Chapitre 15 : Doña de la VegaChers lecteurs, chères lectrices, vous qui lisez ces mĂ©moires, sachez que je les Ă©cris maintenant Ă l’âge de soixante-dix ans, Ă©tant Ă la retraite du Service du Roi. La majoritĂ© des missions qui m’ont Ă©tĂ© confiĂ©es sont toujours couvertes par le secret d’État. Je ne saurais donc vous donner de dĂ©tails sur les lieux, les personnes ou les circonstances de ces dernières. Je relaterai uniquement les souvenirs les plus croustillants Ă ma mĂ©moire sur certains Ă©vĂ©nements.Ma première mission se passa très bien. J’étais en France, essentiellement seule pour l’assurer et ne me mis jamais en danger. Rien non plus de particulier Ă vous raconter, si ce n’est que j’avais opĂ©rĂ© sous couverture de femme mariĂ©e, ayant un compagnon totalement figuratif et inintĂ©ressant. Je crois que mon deuil Ă©tait bien avancĂ© et c’est l’esprit plus apaisĂ© que je rentrai en Espagne une fois la mission accomplie.Je fis mon rapport directement au Prince, en prĂ©sence d’Alejandro. Quand nous fĂ»mes sortis du bureau du Prince, Alejandro voulut me parler.— JĂ©romine, j’ai une demande particulière Ă te faire.— Laquelle ?— Nous sommes de très bons amis, tu as pris ma fille sous ton aile, tu vis dans mon château…— Oui ?— Veux-tu m’épouser ?— Oh, Alejandro… Oui, bien sĂ»r ! Avec plaisir !— Il faudra que nous demandions l’autorisation au Prince, vu notre mĂ©tier. Mais comme nous sommes dans le mĂŞme service, cela ne posera pas de problème vis-Ă -vis du secret.— On y retourne, tu crois qu’il a un autre rendez-vous ?— Essayons vite, allons voir son secrĂ©taire.Le Prince nous reçut immĂ©diatement, il avait un peu de temps avant sa rĂ©union suivante. Nous lui dĂ®mes d’une voix commune que nous avions oubliĂ© de lui dire quelque chose, Ă savoir que nous voulions nous marier et que nous sollicitions son accord.— Capitaine, Colonel, je suis très heureux pour vous et vous donne bien sĂ»r mon accord. Pour tout vous dire, je me demandai quand vous viendriez me voir Ă ce sujet. J’avais notĂ© que votre complicitĂ© Ă©tait grande, en tout bien tout honneur, bien sĂ»r et pour le succès des armes du Royaume.— Merci, Votre MajestĂ©, dĂ®mes-nous en chĹ“ur.— Voyez avec mon secrĂ©taire quelle date pourrait convenir, en fonction de mes disponibilitĂ©s… et celles de mon Père.Alejandro m’avait surpris sur ce coup-lĂ , mais je dois avouer que tout cela me convenait parfaitement. J’allai donc devenir Doña JĂ©romine de la Vega, pour le meilleur et pour le pire. La date fut fixĂ©e pour trois mois après cette entrevue. Il nous fallait maintenant tout organiser. L’État-major d’Alejandro nous serait d’un grand secours. Ă€ notre retour au château, l’Aspirante-officier Isabella sortait de cours de chiffre et nous devions dĂ©jeuner avec elle.— Isabella, dis-je, ton père et moi avons quelque chose Ă t’annoncer.— Oui ? — JĂ©romine sera bientĂ´t ta belle-mère, nous allons nous marier.— Oh, Papounet, JĂ©romine, c’est merveilleux ! Je suis très heureuse pour vous deux. C’est quand ? — Dans trois mois, le Roi et le Prince seront prĂ©sents.— Sublime, je suis impatiente d’assister Ă cette fĂŞte.— Isabella, fis-je, veux-tu ĂŞtre mon tĂ©moin ? Vous serez deux, l’autre Ă©tant SĹ“ur MercĂ©dès de Pavie, la mère supĂ©rieure du couvent bĂ©nĂ©dictin de Saragosse.— Ce sera un très grand honneur, JĂ©romine.— Il va falloir que je pense aux miens, dit Alejandro. Je vais solliciter deux bons camarades de combat.Alejandro me proposa d’emmĂ©nager dans ses appartements le soir mĂŞme. Je lui dis que je prĂ©fĂ©rais cependant attendre le mariage, mais que des visites nocturnes chez l’un ou chez l’autre Ă©taient parfaitement envisageables… Nous nous regardâmes en souriant. Nous n’avions jamais fait l’amour ensemble. — Alejandro, dis-je, tu voudrais que nous ayons un enfant ? J’ai certes trente-neuf ans mais cela reste possible.— Pour tout te dire, j’aimerais beaucoup, pour notre couple et aussi pour que le nom des de la Vega perdure.— Oui, si c’est un garçon. Vu mon âge, je ne pense pas te donner un deuxième enfant.— C’est un risque, je l’assume. De toute manière, Isabella ne pourra donner descendance que si elle se marie un jour, et en tant que femme, elle perdra notre nom. — Encore une injustice de ce système patriarcal envers les femmes, dis-je. Cela dit, je ne peux effectivement pas te garantir que ce soit un garçon.— Peut-ĂŞtre que viendra un jour oĂą les couples seront libres de choisir le nom de l’un ou l’autre. Cela Ă©tendrait le champ des possibles.— Alejandro, il faut que je te dise que j’utilise des plantes d’Amazonie pour ne pas tomber enceinte quand j’ai un rapport non protĂ©gĂ© avec un homme.— Ah oui, j’ignorais que cela existait.— Il y a beaucoup de choses que les hommes ignorent sur les femmes. Si vous aviez l’occasion d’un jour passer de l’autre cĂ´tĂ©, vous le sauriez.— Oui, enfin, Dieu a crĂ©Ă© les hommes et les femmes et on ne peut pas changer cela.— Vraiment ? fis-je.Alejandro me regarda Ă©trangement. Je repris : — Donc je te propose que jusqu’au mariage je continue Ă prendre mes plantes, il ne faudrait pas que je tombe enceinte avant le temps rĂ©glementaire et qu’on nous accuse d’avoir fait Pâques avant les Rameaux. DĂ©solĂ©e d’être aussi technique ! — Non, rassure-toi, cela n’enlève rien au caractère romantique de la chose, je te reconnais bien lĂ , Ă tout organiser, tout prĂ©voir, tout anticiper.— ArrĂŞte Alejandro, on dirait dĂ©jĂ un vieux couple.Les trois mois qui suivirent furent occupĂ©s Ă la prĂ©paration du mariage. Je fis toutefois une mission en Hollande oĂą je dus assassiner deux personnes dont le Royaume souhaitait se dĂ©barrasser. La liste des invitĂ©s du mariage Ă©tait prĂŞte, l’archevĂŞque attachĂ© au Roi cĂ©lĂ©brerait la messe. Il y aurait lĂ , le Roi, la Reine, le Prince, tous les ministres, les personnels du Service et bien d’autres. Nous ferions ensuite la rĂ©ception au château de la Vega. Nous avions fait confectionner une très jolie robe de mariĂ©e. Alejandro serait en uniforme. Il eut la surprise un mois avant l’évĂ©nement d’être promu gĂ©nĂ©ral. N’ayant pas de famille, il me fallait trouver une figure paternelle pouvant m’emmener jusqu’à l’autel. Le Prince Ă©tait trop jeune pour cela et le Roi se proposa contre toute attente, en violation totale de l’étiquette vu mon rang de naissance. Si le pauvre avait su de plus que j’étais nĂ© garçon ! Alejandro et moi fĂ®mes souvent l’amour avant le mariage, tantĂ´t dans sa chambre, tantĂ´t dans la mienne. Il put enfin accĂ©der Ă ce corps qu’il avait tant admirĂ© lors de mes tourments Ă l’occasion de mon recrutement*. Je lui offris tous mes orifices— De la Vega, de la Vega, dit MĂ©lanie, mais c’est le nom de famille de Zorro !— Effectivement, MĂ©lanie, rĂ©pondis-je. Je te rappelle cependant que l’existence de Zorro est un mythe, inventĂ© en 1919 par Jonhston McCulley.— Et qui sait ? Nous avons lĂ des de la Vega dignes d’être les ancĂŞtres de Zorro !— Certes, certes, MĂ©lanie. Mais tout cela n’est pas très scientifique.— Oui, mon cher Alex, comment vas-tu ce matin ?— Bien, mais j’ai un peu mal Ă la poitrine.— Fais voir.Je relevai mon polo.— Ah oui, je crois que tes seins commencent Ă pousser. On pourra bientĂ´t jouer avec !— C’est malin.— Mais non Alex chĂ©ri, c’est juste l’amorce de ta nouvelle vie !Le mariage fut un très grand moment de bonheur. J’étais très Ă©mue d’être amenĂ©e par le Roi devant l’autel. Il le perçut et s’en amusa.— Allons, Commandant, je ne suis qu’un homme comme les autres ! Commandant ? Je venais apparemment d’être Ă mon tour promue. Sauf pour le Prince, le Roi et mes collègues du Service, je n’étais ici que l’épousĂ©e du GĂ©nĂ©ral Alejandro de la Vega, dont les fonctions militaires n’étaient pas prĂ©cisĂ©es pour le commun des mortels, le Service Ă©tant Ă©videmment secret.L’archevĂŞque cĂ©lĂ©bra une très belle messe de mariage et la rĂ©ception fut Ă la hauteur, royale en fait. J’appris que pendant ma dernière mission en Hollande, la famille royale avait offert ses services et sa participation pour les festivitĂ©s. MercĂ©dès Ă©tait aux anges, en plus d’être Ă l’honneur en tant que tĂ©moin, l’archevĂŞque l’informa que son Ordre venait de lui donner le titre d’abbesse.Puis, alors que la soirĂ©e se prolongeait, vint notre nuit de noces, enfin pour nous juste une nouvelle occasion de faire l’amour. Cela dit, il y avait beaucoup d’émotion pour nous deux et Alejandro fut très doux comme Ă son habitude. Nos prĂ©liminaires furent assez classiques, fellation, cunnilingus, position tĂŞte-bĂŞche, mais on ne s’en lasse pas. Je voulus cependant rĂ©server sa semence pour ma matrice, afin de maximiser les chances de donner un hĂ©ritier au nom de la Vega. Alejandro n’eut donc pas accès Ă mon cul ce soir-lĂ , mĂŞme si nous remĂ®mes le couvert trois fois jusqu’au matin.Quelque temps plus tard, je n’avais plus de règles et les nausĂ©es avaient commencĂ©. Ă€ trois mois de grossesse, je fis une mission demandant peu d’effort, mais en un lieu particulier et sous couverture elle aussi particulière, puisque bien qu’enceinte, je remis l’habit de religieuse pour aller au Vatican dĂ©rober certains documents. Cette transgression d’être en apparence une religieuse enceinte, me plut beaucoup, mĂŞme si les vraies religieuses dans cet Ă©tat ne pouvaient certainement pas ĂŞtre aussi heureuses que moi, subissant le joug et l’opprobre de leurs communautĂ©s. Elles devaient souvent avorter, un comble pour un système patriarcal prĂ´nant la primautĂ© de la vie et l’interdiction de cet acte considĂ©rĂ© comme un crime, ou se voir retirer leurs enfants Ă jamais. Tout cela pour le plaisir de cardinaux, Ă©vĂŞques, prĂŞtres ou autres moines, tous des hommes.Je consacrai le reste du temps Ă la formation d’Isabella. Compte tenu de mon Ă©tat, j’avais sous-traitĂ© Ă d’autres les formations au combat que j’aurais voulu faire avec elle. Isabella dut apprendre Ă faire l’amour avec un homme, elle n’avait que des expĂ©riences avec des femmes. Nous lui choisĂ®mes un jeune lieutenant doux et attentionnĂ©, avec qui cela se passa très bien. Je l’avais longuement informĂ©e des problèmes de fĂ©conditĂ© et de conception, lui indiquant les diffĂ©rentes possibilitĂ©s, dont l’usage de plantes d’Amazonie. J’avais par ailleurs organisĂ© que ces dernières soient cueillies lĂ -bas et envoyĂ©es jusqu’à moi, sans pour autant que les personnes le faisant connaissent leur usage. Pour son test final, nous choisĂ®mes bien sĂ»r une autre forteresse que celle que j’avais connue et je me risquai, malgrĂ© l’imminence de mon accouchement, Ă ĂŞtre prĂ©sente au poste de commandement de l’exercice, sans responsabilitĂ© opĂ©rationnelle. Je pus ainsi voir arriver, les uns après les autres, nos soldats supposĂ©s avoir Ă©tĂ© neutralisĂ©s par Isabella. Elle aurait Ă©tĂ© digne d’être une amazone. Elle fut diplĂ´mĂ©e sous-lieutenant le soir mĂŞme.J’accouchai deux jours plus tard. C’était un garçon bien vigoureux. Nous le baptisâmes Diego. Alejandro Ă©tait aux anges. Par rapport Ă la terreur insufflĂ©e aux femmes par l’Église et la sociĂ©tĂ© sur les douleurs de l’accouchement, ce ne fut pas si pĂ©nible pour moi. Il est vrai que je m’étais prĂ©parĂ©e avec des plantes et que j’avais beaucoup pensĂ© Ă la DĂ©esse pendant toute cette grossesse, lui faisant d’ailleurs des petits rituels secrets. J’allaitai Diego dans les premières semaines, puis nous prĂ®mes une nourrice pour que je puisse continuer mon activitĂ© au profit du Service.Je repris aussi mon activitĂ© sexuelle, avec mon mari bien sĂ»r, mais aussi avec sa fille. Nous ne le fĂ®mes jamais tous ensemble, je pensais qu’Alejandro et sa fille n’auraient pas Ă©tĂ© prĂŞts Ă franchir le tabou de l’inceste. Nous eĂ»mes aussi la visite de MercĂ©dès. Je demandai Ă Alejandro si cela le dĂ©rangeait si MercĂ©dès restait avec nous pour la nuit. Il me proposa qu’il utilise une autre chambre, mais je lui dis que je souhaitais qu’il reste. Ses yeux s’allumèrent alors et je compris que voir deux femmes s’aimer lui plairait. Cela dit, MercĂ©dès ne connaissait pas mon plan.— Tu sais, me dit-il, je n’ai jamais fait de trio avec deux femmes. Après tout, disons que cela fait partie de ma nĂ©cessaire formation…Il me fit un clin d’œil.— Coquin, va.— Le compliment de la bergère au berger ? — Il y a de cela.MercĂ©dès arriva dans l’après-midi, elle resterait deux jours car elle avait beaucoup Ă faire au couvent, que dis-je, Ă l’abbaye. Alejandro la serra lui aussi dans ses bras Ă son arrivĂ©e.— Vous savez, MercĂ©dès, dit-il, c’est un peu grâce Ă vous si JĂ©romine est devenue mon Ă©pouse.— Cher Alejandro, vous me flattez. Vous savez que je ferais tout pour JĂ©romine.— Elle le mĂ©rite bien.Nous allâmes sur le patio prendre un rafraĂ®chissement. Alejandro nous laissa seules.— Et le petit Diego ? demanda MercĂ©dès.— Il dort, il fait sa sieste. Tu le verras après. Je suis contente de te voir.— Moi aussi.— Comment ça va au couvent ? — Mieux, j’ai commencĂ© Ă former une nouvelle adjointe.— Très bien. Et ? — Comment ça, et ? Tu veux dire…— Oui…— En fait non, je n’ai pas de nouvelle amante. Et puis pourquoi voudrais-tu que mon adjointe soit mon amante ? — Euh, oui, tu as sĂ»rement raison, quelle idĂ©e saugrenue de ma part.— Je t’ai amenĂ© un cadeau. Il est dans ma malle.— Ah, très bien, nous le verrons plus tard, j’ai fait monter ta malle dans notre chambre.— Dans votre chambre ? Mais oĂą allez-vous dormir ? — Ben, avec toi…— Mais Alejandro ? — Il n’a rien contre nous voir nous aimer…— Ah je vois, comme dans ton rĂŞve avec Gaspar et moi au couvent.— Euh, oui en quelque sorte…— Ça tombe bien.— Comment cela ? — Surprise ! Allez, ressers-moi de cette excellente citronnade.Et nous passâmes un long moment Ă papoter entre filles. Nous dĂ®nâmes Ă quatre, Isabella Ă©tait prĂ©sente, de retour de mission. Ce fut un repas très agrĂ©able et nous racontâmes comment j’avais libĂ©rĂ© Isabella pendant mon exercice de fin de formation.— Papa m’avait fait mettre des haillons puants, on aurait dit une souillon ! dit-elle.— Oui, mais cela n’enlevait rien Ă ta beautĂ©, chère belle-fille, dis-je en lui prenant la main.— Certes mais JĂ©romine fut d’un professionnalisme Ă toute Ă©preuve.— C’est tout elle, fit MercĂ©dès.Alejandro riait sous cape et nous resservit de son excellent vin.— Alejandro, tu ne nous refais pas le coup du test de rĂ©sistance Ă l’alcool, lui demandai-je.Je me tournai vers MercĂ©dès : — Cela fait partie de la formation pour voir si on risque de parler en ayant trop bu.— Excellent, dit MercĂ©dès, mais que pourrais-je dire de compromettant si j’avais trop bu ? — Des choses Ă propos d’une certaine JĂ©romine, peut-ĂŞtre, dit Alejandro amusĂ©.— Effectivement, il y aurait des choses Ă dire, dis-je.— Ah oui, dit Isabella ? Comme ? — DĂ©solĂ©e, ma fille, tu crois savoir des choses sur JĂ©romine, mais pas tout. Tout est secret. MĂŞme moi je n’ai pas rĂ©ussi Ă savoir ce que j’aurais aimĂ© connaĂ®tre.— Moi non plus je ne sais pas tout, dit MercĂ©dès.— Bon, vous arrĂŞtez de vous y mettre Ă trois contre moi ? Si je vous le disais, vous ne pourriez pas me croire de toute façon.— Le pauvre Gaspar connaissait-il la vĂ©rité ? insista MercĂ©dès.— Une partie seulement, lui aussi. Mais vous savez que je ne vous dirai rien. Cela dit, je l’écrirai peut-ĂŞtre un jour quand je serai vieille et proche de mourir.— Excuse-nous, fit Alejandro, nous n’aurions pas dĂ».— Je vous pardonne et je conçois que je sois une telle source de mystère. Après tout, je suis une femme assez hors normes, fis-je avec un clin d’œil.J’ajoutai, pour noyer le poisson et faire tourner court Ă la discussion : — Cela dit, Isabella prend un chemin similaire.— C’est pas faux, dit Alejandro.— Je suis encore loin du niveau de ma belle-mère, dit Isabella.— Bah c’est normal, tu n’es que sous-lieutenante et moi commandante.— Ah, vous me faites trop rire avec vos histoires de militaires ! intervint MercĂ©dès. Je crois que je suis un peu pompette. Merci pour cet excellent repas.Nous nous levâmes pour rejoindre nos chambres, enfin notre chambre, Isabella Ă part. Arrivé·es Ă l’étage, puis dans la chambre, je commençai Ă enlacer et Ă embrasser MercĂ©dès, sous l’œil amusĂ© d’Alejandro. Elle voulut se dĂ©barrasser de sa robe et je l’aidai. Vu le froid de la saison, elle avait mis des chausses qui lui arrivaient Ă mi-cuisse et portait une culotte en dentelle, ainsi qu’une autre pièce, de dentelle aussi, autour de sa poitrine.— Oui, c’est une idĂ©e que j’ai eue, pour la poitrine, cela aide mes seins Ă tenir, je vieillis.Elle Ă©tait très belle dans cette tenue, les chausses noires faisaient ressortir sa belle croupe. Cette idĂ©e de porter de la dentelle au plus près de la peau Ă©tait superbe. Alejandro lui dit que ses seins Ă©taient très bien et qu’elle n’avait pas Ă avoir de complexes. Je fus bientĂ´t nue moi aussi et nous reprĂ®mes nos caresses saphiques. Nous nous mĂ®mes bientĂ´t tĂŞte-bĂŞche sur le lit et comme dans mon rĂŞve avec Gaspar, Alejandro nous regarda un temps avant de venir me pĂ©nĂ©trer la chatte alors que jusqu’ici MercĂ©dès s’en occupait avec sa bouche. Il lui demanda si cela la dĂ©rangeait qu’il me prenne ainsi. Elle le lui accorda de bonne grâce, arguant qu’il Ă©tait mon mari. Je sentais Ă la fois la pĂ©nĂ©tration d’Alejandro et le souffle de la respiration de MercĂ©dès sur ma vulve bien pistonnĂ©e. Ses doigts jouaient avec mon bouton. Pour ma part, j’avais de plus en plus de mal Ă lĂ©cher sa fente sous les coups de boutoir de mon mari. Il se vida en moi et je jouis presque simultanĂ©ment. Je me relevai pour l’embrasser et MercĂ©dès se leva pour aller fouiller dans sa malle.— Tiens un cadeau pour toi, me dit-elle en me donnant un objet enveloppĂ© dans un linge.— Je crois avoir une idĂ©e, lui dis-je.— Ouvre, tu verras.C’était effectivement ce dont j’avais rĂŞvĂ© et dont nous avions parlĂ© lorsque j’étais allĂ©e la voir au couvent : un godemichĂ©, Ă©quipĂ© de lanières ! Alejandro fut surpris en le voyant mais cela le fit sourire.— Merci, MercĂ©dès, fis-je. Qui l’étrenne ? — À toi l’honneur, JĂ©romine, prends-moi comme si tu Ă©tais un homme.— Bien, Ma mère, lui dis-je en riant.Elle me ceignit l’objet autour de la taille. Elle me dit que j’étais belle ainsi, une femme avec une bite… Alejandro Ă©tait toujours aussi hilare. J’étais debout, MercĂ©dès se mit Ă genoux devant moi pour faire une fellation Ă l’olisbos. Bon, je ne sentais pas grand-chose, sauf qu’en plaquant sa tĂŞte contre mon pubis et en s’aidant de ses doigts elle triturait la chatte en passant sous le tissu ainsi que mon petit trou, accessible malgrĂ© la lanière qui me passait dans la raie des fesses. Elle me proposa que je la prenne en levrette. Alors que je commençai Ă la besogner, Alejandro vint derrière moi pour me caresser le dos, les seins et me faire des bisous dans le cou. Je lui demandai de me prendre par le cul tout en continuant mon ouvrage. Il s’huila le membre ainsi que mon anus puis je sentis bientĂ´t sa bite forcer le passage Ă©troit. Nous restâmes longtemps emboĂ®tĂ©s tous les trois, pour ma part ma bite artificielle ne dĂ©bandait pas et Alejandro Ă©tait plus long Ă jouir, m’ayant dĂ©jĂ sailli. Il jouit en moi puis ce fut autour de MercĂ©dès d’avoir un orgasme. Ça ne s’était pas exactement passĂ© comme dans le rĂŞve, je n’avais pas encore eu droit Ă ma double pĂ©nĂ©tration, mais la nuit n’était pas terminĂ©e.MercĂ©dès osa un peu plus tard une fellation sur le membre d’Alejandro, pendant qu’il Ă©tait allongĂ© sur le dos sur le lit et, qu’assis sur lui, il me bouffait la chatte. J’eus finalement droit Ă ma double pĂ©nĂ©tration après cela, MercĂ©dès me prenant par le cul avec le godemichĂ© Ă lanières et Alejandro par le con. J’eus mon ultime jouissance de cette nuit-lĂ . Nous nous endormĂ®mes ensuite pour un repos bien rĂ©parateur et le matin nous trouva tous trois enlacĂ©s. Nous avions besoin d’une bonne toilette et la fĂ®mes tous trois en mĂŞme temps. Alejandro et MercĂ©dès me remercièrent beaucoup pour avoir prĂ©vu cette nuit ensemble. Je leur dis qu’il nous restait encore la nuit prochaine s’ils Ă©taient d’attaque. C’est ainsi que le soir suivant, Alejandro connut les joies de la sodomie par des femmes, et il apprĂ©cia, mĂŞme si son souvenir de s’être fait prendre par un homme pendant sa formation n’était pas le meilleur sur le plan sexuel. Il mit cela sur le compte de son professeur, qui n’avait peut-ĂŞtre pas su y faire. Il nous dit qu’il fallait qu’il pense peut-ĂŞtre Ă un complĂ©ment de formation, mais avec quel professeur du coup ? Pas facile de trouver quelqu’un pour faire l’amour avec un gĂ©nĂ©ral. MercĂ©dès partit le matin suivant. Nous souhaitâmes la revoir bientĂ´t.MĂ©lanie se dĂ©lectait Ă chaque fois de mes nouvelles traductions.— C’est fou cette modernitĂ© chez JĂ©romine, MercĂ©dès et Alejandro.— Tu sais, MĂ©lanie, je suis persuadĂ© que les humains ont toujours Ă©tĂ© modernes, simplement les pouvoirs politiques et religieux en place ont trop longtemps bridĂ© leurs contemporains.— Sans doute.— Et quand tu vois le risque actuel de rĂ©gression de nos sociĂ©tĂ©s avec certains pouvoirs traditionalistes, c’est en fait une querelle permanente du type de celle des anciens et des modernes.— Tu as raison, quand tu vois comment certains s’opposent au mariage entre personnes du mĂŞme sexe, veulent limiter ou interdire l’avortement et continuent Ă penser que l’homosexualitĂ© est une maladie, il y a de quoi s’inquiĂ©ter.— Sans parler de l’acceptation de la sociĂ©tĂ© pour les personnes transgenres !— Tu en seras bientĂ´t une, mon amour. Ne t’en fais pas, je serai lĂ Ă tes cĂ´tĂ©s.— Avant de partir la semaine prochaine pour Manaus, tu ne voudrais pas me faire l’amour comme si j’étais une fille, entre lesbiennes ? Je pourrais tâter de ton gode-ceinture, cette traduction m’en a donnĂ© l’envie.— Oui, avec plaisir, surtout que je ne me vois pas mettre cela dans les bagages pour passer la douane ou te pĂ©nĂ©trer en forĂŞt.— Aux trois pyramides, en l’honneur de la DĂ©esse ? Dommage…— Alex, je te rappelle que nous ne serons pas seuls.— C’est vrai…— Au fait, je trouve que tes seins se dĂ©veloppent bien.— Tu crois, je les trouve petits, moi…— On verra pour des implants quand tu auras eu tes opĂ©rations au retour.— Ah, je n’y avais pas pensé…* Voir chapitre 9.Chapitre 16 : Missions aux AmĂ©riquesL’avion venait de se poser Ă Manaus. Nous Ă©tions maintenant tous ensemble, Juanita, Manuel, Marc, MĂ©lanie et moi, ainsi que les deux collègues de Manuel, Isadora et Pedro. MalgrĂ© tout notre matĂ©riel, les trois 4×4 Ă©taient un peu surdimensionnĂ©s et tant mieux. J’avais bien sĂ»r emmenĂ© mon ordinateur portable pour pouvoir continuer ma traduction du manuscrit de JĂ©romine, avec un disque de sauvegarde que MĂ©lanie conservait quand je ne l’utilisais pas. Nous avions les coordonnĂ©es GNSS des pyramides, mais la progression en forĂŞt serait longue. Il nous faudrait parfois faire la route nous-mĂŞmes, Ă la machette et Ă la tronçonneuse, franchir des rivières et que sais-je encore. Nous dĂ©marrions une vĂ©ritable aventure qui allait durer deux mois. J’avais bien sĂ»r pris mes traitements avec moi. MalgrĂ© mes seins naissants et ma pilositĂ© diminuant hormis mes cheveux, mon Ă©volution corporelle ne se voyait pas encore trop et MĂ©lanie Ă©tait la seule Ă connaĂ®tre ma situation. Marc, le chercheur du labo de pharmacologie, avait bien Ă©tudiĂ© l’herbier de JĂ©romine et avait fait programmer un prototype de camĂ©ra de reconnaissance Ă base d’intelligence artificielle pour l’aider Ă trouver les plantes Ă©voquĂ©es dans le manuscrit. La mission s’annonçait bien.Alejandro convoqua l’État-Major du service un matin. Les nouvelles des AmĂ©riques Ă©taient mauvaises, les rĂ©voltes s’amplifiaient, mais apparemment pas du fait des Indiens mais sous l’influence de colons et de conquistadores dissidents voulant crĂ©er des colonies indĂ©pendantes du Royaume. Peut-ĂŞtre Ă©tait-ce lĂ l’œuvre des Portugais, Ă©ventuellement aidĂ©s des Anglais et des Français. C’était une crise majeure et le Roi ne voulait pas risquer de perdre la Nouvelle-Espagne. Certes le pape avait-il tranchĂ© en 1494 par le traitĂ© de Torsedillas, partageant le Nouveau Monde entre le Portugal et nous, mais le jeu politique Ă©tait tel qu’il fallait veiller au grain en permanence. C’était aussi notre rĂ´le. Alejandro reprit la parole après son exposĂ© initial.— Nous allons envoyer des renforts aux AmĂ©riques, parmi lesquelles une unitĂ© constituĂ©e de notre service dont les missions seront, vous vous en doutez, non conventionnelles. JĂ©romine (Ă©tant mariĂ©s, nous usions de familiaritĂ©s entre nous devant les autres membres du service), tu prends la tĂŞte de cette Ă©quipe. Ah oui, tu es nommĂ©e lieutenant-colonel, par dĂ©cret royal datĂ© d’hier. Tu prendras avec toi onze autres membres du service, dont le capitaine Del Gado pour les communications, le Lieutenant Isabella de la Vega, les Capitaines Cortez et Gonzalez ainsi que le sous-commandant Marquez. Vous sĂ©lectionnerez les autres personnels devant partir avec vous. Vous devrez vous faire passer pour une unitĂ© rĂ©gulière de l’armĂ©e en dĂ©placement isolĂ©, sauf bien entendu pour vos actions particulières. Des questions ? Oui, capitaine Gonzalez ? — Mon gĂ©nĂ©ral, nous connaissons tous ici les valeurs militaires du lieutenant-colonel de la Vega et sa capacitĂ© Ă diriger, sans parler bien sĂ»r de l’efficacitĂ© de votre fille, mais la prĂ©sence de deux femmes dans une unitĂ© conquistadors ne risque-t-elle pas de nuire Ă la discrĂ©tion de la mission ? Alejandro allait rĂ©pondre, mais Del Gado demanda la parole.— Écoute Gonzalez, tu as dĂ©jĂ vu la lieutenante-colonelle Ă l’œuvre et tu as Ă©tĂ© bernĂ© comme les autres lors de sa fin de formation, tu faisais bien partie des gardes de la forteresse, non ? — Oui, certes, dit-il penaud, visiblement regrettant sa question.— Et il en va de mĂŞme pour la lieutenante Isabella, ajouta-t-il, formĂ©e par la meilleure des meilleurs, et je mets ce dernier mot au masculin.Je ne pensai pas avoir en Del Gado un tel alliĂ©. Alejandro reprit la parole : — Merci, Capitaine, d’autres questions ? J’ai ici tous les Ă©lĂ©ments du dossier. Étudiez-les dès maintenant entre vous, mais j’ai pensĂ© que vous pourriez faire route directement sur l’embouchure de l’Amazone. Vous aurez un bateau et un Ă©quipage dĂ©diĂ© pour traverser l’ocĂ©an. Ce sera Ă vous de voir. Armement et tenues adaptĂ©es Ă votre convenance. Votre cheffe de mission a une très grande expĂ©rience de l’Amazonie, n’est-ce pas JĂ©romine ? — Effectivement, j’ai mĂŞme passĂ© plusieurs annĂ©es en forĂŞt, au contact des indigènes.Un murmure parcourut la salle, c’était la première fois que j’en parlais devant l’État-Major. Isabella et Alejandro n’en savaient trop rien non plus. Ce dernier nous quitta, nous laissant dans la salle avec les documents que nous nous mĂ®mes Ă Ă©tudier. Je pris la parole : — Bien, notre mission principale est de localiser les responsables espagnols de cette rĂ©volte et de les liquider. S’il y a des agents Ă©trangers prĂ©sents, nous les tuerons aussi. Pas de quartiers.Le dossier contenait divers rapports sur les forces en prĂ©sence ainsi que les profils des personnes suspectĂ©es d’être Ă la tĂŞte du mouvement. Nous dĂ©cidâmes aussi de la composition dĂ©taillĂ©e de notre Ă©quipe, de notre Ă©quipement et d’autres dĂ©tails. Nous convoquâmes les personnes ne faisant pas partie de l’État-Major, dont Isabella, et leur expliquâmes la mission. Nous avions prĂ©vu de quitter Madrid d’ici pour trois jours pour embarquer Ă Cadix.La synchronicitĂ© de nos situations me fit sourire. Certes, nous autres scientifiques ne partions pas faire la guerre et n’étions pas des assassins. Je me dis que j’aurais aimĂ© ĂŞtre une femme comme JĂ©romine, finalement. J’étais dans une des voitures en train de traduire, avec Isadora comme chauffeur et MĂ©lanie Ă bord aussi.— Ils partent pour l’Amazonie, en expĂ©dition, dis-je Ă MĂ©lanie.— Qui ça ?— Ben, eux, elles, le Service…— Tiens, un retour aux sources ?— On verra. Je ne sais pas encore.En sortant de la salle de rĂ©union, je pris Del Gado Ă part pour le remercier : — Capitaine, merci pour votre intervention de tout Ă l’heure.— Gonzalez est un connard, mĂŞme si c’est un très bon soldat. Il n’aurait jamais dĂ» vous insulter de la sorte. Et puis j’ai jugĂ© que ni vous ni le gĂ©nĂ©ral ne deviez rĂ©pondre.— Capitaine, Pedro, nous n’avons jamais eu l’occasion de vraiment discuter tous les deux, que ce soit pendant notre voyage de retour des AmĂ©riques ou mĂŞme après vos cours.— C’est vrai, Colonelle.— Je vous apprĂ©cie beaucoup, Pedro. Je connais vos penchants amoureux secrets, je vous ai surpris il y a longtemps sur le bateau… Mais nous avons tous nos vies privĂ©es, n’est-ce pas ? — Oui, pas facile d’être discret sur un bateau… Je vais vous avouer quelque chose : si j’aime les hommes, c’est qu’en fait j’aurais voulu ĂŞtre une femme et j’aime le sexe des hommes. Je vous admire, Colonelle. Vous ĂŞtes un modèle pour moi.— Merci, Pedro, cela me touche beaucoup, vraiment beaucoup. Appelez-moi JĂ©romine quand nous sommes entre nous.— Avec plaisir, JĂ©romine.— Je pourrais peut-ĂŞtre vous aider un jour, qui sait ? — Vous le pourriez ? Je me travestis de temps Ă autre, mais ce n’est pas entièrement satisfaisant pour moi.— Je m’en doute, je comprends. Le monde est mal fait, Pedro, très mal fait.— Oui JĂ©romine.— Vous avez eu votre Ă©preuve sexuelle avec une femme pendant votre formation, non ? — En fait non, j’ai fait croire que j’aimais les femmes et que je n’étais plus puceau. Ils n’y ont vu que du feu.— Vous pouvez compter sur ma discrĂ©tion.— Je le sais, JĂ©romine, vous ĂŞtes la personne au monde en qui j’ai le plus confiance… Vous ĂŞtes tellement femme et connaissez si bien la psychologie des hommes ! — Si vous le dĂ®tes, Pedro ! Dieu vous entende.— Vous avez vraiment passĂ© du temps dans la forĂŞt en Amazonie ? Avec les indigènes ? — Oui environ quatre ans. Cela faisait peu de temps que j’avais pu fuir le village oĂą j’étais prisonnière, quand je suis rentrĂ©e avec vous en Espagne.— C’est pour cela que vous ĂŞtes si farouche au combat, je comprends.Le pauvre Pedro ne savait pas tout, loin de lĂ . Il me semblait beaucoup souffrir en tout cas de son Ă©tat d’homme.— Merde, elle ne va quand mĂŞme pas le transformer ? m’écriai-je en français.Isadora ne parlait pas le français. MĂ©lanie fronça les sourcils et me regarda.— Qu’y a-t-il, Alex ? demanda-t-elle en français Ă©galement.— Tu verras quand tu liras ce passage, pour ne pas trop divulgâcher, un des membres de l’expĂ©dition Ă une forte dysphorie de genre.— DĂ©cidĂ©ment !Nous embarquâmes Ă Cadix… sur la Santa Monica ! Son commandant Ă©tait toujours le mĂŞme, mais il ne me reconnut pas de premier abord. Moi, un soldat en uniforme de conquistador, avec un foulard de lieutenant-colonel, cela vous change une femme, qui plus est une religieuse ! — Mon colonel, dit-il, pensant s’adresser Ă un homme, bonjour et bienvenue. Vous pouvez faire embarquer vos hommes, vos chevaux et votre matĂ©riel.— Merci, lui dis-je de ma voix naturelle. Nous nous connaissons dĂ©jĂ , je crois.J’enlevai alors mon casque, il reconnut mon visage et en fut Ă©berluĂ©.— Vous ĂŞtes, vous ĂŞtes…— Le lieutenant-colonel JĂ©romine de la Vega, du Service du Roi, en mission spĂ©ciale.— Et Ă l’époque, vous Ă©tiez…— Une simple religieuse, Commandant, une simple religieuse.— Non ? Vraiment ? — Si fait, si fait.— Venez, que je vous montre la nouvelle Santa Monica. Elle a maintenant une coque amĂ©liorĂ©e avec un blindage lĂ©ger pour ne pas trop l’alourdir, des vrais canons remplaçant les demi-couleuvrines, ayant une meilleure portĂ©e que ceux des pirates, des mâts renforcĂ©s, une meilleure voilure et un Ă©quipage des plus aguerris. Sur les consignes de l’AmirautĂ©, nous embarquons pour cette mission aussi des charpentiers et du bois pour vous aider Ă construire une embarcation, car j’ai compris que vous vouliez remonter le fleuve Amazone.— Vous m’en voyez ravie, Commandant, parfait pour notre mission.— Oui, j’ai aussi eu instruction de l’AmirautĂ© d’être Ă votre entière disposition jusqu’à votre retour Ă Cadix. J’ai prĂ©vu une cabine pour vous seule, je connaissais votre rang, mais pas qui vous Ă©tiez.— C’est normal, c’est la procĂ©dure. Cela dit, j’ai une requĂŞte, Commandant.— Laquelle ? — J’ai dans mon Ă©quipe un autre officier fĂ©minin, je souhaite qu’elle loge dans une cabine Ă part, ou avec moi.— Votre cabine est grande, Ma SĹ“ur, euh, Colonelle. Je suggère que vous la preniez avec vous, nous avons dĂ» sacrifier un certain nombre de cabines pour les transformer en locaux d’artillerie, compte tenu du nombre de canons armant dĂ©sormais le navire. Notre galion n’en est plus vraiment un mais une vĂ©ritable machine de guerre, avec une apparence susceptible de tromper nos ennemis. Nous appareillerons demain dès la première heure. Puis-je vous inviter Ă ma table ce soir, avec tout votre dĂ©tachement, entre militaires ? — Oui, merci Commandant, ce sera avec plaisir, ne sommes-nous pas de vieux camarades de combat ? — Effectivement, Ma S… Colonelle.— Je suis très heureuse de vous retrouver ainsi que la Santa Monica, Commandant.— Tout le plaisir est pour moi.Isabella et moi allions donc partager la mĂŞme cabine, les autres seraient en chambrĂ©es de cinq. Nous avions mis les chevaux et nos armes dans l’entrepont. Nous avions dĂ©cidĂ© de limiter notre Ă©quipement, mĂŞme si nous Ă©tions bien armĂ©s. Il nous fallait ĂŞtre souples et manĹ“uvrants.Isabella fut heureuse d’être avec moi. Depuis mon mariage, sa formation et nos missions respectives, nous avions moins d’opportunitĂ©s d’être ensemble, je veux dire de manière intime. Elle m’avait avouĂ© avoir Ă©tĂ© un peu jalouse de mes deux soirĂ©es avec MercĂ©dès et son père.— Tu aurais voulu participer ? En prĂ©sence de ton père ? — Oh, je l’ai dĂ©jĂ vu nu Ă l’occasion, cela ne m’aurait pas dĂ©rangĂ©e…— Tu envisagerais de faire des câlins avec lui ? — Non, enfin oui, s’il le fallait. Ne sommes-nous pas des agentes entraĂ®nĂ©es ? — Certes, mais c’est ton père, Isabella.— De toute manière, la situation ne s’est pas prĂ©sentĂ©e.— Viens, ma belle-fille, viens embrasser ta belle-mère. Nous avons un peu de temps avant le repas avec le commandant.— Oui belle-maman, j’ai hâte de retrouver le goĂ»t de tes lèvres, celles du haut et celles du bas ! Nous fĂ®mes souvent l’amour pendant la traversĂ©e, en fait tous les soirs. Nous essayâmes d’être discrètes quant Ă nos cris de plaisir.— Tu vas aimer ce dernier passage MĂ©lanie. Du gouinage et des discussions scabreuses, très osĂ©es et avec un zeste d’inceste.— Entre JĂ©romine et Isabella ?— GagnĂ©.— C’est digne de RĂŞvebĂ©bĂ©, le site web !— Tu ne connais pas ce site ?— Non…— Tape Revebebe, tu vas voir. Cela va t’exciter, comme cette traduction… Il y en a pour tous les goĂ»ts.— Euh, tu crois que les adresses de nos navigations sont enregistrĂ©es par le labo ?— Non, pas avec cet abonnement… On serait au labo Ă Paris, oui.Chapitre 17 : En forĂŞtNous avions dĂ©sormais quittĂ© la route venant de Manaus et Ă©tions entrĂ©s en forĂŞt. Nous avions encore une piste praticable en 4×4, mais les mouvements du vĂ©hicule m’empĂŞchaient dĂ©sormais d’utiliser mon ordinateur. C’est donc au campement seulement que je pouvais continuer la traduction. Manuel, Isadora et Pedro nous avaient appris comment construire un abri pour la nuit et se prĂ©server des bĂŞtes malfaisantes, serpents ou araignĂ©es principalement. Nous dormions obligatoirement dans des hamacs.La Santa Luca arriva en vue d’une de nos villes cĂ´tières en bordure de l’Amazone. Je rĂ©alisai que nous Ă©tions très proches de la zone portugaise et qu’il y avait un risque que ces implantations soient un jour prises par ces derniers*.Je pus avoir, par nos troupes sur place, une actualisation de la situation des rebelles. Sous la poussĂ©e des troupes loyalistes, leur influence se rĂ©duisait et leur nombre diminuait fortement. Le commandement avait dĂ©cidĂ© que nos troupes tiendraient maintenant les villes et les routes mais devaient Ă©viter d’entrer en profondeur dans la forĂŞt pour ne pas avoir trop de pertes, que ce soit Ă cause des animaux sauvages, des bestioles ou des ennemis. Depuis les dernières Ă©pidĂ©mies, le nombre d’Indiens avait dramatiquement chutĂ©, certaines populations ayant Ă©tĂ© localement Ă©radiquĂ©es. J’en savais quelque chose pour l’avoir vĂ©cu quelques annĂ©es auparavant avec la rougeole. Selon les informateurs, les rebelles s’étaient repliĂ©s au nord du fleuve, au nord de l’endroit oĂą avait eu lieu la bataille dite des Amazones. La DĂ©esse soit avec moi, c’était mon territoire ! Les charpentiers, aidĂ©s de mon Ă©quipe, nous construisirent une brigantine pour que nous pussions remonter le fleuve. Compte tenu du temps qu’il nous faudrait pour naviguer jusqu’au point de dĂ©barquement, de celui que nous devrions passer en forĂŞt Ă traquer les rebelles, j’estimais que nous ne serions de retour que dans quatre mois. Je l’indiquai au commandant de la Santa Monica, en lui ordonnant d’être de retour d’ici cette durĂ©e et de nous attendre deux mois supplĂ©mentaires. Si nous n’étions pas de retour au bout de ce dĂ©lai, il repartirait sans nous vers Cadix, car nous serions probablement tous morts ou perdus. Il demanda Ă un de ses officiers aguerris ayant une expĂ©rience de combat marin et bon navigateur, d’être le capitaine de notre embarcation pour remonter le fleuve. Il nous affecta aussi deux marins qui resteraient avec le bateau Ă notre point de dĂ©barquement en attendant notre retour de la forĂŞt. Le capitaine Ă©tait d’un commerce agrĂ©able et s’intĂ©gra bien Ă notre groupe, ses marins aussi. Nous avions en emport essentiellement de l’armement, chacun une Ă©pĂ©e, une dague et un pistolet, au choix un mousquet ou un arc (Marquez, Isabella, del Castillo et moi prĂ®mes cette option), ainsi que des sarbacanes dont j’équipai tous les membres de l’équipe. Il nous fallait aussi des hamacs pour dormir en forĂŞt. Pour le reste, on ferait avec ce qu’offrirait la nature. Il nous faudrait environ quinze jours de navigation sur le fleuve, compte tenu de la vitesse de notre brigantine pour le remonter jusqu’au point prĂ©vu. Le capitaine confirma mes calculs. Nous dĂ®mes au revoir au commandant et Ă son Ă©quipage. Ils Ă©taient très Ă©mus et nous souhaitèrent le plus grand succès dans notre mission.Ce fut avec une certaine Ă©motion que je reconnus le lieu de la bataille oĂą j’étais tombĂ©, Ă©tant encore un homme. Isabella s’en aperçut et me demanda ce qui se passait. Sans m’en rendre compte, je lui livrai des informations que j’avais tenues secrètes jusqu’ici, sans doute trop longtemps. Mes secrets me rongeaient alors que je retrouvai la forĂŞt.— J’ai combattu en ce lieu, lui dis-je, j’étais avec Francisco de Orellana et Gaspar de Carvajal lors de la bataille contre les amazones.— Ah, je ne savais pas qu’il y avait une femme dans l’expĂ©dition ! — Oui… je fus laissĂ©e pour morte au dĂ©but du combat. Les amazones m’ont ramassĂ©e et soignĂ©e.— Et elles t’ont retenue prisonnière pendant quatre ans. C’est ça ? — Oui.J’inventai vite un mensonge crĂ©dible pour donner le change.— En fait, Isabella, Ă cette Ă©poque je me faisais passer pour un homme, j’étais Frère JĂ©rĂ´me, moine et prĂŞtre dominicain. Sous ma robe de religieux, j’étais une femme, personne ne s’en doutait.— Et tu faisais comment pour tout cacher ? — J’avais les cheveux coupĂ©s comme un homme, comme un moine. Je me bandais les seins pour que ma silhouette soit moins fĂ©minine. Et je mettrai un linge absorbant quand j’avais mes règles, prenant soin de ne pas tacher ma robe de moine. Ne le dis Ă personne, c’est mon secret.— C’est LE secret… j’ai compris. Je te reconnais bien lĂ , JĂ©romine, tout Ă fait toi. Mais pourquoi tant de mystères ? Après tout, ce n’est pas si original. Tu aurais pu le dire Ă Papa.Je ne rĂ©pondis pas, mais j’avais gagnĂ©, elle me croyait. Nous dĂ©barquâmes et nous prĂ©parâmes. Je dĂ©cidai de quitter casque et cuirasse et de les laisser au bateau. J’incitai ceux qui Ă©taient prĂŞts Ă le faire Ă m’imiter, leur indiquant qu’en forĂŞt la mobilitĂ© Ă©tait la vie. Seul Gonzalez voulut garder son uniforme intĂ©gral de conquistador. Je me fis des vĂŞtements plus lĂ©gers, coupai les manches de mon pourpoint, mettant ainsi le haut de mes bras et un bout de mes Ă©paules Ă nu mais gardait mon pantalon et mes bottes. Je coiffai aussi mes cheveux en queue de cheval. Isabella se fit la mĂŞme tenue. Del Gado nous fĂ©licita, disant que nous Ă©tions bien plus fĂ©minines ainsi. Venant de lui et sachant ce qu’il pensait vraiment dans sa tĂŞte, je ne le pris pas comme une remarque sexiste mais comme un très beau compliment.Avant de partir, je poursuivis la formation thĂ©orique que j’avais donnĂ©e Ă mon Ă©quipe lors de la remontĂ©e du fleuve, Ă bord de la brigantine, en leur montrant certaines plantes dĂ©jĂ accessibles notamment pour empoisonner les flèches ou les flĂ©chettes, mais aussi comment se nourrir dans la forĂŞt. Nous prĂ®mes congĂ© de nos marins et nous enfonçâmes ensuite dans la verte Amazonie. J’eus beaucoup de pensĂ©es pour la DĂ©esse, j’étais de nouveau en communion avec elle et la nature. Après quelques jours, nous arrivâmes dans une zone oĂą je reconnus la plante qui m’avait fait devenir une femme. Je ne sais pourquoi, sans doute parce que j’étais habitĂ©e par l’esprit de la forĂŞt, j’allai voir Pedro et lui montrai : — Pedro, cette plante Ă des propriĂ©tĂ©s particulières.— Du poison ? — Non, elle aide les hommes… Ă devenir femme.— Vous vous moquez ! — Non, les amazones les utilisaient pour transformer leurs garçons en filles.— Diable ! — Cela prend normalement du temps chez les adultes (j’en savais quelque chose !), mais je pense que si vous la preniez Ă haute dose, en mâchiez en permanence par exemple, cela pourrait grandement vous aider dans votre quĂŞte de devenir une autre. Je vous emmènerai aussi Ă un endroit oĂą la DĂ©esse de la forĂŞt vous aidera Ă terminer le processus.— La DĂ©esse ? N’êtes-vous point catholique et qui plus est ancienne religieuse ? Vous, une Espagnole ! — Je le suis, mais Dieu Ă plusieurs formes, plusieurs visages, ici c’est la DĂ©esse, Pedro. Dieu est unique.— Je ne suis pas expert en thĂ©ologie, et qui plus est mal placĂ© pour donner des leçons de puretĂ© religieuse. Je pense que vous et moi ainsi que quelques autres finirions tous au bĂ»cher si nous tombions dans les mains de l’Inquisition. En tout cas, merci de vous occuper de moi ainsi.— Je pense que vous ressentirez rapidement les premiers effets de transformation. Ne manifestez rien tant que vous pourrez les dissimuler. Nous improviserons en temps voulu vis-Ă -vis des autres membres de l’équipe.— Encore merci, JĂ©romine. Je vais commencer dès maintenant et en cueillir beaucoup.Je ne sais pourquoi, moi qui n’en avais pris qu’une petite dose par jour pour ma propre transformation, je lui avais conseillĂ© d’en prendre massivement ainsi. Encore une intuition ? Del Gado cueillit beaucoup de plantes et se mit Ă mâcher immĂ©diatement.— C’est plutĂ´t agrĂ©able, me dit-il.Nous fĂ»mes bientĂ´t en vue du premier village, enfin de ce qu’il en restait. Je fis arrĂŞter le groupe et nous cacher. Je leur dis que j’allais rencontrer les autochtones, parlant leur langue. Il me faudrait avant cela me transformer en femme de la forĂŞt pour qu’ils ne soient pas surpris. Je trouvai les ingrĂ©dients, plantes et terre pour me faire un onguent me donnant une peau d’une couleur proche de celle des Indiens. Je me fis un pagne avec un bout de vĂŞtement et me dĂ©shabillai totalement pour juste le revĂŞtir. Je vis les regards de mes coĂ©quipiers, certains Ă©tonnĂ©s, d’autres souriants et un assez dĂ©goĂ»tĂ©, celui de Gonzalez. Voir leur cheffe de mission, lieutenante-colonelle du Service du Roi, les seins nus en tenue d’amazone n’était pas dans l’ordre normal des choses, si ce n’est que nous Ă©tions une unitĂ© spĂ©ciale.Je pris mon temps pour rejoindre le village. La population Ă©tait peu nombreuse et très jeune, cela ne faisait pas si longtemps que j’étais partie. Je leur parlai dans la langue de la forĂŞt. Ils furent surpris de me voir. Ils se souvenaient que pendant la grande maladie, une seule femme adulte de la tribu des amazones avait survĂ©cu, mais qu’elle Ă©tait partie quelque temps après. Je leur dis que c’était moi et que j’étais revenue pour aider la forĂŞt Ă redevenir ce qu’elle Ă©tait. Je leur posai des questions pour savoir s’ils avaient vu passer des hommes blancs, en nombre. Ils me dirent qu’ils avaient entendu parler d’une guerre entre hommes blancs, mais qu’ils n’y comprenaient rien. Oui, ils Ă©taient passĂ©s, mais la tribu les avait Ă©vitĂ©s, quittant le village et se cachant dans la forĂŞt. Je leur dis que leur action avait Ă©tĂ© très sage, et qu’il faudrait faire ainsi toujours, Ă©viter de croiser les hommes blancs. Ils n’étaient qu’une centaine environ, avaient continuĂ© vers le nord, vers la tribu des amazones. Je les remerciai et pris congĂ© d’eux. Ils me saluèrent avec respect, comme ils le faisaient avant avec les amazones de haut rang.Je rejoignis le groupe et leur fis part de mes discussions avec les Indiens, enfin en omettant tout ce qui Ă©tait liĂ© Ă mon passĂ©. Les informations donnĂ©es confirmaient ce que nous avions appris en dĂ©barquant en Amazonie. La rĂ©bellion semblait dĂ©cimĂ©e au niveau militaire et seuls restaient les chefs. Enfin une centaine de personnes, cela faisait beaucoup pour les douze que nous Ă©tions, mais la mission restait faisable. Je remis ma tenue de guerrière occidentale pour ne pas trop gĂŞner mes camarades. Nous repartĂ®mes plein nord.Cela faisait trois semaines que nous Ă©tions en forĂŞt. Nous chassions un peu pour complĂ©ter les racines et les fruits qui nous servaient d’alimentation. La barbe de Del Gado ne poussait plus, ses traits s’affinaient et ses hanches s’élargissaient un peu. Il devait avoir un peu de poitrine mais ce n’était pas encore trop perceptible. Nous avions Ă©vitĂ© le contact dans les villages suivants, en prenant soin de vĂ©rifier que leur activitĂ© semblait normale et que les rebelles ne s’y trouvaient pas. L’un d’eux avait fait l’objet d’exactions, la population avait Ă©tĂ© massacrĂ©e et nous n’y trouvâmes que des cadavres en dĂ©composition. Je me mis Ă part du groupe et prononçai une prière Ă la DĂ©esse dans la langue de la forĂŞt.Nous Ă©tions maintenant très proches de mon ancien village. J’arrĂŞtai le groupe et me remis en tenue d’amazone. Isabella me voyant faire vint vers moi et me demanda si elle pouvait m’accompagner. Je rĂ©alisai que sa couleur de cheveux serait compatible et qu’avec l’onguent cela passerait. Elle devait bien sĂ»r ne rien dire, ne parlant pas la langue. Je la ferais passer pour une amie d’une tribu lointaine, lĂ oĂą j’aurais pu partir et sĂ©journer ces dernières annĂ©es.Le village Ă©tait toujours lĂ , avec peu de monde lĂ aussi, tous jeunes, des enfants, filles et garçons, et de jeunes adultes des deux sexes Ă©galement. Ils avaient dĂ» appliquer ma recommandation d’arrĂŞter de transformer les garçons en filles. Ils me reconnurent et accoururent vers moi. Je les saluai dans notre langue, prĂ©sentant Isabella selon le scĂ©nario Ă©tabli. Je leur dis que j’étais revenue pour purger la forĂŞt des mĂ©chants blancs qui s’y trouvaient. J’appris qu’ils Ă©taient passĂ©s rĂ©cemment mais que le village avait su se protĂ©ger. Ils en avaient tuĂ© quelques-uns lors d’un combat, une dizaine environ, perdant au passage cinq membres de la tribu. Les blancs avaient continuĂ© leur fuite vers le nord, vers les trois pyramides. La tribu Ă©tait très en colère car le lieu sacrĂ© Ă©tait profanĂ© par ces monstres.— Comment vas-tu faire, seule avec ton amie pour nous dĂ©barrasser d’eux ? Nous allons vous aider.— Non, je suis une vraie guerrière, je suis toujours une femme de la forĂŞt, dis-je. J’ai aussi quelques guerriers valeureux avec moi plus loin dans la forĂŞt. Vous ĂŞtes trop jeune, et le premier combat contre eux vous a fait perdre trop de monde dĂ©jĂ . Je suis pleine de ressources et rusĂ©e aussi. Je reviendrai quand vous pourrez retourner lĂ -bas honorer la DĂ©esse.Ils s’inclinèrent, reconnaissant mon autoritĂ© et acceptant mon ordre de ne pas nous aider. Ils me dirent qu’ils ne cesseraient pas de prier la DĂ©esse pour le succès de ma mission.J’expliquai au retour au groupe et Ă Isabella ce qui s’était dit avec la tribu, en Ă©vitant bien sĂ»r de nouveau mon histoire personnelle.— Nous sommes Ă un jour de marche environ des pyramides. Je propose un dĂ©part demain matin et une arrivĂ©e Ă proximitĂ© avant la nuit. Je connais le chemin. Nous nous Ă©tablirons très proches des pyramides et tenterons d’éliminer pendant la nuit le plus possible des rebelles, par des moyens discrets, sarbacanes en prioritĂ©, arcs et flèches ensuite. Nous aviserons du nombre de victimes dans leur camp avant de donner un assaut final, toutes armes autorisĂ©es. Des questions ? Je rĂ©alisai que j’étais restĂ©e, et Isabella aussi, en tenue d’amazone.— Non, c’est très clair, dirent quelques membres du groupe en chĹ“ur.— Colonelle, dit Marquez. Vous nous impressionnez. Vous nous avez dit avoir passĂ© quatre ans parmi elles comme prisonnière mais c’est comme si vous Ă©tiez l’une d’elles. Enfin, nous ne les avons pas connues. C’est comme si vous faisiez partie de cette forĂŞt, vous ĂŞtes impressionnante.— Et pourquoi croyez-vous que je suis devenue celle que je suis, Sous-commandant ? Je crois avoir, sans me vanter, une capacitĂ© d’adaptation hors du commun.— Effectivement, Colonelle.— Voyez-vous, Marquez, la plus grande qualitĂ© dans notre mĂ©tier est de savoir observer, puis analyser et comprendre pour dĂ©cider puis agir. En appliquant cette boucle vertueuse de manière permanente, vous pouvez traiter toutes situations, pour peu que vous ayez les moyens et l’entraĂ®nement. C’est le principe mĂŞme de notre institution. On ne vous a pas appris cela lors de votre formation ? Tous firent non de la tĂŞte.— Non, pas aussi clairement, dit Del Gado qui avait soudain du mal Ă trouver sa voix grave.— Ça va Del Gado ? demandai-je.— Ça va, dit-il en se grattant la gorge, j’ai dĂ» attraper quelque chose.— Bien. Soignez-vous.Je remarquai que le pauvre se bandait maintenant les seins. Personne ne faisait attention Ă lui pour l’instant, tant mieux. Je me remis en tenue plus occidentale. Isabella fit de mĂŞme. Je rĂ©alisai que d’ici quelques jours, Del Gado ne pourrait plus cacher son Ă©tat. Après tout, c’était peut-ĂŞtre le bon moment pour lui, Ă©tant bientĂ´t aux pyramides. Mais il fallait d’abord rendre son caractère sacrĂ© au lieu.MĂ©lanie se rĂ©galait toujours autant des aventures de JĂ©romine. Nous avions bien avancĂ© jusqu’ici, mais nous dĂ»mes bientĂ´t Ă©largir la piste Ă la machette et Ă la tronçonneuse, ralentissant notre progression. Marc sortait souvent pour essayer de repĂ©rer des plantes, avec son appareil et Ă l’œil nu. Cela paya, il trouva diverses plantes, parmi lesquelles celles cataloguĂ©es par JĂ©romine pour soigner les blessures, du poison et enfin les feuilles qui auraient permis aux amazones, d’après le manuscrit, d’aider Ă la transformation des garçons en filles. Nous fĂ®mes une petite fĂŞte Ă l’occasion de cette première dĂ©couverte scientifique de l’expĂ©dition et Manuel nous sortit une bouteille de cachaça avec laquelle nous pĂ»mes faire de la caĂŻpirinha, ayant aussi du citron vert et du sucre de canne. Il nous dit en avoir d’autres…Trois jours plus, tard, nous n’étions plus qu’à un jour de route des coordonnĂ©es des pyramides quand la piste s’arrĂŞta sur une rivière. Elle Ă©tait infranchissable telle quelle en 4×4 car vraisemblablement trop profonde. Manuel proposa que nous abattions des arbres avec la tronçonneuse pour faire un pont de fortune. Cela nous prit une bonne demi-journĂ©e et bientĂ´t nous avions alignĂ© suffisamment de troncs pour faire doucement traverser nos 4×4. Il fallut pour cela que certains d’entre nous passent Ă la nage pour aller de l’autre cĂ´tĂ© tirer les troncs avec des cordages, ou plutĂ´t faire passer des cordages derrières d’autres arbres pour pouvoir les tirer avec les treuils des 4×4.. Ce fut un grand moment. Nous prĂ®mes des photos et des vidĂ©os avec nos smartphones. Les treuils nous permirent aussi d’aider la progression jusqu’à la berge d’en face. Les deux premiers vĂ©hicules passèrent doucement, conduits par Isadora et Manuel, qui Ă©taient bien entendus seuls Ă bord. J’avais traversĂ© Ă pied sur le pont et le troisième 4×4, conduit par Manuel, commença son franchissement. C’est alors que l’attache du treuil lâcha et que le 4×4 bascula du pont avec le mouvement de recul. La scène fut immortalisĂ©e dans une des vidĂ©os de ce jour-lĂ . Quand il chuta dans la rivière, Manuel Ă©tait toujours au volant. Heureusement, ce dernier avait eu la prĂ©sence d’esprit, Ă moins que cela ne fasse partie des consignes pour ce genre d’exercice, d’ouvrir en grand les vitres du vĂ©hicule. Celui-ci coula donc rapidement, et vite rempli d’eau, permit Ă Manuel de passer par l’emplacement de la portière pour rejoindre la surface. Nous l’aidâmes Ă remonter sur la berge.— Fortune de balade en forĂŞt, nous dit-il en anglais en souriant. J’ai eu de la chance. Heureusement que j’avais les vitres ouvertes. On nous l’apprend en stage de survie en forĂŞt.— Manuel, tu es formidable ! dit Juanita.— Nous avons perdu du matĂ©riel, fit Isadora.— Impossible d’aller le rechercher, dit Manuel, c’est trop profond. Qu’avons-nous perdu ?— Voyons voir, fit Pedro, je dirais : des boĂ®tes de stockage d’échantillons, du matĂ©riel de fouille, notamment pour la datation au carbone 14, de la nourriture, de l’eau.— Et aussi mon ordinateur, dis-je, et mon sac de voyage. Ils Ă©taient dans ce 4×4.Je rĂ©alisai soudain que mon sac contenait aussi mon stock de mĂ©dicaments. Merde, comment allai-je faire pour mon traitement hormonal ? J’avisai MĂ©lanie en privĂ©.— MĂ©lanie, j’ai un problème.— Lequel ?— Mes mĂ©dicaments, ils sont au fond de la rivière.— Pas bon, ça, pas bon. Il faudrait envoyer un hĂ©licoptère avec de nouveaux mĂ©dicaments Ă nous faire livrer, ou parachuter, je ne sais pas, et puis on ne peut pas poser un hĂ©lico ici…— Nous n’avons pas le budget et quand bien mĂŞme nous l’aurions, je ne me vois pas prĂ©senter une telle facture Ă l’Europe. Je ne suis pas en danger immĂ©diat. Rien ne justifie une telle opĂ©ration.— C’est juste.— Je risque simplement d’avoir un cancer bien mĂ©tastasĂ© au retour. Je suis foutu.— Attends, Alex, le dernier chapitre que tu m’as fait lire…— Oui, heureusement que je fais mes sauvegardes Ă chaque traduction et que c’est toi qui as le disque dur.— Non, ce n’est pas le sujet, les plantes, Alex ! Les plantes de JĂ©romine… elles ont sĂ»rement des principes actifs de type hormones fĂ©minines !— Attends, on ne les connaĂ®t pas, ces plantes. Avec ce que nous raconte JĂ©romine, ce qu’elle a vĂ©cu… Et puis nous avons Marc !— MARC ! MARC ! cria MĂ©lanie.Marc accourut.— Oui, qu’y a-t-il, que se passe-t-il ? dit-il.— Pour faire vite, penses-tu que les plantes des amazones aidant Ă la transition homme-femme contiennent des hormones fĂ©minines ? dit MĂ©lanie.— C’est Ă©vident, de puissants Ĺ“strogènes et de la progestĂ©rone certainement aussi, rĂ©pondit-il.— Je suis un traitement pour un cancer, dis-je Ă mon tour. Les mĂ©dicaments sont dans le 4×4, au fond de la rivière. Il devait empĂŞcher le dĂ©veloppement de mĂ©tastases jusqu’à mon opĂ©ration.— Merde, fit Marc.— MĂ©lanie pense que je pourrais prendre les plantes que tu as trouvĂ©es.— Oui, bien sĂ»r, il suffirait de mâcher les feuilles, je pense.— C’est aussi ce que raconte le manuscrit de JĂ©romine, ajoutai-je.— Le seul truc, dit Marc, c’est que je n’ai aucune idĂ©e de la posologie. C’est très puissant a priori, non ?— Oui, fit MĂ©lanie.— Cela fera le job, je le pense vraiment. Mais gare aux effets secondaires.— Je m’en fous, Marc, je veux vivre. Je ferai une transition plus tard s’il le faut. Je deviendrai une femme, voilĂ tout.— J’admire ton courage, Alex, dit Marc. Vraiment. Viens avec moi. Nous devons en rĂ©colter plus.MĂ©lanie vint nous aider. Pensant Ă Pedro Del Gado et Ă JĂ©romine, je me mis Ă mâcher les feuilles de la plante. Deviendrai-je une amazone, moi aussi ?* Ce qui se passa quelques dizaines d’annĂ©es plus tardChapitre 18 : la bataille des pyramidesLe soir descendait sur la forĂŞt. Les rebelles Ă©taient lĂ , au milieu des pyramides. Ils avaient allumĂ© des torches pour la nuit. Nous Ă©tions en lisière de la zone, en observation. De temps en temps, un ou plusieurs d’entre eux sortaient du cercle des pyramides, pour aller pisser ou dĂ©fĂ©quer. C’est alors que nos flĂ©chettes faisaient merveille, avec leurs pointes empoisonnĂ©es. Le plus compliquĂ© Ă©tait de tirer les corps pour qu’ils ne soient pas repĂ©rĂ©s par les autres. Ils Ă©taient saouls comme des Portugais pour certains d’entre eux, cela nous facilitait la tâche. Nous avions donc un groupe de tireurs de flĂ©chettes et un autre en charge d’enlever les corps. Nous liquidâmes ainsi vingt rebelles sans que personne ne s’aperçoive de rien, la nuit nous aidait bien. Les autres, qui devaient ĂŞtre environ soixante-dix, se mirent Ă dormir rapidement, avec toutefois un certain nombre de sentinelles, quatre a priori.Les sentinelles furent, elles aussi, neutralisĂ©es, mais Ă l’arc cette fois. Nous investĂ®mes alors la zone des pyramides, avec l’intention de tuer nos cibles pendant leur sommeil, Ă l’épĂ©e. Ceci marcha jusqu’à ce que l’un d’eux, seulement blessĂ© et non tuĂ©, hurla et rĂ©veilla les autres. Il en restait environ trente. Ce fut dĂ©sormais un combat au corps Ă corps. J’en tuai six Ă moi toute seule, Ă la dague et Ă l’épĂ©e. Nos pistolets furent aussi de la partie. Nous eĂ»mes le dessus et ils furent bientĂ´t tous morts. Nous avions hĂ©las perdu quatre membres de notre Ă©quipe, Del Castillo, Sanchez, Garcia et Murillo. Isabella avait tuĂ© cinq rebelles mais Ă©tait blessĂ©e et saignait au bras et Ă la cuisse. Del Gado, Gonzalez, Marquez et moi Ă©tions les seuls indemnes, mĂŞme si nous Ă©tions littĂ©ralement couverts de sang. Je soignai les blessĂ©s, aidĂ©e de mes plantes favorites. Leurs blessures furent bientĂ´t stabilisĂ©es. Il fallut faire aussi un peu de couture pour certaines plaies.Je demandai aux personnes valides de m’aider Ă empiler tous les corps, nous allions les brĂ»ler en pĂ©riphĂ©rie du site. Ce fut long et pĂ©nible, mais nĂ©cessaire, je devais rendre le lieu Ă la DĂ©esse. Nous avions fini Ă l’aube et nous dormĂ®mes tous longuement jusqu’à l’après-midi du jour suivant. Je dis au groupe que nous resterions ici jusqu’à ce que les blessĂ©s soient capables de marcher pour le chemin de retour.Il faisait maintenant nuit, je pris Pedro Ă part et lui parlai : — Pedro, nous sommes ici dans un lieu consacrĂ© Ă la DĂ©esse, c’est ici que les amazones non nĂ©es femmes le deviennent Ă part entière. Je vois que les plantes ont Ă©tĂ© très rapides dans votre cas.— Oui, dit-il prenant une voix aiguĂ« que je ne lui connaissais pas. Mes seins sont devenus plus volumineux, je n’ai quasiment plus de barbe et mon sexe est devenu tout petit.— Vous ĂŞtes prĂŞt.Je lui parlai de la DĂ©esse, comment il devait la prier. Je lui dis que demain, peut-ĂŞtre, si la nuit lui Ă©tait favorable, il serait une femme, une vraie femme.Je fus rĂ©veillĂ© le matin par des exclamations outrancières, Gonzalez Ă©tait dans un Ă©tat presque dĂ©ment, il pointa deux pistolets, un sur Del Gado, enfin la femme lui ressemblant qui Ă©tait Ă son emplacement… et sur moi.— Qu’est-ce que c’est que ça, encore une gonzesse ? Del Gado, t’es une gonzesse, qu’est-ce que c’est que ces conneries, cette diablerie ! D’abord on est dirigĂ© par une femme. Colonelle, vous ĂŞtes une sorcière, une hĂ©rĂ©tique, sans doute apostate aussi. Vous avez ensorcelĂ© Del Gado pour qu’il rejoigne votre camp et puis le colonel aussi d’ailleurs pour satisfaire vos ambitions personnelles de diablesse ! Je vais toutes vous tuer.Isabella, bien que blessĂ©e, voulut se lever pour s’interposer.— Bouge pas, petite pute lesbienne. Tu vas aussi y passer. Vous, les femmes, vous ĂŞtes toutes des crĂ©atures du diable pour nous faire perdre nos âmes Ă nous les hommes. D’ailleurs, en avez-vous une*  ? Dieu et le Christ nous protègent. Je n’ai pas rejoint le Service du Roi pour voir des femmes dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©es faire tout ce qui leur plaĂ®t. Heureusement, la Sainte Église est lĂ pour nous guider. Dommage que mon frère ne soit pas lĂ , il est inquisiteur, cela lui plairait de vous tourmenter pour vous faire avouer vos crimes ! Les autres membres du groupe Ă©taient estomaquĂ©s. Les blessĂ©s ne pouvaient pas faire grand-chose. Seul restait Marquez, qui fit mine de bouger et qui fut aussitĂ´t en joue.— T’en veux une aussi, toi, tu es complice de ces sorcières ? — Calmez-vous, Gonzalez, dis-je.C’est alors que je vis un Ă©norme serpent approcher du capitaine Gonzalez, et le mordre au mollet de ses deux Ă©normes crocs. Gonzalez s’effondra dans l’instant, eut un spasme puis rendit son dernier souffle. Nous nous levâmes, Marquez, Del Gado et moi. Gonzalez Ă©tait bien mort. Aucune trace du serpent, il avait disparu aussi soudainement qu’il Ă©tait apparu. J’interprĂ©tai cette mort fort opportune comme une action de la DĂ©esse, mais gardai cela en moi, en la remerciant intĂ©rieurement.Nous avions une situation Ă gĂ©rer : Pedro Del Gado Ă©tait maintenant une femme et nous Ă©tions encore sept. Je pris la parole devant le reste de l’équipe, encore sous le choc de ce qui venait de se passer avec Gonzalez et de dĂ©couvrir leur compagnon devenu femme.— Chers compagnons, chers frères et sĹ“urs d’armes, il vient de se passer ici pour notre camarade le Capitaine Del Gado, une chose magnifique qui relève d’un miracle divin, et non du Diable. Il a toujours souhaitĂ© ĂŞtre une femme et Dieu le lui accorde aujourd’hui. Ce lieu est sacrĂ© pour les amazones, qui vĂ©nèrent aussi Dieu Ă leur manière. Nous devons le respecter. Le capitaine Gonzalez l’a appris Ă ses dĂ©pens. Vous ĂŞtes tenu au secret, pour votre mĂ©tier et vos opĂ©rations. Vous l’avez tous choisi, et de manière libre et non contrainte. Cette opĂ©ration n’est qu’une parmi les autres. Ce qui vient de se passer est secret et devra rester entre nous. Je dirai dans mon rapport que le capitaine Gonzalez est mort vaillamment au combat contre les rebelles. Il avait malgrĂ© tout de grandes qualitĂ©s militaires. Si toutefois parmi vous il y avait des personnes ayant des problèmes graves Ă accepter la nouvelle condition du capitaine Del Gado, nous devons en parler, et tout de suite, entre nous et calmement. Je ne tolĂ©rerai aucun comportement violent, est-ce clair ? Je vais vous demander vos avis individuellement, vous ĂŞtes totalement libres de vos paroles.— Marquez ? — Pedro, tu es mon ami, je connaissais ta souffrance. Je suis très heureux pour toi.— Cortez ? — Je suis catholique, mais les massacres commis sur les Indiens par nos troupes et le travail de l’Inquisition me dĂ©goĂ»tent. Je ne crois pas Ă l’existence du Diable, l’Enfer est aussi sur terre, mais le Paradis aussi.— Iglesias ? — Rien Ă dire. Je suis un adepte du secret, vous le savez.— Buñuel ? — J’ai du mal Ă croire aux miracles, peut-ĂŞtre Dieu me teste-t-il ? — Isabella ? — Je suis très heureuse pour Pedro, mais qu’allons-nous faire ? Nous ne pouvons pas rentrer comme ça en Espagne et dire : « coucou, c’est nous, nous sommes de retour. Au fait, le capitaine Del Gado est devenu une femme… » — Pedro ? — Il me faut une nouvelle identitĂ©, dit-elle de sa voix de femme. Je pourrais ĂŞtre mort au combat, après tout, je veux dire que Pedro Del Gado est mort au combat.— Oui, repris-je, il s’est vaillamment battu. Je le ferai nommer Chevalier dans l’Ordre de San Fernando, Ă titre posthume.Tous rirent ou sourirent, c’était gagnĂ©.— Il se trouve, continuai-je, que nous avons trouvĂ© une charmante femme sur le chemin du retour, qui Ă©tait prisonnière des rebelles… Comment s’appelle-t-elle dĂ©jà  ? — … Raquel, dit celle qui se nommait Pedro jusqu’ici… Raquel Velazquez.— Donc, disais-je, nous avons rencontré… Raquel Velazquez, chez qui j’ai dĂ©tectĂ© des qualitĂ©s importantes susceptibles d’un emploi par le Service. Vous savez que compte tenu de nos pertes rĂ©centes, j’ai le souci que nous ayons suffisamment d’agents dans le Service. Raquel nous accompagnera en Espagne oĂą elle sera prĂ©sentĂ©e au gĂ©nĂ©ral en vue de son recrutement. VoilĂ notre pacte secret. Des questions ? Il n’y en eut aucune, mais un tonnerre d’applaudissements ! Raquel vint vers moi.— Colonelle, chère JĂ©romine, je peux vous embrasser ? — Bien sĂ»r Raquel ! Nous nous embrassâmes sur la joue. Isabella voulut aussi l’embrasser, les hommes aussi. Je remarquai que le baiser de Marquez Ă©tait peut-ĂŞtre plus appuyĂ© que celui des autres. Enfin, cela ne me regardait pas. Nous enterrâmes nos morts et je fis une prière en latin pour les accompagner vers leur nouvelle existence, comme je l’aurais fait quand j’étais encore prĂŞtre… L’équipe fut surprise, une fois de plus, par ce que je rĂ©vĂ©lais de ma personne. Gonzalez, malgrĂ© son âme noire, eut droit Ă sa prière aussi. Nous leur fĂ®mes des tombes chrĂ©tiennes, avec la croix du Christ.Notre retour fut long malgrĂ© tout, nous devions prendre soin des blessĂ©s. Isabella fut vite valide. Nous passâmes bien sĂ»r par mon ancien village oĂą, accompagnĂ©es d’Isabella et de Raquel, toutes trois dĂ©guisĂ©es en amazones, nous informâmes les habitants que les pyramides Ă©taient de nouveau un lieu sacrĂ©. Je leur suggĂ©rais d’y aller rapidement pour honorer la DĂ©esse. Les habitants et les habitantes nous remercièrent par des Ă©treintes sincères. Raquel fut très Ă©mue de connaĂ®tre mon ancienne tribu. Elle s’inquiĂ©tait un peu de son retour en Espagne. Je la rassurai en lui disant que tout allait bien se passer. Le bateau nous attendait sur le fleuve avec nos trois marins. Cela faisait deux mois que nous Ă©tions partis dans la forĂŞt. La descente du fleuve ne prit que douze jours. Nous Ă©tions en avance Ă l’embouchure du fleuve pour retrouver la Santa Monica. Nous prĂ®mes donc quinze jours de repos plus que largement mĂ©ritĂ©s, avant que les voiles du navire n’apparaissent Ă l’horizon.Le commandant vit que nous n’étions plus que sept, enfin, six plus une nouvelle personne. MalgrĂ© la ressemblance entre les visages de Pedro et Raquel, il ne fit pas le lien avec l’homme qu’il fut. La traversĂ©e jusqu’à Cadix se passa sans encombre et nous fĂ»mes bientĂ´t de retour Ă Tolède.Nous avions enfin atteint les pyramides. Cela dit, sur notre route, nous n’avions rencontrĂ© aucun Indien. Trois pyramides, très anciennes, datant de bien avant la naissance du Christ, les analyses nous le diraient, mais le matĂ©riel de datation Ă©tait au fond de cette foutue rivière. Tout Ă©tait envahi par la vĂ©gĂ©tation et nous aurions du travail pour chercher ce qui nous intĂ©ressait. Nous avions six semaines de prĂ©sence possible sur site devant nous, et je devais absolument rentrer pour mon opĂ©ration. Je me dis qu’il faudrait qu’on revienne une autre fois. J’avais prĂ©venu tout le groupe que je prenais un traitement Ă base d’hormones, maintenant remplacĂ© par les plantes de la forĂŞt. Ma transformation allait très vite, comme celle de Pedro devenu Raquel, et cela se voyait. MĂ©lanie me prĂŞta des soutiens-gorge et Isadora, un jean et un short Ă ma nouvelle taille. J’avais maintenant en effet une croupe fĂ©minine, plus large que celle prĂ©vue pour mes jeans, qui de toute façon Ă©taient eux aussi dans la rivière sauf celui que je portais le jour de l’accident. Je poursuivais ma traduction sur l’ordinateur de MĂ©lanie, qui avait crĂ©Ă© un compte utilisateur pour moi. L’histoire inventĂ©e par JĂ©romine pour Raquel Ă©tait tout simplement gĂ©niale, quelle vivacitĂ© d’esprit, quelle imagination !Nous trouvâmes les tombes, au nombre de cinq, les croix avaient disparu, mangĂ©es par la forĂŞt. Le charnier, enfin un tas d’os calcinĂ©s, existait lui aussi bel et bien. Tout semblait vrai du manuscrit.C’était une dĂ©couverte scientifique Ă©norme.Cela faisait quinze jours que nous Ă©tions lĂ . Un soir que je me promenais entre les pyramides, j’eus des pensĂ©es très fortes pour toute cette histoire. Sans le savoir, sans le vouloir, j’entrai en communion avec la forĂŞt, avec la DĂ©esse. Je dus m’assoupir. Je fus rĂ©veillĂ© par les appels de mon prĂ©nom. Le reste de l’équipe me cherchait. Je me levai, allai Ă la rencontre des cris d’appel. Je leur signalai ma prĂ©sence. MĂ©lanie vint vers moi, seule, dit aux autres qu’elle m’avait trouvĂ©e puis se tourna vers moi :— Ça va, Alex ? Tu as un air Ă©trange, ton visage a changĂ©, oh mon Dieu !— Quoi donc, MĂ©lanie ? rĂ©pondis-je, encore dans le cirage.— Tu l’as fait ? Ta voix…— Quoi ?— Le rituel de la DĂ©esse ! Je crois que tu es une vraie femme maintenant.— OK, j’ai encore un peu plus de poitrine, mais elle n’arrĂŞte pas de prendre du volume.— Baisse ton pantalon.— Quoi ?— Nous sommes seules, vas-y, baisse ton pantalon.Je m’exĂ©cutai, ma culotte baissĂ©e rĂ©vĂ©la un beau sexe de femme.— Bienvenue de l’autre cĂ´tĂ© du miroir, Alex.— Merde, j’ai fait comme JĂ©romine et Raquel, je t’assure, je n’ai pas fait exprès. C’est venu comme ça.— Évidemment, je me doute bien que c’est venu comme ça. C’était Ă©crit. Et puis, ne prends pas cette mine de chienne battue, je ne suis pas ta mère.— Tu sais, elle ne le saura jamais, je n’ai plus de parents, ils sont morts il y a quelques annĂ©es.— Que fait-on ? Comme JĂ©romine ou Raquel ?— Nous ne sommes plus au XVIe siècle, Alex. On le dit aux autres. Mais cela doit rester secret tant qu’on ne fait pas de publications. Tu risques de devenir un objet de recherche, Alex.— Trop drĂ´le…— Au fait, Alex… c’est Ă©picène.— Hein ?— Oui, un prĂ©nom mixte homme-femme. Le diminutif d’Alexandre ou d’Alexandra.— Alors je suis Alexandra ?— Il semblerait !— Mais, et mon Ă©tat civil ?— On verra ça au retour, Alex, on verra ça au retour Ă Paris.* La problĂ©matique de la non-reconnaissance de l’existence de l’âme de la femme par l’Église est une lĂ©gende, voir les sites internet consacrĂ©s Ă la lĂ©gende du Concile de Mâcon.Chapitre 19 : Les masques tombent.MĂ©lanie et moi avions rejoint le groupe. Nous Ă©tions au milieu de la nuit, la pleine lune Ă©clairant les pyramides Ă travers la vĂ©gĂ©tation. Avec cette lumière, il Ă©tait perceptible que mon visage avait changĂ©, un peu comme quand on s’amuse avec ses applis sur smartphone qui vous font un visage de fille quand vous ĂŞtes un homme.MĂ©lanie s’adressa en anglais au groupe, pour que tous comprennent, entre BrĂ©siliens, Équatorienne et français.— Meet… Alexandra (Je vous prĂ©sente… Alexandra) ! — Virgem SantĂssima (Très Sainte Vierge) ! s’exclama Manuel.— Santa Madre de Dios (Sainte Mère de Dieu) ! s’exclama Ă son tour Juanita.— Yes I am a lady now (Oui, je suis une femme maintenant), dis-je.— This place (Cet endroit), dit Manuel, This is the place of the legend of the Amazones (C’est l’endroit de la lĂ©gende des Amazones) ! Il est vrai que seules MĂ©lanie et moi connaissions les dĂ©tails du manuscrit, pas nos compagnons. Je leur dis ĂŞtre très heureuse de cette transformation et j’étais sincère. Je reçus un accueil chaleureux et tous me serrèrent dans leurs bras. Plus tard, alors que MĂ©lanie et moi Ă©tions seules, elle m’embrassa amoureusement. Nous fĂ®mes l’amour, entre femmes, comme la lesbienne que j’étais devenue. Je dĂ©couvris le plaisir des jeux sur ma vulve sur mon clitoris. J’eus un orgasme très diffĂ©rent de ceux que j’avais connus en tant qu’homme.C’est donc en tant que femme que je passais les quatre dernières semaines sur le site archĂ©ologique des pyramides. Nous dĂ»mes hĂ©las partir, en ayant fait fort de laisser les lieux les plus proches possible de ce qu’ils Ă©taient avant notre arrivĂ©e. Tout se passa très bien, j’étais rayonnante et cela se rĂ©percutait sur le groupe.Manuel, Isadora et Pedro nous dirent au revoir Ă la dĂ©pose des passagers de l’aĂ©roport. Juanita rentrait, elle, vers Quito, et Marc, MĂ©lanie et moi, vers Paris.J’eus une mauvaise surprise au contrĂ´le de police, qui me fit presque rater l’avion : le policier brĂ©silien en charge du contrĂ´le me fit sortir de la file après que je lui avais donnĂ© mon passeport. Je fus isolĂ©e dans une pièce et une policière arriva bientĂ´t. Elle me parla dans un français tintĂ© d’un fort accent brĂ©silien.— Madame ?— Oui ?— Votre passeport est Ă©tabli au nom d’un homme, Alexandre Forestier. Vous ĂŞtes une femme ?— Oui, enfin non, je suis bien un homme… transgenre.— Ah oui, mettez vos doigts sur cette machine, votre passeport est biomĂ©trique et nous allons vĂ©rifier vos empreintes.— D’accord.— Mmmh, vos empreintes correspondent bien Ă celles du passeport. Il semble authentique quant Ă lui. Vous ĂŞtes donc bien Alexandre Forestier. Pouvez-vous m’expliquer ?— Je vous l’ai dit, je suis transgenre. Je n’ai pas encore pu faire changer mon identitĂ© de genre… Vous connaissez la lĂ©gendaire lourdeur administrative française.— Ah oui, nous autres BrĂ©siliens sommes bien plus avancĂ©s ! Ah, ces Français, toujours Ă croire qu’ils sont supĂ©rieurs au reste du monde.— Je suis bien d’accord avec vous, Madame, dis-je, allant dans son sens.J’avais le sentiment Ă©trange de faire comme JĂ©romine, dans ses nombreuses improvisations. Elle me tendit mon passeport.— Je ne vois pas de raisons de vous retenir plus longtemps… Madame Forestier. Excusez-nous pour le dĂ©rangement, et bon retour Ă Paris.— Merci de votre comprĂ©hension.Je rejoins les autres en salle d’embarquement. Nous n’allions pas tarder Ă monter Ă bord. Je leur racontai ce qui venait de se passer. L’hĂ´tesse qui faisait l’embarquement me regarda bizarrement quand je tendis ma carte d’embarquement et mon passeport. Elle prit son tĂ©lĂ©phone puis raccrocha. Bon voyage, Madame, dit-elle en me rendant mes documents. Il est vrai que « M. Alexandre Forestier » sur la carte d’embarquement, cela ne le faisait pas pour la femme que j’étais, en apparence, mais pas que. Il n’y eut pas de problème Ă Paris, pas de contrĂ´le en fait Ă l’arrivĂ©e.J’avais Ă©crit un long rapport pendant la traversĂ©e sur la Santa Monica. Après qu’Alejandro l’eut lu, je lui fis un rapport oral et nous discutâmes du cas de Raquel Velazquez. J’avais bien sĂ»r revu notre fils Diego avec ravissement, qu’est-ce qu’il avait grandi en presque six mois d’absence ! — MĂŞme avec les pertes humaines, c’est une mission exceptionnelle, JĂ©romine, tu t’es surpassĂ©e.— L’équipe y est pour beaucoup. Ta fille, particulièrement.— Certes, mais tu Ă©tais visiblement dans ton Ă©lĂ©ment. S’agissant des pertes, douze contre presque cent, c’était un peu fatal qu’il y ait des morts de notre cĂ´tĂ©.— Je le dĂ©plore aussi, Alejandro. C’est dur de perdre des camarades.— J’aimais bien Del Gado. C’était un homme très secret, mais en fait très sensible et très gentil. J’avais plus de mal avec Gonzalez.— Oui, moi aussi, mais il s’est très bien battu.— Tu n’as pas demandĂ© la croix de Chevalier de l’Ordre de San Fernando pour lui ? Alors que tu l’as fait pour Del Gado ? — Oui, il y a eu certes l’assaut final, mais aussi le reste de la mission, cela compte.— Je comprends.— Peut-ĂŞtre une pension Ă vie Ă la veuve de Gonzalez serait-elle la bienvenue ? — Oui, la pauvre a sept enfants Ă nourrir, notre homme Ă©tait très pieux.— « Allez et croissez… » — C’est cela mĂŞme. Et cette Raquel Velazquez que tu nous ramènes ? Tu veux repeupler le service, c’est ça ? Elle Ă©tait prisonnière chez les rebelles ? — Oui, elle l’était. Nous l’avons trouvĂ©e enchaĂ®nĂ©e dans la zone des pyramides. Je crois qu’elle a toutes les qualitĂ©s pour travailler avec nous. Je te propose que nous lui fassions une Ă©valuation complète sur tous les champs de la formation.— Fort bien. Qu’elle se tienne prĂŞte ! L’évaluation commencera demain.L’évaluation se passa sur trois jours. J’avais prĂ©conisĂ© en secret Ă Raquel de se montrer faible dans les matières physiques, moyenne au tir, mais d’exceller en langue voire en chiffre.Alejandro me convoqua dans son bureau quelques jours plus tard. C’était inhabituel qu’il procĂ©dât ainsi avec moi. Nous Ă©tions seuls.— JĂ©romine, nous avons un problème, un gros problème. Tu as un problème.— Pardon ? — Tu te fous de moi, et ce depuis des annĂ©es. LĂ , tu as franchi la ligne rouge.— Que veux-tu dire ? — Raquel Velazquez, ses Ă©valuations. Trop parfaites, Ă des dĂ©tails physiques près. Bon, on pourrait dire que c’est le hasard, des coĂŻncidences, uniquement un faisceau d’indices, de prĂ©somptions. Mais tu as commis une faute, enfin, pas toi directement.— Je ne comprends pas.— Cesse immĂ©diatement ton petit jeu. L’écriture, celle de Velazquez, je l’ai reconnue. C’est celle de Pedro Del Gado. En plus, Raquel Velazquez lui ressemble tellement, on dirait lui en femme. Je ne l’avais pas remarquĂ© de prime abord. Je n’ai pas encore envisagĂ© de la faire mettre nue pour vĂ©rifier si c’est un homme ou une femme. Alors maintenant tu vas m’expliquer.— Tu connais la vĂ©ritĂ© Alejandro, elle t’a Ă©tĂ© dite lors de ma formation. Tu ne l’as pas comprise, c’est tout.— ArrĂŞte de te foutre de moi, JĂ©romine.— Je te l’ai dite lors de mon test de rĂ©sistance Ă l’alcool. En fait, j’ai Ă©chouĂ© Ă ce test, Alejandro, je t’ai dit malgrĂ© moi ce que j’avais rĂ©ussi Ă te cacher quand tu m’as torturĂ©e.— Pardon ? — Je suis nĂ© garçon, Alejandro, je fus autrefois frère JĂ©rĂ´me de Valence, entrĂ© dans les Ordres adolescent, puis devenu prĂŞtre et moine dominicain et enfin envoyĂ© aux AmĂ©riques. Oh, Ă cette Ă©poque je n’étais pas un combattant. J’étais cependant dans l’expĂ©dition de Francisco de Orellana, sur le fleuve que l’on nomma ensuite Amazone. Je fus grièvement blessĂ© lors du combat contre lesdites amazones et laissĂ© pour mort. Elles me recueillirent, me guĂ©rirent, et j’ai sĂ©journĂ© dans leur tribu quelque temps en tant qu’homme et en semi-libertĂ©, je n’étais pas vraiment prisonnier. Puis elles ont estimĂ© que soit je devrais partir et garder le secret, soit elles me tueraient, soit je deviendrais l’une d’elles, un peu comme dans ton marchĂ© avant de me recruter.— Effectivement, les mĂ©thodes sont un peu les mĂŞmes partout…— Oui, enfin, elles ne m’ont pas torturĂ©, elles. J’ai mĂŞme fait l’amour avec nombre d’entre elles, quand j’étais un homme. Ensuite aussi en tant que femme, tu t’en doutes bien. Puis je suis devenue une guerrière, une vraie amazone, ce qui fut le dĂ©but de mes capacitĂ©s de combattante.— Et comment es-tu devenu une femme ? — Comme j’ai fait pour Raquel, les amazones utilisaient des plantes qui dĂ©veloppaient les caractĂ©ristiques fĂ©minines chez les garçons, enfants ou adultes. Cela a pris du temps pour moi, mais si j’avais pris les doses que j’ai fait prendre Ă Pedro, cela aurait Ă©tĂ© plus rapide, je pense. Quand on est prĂŞt, qu’on a pris suffisamment de ces plantes, un rituel de communion avec l’Esprit de crĂ©ation et de la forĂŞt, la DĂ©esse, permet de devenir une vraie femme, supprimant ce qui reste des attributs masculins et les transformant en sexe fĂ©minin.— Donc c’est toi qui es Ă l’origine de ce qui Ă©tait arrivĂ© Ă Del Gado ? — Oui, il souffrait vraiment d’être dans son corps d’homme. Il Ă©tait une femme en lui-mĂŞme, je n’ai fait que le rĂ©vĂ©ler Ă lui-mĂŞme et Ă la DĂ©esse.— Je vois, JĂ©romine, soit c’est le meilleur mensonge que tu aies jamais inventĂ©, soit c’est la vĂ©ritĂ©, cette fois-ci ? Cela dit, c’est incroyable ce que tu viens de me raconter, et je ne sais pas si je dois te croire une fois encore.— C’est la stricte vĂ©ritĂ©, Alejandro, la stricte vĂ©ritĂ©. Je sais que je ne peux pas te demander de me croire.— Je t’ai crue tellement souvent, je t’ai toujours fait confiance, JĂ©romine. Je crois que je n’ai jamais vu une personne aussi capable de dissimuler la vĂ©ritĂ©, d’inventer des vĂ©ritĂ©s fausses, d’improviser avec tant de succès.— C’est pour ça que je travaille pour le Service, Alejandro, et que je suis ton meilleur agent. Je n’ai jamais trahi le Royaume, je ne t’ai jamais trahi non plus. Je n’ai fait que garder mes secrets, mĂŞme sous la torture, tu te souviens ? Ce qui m’a fait bien fait rire c’est quand j’ai craquĂ© lors du test de rĂ©sistance. Je me suis dit que d’une faiblesse on pouvait faire une force. C’était tellement Ă©norme que je te dise que j’étais un homme.— JĂ©romine, je crois que tu es une femme merveilleuse, douĂ©e de plein de qualitĂ©s dont la plus grande est sans doute ton humanitĂ©. Les hommes m’ont aussi dit que tu leur avais expliquĂ© en une phrase la philosophie de notre mĂ©tier, le rĂ©sumant de manière brillantissime.— Euh, oui, sans doute…— JĂ©romine, je quitte ce soir mes fonctions de chef de la division des opĂ©rations, c’est la règle, maintenant que je suis officier gĂ©nĂ©ral.— Mince, tu ne seras plus mon chef ? — Si, tant mieux ou tant pis pour toi, pour le meilleur ou pour le pire… Je deviens chef du Service.— Ah, et qui te remplace au poste de chef de la division des opĂ©rations ? — Un lieutenant-colonel fraĂ®chement promu colonel, rentrant de mission de longue durĂ©e, le meilleur des meilleurs. En fait, c’est une femme.— Mais il n’y a pas d’autres femmes en dehors de ta fille et moi dans le Service ! — LĂ , JĂ©romine, tu me déçois, ou tu fais encore l’andouille, c’est toi, Mon Amour. FĂ©licitations, Colonelle.— Tout cela après l’interrogatoire que tu viens de me faire subir ? — C’était un test, JĂ©romine, c’était un test. Que dirais-tu de dĂ®ner ensemble avec Isabella et Raquel ? — Oh, coquin de mari qui veut avoir trois femmes Ă sa table ! — Trois jolies femmes et supĂ©rieurement intelligentes et douĂ©es, JĂ©romine.— C’est une bonne idĂ©e. Isabella connaĂ®t une partie de mon secret, mais elle croit que je suis nĂ©e femme et me faisait passer pour un homme Ă©tant moine…— Oh, non, JĂ©romine, tu es vraiment une experte en dĂ©sinformation, l’experte, que dis-je.— Je ne sais que te dire, mais j’apprĂ©cie le compliment, en tant qu’agente et future cheffe de la division des opĂ©rations, dis-je en souriant. Quant Ă Raquel, vu son parcours et qui elle Ă©tait avant, elle mĂ©rite aussi de connaĂ®tre la vĂ©ritĂ©.— D’accord, JĂ©romine. En dehors de nous quatre, personne ne doit connaĂ®tre la vĂ©ritĂ© sur Raquel et toi. C’est secret dĂ©fense, et cela doit rester pour plusieurs siècles. L’HumanitĂ© n’est pas prĂŞte pour ce genre de choses et ce sera le cas longtemps, j’en ai peur.— Dieu seul le sait, Alejandro, Dieu seul le sait.— Ou plutĂ´t le savait, JĂ©romine chĂ©rie.Nous passâmes un très bon repas. Je racontai mon histoire depuis le dĂ©but, expliquant comment j’étais devenue une vraie amazone. J’annonçai Ă Raquel, avec l’accord du GĂ©nĂ©ral, chef du Service, qu’elle Ă©tait recrutĂ©e sous l’identitĂ© de Raquel Velazquez, directement avec le grade de Commandant. Elle serait dispensĂ©e de formation, sauf si elle souhaitait des modules complĂ©mentaires. C’est lĂ qu’elle nous avoua ce qu’elle m’avait dit dans la forĂŞt, Ă savoir qu’étant homme, elle n’avait jamais fait l’amour avec une femme et qu’elle avait en fait trichĂ© lors de sa formation initiale. Elle nous dit cependant que pour ce qui Ă©tait des hommes, elle avait dĂ©jĂ expĂ©rimentĂ© son nouveau corps de femme avec le sous-commandant Gabriel Marquez et que cela n’était donc pas nĂ©cessaire. Nous Ă©clatâmes tous de rire Ă cette dĂ©claration de Raquel. Isabella lui demanda si elle pourrait ĂŞtre sa formatrice en ce qui concernait les femmes. Raquel rougit et lui dit que ce serait un plaisir et un honneur de le faire avec une sĹ“ur d’armes. Alejandro me prit la main et me regarda en souriant.— JĂ©romine, je crois que tu as oubliĂ© de leur dire quelque chose.— Ah, oui, parlons boutique, fis-je. Ă€ compter de ce soir, Vous ĂŞtes directement sous mes ordres, je suis la nouvelle cheffe de la division des opĂ©rations, nommĂ©e avec le grade de colonelle. Gabriel Marquez est promu commandant, et toi Isabella, tu es lieutenante, le tout avec effet immĂ©diat. C’est tout. Vous pouvez disposer. Je vous souhaite un bon exercice de nuit, les filles.— Bonne nuit Colonelle, Bonne nuit GĂ©nĂ©ral, dirent Raquel et Isabella.Nous nous quittâmes en riant et nous embrassant. Ma nuit avec Alejandro fut sublime. Je lui demandai ce que ça lui faisait de savoir que j’avais Ă©tĂ© autrefois un homme. Il rit et me dit qu’il adorait la femme que j’étais. Cela dit, si je pouvais un jour retrouver mon pĂ©nis pour le sodomiser, il ne serait pas contre.— Trop tard, Alejandro, trop tard…Tout fut très compliquĂ© pour moi par la suite. Je dĂ©cidai de ne pas aller au labo Ă l’universitĂ© tout de suite, prĂ©textant ma maladie. J’allai voir le mĂ©decin quelques jours après mon arrivĂ©e. Il fut très Ă©tonnĂ© de me voir avec mon apparence très fĂ©minine.— Euh, M. Forestier, les effets des hormones ont Ă©tĂ© très forts chez vous, c’est la première fois que je vois cela Ă ce point. Vous avez fait mettre des implants ?— Non, je n’ai rien fait, mais il m’est arrivĂ© quelque chose d’incroyable lĂ -bas, je suis maintenant vraiment une femme.— Quoi, c’est impossible ! Vous vous foutez de moi.— Je vous l’assure. Vous pouvez contrĂ´ler mon passeport, c’est bien moi, avec mes empreintes digitales.— DĂ©shabillez-vous.— Nom de Dieu, c’est rudement bien fait pour une chirurgie de rĂ©assignation, dit-il en voyant ma vulve. Ils sont forts ces BrĂ©siliens, très forts. Alors comme ça vous avez profitĂ© de votre voyage au BrĂ©sil pour vous faire opĂ©rer ?— Non, je vous l’ai dit. Faites-moi une Ă©chographie et vous verrez que j’ai un utĂ©rus. J’ai mes règles, voyez-vous.— ArrĂŞtez de vous foutre de moi, c’est impossible, on ne fait pas de greffe d’utĂ©rus, mĂŞme sur des femmes transgenres rĂ©assignĂ©es.— Allez-y, faites l’échographie. Vous verrez.L’échographie rĂ©vĂ©la que j’étais une femme, d’autres examens plus tard que je n’avais pas, que je n’avais plus de cancer. Certes, en tant que femme, je n’avais ni prostate ni testicules. Le mĂ©decin Ă©tait sous le choc mais n’avait rien dit Ă personne jusqu’ici, me faisant juste passer pour une femme faisant des examens.— Docteur, tout ceci doit rester secret, je ne veux pas ĂŞtre un objet de recherche. Je suis moi-mĂŞme chercheur, ou plutĂ´t chercheuse.— Je comprends, mais tout cela est tellement Ă©trange ! Vous dĂ©sirez changer d’état civil ?— Oui, j’aimerais bien, cela me simplifierait la vie. J’ai eu quelques difficultĂ©s Ă l’aĂ©roport Ă Manaus.— Je veux bien le croire. Mais cela va ĂŞtre compliquĂ©. Mis Ă part votre traitement hormonal…— Je ne le prends plus.— Vous faites bien, donc mis Ă part votre traitement, il n’y a pas de protocole entamĂ© en vue d’un changement d’identitĂ© de genre, Ă savoir nombreuses sĂ©ances chez un psy, voire une procĂ©dure envisagĂ©e de rĂ©assignation. J’ai peur que ce soit impossible.— Essayons quand mĂŞme.Et je fus en contact avec l’administration, qui croyait que j’essayais de changer d’identitĂ© de genre sans passer par la case psy. Elle refusa. La solution serait peut-ĂŞtre de faire comme si je voulais changer d’identitĂ© de genre et suivais faussement le protocole en allant voir un psychiatre. C’est alors qu’en rentrant chez moi, tout devint noir dans ma tĂŞte.Je me rĂ©veillai dans une chambre sommairement mais correctement meublĂ©e. J’étais habillĂ©e, allongĂ©e sur un lit. Je me levais. La porte s’ouvrit. Un homme et une femme entrèrent :— Ah, Monsieur Forestier, ou plutĂ´t Madame, devrais-je dire ! dit l’homme.— OĂą suis-je, qui ĂŞtes-vous ? RĂ©pondis-je.— Vous le saurez bientĂ´t. Je suis Monsieur Dupont et voici Madame Martin. Nous devons discuter, Alex…J’eus soudain une impression immense de DĂ©jĂ -Vu…Chapitre 20 : ÉpilogueJ’étais donc en train de discuter avec Monsieur Dupont et Madame Martin, dans une chambre qui m’était inconnue, situĂ©e dans un lieu inconnu.— Attendez, leur dis-je, vous ĂŞtes…— Comme vous l’écrivez dans votre traduction, Alex, nous sommes « Le Service ».— Je vois, je m’en doutais. Bon, pas de costume noir, ni de chemise blanche et de cravate noire, ni de lunettes de soleil.— Et pas de neurolyseurs non plus.— Dommage, j’aime bien le style Men in Black, mĂŞme si le caractère inclusif manque clairement Ă cette appellation.— Vous nous posez un gros problème, Alex, vous et vos travaux de recherche.— Vous avez trop lu ma traduction, vous.— Beau travail, remarquable, cela dit.— Je ne suis pas l’auteure, rien que la traductrice.— Certes, le reste nous l’avons restituĂ© par notre enquĂŞte et de ce que nous ont dit vos amis, Marc et MĂ©lanie.— Ah, vous les avez kidnappĂ©s eux aussi ?— Cela vous Ă©tonne ?— Non, pas vraiment.— Notre problème, votre problème relève de la sĂ©curitĂ© nationale et internationale, Alex.— Ah bon ? Comment cela ?— Ce que vous avez dĂ©couvert ouvre la voie Ă un chaos potentiellement ingĂ©rable dans la sociĂ©tĂ© et sur la planète. Si tout le monde faisait comme vous et allait en pèlerinage en Amazonie pour changer de sexe, imaginez le bordel. Si vous saviez combien de personnes en France et dans le monde souffrent de dysphorie de genre…— Je comprends, poursuivez.— Rassurez-vous, nous ne sommes plus au XVIe siècle, nous n’allons ni vous torturer ni vous tuer.— Me voilĂ rassurĂ©e.— De nos discussions avec votre collègue en pharmacologie, il ressort que les plantes que vous avez utilisĂ©es peuvent avoir le droit d’exister pour traiter les personnes dĂ©sireuses de faire une transition. Nous le concĂ©dons et l’autoriserons.— Bien, Marc sera content. Ce sera un progrès Ă©norme pour les personnes en transition.— Il est effectivement très content. Il est retournĂ© dans son labo Ă Toulouse après notre entretien.— Par contre, l’utilisation du site amazonien des pyramides est Ă proscrire, son existence, en dehors des fouilles archĂ©ologiques, doit rester secrète quant Ă ses possibilitĂ©s sur le changement de sexe.— Vous devrez purger vos publications de toute rĂ©fĂ©rence au changement de sexe de Frère JĂ©rĂ´me et de Pedro Del Gado, dit M. Dupont.— Et des amazones en gĂ©nĂ©ral, ajouta Mme Martin. MĂ©lanie est d’accord.— Ah si vous avez dĂ©jĂ convaincu Marc et MĂ©lanie, alors…— Nous pouvons aussi vous aider dans votre nouvelle vie, Alexandra. Grandement en fait, ajouta-t-elle.— Disons que le changement de votre identitĂ© de genre n’est qu’une formalitĂ© pour nous, nous savons dans quelle galère vous ĂŞtes… Et puis nous pouvons prĂ©voir un congĂ© de quelques mois pour rĂ©assignation de sexe, vous serez officiellement et prĂ©tendument en ThaĂŻlande, le meilleur pays pour ce genre d’opĂ©ration ! renchĂ©rit M. Dupont.— Et que ferais-je pendant ce temps ?— Nous vous formerons…— Ah, si je comprends bien, j’ai trois solutions : la première, je rentre chez moi, je ferme ma gueule et me dĂ©merde pour changer de vie, la deuxième, je travaille pour vous et vous arrangez tout, la troisième, que deviens-je si je n’accepte ni la première ni la deuxième ?— Il n’y a que deux solutions, Alex, fit Mme Martin. Nous sommes un pays libre, une dĂ©mocratie, un Ă©tat de droit.— Sans troisième solution ? Vous vous foutez de moi.— Cela dit, nous n’accepterons pas que vous publiiez quoi que ce soit qui nous dĂ©range. Nous savons faire, nous avons les moyens…— Je vous crois. Et admettons que j’accepte Ă votre proposition de travailler pour vous ?— Vous restez enseignante-chercheuse, rĂ©assignĂ©e « femme » officiellement. Vous travaillerez pour nous de temps en temps. Nous pourrons mĂŞme vous aider pour vos publications sur l’affaire en cours. Elles seront de très hauts niveaux mais les amazones resteront une lĂ©gende, en tout cas sans changement de sexe.— Oui, j’ai cru comprendre que les lĂ©gendes sont une spĂ©cialitĂ© chez vous.— Ah, vous pensez comme beaucoup que nous avons un bureau pour ça ?— Je ne sais pas. Je n’ai pas l’habilitation ni le besoin d’en connaĂ®tre.— C’est juste. Pas pour l’instant.— Et ma formation ?— Nous ne ferons pas de vous une amazone, c’est sĂ»r, mais augmenterons considĂ©rablement certaines de vos connaissances et votre capacitĂ© de survie en milieu hostile, dit Mme Martin.— Ça me va. Je veux dire, j’accepte.— Bien, parfait, dit M. Dupont. Vous ĂŞtes officiellement en congĂ© maladie, pour votre opĂ©ration des cancers. Votre mĂ©decin a Ă©tĂ© briefĂ© par nous et est tenu au secret. En fait, vous n’avez pas besoin de chimiothĂ©rapie. Du coup, vous partez pour la ThaĂŻlande pour votre rĂ©assignation tout de suite, pour six mois. Dans la rĂ©alitĂ©, nous pouvons commencer votre formation la semaine prochaine. Rendez-vous Ă la caserne Mortier lundi prochain Ă 08 : 00. Rentrez chez vous d’ici lĂ , prenez du bon temps.— Vous aurez une camarade pour votre stage de formation, reprit Mme Martin.— MĂ©lanie ?— Oui, elle a montrĂ© de grandes qualitĂ©s tout au long de votre recherche. Elle fera un très bon agent. Au fait, vous avez rendez-vous avec elle Ă midi dans un restaurant en tĂŞte Ă tĂŞte, ou c’est elle qui a rendez-vous avec vous, je ne sais plus, dit M. Dupont.— Ah, fit Mme Martin, pour vous prouver notre bonne foi et notre confiance en vous, voici vos nouveaux papiers : carte d’identitĂ©, passeport, carte de sĂ©cu, permis de conduire, tous Ă©tablis au nom d’Alexandra Forestier. Votre identifiant national commence dĂ©sormais par un 2. Nous avons aussi changĂ© votre identitĂ© de genre pour vos banques et vos diverses cartes de fidĂ©litĂ©.— Oh, je vois que vous avez pensĂ© Ă tout, et vous saviez que j’allais accepter, suis-je donc si prĂ©visible ? Cela dit, je suis sincère, n’y voyez pas de l’ironie de ma part. Merci du fond du cĹ“ur, Mme Martin.— Appelez-moi Jeanne-Marie, Alexandra.— Et moi Louis-Marcel ! dit M. Dupont.Je retrouvai MĂ©lanie au restaurant indiquĂ©. Nous Ă©tions très Ă©mues de nous revoir. Elle me raconta son entrevue avec Jeanne-Marie et Louis-Marcel. Tout cela avait eu pour elle comme pour moi un Ă©cho de DĂ©jĂ -Vu issu du manuscrit de JĂ©romine.— Je ne sais pas depuis combien de temps ils nous espionnent, dis-je. En tout cas, ils avaient tout lu du manuscrit.— Je leur ai demandĂ©, rĂ©pondit-elle. Ils m’ont dit que comme les documents venaient d’une ancienne caserne de l’armĂ©e, ils avaient piratĂ© ton ordinateur depuis le dĂ©but de la traduction. Je crois bien qu’ils vont nous apprendre Ă faire ce genre de chose, Alex.J’étais un peu estomaquĂ©e d’avoir Ă©tĂ© espionné·e depuis le dĂ©but. Cela ne remettait cependant pas en cause ma dĂ©cision.— Je pense que nous aurons les dĂ©tails du programme lundi, repris-je, nous verrons bien. Au fait, comment fais-tu pour te libĂ©rer pour la formation ?— J’ai pris un congĂ© sans solde pour convenance personnelle, de six mois.— Très fort.— Allez, buvons Ă nous, Ă nos recherches, Ă nos aventures, Ă nos amours !— MĂ©lanie, veux-tu devenir ma femme ?— Oh oui, Alexandra ! Tu crois qu’il faudra qu’on demande l’autorisation du Roi ?— Je ne sais pas, MĂ©lanie, je ne sais pas. Tu sais, il me reste un tout petit bout de texte que je viens de traduire et que tu n’as pas lu.— Montre.Je termine ce rĂ©cit, comme annoncĂ© prĂ©cĂ©demment, Ă©tant maintenant âgĂ©e et espĂ©rant rejoindre bientĂ´t mon mari Alejandro auprès de Dieu et de la DĂ©esse. Je scellerai ce document qui devra rester secret plusieurs siècles, il sera conservĂ© au couvent des bĂ©nĂ©dictines de Saragosse. La DĂ©esse fasse que mes lecteurs et mes lectrices dans le futur apprĂ©cient mon histoire et aient de la comprĂ©hension pour la femme que je fus Ă mon Ă©poque. Je vous bĂ©nis. Dieu et la DĂ©esse vous gardent.— C’est très beau, très Ă©mouvant, dit MĂ©lanie. En plus, elle nous a bĂ©nies.— J’en ai les larmes aux yeux, continuai-je. J’aurais aimĂ© la rencontrer en vrai. C’était une femme merveilleuse.— En fait, c’est un peu comme si nous avions vĂ©cu une partie de sa vie.La formation commença le lundi suivant. MĂ©lanie et moi emmĂ©nageâmes ensemble et nous pĂ»mes continuer Ă faire souvent l’amour. Je pus aussi goĂ»ter aux joies de la pĂ©nĂ©tration vaginale par son gode-ceinture, voire d’autres objets comme le double dong. Notre formation ne comportait aucun module sexuel, les temps avaient changĂ© depuis le XVIe siècle et je dĂ©cidai de ne pas connaĂ®tre d’autres variations dans ce domaine, restant strictement lesbienne, comme MĂ©lanie l’avait Ă©voquĂ© au dĂ©but de mon cancer.Nous apprĂ®mes d’autres langues, le portugais, le russe, le chinois notamment. Nous resterions malgrĂ© tout spĂ©cialisĂ©es sur l’AmĂ©rique du Sud Ă l’issue de notre formation. Nous eĂ»mes droit Ă un stage de survie en forĂŞt guyanaise, des entraĂ®nements au combat au corps Ă corps pour savoir nous dĂ©fendre, du tir aussi, de la gĂ©opolitique, de la sociologie, de la psychologie, de l’histoire façon dessous des cartes ou mĂŞme jupons de l’histoire… Nous en connaissions une partie.Il y eut des publications scientifiques, en pharmacologie bien sĂ»r mais surtout pour nous en archĂ©ologie et en histoire. Elles le furent dans de bonnes revues et apprĂ©ciĂ©es. Nous publiâmes sur « le rĂ´le des femmes dans les services secrets espagnols de Charles Quint et Philippe II » et sur « La lĂ©gende des Amazones, mythes et rĂ©alitĂ©s ». JĂ©romine nous avait donnĂ© la clef pour satisfaire les exigences du Service : nous nous servĂ®mes du mensonge fait par elle Ă Isabella en forĂŞt : Frère JĂ©rĂ´me, qui devint ensuite JĂ©romine de la Vega, Ă©tait nĂ© femme et s’était fait passer pour un homme jusqu’à devenir prĂŞtre et moine dominicain, avant de se faire recueillir par les amazones. Ces dernières, voyant qu’elles Ă©taient en prĂ©sence d’une femme ouverte d’esprit et ayant une grande capacitĂ© d’adaptation, l’avaient acceptĂ©e dans leur communautĂ© et en avaient fait une guerrière Ă part entière. Nous expliquâmes aussi que la tribu des amazones procrĂ©ait grâce aux mâles des tribus avoisinantes, gardant les filles Ă la naissance et donnant les garçons aux tribus mixtes. Le site des pyramides Ă©tait d’importance pour elle car liĂ© au culte de la DĂ©esse. Nous racontâmes aussi l’expĂ©dition de JĂ©romine aux pyramides et le recrutement qu’elle fit ensuite d’une autre femme, Raquel Velazquez. Jeanne-Marie et Louis-Marcel nous firent remarquer que nous avions pour le coup vraiment appliquĂ© les consignes du GĂ©nĂ©ral Alejandro de la Vega, maintenant le secret sur plusieurs siècles. Quant au fait que les documents aient Ă©tĂ© ramenĂ©s d’Espagne par les troupes napolĂ©oniennes, ils ne pensaient pas que ce manuscrit en latin ait Ă©tĂ© lu Ă l’époque. Cette histoire Ă©tait totalement inconnue jusqu’ici.Le service nous aida Ă produire un nouveau manuscrit de JĂ©romine, un faux très bien fait qui serait prĂ©sentĂ© comme le manuscrit authentique. L’original serait conservĂ© dans un coffre, au secret. Jeanne-Marie nous dit qu’une bonne histoire devait, selon elle, toujours ĂŞtre en « pelure d’oignon », des couches qui apparaissent les unes après les autres, semblant toujours ĂŞtre des vĂ©ritĂ©s plausibles, mais que la couche du dessous venait Ă©clairer, renforcer ou au contraire invalider. JĂ©romine Ă©tait clairement une experte utilisant parfaitement cette technique. J’en devins moi-mĂŞme une adepte, mais je n’ai pas le droit de vous parler de mes missions, qui sont bien entendu couvertes par le secret dĂ©fense, et de plus vous n’avez pas le besoin d’en connaĂ®tre.MĂ©lanie et moi avons continuĂ© notre mĂ©tier de chercheur, en parallèle de nos activitĂ©s pour le Service. Nous sommes revenues sur le site des pyramides avec Manuel, Juanita, Isadora et Pedro, pour y conduire d’autres recherches. Nous y sommes aussi retournĂ©es de manière plus discrète avec des collègues du Service qui avaient dĂ©cidĂ© de devenir des femmes. D’autres recherches, authentiques mais nous servant aussi de couvertures, nous amenèrent aussi au Venezuela, Ă Cuba, Ă Panama et dans d’autres pays d’AmĂ©rique latine d’intĂ©rĂŞt pour le pays. – FIN de « Amazonie » – Alex et MĂ©lanie reviendront dans d’autres aventures…