Babeth est ma meilleure amie depuis toujours.C’est une fille simple, un peu rustre, d’aucuns pourraient dire qu’elle n’a pas inventé la poudre. Mais c’est une fille de la campagne, tout simplement. Moi aussi je suis une paysanne et moi aussi je suis simple, je ne renierai jamais mes origines, pour rien au monde, même si je vis en ville depuis pas mal de temps.Babeth, c’est surtout une fille très gentille, une fille facile à vivre, honnête et travailleuse, qui ne se prend pas la tête pour des bêtises, toujours prête à écouter et à rendre service. Et puis, surtout, je me sens bien avec elle, je ne me pose pas de question, la vie est douce en sa compagnie.Notre amitié ne date pas d’hier puisque nous nous sommes connues à l’école primaire. Elle a toujours un peu été ma suiveuse, elle faisait tout comme moi ! Mais, contrairement à d’autres, cette dépendance ne m’agaçait pas le moins du monde, j’ai toujours trouvé mon compte dans cette relation un peu bancale. Elle aussi, j’en suis certaine.L’année dernière, Babe est venue passer une petite semaine à la maison. J’ai un petit F1 pas très loin du magasin où je travaille. Je suis démonstratrice, je bosse alternativement dans toutes les boutiques du centre commercial.On me dit plutôt mignonne, même si, personnellement je ne m’aime pas trop. Je trouve mes traits beaucoup trop grossiers et, dans la glace, je retrouve la campagnarde lourdaude que j’ai toujours été. Mais mon copain aime ce côté naturel, il aime mes joues rouges et mes gros grains de beauté, et il aime aussi mes seins trop lourds et mes bras un peu trop potelés… J’ai bien de la chance car lui, de son côté, il est plutôt beau gosse : grand, brun, viril, musclé, je suis vraiment gâtée depuis qu’il s’intéresse à moi. En plus, c’est vraiment un ange, il est tout ce qu’il y a de plus adorable. Il est d’une gentillesse à faire pâlir, toujours aux petits soins pour sa belle. Il me dorlote, il me chérit, je suis aux anges.Nous sommes ensemble depuis bientôt quatre ans. D’un commun accord, nous ne vivons pas sous le même toit, nous avons chacun notre petit studio. Mais nous sommes très souvent chez l’un ou chez l’autre. C’est notre façon à nous d’échapper au ronron qui détruit tant de couples. Et, lorsqu’un soir nous avons besoin de solitude, cela ne nous empêche pas de nous retrouver le lendemain pour nous aimer à nouveau !Damien est un excellent amant. J’avais eu pas mal d’aventures avant de le connaître, pourtant pas spécialement décevantes… mais aucun autre homme ne m’avait autant fait jouir. Comme dirait mon tonton chéri : en le rencontrant, j’ai vraiment trouvé chaussure à mon pied.Il avait été convenu avec Damien que la semaine où Babe viendrait me voir nous serions séparés. Cela faisait une éternité que je n’avais pas vu ma copine et nous avions une tonne de choses à nous raconter.— Cela fera une bonne occasion pour nous retrouver après, avais-je annoncé avec malice.Babe était toute triste, rien à voir avec la Babe rieuse de mon enfance, celle avec qui je faisais les 400 coups. Triste et déprimée, je sentais bien que quelque chose n’allait pas chez elle. Elle n’avait plus goût à rien. Le premier soir, je l’avais entraînée chez des amies communes, des filles du terroir, plutôt sympas et amusantes. Mais elle était restée toute la soirée prostrée dans son coin, sans broncher, apparemment triste et abattue.Le deuxième soir, j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes. Je lui ai préparé un petit repas avec amour, un petit dîner en tête à tête que j’avais prévu bien arrosé, histoire de détendre un peu l’atmosphère.Comme elle ne se déridait guère, j’ai décidé de mettre franchement les pieds dans le plat. Je lui ai saisi la main et lui ai demandé de but en blanc :— Que t’arrive-t-il ma biche ? Depuis que tu es arrivée, tu es toute triste, ce n’est plus la Babe que j’ai connue…Elle a fini par éclater en sanglots. De grosses larmes roulaient partout sur son visage tout rond. Je me suis levée et l’ai entraînée doucement sur le lit :— Allez, viens ma chatte, viens me raconter tous tes malheurs. Que je n’aime pas te voir comme ça !Et elle d’invoquer ses problèmes sentimentaux.Au village, il n’y avait pas beaucoup de jeunes, alors, à l’époque, elle s’était rabattue sur un « vieux », un paysan de 45 ans, presque deux fois son âge. Ils avaient vécu ensemble pendant presque deux ans. Mais il la traitait mal et la considérait un peu comme sa bonne à tout faire. Elle devait faire sa bouffe, son linge, repriser ses chaussettes et même curer l’étable. Et puis, question sexe, ce n’était pas vraiment ça. Un petit coup à la va vite, de temps en temps, entre deux portes. Monsieur prenait son plaisir et ne se préoccupait jamais du sien. Jamais une pointe de tendresse, ils faisaient lits séparés, monsieur ne supportait pas qu’elle soit collée à lui !Jusqu’au jour où elle l’avait surpris dans la grange avec une saisonnière.Comme elle lui faisait une crise de jalousie bien légitime, il lui lança en pleine figure : « Avec la tête que tu as, tu ne peux pas non plus me demander d’être fidèle. Estime-toi heureuse que je ne te trompe pas plus souvent. »— Quel goujat ! C’était vraiment une ordure ce mec !— Il m’a dit que si je n’étais pas contente, je n’avais qu’à prendre mes cliques et mes claques et déguerpir. Il n’en avait rien à foutre de moi. C’est évidemment ce que j’ai fait, je suis partie. Mais j’ai mis plusieurs mois à m’en remettre. En plus il m’avait fait une sacrée pub auprès des commerçants du bourg, me faisant passer pour la parfaite salope qui lui avait piqué du fric… les gens me regardaient de travers.— Mais cela fait longtemps que tu l’as quitté ?— Oh, un peu plus d’un an maintenant. Quinze mois pour être exacte.— Mais pourquoi tu ne m’en as jamais parlé ? A quoi ça sert d’avoir une copine ? La seule chose dont je me rappelle, c’est qu’au début tu étais toute heureuse d’aller vivre dans cette ferme. Après plus rien ! Black out total. Au téléphone, tu ne parlais plus que par onomatopées, « oui », « non », « peut-être ».— J’avais trop honte, je me sentais tellement moche !— Mais tu n’es pas moche !— Si, je le suis, il faut être réaliste. Pour en finir, j’ai même essayé de me taillader les veines. Je suis vraiment trop laide.— Tu es folle ! Oh ma pauvre ! Si je te dis que tu n’es pas moche, c’est que je le pense, tu peux me croire. Tout ça, c’est juste à cause de ce sale type, c’est lui qui t’a foutue en l’air…Je lui ai déposé un bisou sur la joue. De grosses larmes salées coulaient en abondance.— À quoi ça sert d’avoir une amie si tu ne lui racontes pas tous tes petits malheurs.— Je me sens si laide ! Mais si laide !Les sanglots n’arrêtaient plus, il fallait qu’elle pleure pour qu’elle se libère.— Arrête de dire des bêtises, tu n’es pas laide. Je te jure en plus que tu ne l’es pas. Tu es ma copine et je t’aime. Moi je te trouve très belle.— Oui, mais les garçons, eux, ils ne m’aiment pas, renifla-t-elle en ravalant ses sanglots. Et depuis que j’ai quitté André, je vis toute seule et sans amour.— Ecoute, tu n’as rien à regretter, cet homme là , c’était un monstre, il ne t’aimait pas du tout.— En plus il m’a fait des choses… Tu ne peux pas savoir tout ce qu’il m’a fait.— Des choses, quelles choses ?— Un jour, il m’a fait mettre toute nue dans la porcherie et il m’a attachée avec la laisse du chien. « Regarde-toi, t’es pire qu’une bête », m’a-t-il dit. Une autre fois, il m’a emmenée dans l’atelier et a enfoncé plein d’objets en moi, par-devant et par derrière. Il riait comme un bossu en regardant les tournevis enfoncés dans mon ventre.— Oh ma pauvre ! Qu’est-ce que tu as dû souffrir ! Pourquoi n’as-tu pas porté plainte ?— C’est à dire que la situation s’est dégradée peu à peu. Les premiers mois, ça allait encore. Il n’était pas très câlin mais je n’avais pas à m’en plaindre. Et puis, même si tout n’était pas rose, cela faisait tellement de temps que je voulais vivre avec un homme que j’étais finalement heureuse…Ensuite, elle dévoila tout d’un bloc :Ce n’est qu’au bout de la première année qu’il a commencé à me faire beaucoup de reproches… Je n’étais bonne à rien, je ne savais pas faire la cuisine, j’étais une Marie souillon et j’en passe et des meilleures. Et puis surtout, selon ses dires, j’étais aussi bandante qu’un sac à patates.— Tu pourrais quand même faire des efforts, déjà que t’es pas belle, mais en plus t’es même pas sexy. Il avait de gros problèmes d’érection et c’était, selon lui, entièrement de ma faute. Je ne savais pas y faire et j’étais nulle au lit. — Regarde-toi, tu ne veux jamais rien faire. Tu restes là , les bras ballants, comme une potiche. Si tu crois que je vais te sauter dessus pour tes beaux yeux ! T’as rien d’intéressant, tu m’entends : RIEN. Tu pourrais faire des efforts quand même. Tu crois que la boulangère, elle n’en fait pas des efforts, avec son décolleté plongeant. Et la tenancière du bistrot, avec ses bas résilles. Mais toi : rien ! Circulez, y-a rien à voir, comme dirait Coluche.J’ai pris des conseils dans Elle et Marie-Claire et j’ai commandé sur catalogue (Quelle, La Redoute, Les 3 Suisses) des sous-vêtements un peu plus affriolants. Crois-tu qu’il m’aurait complimentée pour mes efforts. Non, rien ! Culotte sexy ou culotte de coton blanc, même combat. Je passais de temps en temps à la casserole mais sans aucune considération pour le côté sexy de la chose. C’était souvent dans la cuisine, moi penchée contre l’évier. C’était une des rares situations qui le faisait encore bander : Il venait me trousser par derrière lorsque je faisais la cuisine. Il baissait à peine ma culotte et me prenait comme ça, à la hussarde, sans aucune préparation particulière.Et encore, par la suite, même ça, ça ne l’intéressait plus. Plusieurs fois, il m’avait demandé de faire la vaisselle sans culotte, pour être plus « disponible », comme il disait. Pour lui redonner un peu de vigueur et devant son insistance, j’avais fini par accéder à sa demande. Une fois, deux fois, trois fois, il m’avait prise comme une chienne, mais à la quatrième, il n’avait rien trouvé de mieux à dire que :— Regarde-moi ça, t’es même pas baisable, t’as les fesses tombantes. T’es vraiment mal foutue de partout.Et, dans la chambre, sur le lit, c’était aussi de moins en moins souvent. Déjà parce que nous faisions lits séparés, ensuite parce qu’il me regardait à peine. Et, quand il me parlait, c’était en général pour me dire d’arrêter de ronfler ou pour me demander d’éteindre la lumière.Je me souviens précisément d’un soir où, au sortir de la salle de bain j’avais mis un ensemble noir en dentelle que l’on pouvait supposer particulièrement affriolant : un très large décolleté et une culotte presque transparente associée à un joli porte-jarretelles. J’avais vraiment fait beaucoup d’efforts ce soir-là et je pensais que le résultat pouvait être acceptable, sinon excitant.Il regardait sa télé, des choses pas bien intéressantes.— Comment me trouves-tu ? lui ai-je demandé pour capter son attention.Il m’a jaugée de la tête aux pieds.— Ridicule, complètement ridicule. Tu es grotesque ma pauvre !J’ai dû pleurer toute la nuit, convaincue que je n’étais vraiment pas douée pour les choses du sexe. À partir de ce jour là , l’ensemble n’a plus quitté son armoire. Les autres culottes non plus d’ailleurs, de même que les soutiens-gorges. Je ne faisais plus aucun effort. À quoi bon faire des efforts puisque j’étais tellement nulle que rien ne pourrait jamais y faire.C’est à partir de ce moment là que la situation a commencé à se dégrader. Toutes les prétextes étaient bons pour m’humilier. Les six derniers mois j’ai vécu un enfer. Il y a eu l’épisode de la porcherie et celui de l’atelier mais d’autres épisodes aussi. En particulier la fois où dans la cuisine il m’avait dépoitraillée de force devant deux saisonniers. Les deux gars étaient à table et ils buvaient des verres de vin. — Vous avez vu les loches qu’elle a ma femme, vous avez vu comme ils tombent ! A son âge, vous vous rendez compte ! Comment voulez-vous que j’aie envie de baiser ça ?Je me suis mise à pleurer, les deux gars n’étaient pas vraiment à l’aise. Ils devaient trouver que mon mari exagérait quand même. Mais lui était vraiment sans gêne. Il me pressait les seins devant ses deux acolytes, comme il l’aurait fait avec les pis d’une vache. J’étais à la foire aux bestiaux. Il me les pressait à m’en faire mal :— Regardez moi ça, c’est vraiment tout mou, tout ça !Je crois qu’il avait vraiment trop bu mais, pour moi, c’était la honte, surtout devant ces deux étrangers qui n’en perdaient pas une miette.Le lendemain l’un des deux hommes est venu me voir pour s’excuser. Enfin, c’est ce que je croyais. Mais, en fait d’excuses, il s’est jeté sur moi et a commencé à me peloter. Et j’ai eu toutes les peines du monde à m’en défaire. Je l’ai pincé, je l’ai griffé, il a finalement laissé tomber. Mais, pour se venger, il est allé raconter que je l’avais allumé aux autres et c’est bien sûr arrivé aux oreilles de mon mari. Le soir même, celui-ci m’a tabassée en me traitant de tous les noms d’oiseaux.— T’es vraiment qu’une sale pute ! Tu mériterais que je te viole. Mais je n’en ai même pas envie ! Tu me dégoûtes.A compter de ce jour, il racontait, à qui voulait bien l’entendre que j’avais essayé d’exciter ce manouche, que je m’étais laissée volontairement peloter, mais que j’étais tellement nulle au lit que le mulâtre n’avait finalement pas voulu de moi.Quoi d’autre ? Chaque jour était un petit enfer mais j’espérais toujours qu’il reviendrait à de meilleurs sentiments, qu’avec l’âge il finirait par se calmer, que l’on parviendrait enfin à fonder une vraie famille. Je subissais tous ces outrages pour lui faire plaisir, j’aurais été prête à beaucoup de choses pour le satisfaire.Peut-être à tout accepter, mais pas cette tromperie cynique ! Pas cette ultime rebuffade.Je l’avais écoutée bien religieusement. J’étais vraiment très triste pour elle. Que des femmes subissent de pareilles avanies à notre époque, je trouvais ça révoltant. Il aurait fallu l’enfermer ce type. Mais l’enfermer pour quel motif ? Pour violence conjugale ordinaire, mais avec quelles preuves ? Pour qu’il n’ait au plus que quelques mois avec sursis ou qu’il se venge à sa sortie. La justice ne prend jamais en compte des drames aussi subtils.En attendant, ma copine était détruite et j’avais beaucoup de peine pour elle. Je l’ai prise dans mes bras et lui ai fait beaucoup de câlins. Nous avons dormi comme ça, dans les bras l’une de l’autre. Je crois que ça lui a fait du bien de se sentir aimée. Au petit matin, elle semblait comme tranquillisée.— Aujourd’hui, je reste avec toi, j’ai pris ma journée pour être avec toi.Nous avons fait les boutiques et dans l’après-midi je l’ai emmenée à la fête foraine. Nous nous sommes amusées comme deux petites folles, essayant les manèges les plus impressionnants.— J’ai vraiment passé une super journée, m’avoua-t-elle durant le dîner.Nous nous étions trouvé un petit restau tranquille au bord du fleuve. Nous étions tout au bout de la terrasse dans une ambiance propice à toutes les confidences.— Ce qu’il me faudrait, pour me reconstruire, c’est qu’un gentil garçon me redonne confiance en moi. J’ai essayé par petites annonces, je me suis inscrite dans une agence, mais ça n’a pas marché jusqu’à présent. Soit ils ne correspondent pas du tout à ce que je recherche, soit ils ne sont pas intéressés par moi.— Cela fait longtemps que tu cherches ?— Oh… Déjà presque un an, mais je ne désespère pas. Je ne cherche pas forcément le grand Amour, je ne cherche pas non plus un compagnon, je cherche juste un petit ami avec qui je pourrais coucher de temps à autres. Un petit ami qui ne me trouverait pas trop moche, qui ne serait pas trop dégoûté par ma petite personne, et qui aurait quand même envie de me faire l’amour.— Et la voici qui repart dans son délire. Tu aimes ça, t’auto-flageller, tu ne serais pas un peu sado-maso pour te fustiger de la sorte ?— Je pensais que ce serait un peu plus facile de trouver un garçon. Mais au bled ce n’est plus possible, on m’a fait une trop mauvaise réputation. Et puis, en boîte, je suis vraiment trop mal à l’aise. Et lorsque, par malheur, un homme m’invite à danser, j’ai plutôt envie de fuir à triples enjambées. Tu te rends compte, en un an, le seul qui m’ait dragué, c’est ton copain au téléphone !— Mon copain ? Damien ? Damien t’a draguée ?— Oh, juste pour rigoler… En tout cas c’était pas bien méchant… Mais il fallait quand même que je t’en parle car, quelque part, j’ai eu l’impression de te trahir… Il m’a juste dit que, comme j’étais ta meilleure amie, il aimerait bien me connaître un peu plus à fond, qu’après tout ce que tu lui avais dit sur moi, je devais être une fille géniale, et que, d’après les photos qu’il avait vues, il me trouvait vraiment charmante… Tu te rends compte, charmante ! Je n’y ai pas cru une seule seconde mais ça fait quand même plaisir à entendre.— Putain, mais quel salaud ! Il s’est bien abstenu de me raconter tout ça. Je ne le crois pas ! Il fait du gringue à ma meilleure amie. Il va entendre parler du pays celui-là . Et qu’est-ce qu’il a voulu dire par « connaître plus à fond ». Il voulait te faire l’amour ou quoi ?— Je n’aurais jamais dû te raconter tout ça, se contenta-t-elle de répondre. Je te jure, c’était juste pour rigoler, il n’y avait rien de bien méchant dans ses propos.— Pour rigoler ? Tu rigoles ! Il t’a draguée ou pas ? Et s’il l’a fait avec toi, il doit bien le faire aussi avec d’autres. Vraiment je tombe de haut. Mais quel petit salaud ! Et ça s’est passé quand, cette conversation ?— Ce matin, quand tu prenais ton bain. Je pense qu’il voulait t’avoir mais comme c’est moi qui aie décroché… alors nous avons discuté un peu.— Il ne t’aurait pas filé un rencard, par hasard.— Je n’ai pas accepté.— Ah tu vois, il te l’a proposé. Il t’a fait du rentre-dedans, il t’a même filé un rencard… Et tu trouves ça normal, toi ?— Tu sais, je n’y ai pas cru une seconde, je pense qu’il voulait juste être gentil.— Gentil, gentil, il y a quand même des limites à ne pas dépasser. Tu trouverais ça normal que je drague ton petit copain si tu en avais un ?— Non.— Et si on passait le voir maintenant pour remettre les pendules à l’heure ?— Oh non ! Je ne veux surtout pas faire d’esclandre.— C’est trop tard, c’est déjà fait.Et nous voici toutes les deux, direction la vieille ville, l’appartement de chez Damien.Dring, dring !Le voici qui ouvre en peignoir de bain.— Ohh, quelle bonne surprise ! Je ne vous attendais pas mes demoiselles.— Evidemment, tu connais Babeth.— Nous nous étions entraperçus au mariage de ta sœur.— Babeth c’est mon amie d’enfance, Damien c’est mon mec. Et bien, embrassez-vous, mes chéris !Damien y va franco, quatre grosses bises très appuyées, Babeth semble beaucoup plus gênée et, après notre conversation, elle est très mal dans ses baskets. Elle doit se demander quand l’orage va éclater.Au lieu de rejoindre Damien sur la banquette et de me blottir contre lui, je m’assois toute seule dans le fauteuil en laissant le canapé à nos deux tourtereaux.— Je peux aussi vous laisser, si vous avez des choses à faire.— Pardon ?— Tu m’as très bien comprise, Damien. Elle m’a tout raconté. Il paraît que tu trouves Babe charmante et que tu voudrais mieux la connaître. Alors je vous laisse seuls, comme ça vous allez pouvoir faire plus connaissance.— Ecoute, mon cœur, c’était juste…— Tu la trouves charmante oui ou non ?— Oui, enfin non, enfin je ne sais pas… je t’ai toujours dit que je la trouvais mignonne.— Mais est-ce qu’elle te plaît ?— Me plaît, me plaît…— Je ne te demande pas de faire des effets de manche mais de répondre par oui ou par non. Est-ce que tu aimerais lui faire des bisous ?— …— Oui ou non ?— Oui.— Un peu de franchise ne fait jamais de mal, mon vieux. Que tu sois sensible au charme de ma copine, je trouve ça tout à fait normal, c’est vrai qu’elle est plutôt mignonne, que tu aies envie de mieux la connaître, j’en suis aussi ravie. Mais que tu lui téléphones en douce pour lui faire je ne sais quelle proposition, je suis en droit de trouver ça un peu louche. Non ?Babeth n’avait pas pipé mot durant toute cette partie de ping-pong verbal. Elle n’en menait pas large et elle baissait les yeux.Damien se retourna vers elle :— Babe, dis-lui à ta copine que je n’ai rien fait de mal. J’exprimais juste mes sentiments envers toi.— De mieux en mieux, tu l’appelles Babe maintenant. Et pourquoi pas chérie ou alors mon amour ? Et depuis quand tes sentiments vont-ils jusqu’à fixer un rencard pour mieux apprendre à se connaître ? Tu veux peut-être aller tout de suite dans la chambre avec elle, comme ça vous allez pouvoir tout partager ?— Non, arrête.— Pourquoi non, pourquoi pas oui. Quand on a envie de quelque chose, il faut aller au bout de ses désirs.— Mais, chérie…— Ecoute Damien chéri, c’est bien simple : puisqu’elle te plaît tant que ça ma copine, je crois que le seul moyen de rester logique avec toi-même, c’est que vous fassiez l’amour ensemble. Mais, soit tranquille, je suis tout à fait d’accord. D’ailleurs, non seulement je suis d’accord mais, en plus, si tu ne le fais pas, je crois que ce sera définitivement fini entre nous…Babeth intervient :— Ecoute Lili, calme-toi, je te jure qu’il ne s’est rien passé.— Mais toi aussi tu m’agaces, à la fin : Il te plait mon mec ou il te plait pas ? Toi qui cherchais un garçon, en voici un. Il est mignon, il est gentil, je te le prête, c’est de bon cœur. Tu ne vas pas en plus me casser les pieds.Damien se met à protester, il bat des bras, il s’emporte, mais je reste inflexible.— Tu as commencé ta drague avec Babe, alors tu continues, tu assumes. Tu n’as qu’à voir tout ça directement avec elle, moi ça ne m’intéresse pas, je ne veux surtout pas en entendre parler… Mais je te préviens, je suis sérieuse, si tu ne prends pas tes responsabilités, tu pourras faire une croix sur notre vie commune.Je pars sans me retourner, sans tenir compte non plus du regard de Babe qui m’implore presque de la sortir de ce mauvais pas. « Allez, un peu de courage, ma vieille, tu es entre de bonnes mains, tu ne voudrais pas non plus que je tienne la chandelle ? ».Au sortir de l’immeuble, je m’élance toute guillerette sur l’allée printanière, consciente de la bonne farce que je viens de faire.Cette petite garce ne m’a pas dit le quart de ce que mon chéri lui avait dit au téléphone. Mais, comment lui en vouloir, après tout, l’important c’est qu’elle reprenne du poil de la bête… et qu’elle fasse bien l’amour.Le temps de passer un SMS sur le portable de mon copain :« Fée come si jexistépa. Done lui pl1 dplésir. Renla eureuse. Conduila ônirvana. Jcontesurtoi. Tachérikitador. »La question que vous seriez en droit de vous poser : Comment Damien va-t-il donc s’en sortir pour convaincre Babe de faire l’amour avec lui ? Elle risque d’avoir des scrupules, elle va refuser de trahir sa copine, en l’occurrence ma pomme.Mais c’est parce que vous ne savez pas tout…Si vous saviez ce qu’ils se sont déjà dit dans cette fameuse conversation téléphonique, vous pourriez imaginer que, la porte à peine fermée, ils ont dû se sont jeter dans les bras l’un de l’autre et que, l’amour, ils l’ont fait dans l’urgence, sur la moquette.En fait, tout a commencé le lendemain de l’arrivée de Babe. Avec mon chéri, nous sommes en communication téléphonique illimitée et, les jours où nous ne sommes pas ensemble, nous nous téléphonons en général longuement, parfois pour échanger des propos coquins.— Alors, comment ça va avec ta copine ?— Oh elle, ça ne va vraiment pas fort. Elle est tombée sur un sale type et il lui a mis plein de mauvaises idées dans la tête, le genre d’idées qui te pourrissent bien la vie. Psychologiquement, elle est au plus bas.— Oh, la pauvre !— Ce qui lui faudrait c’est qu’un garçon lui redonne un peu confiance en elle mais, vu son état d’esprit, ce n’est vraiment pas gagné.— Un garçon, ça se trouve !— Oui mais un garçon gentil, compréhensif, affectueux, qui soit en plus attiré par ce genre de fille… un peu rustique… un peu comme moi en fait.— Tu ne vas pas remettre ça Lili !— Je connais bien un mec qui aime les filles rustiques mais il s’appelle Damien et il est déjà maqué.— Pfut.— Tu m’as bien dit que tu la trouvais plutôt jolie !— J’avais dit « pas désagréable ». Elle n’est pas ce qu’il y a de plus canon mais je lui trouve un certain charme.— Honnêtement, si tu n’étais pas avec moi, et si vous étiez libres tous les deux, tu aurais envie de coucher avec elle ?— Je ne sais pas.— Ah, tu vois !— Mais je la connais à peine. Je ne l’ai croisée que deux fois. Sinon il y a ses photos et tout ce que tu m’as dit sur elle, mais les photos, ça ne fait pas tout.— C’est quand même ma meilleure copine, ça pourrait être intéressant de partager quelque chose avec ma meilleure copine. Non ?— Pour apprendre à mieux te connaître, pour faire une incursion dans ton passé ?— Admettons que tu la croises en boîte. Tu ne la connais ni d’Eve, ni d’Adam. Vous êtes les deux seuls célibataires : Tu la dragues ou tu ne la dragues pas ?— Je te dis : « Je ne sais pas ». Ça dépend de notre échange. Je ne sais pas de quoi nous pouvons discuter, je ne sais pas si nous pouvons trouver des points d’entente.— Mais il y en a plein des points d’entente, vous êtes calmes tous les deux, vous n’êtes pas du genre à vous prendre la tête, vous êtes simples, vous avez un bon fond, vous êtes pleins de gentillesse, vous aimez vous balader dans les bois, vous n’aimez pas les pois cassés, vous adorez les films comiques. Pourquoi crois-tu que vous êtes les deux personnes avec qui j’ai le plus envie d’être. Parce que c’est vous qui me correspondez le mieux ! Je suis certaine que si vous vous connaissiez un peu plus, vous vous entendriez comme larrons en foire. Je regrette d’ailleurs que nous n’ayons pas organisé cette semaine à trois, c’aurait été une bonne occasion de faire connaissance.— Si elle me correspond si bien que ça, il ne doit effectivement pas y avoir de problème à notre entente.— J’avais simplement peur qu’elle te rebute physiquement. Ce n’est quand même pas ce que l’on peut appeler une jolie fille !— Détrompe-toi, sur le plan physique, je ne la trouve pas si mal que ça. Rustique ? Tu as dit rustique. Effectivement, c’est une beauté rustique ! Oui, sincèrement, je trouve que, sans être vraiment jolie, elle a quand même du peps.— Ah, c’est vrai, tu les aimes tes filles de ferme ! Comme moi, par exemple.— Toi tu es simplement merveilleuse ! Tu es hors catégorie. Je te trouve vraiment sublime.— J’aimerais que tu couches avec Babeth.A l’autre bout du fil, je l’entends qui s’étrangle.— Elle a besoin d’un mec au plus vite, d’un gentil mec qui lui fasse plein de gentils câlins. Et je ne vois que toi !— Mais, ma chérie, je n’ai pas envie de te tromper.— Si je te le demande, ce n’est pas une tromperie ! C’est juste un petit service que tu me rends et que tu lui rends à elle aussi.— Tu te rends compte de ce que tu me demandes ?— Je suis à jeun et parfaitement lucide. Aucune substance illicite en vue. En mon âme et conscience, je te demande de coucher avec ma meilleure amie. La seule chose que je veux savoir c’est si tu auras envie d’elle et si tu auras envie de lui donner plaisir et tendresse. Mais si tu t’en sens capable, pas de problème, je suis vraiment partante.Je l’ai laissé mijoter toute la nuit. Au petit matin nous nous sommes rappelés.— Alors ? Oui ? Non ? Comment vois-tu la chose ?— Tu es sûre de vouloir ça ?— Complètement sûre. Je veux même bien signer une décharge dans laquelle je prête mon mec !— Putain ! Quelle galère ! Qu’est-ce que je vais lui dire ? Je la connais à peine.— Dans une petite heure, je vais aller faire ma toilette. Je te fais sonner un coup, c’est là que tu appelles. Tu commences pas jouer l’étonné. « Ah, tu es là  ? Quelle bonne surprise ! Liliane ne m’avait pas prévenu. Quel dommage. Depuis le temps que je souhaite faire ta connaissance ». Tu vois le genre ! Tu brodes. Attention c’est une fille sensible, il faut peser chacun de tes mots. Ne pas chercher non plus à trop en faire, ton envie de la connaître doit rester parfaitement naturelle. Tu as vu les photos du mariage et tu la trouves vraiment charmante. Tu lui parles de ses yeux, c’est quand même ce qu’elle a de mieux… Tu ne comprends pas que Lili ne t’aie jamais présenté à elle, après tout ce qu’elle t’a dit en plus sur vos années communes… Pire, tu es tombé amoureux d’elle, comme on tombe amoureux d’un mystère. Et c’est là que tu dois user de tout ton savoir-faire, en te basant sur les photos, tu dois trouver les mots justes, exprimer ce qui chez elle t’a séduit… Et surtout la convaincre de cette étrange attirance à son égard.— Elle ne va pas en croire un traître mot.— Je te fais confiance, après tes quatre ans d’études en communication, tu vas trouver les mots justes, tu vas surfer sur ses faiblesses et trouver les clefs de son cœur.— Tout ça par téléphone ?— C’est un beau challenge… Ensuite, si elle te parle de moi, ce n’est pas tellement que tu veuilles me tromper, il ne faut pas déconner quand même ! Mais l’attirance que tu as pour elle est irrépressible. Tu voudrais au moins un peu mieux la connaître, discuter avec elle, partager des élans de tendresses et une grande sensibilité. Mais il n’est bien sûr pas question de quitter ta chère et tendre.— Et tu crois qu’elle va tomber dans le panneau ?— Il n’y a pas de panneau, ton attirance pour elle est très sincère. Sa beauté rustique ne t’est pas indifférente, tu viens toi-même de me l’avouer.— Elle va me prendre pour un fou !— Qu’importe, c’est ta folie contre la sienne. Et puis merde ! Même si ça foire, ça lui changera les idées.Et nous en sommes restés là  : Une demi-heure plus tard, je rentrais dans la salle de bain.Nous avions convenu avec Damien qu’il enregistrerait la conversation téléphonique. Mais il y a eu un petit problème vers la fin : La conversation s’étant un peu éternisée, le répondeur était plein.Toujours est-il qu’il a démarré très lentement prenant tout son temps pour la mettre en confiance, faisant en sorte qu’elle s’habitue à sa voix. Avait-elle fait un bon voyage ? Vivait-elle encore dans son village ? Pas de petit copain à l’horizon ? Quel dommage, une gentille fille comme elle !— Tu sais que Lili m’a très souvent parlé de toi, de ce que vous aviez fait ensemble lorsque vous étiez jeunes… J’ai les photos de votre escapade à Saint-Brévin, vous étiez déjà des jeunes filles très radieuses.— Ça ne date pas d’hier, on devait avoir dans les 18 ans.— Qu’est ce que vous étiez belles ! Quand je pense à toi, je pense à cette photo où tu es en maillot de bain, en plein soleil. Je la trouve vraiment craquante. Tu es spontanée, rieuse, mignonne, on dirait des sœurs jumelles avec Lili.— C’est que j’ai pas mal vieilli depuis.— Mais qu’est-ce que tu racontes, c’était il y a à peine dix ans ! En tout cas, je ne sais pas si tu te rappelles, mais nous nous sommes rencontrés au mariage de la sœur de Lili, je ne me rappelle d’ailleurs plus comment elle s’appelle.— Bernadette.— Oui c’est ça, Bernadette. Tu étais avec une autre copine mais nous avons quand même dansé un slow. Tu te souviens ?— Non pas vraiment.— Moi si, pour moi c’est un souvenir impérissable. Tu m’avais dit « Non, je ne danse pas ». Mais Lili avait insisté pour que tu danses, elle avait dit « Mais si, Babe, vas-y pour une fois. ». Tu étais toute tremblante au milieu des danseurs. Je t’ai serrée tout contre moi un long moment, comme pour te protéger.— Ah si, tu as raison, je me rappelle, mais je ne me souvenais pas qu’il s’agissait de toi. Je n’ai jamais aimé danser. J’ai toujours été paniquée dans ce genre de situation.— En tout cas, je t’avais presque rassurée et tu avais bien failli accepter une autre danse. Pour moi, c’est un souvenir merveilleux, je me souviendrai toute ma vie de cette jolie jeune fille qui s’était blottie tendrement contre moi.— Pas si jolie que ça.— Tu étais belle comme un cœur et tu avais un sourire à faire craquer. Maintenant que je sais que tu es la meilleure amie de Lili, j’ai très envie de te connaître. Je suis certain que tu es une fille formidable. Et puisque Lili ne veut pas te présenter à moi, je te propose de passer une soirée en tête à tête tous les deux, pour que l’on apprenne à se connaître. Un de ces soirs, quand tu veux, Babe… je t’emmènerai dans un endroit sympa.— Je ne peux pas faire ça à Lili ! Je suis venue ici pour la voir.— Mais si je te dis que je suis fou amoureux de toi, est-ce que tu pourrais changer d’avis ?— Fou c’est possible, amoureux je ne sais pas, de moi tu dois te tromper. Et puis tu es le petit copain de ma meilleure amie !— Justement les amis de mes amis sont mes amis. Et tu lui ressembles tellement… Je suis autant épris du double que de l’original.— Elle est mille fois mieux que moi.— Tu es tout autant dans mon cœur. J’aime tes jolis yeux noirs. J’aime tes formes pleines et harmonieuses, j’aime ta candeur, j’aime ta fragilité, j’ai vraiment envie de te connaître, de passer une soirée avec toi. Je suis très attiré par toi.— N’insiste pas, c’est pas possible.— Mais si Lili était d’accord ou si Lili n’était plus là . Crois-moi, il faut vraiment que l’on se rencontre. Il y a des occasions dans la vie qu’il ne faut pas rater.— Mais tu ne me connais pas.— Justement, je ne demande que ça, à te connaître. Sais-tu qu’il m’est même arrivé de fantasmer sur toi ?— Mais enfin, pourquoi ?— Parce que tu me plais, parce que tu me plais énormément.C’est à ce moment précis que ce satané répondeur s’était mis à faire des siennes. Mais on sentait déjà Babeth sur le point de vaciller.La conversation avait encore duré une bonne dizaine de minutes. Il paraît que Damien l’avait ensuite salement chauffée et qu’elle avait fini par se laisser faire. Excitée comme une puce qu’elle était, paraît-il. L’envie de connaître le goût de ses baisers salés, l’excitation d’un amour de jeunesse.J’aurais bien aimé entendre le reste de la conversation. Comment s’y était-il pris et pourquoi avait-elle finalement succombé ? Peut-être avait-il simplement effacé cette dernière partie, pour ne pas me faire trop de peine.Dire que moi, pauvre cloche, j’étais arrivée au mauvais moment, au moment précis où elle était sur le point d’accepter ce satané rendez-vous.— Euh ! Excusez-moi, je suis obligée de raccrocher… (Là elle avait paniqué, elle avait raccroché en toute hâte, surprise par ma subite intrusion dans la pièce)— C’était qui ?— Oh personne, quelqu’un qui s’est trompé.— Ah bon ? Tu n’as pas l’air du tout dans ton assiette !— Ne t’inquiète pas, tout va bien.Mais la rougeur de ses joues trahissait son profond malaise. Aussi n’ai-je fait aucun commentaire, je l’ai simplement laissée mariner dans son jus.Par la suite, ses remords au restaurant avaient été pathétiques. Pathétiques et touchants. Du coup, il m’avait fallu improviser. Après tout, puisque aucun rendez-vous n’était encore fixé, j’allais en fixer un, moi, un rendez-vous. Et pas plus tard que tout de suite. Par moment il faut prendre le taureau par les cornes, sinon on tourne en rond.En ce qui me concerne, ce soir-là , je me suis payé un bon cinoche. J’étais particulièrement tranquille, sereine, heureuse. Ils étaient tous les deux et je n’avais aucune intention de les déranger, ni de m’immiscer dans leurs affaires.Attention, je ne dis pas que je n’aimerai pas un jour savoir, mais ça se fera dans un second temps, chacun me racontera sa propre version des faits… De toute façon, j’ai confiance aussi bien en l’un qu’en l’autre, car je sais qu’aucun des deux ne me trahira.Et puis, si je dois laisser ma place de temps en temps, ce n’est vraiment pas un problème. Mon chéri, moi, je l’ai tout le restant de l’année.