute peine mĂ©rite salaire ?Cette dernière rĂ©flexion allait bien au-delĂ de ce que je pouvais encaisser sans rĂ©agir. Mes doigts se sont crispĂ©s en un poing vengeur, que j’ai expĂ©diĂ© de toutes mes forces en direction approximative de son estomac. La voyante a esquivĂ© le coup aussi aisĂ©ment que si je l’avais punchĂ©e en « slow motion », ce qui Ă©tait peut-ĂŞtre le cas au final. Elle m’a fermement repoussĂ©, et moi, ne pouvant me raccrocher Ă rien, je suis tombĂ© en arrière comme une grosse merde. La salope ! Profiter des forces dĂ©clinantes d’un homme doublement foudroyĂ© par l’adultère et par l’alcool !J’ai rampĂ© jusqu’à mon bureau, et lĂ j’ai vomi dans la panière. Ensuite c’est allĂ© un peu mieux, mĂŞme si j’avais toujours les yeux emplis de larmes. Je ne sais s’il agissait d’auto-apitoiement Ă©thylique ou bien de l’effort fait pour vider mon estomac au fond d’une corbeille, rĂ©cipient peu adaptĂ© Ă ce genre de contenu. J’ai passĂ© les heures suivantes Ă maudire mon Ă©pouse, envisager le divorce et pleurer sur mon sort. Il ne m’était bien sĂ»r pas venu Ă l’esprit que je mĂ©ritais amplement ce qui m’arrivait, ni que j’étais plus ou moins Ă l’origine de mon propre dĂ©shonneur…Le carillon de la porte d’entrĂ©e a retenti Ă 20 heures tapantes. DrĂ´le de façon de s’annoncer, pour un incube, ai-je pensĂ© en allant ouvrir.ooOOooUn grand type en costard cravate se tenait sur mon perron, une mallette Ă la main. Je n’ai pas tout de suite reconnu ce gĂ©ant replet, Ă la tignasse sombre striĂ©e de fils d’argent, soigneusement peignĂ©e en arrière. Deux raisons Ă cela : je ne l’avais rencontrĂ© qu’une seule fois en chair et en os, et lorsque j’avais eu l’insigne honneur de lui serrer la pogne, ça s’était passĂ© dans un immense bureau parquetĂ© de bois prĂ©cieux, au 37ème Ă©tage d’une tour de verre et d’acier dans le quartier de la DĂ©fense.Hans-Friedrich Offengluck, himself ! Le producteur du tĂ©lĂ©film dont je venais tout juste de terminer le scĂ©nar, venu se perdre dans le Chalonnais. Comment diable se faisait-il ! ?— Monsieur Carkanpois ? s’enquit le Teuton, s’exprimant quasiment sans accent et avec une dĂ©fĂ©rence toute germanique.— Oui, c’est bien moi. Mais… Je ne m’attendais pas à …— À me voir ? Vous devez vous demander ce que je fiche-lĂ , n’est-ce pas ?— Heu… Oui, en effet.— Pourrions-nous continuer cette conversation Ă l’intĂ©rieur ? C’est qu’il ne fait pas bien chaud, par chez vous !Je ne pus faire autrement que de le laisser entrer, me maudissant d’avoir rĂ©pondu Ă son coup de sonnette. Cette visite totalement surrĂ©aliste ne m’arrangeait pas du tout ! Pour ĂŞtre clair, Offengluck n’aurait pas pu tomber plus mal.— Dites, l’hiver est toujours aussi froid en Bourgogne ? avait-il poursuivi en me tendant son lourd manteau, comme si j’étais le majordome.Ă€ peine avais-je eu le temps de suspendre son duffle-coat Ă la première patère venue que ce grand escogriffe d’Allemand investissait mon living-room. Quoi lui dire, pour me dĂ©barrasser de lui ? Que j’attendais sous peu la visite d’un dĂ©mon malĂ©fique, tandis que ma femme se faisait tringler par deux loups-garous dans le lit conjugal ?— En fait, la situation est un peu compliquĂ©e. Il se trouve que j’ai des amis qui doivent passer ce soir, et…— Ne vous inquiĂ©tez pas, Olivier, je ne compte pas abuser de votre temps. Un jet privĂ© m’attend sur une piste Ă Dijon, et mon chauffeur a pour instructions de revenir me chercher dans moins d’une heure.Le producteur se cala confortablement dans mon sofa, serrant contre lui la petite mallette en cuir qu’il semblait ne pas vouloir lâcher. Son regard rencontra la flasque de whisky, toujours posĂ©e sur la table basse. Je tremblais Ă l’idĂ©e, terrifiante, qu’il se mette en tĂŞte de taper l’incruste. Juste au pire moment !— Puis-je vous offrir Ă boire ? m’entendis-je pourtant proposer, avant de me mordre les lèvres. CrĂ©tin que j’étais !— Eh bien, pourquoi pas…Je ne m’étais pas encore levĂ© du fauteuil qu’Offengluck tirait un Ă©tui Ă cigare de sa poche. Il en sortit un cylindre brun qu’il huma avec un plaisir manifeste.— Rien de mieux qu’un bon havane, avec le Chivas. Ça ne vous dĂ©range pas, au moins ?— Non non, allez-y, marmonnai-je tout en battant en retraite dans la cuisine, Ă la recherche d’un verre prĂ©sentable et d’un cendrier vide.Une odeur dĂ©plaisante m’accueillit Ă mon retour. Les bottes posĂ©es sur la table basse, la tĂŞte rejetĂ©e en arrière, Hans-Friedrich, très Ă l’aise, propulsait des ronds de fumĂ©e vers le plafond. D’épaisses volutes bleutĂ©es, qui roulaient sur elles-mĂŞmes avec une lenteur hypnotique. La surprise ayant laissĂ© peu Ă peu place Ă l’irritation, je sentis poindre en moi une once de colère… Tout producteur qu’il soit, ce type Ă©tait aussi le roi des sans-gĂŞne !— Bon ! dis-je en posant avec humeur mes verroteries sur la petite console, et si nous parlions de ce qui vous amène ?Un sourire familier Ă©tira les fines lèvres de mon invitĂ© surprise, dĂ©voilant des dents très blanches et parfaitement rĂ©gulières. Un sourire Ă bouffer de la merde, comme diraient nos amis les Anglais.— Vous avez raison, venons-en aux faits !— Je ne demande pas mieux…— Alors voilĂ , je dois dire que j’ai Ă©tĂ© positivement impressionnĂ© par votre scĂ©nario… Mais Ă mon sens, ce serait une erreur de s’en arrĂŞter lĂ . Avec une telle base, des personnages aussi attachants et complexes, ça peut tout Ă fait ĂŞtre le dĂ©but d’une sĂ©rie. D’au moins douze Ă©pisodes.— Mais la commande initiale…— Un simple tĂ©lĂ©film ne rendrait pas honneur Ă votre travail, Olivier ! Et puis ça tombe pile poil : il se trouve que M6 m’a approchĂ© dernièrement pour un projet de sĂ©rie policière. Ils sont pressĂ©s : on parle d’un tournage cet Ă©tĂ©, avec quatre Ă©pisodes dĂ©jĂ programmĂ©s pour la fin d’annĂ©e. Vous croyez que ce serait dans vos cordes ?Je faillis en tomber Ă la renverse ! J’étais tellement penchĂ© en avant que mes fesses touchaient d’ailleurs Ă peine le siège. Essayant d’adopter une attitude neutre et dĂ©tachĂ©e, je nous servis Ă boire avant de me renfoncer dans le fauteuil. Si ce type avait pris la peine de sauter dans un avion l’après-midi mĂŞme, c’est qu’il comptait me proposer un deal Ă six chiffres ! Ce dont j’avais toujours rĂŞvĂ© prenait enfin forme : j’étais sur le point de me faire un nom… et bien sĂ»r, des couilles en or !— J’ai le gratin des auteurs dans mon carnet d’adresses, des gens capables, aux rĂ©sultats plus qu’honorables. Mais ce n’est pas ça que je veux. Ce qu’il me faut, c’est de l’exceptionnel. Quelque chose qui ait du souffle, dans la mĂŞme veine que ce que j’ai lu il y a quelques heures.— Heu… Je suis plus que flatté…— Inutile de faire ton modeste, coupa Offengluck, passant sans plus de cĂ©rĂ©monie au tutoiement. Si je suis lĂ ce soir, ce n’est pas pour te servir la soupe. C’est avant tout pour m’assurer que mon poulain ne va pas changer prĂ©maturĂ©ment d’écurie…Posant son cigare dans le cendrier, Hans-Friedrich ouvrit sa sacoche, dont il tira ce qui ressemblait Ă un contrat.— « Business is money », dit-il, me tendant un exemplaire entre son pouce et son index repliĂ©.Mon attention fut soudain attirĂ©e par le pouce du producteur, ou plutĂ´t par l’ongle de ce pouce, d’aspect particulièrement repoussant. Une sorte de longue croĂ»te jaunâtre et striĂ©e, qui Ă©voquait plus le SDF crasseux que l’homme d’affaire. Je clignai des yeux, incrĂ©dule. Le temps de ce simple battement de cil, Offengluck avait repliĂ© son pouce, escamotant l’ongle difforme comme un prestidigitateur ferait disparaĂ®tre une pièce de 3 euros.— Eh bien ! Qu’est-ce que t’attends ! Lis donc !Je pris la feuille avec une certaine rĂ©ticence et commençai Ă la parcourir. Les lettres dansaient devant mes yeux, se brouillant tel un mirage superposĂ© Ă la rĂ©alitĂ©. La seule chose que j’arrivai vraiment Ă saisir, c’était le montant du contrat. Et pour cause, il explosait au bas de la page en gros caractères : un demi-million d’euros ! De quoi vivre sur un grand pied pour les cinq ou six ans Ă venir…Un stylo se matĂ©rialisa soudain dans mon champ de vision.— Vas-y, signe !— Cinq cent mille, c’est quand mĂŞme une somme, admis-je en coassant.— Surtout si l’on considère que c’est ton cachet pour chacun des douze Ă©pisodes.J’en eus le souffle coupĂ©. Ce type me proposait lĂ une vĂ©ritable fortune, et tout ça juste pour faire ce que j’aimais ! Ă€ la limite de l’audible, un air de violon berçait mes tympans. La douce musique du succès ! J’en oubliai presque la visite imminente de Konstantinos et les malheurs de Sophie… Une calculette s’activa dans un coin de mon cerveau, me dĂ©livrant ce message irrĂ©sistible : tout ce fric placĂ© ne serait-ce qu’à 4% m’assurerait une rente de malade ! Vingt milles euros par mois ! Et ce, Ă vie !Conclusion ? J’allais signer, quels que soient les risques ! Les clauses en petits caractères, ce serait pour plus tard…Je me saisis du stylo d’Offengluck. C’est que j’adorais ce type, Ă prĂ©sent, ongles dĂ©formĂ©s ou pas ! J’ôtais le capuchon, dĂ©couvrant une pointe biseautĂ©e et de couleur nacre qui ressemblait tout Ă fait Ă l’extrĂ©mitĂ© d’une plume d’oie. Une minuscule goutte d’encre, rouge sang, perlait tout au bout. DrĂ´le d’idĂ©e, de parapher un contrat avec ce genre de stylo. Une lubie de producteur pour convoquer la chance, comme ces tĂ©lĂ©phones portables Ă la sonnerie Old Style.Ă€ peine avais-je entamĂ© mon paraphe, un grand « O » Ă©carlate du plus bel effet sur l’éblouissante blancheur de la feuille, que l’infortune s’invitait subitement dans mon salon. Un homme entièrement nu, Ă la crinière en bataille et au sexe tout aussi flasque que dĂ©mesurĂ©, venait de franchir la porte de notre chambre. Le dĂ©sastre en marche sous les traits de Wolf (Ă moins que ce ne fĂ»t Revival).Offengluck ne pouvait pas le louper. Morte-couille ! Comment j’allais lui expliquer ce cirque ! ?ooOOooIl se produisit alors une sĂ©rie d’évĂ©nements qui, sans ĂŞtre simultanĂ©s, se tĂ©lescopèrent nĂ©anmoins Ă une vitesse ahurissante.Alors que je me tournais vers Hans-Friedrich, le cerveau turbinant Ă fond les manettes pour justifier la prĂ©sence sous mon toit d’un nudiste gĂ©nĂ©reusement dotĂ© par la nature, une cacophonie grinçante me perça soudain les oreilles. Je me trouvai alors nez Ă nez avec un Offengluck aussi surpris que moi, un archet en main et, coincĂ© sous son goitre, un vilain instrument qui ressemblait vaguement Ă un violon.Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase. Un rugissement furieux m’incita Ă tourner la tĂŞte dans l’autre sens aussi vite que possible. Ă€ la place du visage de Wolf (je dĂ©cidai qu’il s’agissait bien de lui), il y avait Ă prĂ©sent un museau allongĂ© et poilu qui n’avait plus rien d’humain. Deux grosses billes jaunes me fixaient, tandis que la gueule du monstre, bĂ©ante comme l’enfer, exhibait ses terribles crocs. Chacun de ces bĂ©bĂ©s devait bien mesurer dans les trois ou quatre centimètres !La chose rugit Ă nouveau, un feulement terrible qui fit se dresser tous les poils de mon corps. Ça faisait penser au cri de Chewbacca dans Starwars, mais en nettement plus effrayant car beaucoup, beaucoup plus rĂ©aliste !Je sais, j’aurais dĂ» m’interposer entre le bodyguard de Sophie et Offengluck, mais j’étais bien trop terrifiĂ© pour ça ! Un horrible carnage menaçait de se produire d’ici peu ! Aussi, je me fis le plus petit possible, lorsque le loup-garou s’avança pesamment vers le Teuton tĂ©tanisĂ©.Wolf lui prit son instrument et, d’une chiquenaude, le broya comme une coque de noix. J’étais certain qu’il allait ensuite l’égorger, avant de dĂ©tacher sa tĂŞte de son cou. J’en Ă©tais Ă estimer mes chances de ne pas subir le mĂŞme sort lorsque deux autres protagonistes surgirent de notre chambre Ă coucher, tout aussi nus que Wolf. Mme Robert (une fausse blonde, au final), s’escrimant Ă passer l’un des peignoirs de Sophie, suivie de prĂ©s par Revival, encore sous forme humaine.— Fais gaffe, Wolf ! hurla soudain son comparse. Il se mĂ©tamorphose !Je me tournai alors vers le producteur, assistant bien malgrĂ© moi Ă un spectacle dantesque : la tĂŞte d’Offengluck avait presque doublĂ© de volume et s’était fendue en deux dans le sens de la largeur, arborant un impossible sourire plein de dents triangulaires et tranchantes. Ça lui donnait un petit air de citrouille d’Halloween – une citrouille affreusement menaçante ! Un grondement montait de sa gorge tandis qu’une bave rosâtre maculait son menton hypertrophiĂ©.Bon dieu ! Pourquoi fallait-il que mon chez moi se transformât systĂ©matiquement en maison des horreurs ? Avec un petit cri de souris, je cherchai Ă disparaĂ®tre au fond de mon fauteuil. Sans trop de succès, semble-t-il.La monstruositĂ© Ă ma droite se dĂ©tendit tel un ressort, bondissant Ă la gorge de l’abomination poilue Ă ma gauche et lui arrachant au passage une bonne moitiĂ© d’oreille. Wolf poussa un cri dĂ©chirant, sorte de piaulement mi-canin, mi-humain. Il recula, mais pas pour fuir. Vif comme l’éclair, le loup-garou exĂ©cuta un coup de pied retournĂ© parfaitement bien placĂ©. Face de citrouille qui avait reçu la mandale en pleine tronche (un bon 50 fillette), se trouva dĂ©calquĂ© contre le mur oĂą il rebondit en laissant une trace sanglante.Je me penchais pour voir dans quel Ă©tat il se trouvait. Le monstre bougeait encore. Aussi incroyable que ça paraisse, il Ă©tait mĂŞme en train de rĂ©trĂ©cir, se dĂ©gonflant comme une baudruche dont on aurait fait sauter la valve !C’est Ă ce moment qu’apparut mon Ă©pouse, vĂŞtue d’un dĂ©shabillĂ© vaporeux qui lui cachait Ă peine les fesses. Alors qu’elle s’approchait de la scène, ses jolis yeux noisette grands ouverts, Revival posa une main protectrice sur son Ă©paule. Il la tint quelques instants contre lui, un bras nĂ©gligemment passĂ© autour de la taille. Ignorant mes regards effarĂ©s, Sophie se laissait faire. La voir ainsi alanguie contre un autre me serrait le cĹ“ur Ă le faire imploser ! Sophie s’écarta enfin du loup garou, les joues empourprĂ©es.— Par Satan le Vil, je possède des droits sur cette femelle ! glapit alors une voix que je ne connaissais que trop bien.Une main appuyĂ©e sur la joue, Konstantinos de CrĂŞte se releva tant bien que mal. Mais bien sĂ»r ! Comment n’avais-je pas compris plus tĂ´t Ă qui j’avais affaire !— Son mari me l’a cĂ©dĂ©e…— Ah oui ? gronda Wolf, reprenant sa forme originale (un processus tout Ă fait fascinant). Alors pourquoi lui seriner ton air de violon diabolique, si ce n’est pour lui faire signer ce torchon ?Le loup-garou se baissa pour ramasser ce que j’avais tout d’abords pris pour un contrat mirifique : un vulgaire bout de parchemin. Ce faisant, j’observais fascinĂ© et incrĂ©dule l’énorme battant qui balançait entre les cuisses de Wolf. Mon dieu, la pauvre ! Qu’est-ce qu’elle avait dĂ» prendre !— Tiens donc, mais qu’avons-nous lĂ Â ! s’exclama Revival, examinant Ă son tour le parchemin. Ce ne serait pas un contrat de cession d’être humain, par hasard ? Mais si, bien sĂ»r que si !— Comme si MĂ´ssieur l’incube ignorait que l’esclavage a Ă©tĂ© aboli depuis au moins cent cinquante ans, poursuivit Wolf.— J’avais raison ! jubila la voyante. Konstantinos Ă©tait en train de finaliser son sale petit tour de passe-passe !— Pas du tout, protesta l’intĂ©ressĂ©. Que ce soit le mari ou la femme, les Carkanpois ont signĂ© en connaissance de cause !Ă€ ces mots, les deux loups garous se rapprochèrent en grognant. Voyant la situation lui Ă©chapper, le Dieu de la VirilitĂ© tenta de prendre la poudre d’escampette.— Minute, papillon ! s’exclamèrent ensemble Wolf et Revival, l’attrapant chacun par un bras. OĂą tu crois aller comme ça ?Puis, tenant le gnome par les jambes, ils le retournèrent et entreprirent de le secouer. Divers objets se mirent Ă glisser de ses poches, formant au sol un amoncellement hĂ©tĂ©roclite oĂą se cĂ´toyaient peigne d’or, pantoufle de vair, corne d’abondance, pommes de discordes, cape d’invisibilitĂ©, retourneur de temps, sabre laser ainsi qu’une multitude de petits sacs en toile bruns qui ne nous Ă©taient pas inconnus, Ă Sophie et Ă moi.Une fine feuille de parchemin s’échappa enfin de la cape de Konstantinos.— Yes ! triompha la voyante en ramassant le parchemin. Voici la preuve de son forfait !— Rendez-moi ce pacte ! gargouilla l’incube, tĂŞte Ă l’envers. Il Ă©cumait de rage et se tortillait en tous sens sans pouvoir Ă©chapper Ă l’emprise des lycanthropes.— Tss, tss, tss… fit Wolf. Le bidouillage de causalitĂ© temporelle est un cas de nullitĂ© absolu en droit des contrats. Ă€ fortiori, s’il s’agit de manipuler le mari pour qu’il cède sa chaude donzelle – mĂŞme si, entre nous, ledit mari ne me semble pas des plus fut fut…Wolf et Revival firent trois pas de cĂ´tĂ© avant de lâcher le diablotin sans plus de cĂ©rĂ©monies. Ouch ! Ils n’y avaient pas Ă©tĂ© de main morte ! Étourdi, Konstantinos s’adossa au mur en se tenant le front ; l’une de ses cornes semblait lĂ©gèrement tordue.Je me penchai Ă mon tour sur le parchemin rĂ©cupĂ©rĂ© manu militari par les deux loups garous. C’était bien le pacte signĂ© au Chihuahua’s… Nous avions rĂ©ussi ! Loin de partager mon enthousiasme, Ludmilla m’ignorait tandis que les cow-boys cosmiques, eux, secouaient gravement la tĂŞte.— On peut pas dire que tu mĂ©rites ta femme, l’ami.— Tu ferais mieux de laisser tomber ce nase, ma petite Caille. Viens plutĂ´t avec nous !Un frisson glacĂ© me parcourut. Sophie avait-elle vraiment l’intention de m’abandonner pour les suivre ?— Olivier n’aurait jamais signĂ© ce pacte, sans les manigances de ce dĂ©mon poilu. La seule chose que je souhaite, Ă prĂ©sent, c’est de ne plus jamais avoir affaire Ă un incube ! Quant Ă mon mari, ajouta-t-elle en glissant ses doigts caressants dans mes cheveux, eh bien… je le garde !Des larmes roulèrent sur mes joues. Sophie, qui ne savait trop comment interprĂ©ter cette manifestation plutĂ´t inhabituelle de ma part, poursuivit avec un sourire inquiet :— Si lui veut toujours de moi, en tout cas…Pour seule rĂ©ponse, je dĂ©posai un baiser salĂ© sur ses lèvres entrouvertes. Sophie se hissa alors sur la pointe des pieds pour se pendre Ă mon cou, m’embrassant avec une impĂ©tuositĂ© qui me bouleversa vĂ©ritablement. Ce tendre contact faisait bondir de joie mon palpitant, lequel cognait dans ma poitrine comme une soupape mal rĂ©glĂ©e.Ainsi, il me restait une chance de repartir du bon pied avec ma petite femme !Pendant près d’une minute, nos bouches et nos mains oublièrent que nous n’étions pas seuls… C’est que nous en avions, des choses Ă rattraper ! Puis je pris lentement conscience de ses hanches collĂ©es aux miennes, de ses seins fièrement dressĂ©s contre mon torse, de sa chute de reins juste Ă portĂ©e de main sous la nuisette vaporeuse… Nuisette qui Ă©tait remontĂ©e suffisamment haut pour dĂ©voiler Ă tous le merveilleux popotin de mon Ă©pouse !Le regard des loups-garous, braquĂ© sur la partie anatomique la plus moelleuse de Sophie, me confirma d’ailleurs que tout ce qui pouvait ĂŞtre rĂ©vĂ©lĂ© de ses trĂ©sors intimes l’était bel et bien…— Sont-ils pas beaux, tous les deux ? se moqua gentiment Wolf, poussant son compère du coude.— C’est que j’aurais bien fait encore un bout de chemin avec sa poulette, moi. Elle assure drĂ´lement, au lit !— Tu m’étonnes ! Et encore, on n’a pas eu le temps de lui apprendre la brouette japonaise ni la double chandelle piquĂ©e…— Vous allez pas la fermer, tous les deux ? haleta Sophie, toute essoufflĂ©e de notre apnĂ©e buccale. Y’a des gens qui essaient de se concentrer, ici !Et avant que je n’aie eu le temps de dire ouf, la belle blonde qui aurait pu devenir mon ex plaquait Ă nouveau sa bouche sur la mienne.Tandis que l’assistance admirait notre art consommĂ© du baiser avec la langue, Konstantinos rassemblait discrètement ses possessions et en profitait pour mettre les bouts. Du coin de l’œil, je m’assurai simplement que la mère Robert avait gardĂ© ce maudit pacte Ă la main. C’était notre seule garantie de ne plus entendre parler du dĂ©mon des bois…— Il va ĂŞtre temps de mettre les voiles, compadre, souffla enfin l’un des deux loups-garous…Après avoir tournĂ© une dernière fois sa langue dans ma bouche, Sophie se dĂ©colla Ă regret pour s’adresser Ă ses bodyguards :— Je ne sais vraiment pas comment vous remercier, vous deux ! Sans vous, j’étais perdue !— On a bien notre petite idĂ©e, mais ton homme risque de trouver qu’on abuse…Sophie se taisait, soudain toute rouge et toute molle Ă mon bras. Était-ce le fait que je puisse donner sciemment mon accord, qui la chambardait Ă ce point ? Et au nom de quoi aurais-je bien pu avoir envie d’autoriser ça, bon dieu ! ? La permissivitĂ© complice ?— Le pire, c’est qu’elle ne dirait pas non, la bougresse ! fit remarquer Revival.— Si ça se trouve, son mari serait peut-ĂŞtre d’accord, lui aussi ? renchĂ©rit Wolf. Après tout, il nous doit une fière chandelle : c’est un peu grâce Ă nous, s’il a rĂ©cupĂ©rĂ© sa femme !— C’est vrai, tu voudrais bien ? me demanda Ă l’oreille une Sophie toute chamboulĂ©e. Ça me plairait, tu sais, de faire ça devant toi… Et encore plus si je sais que tu en as envie, toi aussi.Je fus tout d’abord incapable de rĂ©pondre. Tellement de choses Ă©tranges nous Ă©taient arrivĂ©es en deux jours ! Et maintenant, voilĂ que Sophie s’excitait Ă l’idĂ©e de baiser sous mes yeux avec des loups-garous ! Quoi d’étonnant à ça, au fond ? Ça collait plutĂ´t bien avec ses nouveaux goĂ»ts en matière sexuelle…Alors pourquoi ne pas franchir le cap, Ă prĂ©sent que j’étais rassurĂ© sur ses sentiments Ă mon Ă©gard ? Il faut bien l’avouer, la perspective de la voir se farcir ces deux chibres monstrueux en mĂŞme temps Ă©veillait en moi une curiositĂ© trouble. Ă€ force d’imaginer mon Ă©pouse Ă©cartelĂ©e par les frères massue, j’avais en tĂŞte un vĂ©ritable kalĂ©idoscope d’images obscènes… ce qui ne tarda pas Ă faire s’épanouir une Ă©rection plutĂ´t massive, lĂ en bas. Sophie, qui s’en Ă©tait aperçue, se mit Ă flatter la grosse bosse de mon pantalon avec le sourire le plus coquin qui soit…Après tout, qu’est-ce que ça pouvait changer, qu’elle se fasse sauter une dernière fois par Wolf et Revival ? Ma femme en action avec deux loups-garous, j’étais pas près de revoir ça. Alors autant profiter du show, non ?ooOOooJe conserve un souvenir assez irrĂ©el des heures qui ont suivi… Ludmilla et moi Ă©tions assis cĂ´tĂ© Ă cĂ´te, dans deux fauteuils disposĂ©s le long du lit, tandis que Sophie et les loups-garous enchaĂ®naient d’improbables positions, pour des pĂ©nĂ©trations toujours plus folles. Comment je me sentais, en la voyant se faire prendre, lĂ juste devant moi ? ExcitĂ©, bien sĂ»r, mais aussi un peu paralysĂ© par la situation, Ă la fois surrĂ©aliste et dĂ©rangeante.Je ne vais pas tout dĂ©crire en dĂ©tail (ça ne regarde que mon Ă©pouse et moi, après tout !), mais sachez que les loups-garous ont ceci de spĂ©cial qu’ils peuvent moduler Ă volontĂ© la taille de leur Ă©rection. De « normale », quoi que cela veuille dire pour un lycanthrope, Ă carrĂ©ment Ă©norme (l’un des avantages induit de cette formidable aptitude Ă la mĂ©tamorphose, j’imagine). Ajoutez Ă cela une langue excessivement longue et agile, mĂŞme sous sa forme humaine, et vous comprendrez Ă quel point ces salauds-lĂ peuvent disqualifier un type comme vous et moi (dĂ©solĂ© si vous ĂŞtes une lectrice, mais vous devriez quand mĂŞme pouvoir vous imaginer ce que je veux dire…)Bref, en voyant Wolf et Revival faire l’amour Ă ma femme, j’ai compris le pourquoi de ses gĂ©missements incessants tout l’après-midi ! ForcĂ©ment, avec deux brutes Ă©quipĂ©es pour rendre folle de plaisir n’importe quelle nana ! Je me masturbais donc avec application, bouche bĂ©e, observant Sophie qui râlait de bonheur tandis que des bites de taille rĂ©glable et des langues fouisseuses, effectuant les lubrifications les plus osĂ©es, s’enfonçaient tour Ă tour ou simultanĂ©ment dans ses diffĂ©rents orifices…Au beau milieu de cette folie, j’ai senti une main se joindre Ă la mienne pour me caresser le sexe. Ludmilla me dĂ©taillait avec gourmandise, tout en secouant ses doigts dans sa petite culotte. Un instant plus tard, elle me pompait avec vigueur, sans mĂŞme que nous nous soyons concertĂ©s. Sophie, quant Ă elle, se faisait entreprendre des deux cĂ´tĂ©s ; une double pĂ©nĂ©tration plutĂ´t aventureuse ! En la voyant ruer dans tous les sens, je craignis un instant qu’elle ne soit trop Ă©troite et se fasse dĂ©chirer. Mais non : les mastodontes qui se pressaient contre ses sphincters rĂ©ussirent leur intromission avec une aisance surprenante (les galipettes de l’après-midi ne devaient pas ĂŞtre Ă©trangères Ă la souplesse quasi magique de son anus !)Et c’est lĂ , pendant que ma femme se faisait prendre en sandwich Ă quelques centimètres de moi, que je lâchai ma purĂ©e dans la bouche ultra-suave de Mme Robert…Le reste est moins clair. Je me rappelle juste avoir culbutĂ© Sophie, un peu plus tard, tandis que Ludmilla hurlait avec les loups. Je doute que mon Ă©pouse ait ressenti grand chose, large comme elle Ă©tait (ma bite barattait un vagin plein d’air !), mais vu la reconnaissance qui brillait dans ses yeux, ça ne devait pas ĂŞtre très grave. Lorsque j’ai fini par gicler dans la matrice ultra-Ă©panouie de Sophie, elle s’est abattue sur moi en me murmurant des milliers de « je t’aime ! ».Un peu plus tard (fort tard, en vĂ©ritĂ©Â !), nous avons tous fini par nous rhabiller après un rapide passage par la douche. Puis nous nous sommes rassemblĂ©s au salon. Ă€ force de les avoir vu Ă poil, je trouvais les loups-garous presque bizarres dans leurs tenues de Ranchers, les bottes aux pieds et le Stetson Ă la main. Le temps des derniers adieux Ă©tait venu, l’ambiance tournait lentement Ă la gueule de bois.— Bon, cette fois, on va vraiment vous quitter …— MĂŞme les pires choses ont une fin, ajouta Revival.— Je sais pas pour toi, Rev’, mais ça fait longtemps que je ne me suis pas senti aussi vidĂ©Â ! aboya Wolf, ponctuant ce « compliment » par une petite tape sur les fesses de mon Ă©pouse.Sophie affichait le sourire bĂ©at de la poule de luxe comblĂ©e… Tu parles ! Je ne sais combien de fois elle avait joui en moins de vingt-quatre heures, mais ce devait ĂŞtre faramineux !— Mon gars, t’as une sacrĂ©e bonne femme Ă tes cĂ´tĂ©s !— Alors prends en soin. Car si tu la perds, c’est nous qui reviendrons te botter les fesses !— Je ne ferais pas deux fois la mĂŞme erreur, dis-je en serrant Sophie contre moi.— Et sinon, comptez sur moi pour vous siffler ! confirma ma femme, mi-gourmande, mi-menaçante.— Ou pour faire un tour au Chihuahua’s… ?Tiens donc ! VoilĂ oĂą elle les avait trouvĂ©s : au bordel ! Je n’osais imaginer comment elle s’était comportĂ©e, lĂ -bas. Ni la façon dont elle avait convaincu ces deux mercenaires de se charger du gardiennage de son corps. Ou plutĂ´t si, je n’imaginais que trop bien ! AjoutĂ© Ă ce qu’elle m’avait montrĂ© de ses appĂ©tits ce soir, voilĂ qui risquait fort d’alimenter mes fantasmes pour des annĂ©es…Alors que Wolf et Revival s’apprĂŞtaient Ă rejoindre les limbes du multivers, Ludmilla s’avança soudain vers eux :— Emmenez-moi avec vous ! gĂ©mit-elle, en larmes.— Quoi ? firent les deux compères, comme s’ils avaient mal entendu.— Je vous en prie ! Il n’y a plus rien qui me retient Ă Chalons !Ils s’entre-regardèrent, dubitatifs.— Vous verrez, je m’occuperai bien de vous ! Et puis… je ne suis pas jalouse. Vous continuerez Ă vous amuser avec qui bon vous semble.— T’en dis quoi, Wolf ?Le loup-garou se tata l’oreille avec prĂ©caution. Ludmilla avait raccommodĂ© avec soin le lobe Ă demi arrachĂ© au sortir de la douche, faisant montre d’un vĂ©ritable talent d’infirmière.— Pourquoi pas ? Elle pourrait mĂŞme se rendre utile…— Tu penses Ă Ernest ?— Oui. Ça fait longtemps qu’il veut rendre son tablier. Ludmilla pourrait le remplacer au comptoir, sans oublier la supervision des filles…J’imaginais sans peine Madame Robert dans le rĂ´le de mère maquerelle. C’est sĂ»r, elle saurait parfaitement parler aux filles… ainsi qu’à leurs minettes !— Je ne voudrais pas vous dĂ©courager, Ludmilla, mais comment comptez-vous les suivre ? intervins-je. Je veux dire… Vous n’avez pas le pouvoir de vous tĂ©lĂ©porter !— Ça, ce n’est pas un problème, rĂ©pliqua mon Ă©pouse en s’approchant de la mère Robert.Avant mĂŞme que je ne comprenne ce qui se tramait, ma femme, prenant entre ses mains la tĂŞte de la voyante, plaquait goulĂ»ment sa bouche Ă la sienne pour un patin d’enfer ! Au bout de quelques secondes, alors que je me posais encore la question d’intervenir ou de laisser s’exprimer cette troublante fougue fĂ©minine, une vive lueur illumina la bouche de Sophie avant de transiter dans celle de Mme Robert. Les deux femmes, qui s’embrassaient les yeux fermĂ©s, ne semblèrent mĂŞme pas s’en apercevoir. Leurs lèvres finirent par se sĂ©parer Ă regret.— VoilĂ Â ! conclut Sophie, tout juste essoufflĂ©e. Avec ce qui me restait de don, Ludmilla devrait pouvoir voyager un certain temps…J’en restai estomaquĂ©Â : ainsi donc elle m’avait bluffĂ©Â ! Si elle l’avait voulu, j’aurais tout Ă fait pu aller Ă la rencontre de Wolf et Revival Ă sa place ! Peut-ĂŞtre pas avec le mĂŞme rĂ©sultat, certes, vu nos « capacitĂ©s de persuasion » respectives… Je lançai un regard noir Ă mon Ă©pouse, qui me rĂ©pondit par un clin d’œil.— Alors comme ça, tu renonce Ă tes ballades ?— Oui. Quelque chose me dit que je n’aurais plus envie de m’échapper dans mes univers parallèle. Et toi non plus, monsieur l’écrivain ! ajouta-t-elle avec un sĂ©rieux presque effrayant.— C’est une menace ?— Prends-le plutĂ´t comme une promesse, me susurra Sophie, se lovant contre moi pour me caresser les bijoux de famille.– Épilogue –Quelques cinq mois se sont Ă©coulĂ©s depuis cette suite d’évĂ©nements incroyables. Beaucoup de choses ont changĂ© depuis dans la famille Carkanpois, et plutĂ´t en bien… MĂŞme si, malheureusement, je ne suis toujours pas l’auteur riche et cĂ©lèbre que j’ai toujours rĂŞvĂ© d’être. Ă€ l’instar de Sophie, je me suis vite aperçu que le pacte conclu avec Konstantinos avait Ă©tĂ© un marchĂ© de dupe, bien au-delĂ de ce que je pensais…Une semaine après que notre vie ait retrouvĂ© un semblant de normalitĂ©, j’ai attaquĂ© un nouveau roman (LE roman, qui dans l’esprit du public comme dans le mien devait marquer le dĂ©but d’une brillante carrière). J’avais le sujet en tĂŞte depuis longtemps, mĂŞme si je n’avais jamais trouvĂ© le courage d’aller plus loin qu’un vague recueil d’idĂ©es gĂ©nĂ©rales. La peur de me casser les dents, je suppose… Mais avec la force de l’inspiration qui soufflait en moi, ce « truc » qui m’avait fait planer deux nuits entières, je me sentais invincible. J’allais tout dĂ©chirer !Ă€ peine avais-je entamĂ© le premier chapitre de mon futur best-seller que ce sentiment de toute puissance s’effilochait dĂ©jĂ . En rĂ©alitĂ©, un simple scĂ©nario de tĂ©lĂ©film avait suffi pour assĂ©cher presque totalement mon don – ce fameux don qui aurait pu me coĂ»ter si cher ! Si cette saloperie d’incube m’avait bien refilĂ© sa « potion magique » pour l’esprit, ses effets n’en avaient pas moins Ă©tĂ© temporaires. En clair, je me sentais comme un coureur du Tour de France, sevrĂ© de dope Ă la veille d’une Ă©tape de montagne. Ă€ la diffĂ©rence près que, moi, je n’étais pas près de retrouver la recette du succès ! Un juste retour des choses, j’imagine, dans la mesure oĂą je m’étais accaparĂ© ce talent au mĂ©pris de toutes considĂ©rations Ă©thiques.Mais cependant, tout ne va pas si mal. Le tĂ©lĂ©film, qui a battu des records d’audience, m’a permis de me faire connaĂ®tre. Et Hans-Friedrich, le vrai cette-fois, m’a passĂ© de nouvelles commandes. Je me suis longtemps demandĂ© comment Konstantinos s’y Ă©tait pris, pour rĂ©ussir Ă ce point Ă se mettre dans la peau du personnage. Ce devait ĂŞtre grâce Ă ce « violon » diabolique, un instrument qui lui permettait Ă la fois d’endormir ma mĂ©fiance et de puiser dans mon esprit les arguments Ă mĂŞme de me convaincre. Toutefois, les raisons pour lesquelles il a voulu me faire signer un deuxième pacte restent mystĂ©rieuses. Selon Sophie, il lui fallait une signature effectuĂ©e dans notre monde pour que le pacte prenne rĂ©ellement effet. Possible…LĂ oĂą il y a du mieux, justement, c’est dans mes relations avec Sophie. Je ne parle pas simplement du cĂ´tĂ© sexuel, mĂŞme si de ce point de vue-lĂ c’est comme une nouvelle lune de miel ! Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, a-t-on pour habitude de dire. Ce doit ĂŞtre la mĂŞme chose pour cette chose vivante et Ă©volutive qu’est l’attachement entre deux ĂŞtres. Cette aventure, qui aurait pu nous sĂ©parer (et mĂŞme dĂ©finitivement, si Konstantinos avait rĂ©ussi Ă mener ses plans Ă terme), a au contraire renforcĂ© le lien qui nous unissait.Une nouvelle inespĂ©rĂ©e n’a d’ailleurs pas tardĂ© Ă matĂ©rialiser ce lien : Sophie est enceinte ! Mais que l’on se rassure, l’enfant Ă venir n’aura ni cornes sur le front, ni propension Ă hurler Ă la lune. Aucune chance ! On a vĂ©rifiĂ© et revĂ©rifiĂ© la date de conception, vous pensez bien… FIN