Je m’appelle Michel Marteau et j’exerce depuis plus de trente ans le mĂ©tier de dĂ©tective privĂ©. J’ai installĂ© mon cabinet Ă mon domicile, situĂ© dans un immeuble sans charme, mais plutĂ´t bien entretenu du quartier de Passy dans le 16e arrondissement de Paris.Comme dans bon nombre d’appartements parisiens anciens, un couloir dessert l’ensemble des pièces.Ă€ gauche en entrant, une cuisine spacieuse pouvant accueillir quatre convives, suivie d’une grande pièce Ă vivre qui me sert aussi bien de sĂ©jour que de bureau pour recevoir mes clients. Ă€ droite, une pièce pompeusement dĂ©nommĂ©e bibliothèque oĂą officie ma « secrĂ©taire », puis ma grande chambre et enfin les sanitaires.Je ne vais pas vous mentir. Ce n’est pas mon activitĂ© professionnelle qui m’a permis de m’installer dans ce quartier bourgeois. J’ai en effet hĂ©ritĂ© mon logement de mes grands-parents – aujourd’hui disparus – lorsqu’ils sont partis s’installer dans le Sud pour jouir de leur retraite.Car mes affaires sont loin d’être aussi reluisantes que je le souhaiterais. Et si je travaille assez pour payer mes charges, c’est parce que je pratique des tarifs extrĂŞmement raisonnables. Comme vous pouvez vous en douter, la plupart de mes missions concernent les affaires d’adultère. En complĂ©ment, j’ai parfois l’opportunitĂ© d’effectuer de la recherche de descendance pour le compte d’un notaire que je croise une Ă deux fois par mois lors de parties de tarot.Actuellement, c’est Conchita, une petite femme brune et enrobĂ©e de soixante-trois ans qui me tient lieu de « secrĂ©taire », ce qui est un bien grand mot pour qualifier l’activitĂ© que cette dame très gentille effectue pour mon compte.En fait, Conchita est l’ancienne concierge de l’immeuble. Je l’emploie depuis de nombreuses annĂ©es pour effectuer deux heures hebdomadaires de mĂ©nage chez moi et je sais que c’est une femme astucieuse et dynamique.Conchita a dĂ» prendre sa retraite il y a un an et lorsqu’elle m’a fait part de son souhait de trouver des petits boulots pour s’occuper et accessoirement amĂ©liorer sa maigre pension, je lui ai donc rapidement proposĂ© de la dĂ©clarer quelques heures de plus comme employĂ©e de maison si elle voulait bien assurer en Ă©change un service de secrĂ©tariat minimum.Jusque-lĂ , j’utilisais les services de sociĂ©tĂ©s spĂ©cialisĂ©es dans la gestion d’appels pour le compte des professions libĂ©rales. Mais je ne regrette pas d’avoir embauchĂ© Conchita bien que l’activitĂ© du poste justifie Ă peine un tout petit temps partiel. Car mon ex-concierge prend sa mission très Ă cĹ“ur et elle ne compte pas ses heures de prĂ©sence passant Ă©normĂ©ment de temps dans ma bibliothèque que JosĂ©, son mari, a arrangĂ© au mieux pour que Conchita remplisse sa mission dans les meilleures conditions.Et cette femme volontaire n’a effectivement pas Ă©tĂ© longue Ă endosser le rĂ´le de l’assistante dĂ©vouĂ©e chère aux romans policiers des annĂ©es 60.Elle a donc ressorti la robe noire qu’elle n’avait pas portĂ©e depuis sa première grossesse, ses escarpins en cuir verni rĂ©servĂ©s aux Ă©vĂ©nements religieux et elle a foncĂ© chez sa coiffeuse-maquilleuse attitrĂ©e pour arborer une magnifique choucroute couleur de jais et un rouge Ă lèvres vermillon assorti Ă ses ongles vernis. Le rĂ©sultat tient Ă la fois du bonhomme Michelin et de la Nana de Niki Saint-Phalle, mais je me suis bien gardĂ© de faire la moindre remarque Ă Conchita concernant son nouveau look.Ma secrĂ©taire dĂ©butante est en tout cas ravie de son nouveau statut. Ce qui semble avoir un effet particulièrement stimulant sur sa libido si j’en crois les commentaires que me font rĂ©gulièrement les rĂ©sidents vivant au-dessus de la loge que le couple continue Ă occuper jusqu’à la retraite de JosĂ©.Car celui-ci a en effet repris la fonction de sa femme après avoir mis fin sans regret Ă une longue et Ă©reintante carrière dans le bâtiment.Comme je l’ai laissĂ© entendre prĂ©cĂ©demment, Conchita fait beaucoup d’heures de prĂ©sence, mais elle ne croule pas sous le boulot. Elle passe donc pas mal temps sur le vieux PC que j’ai mis Ă sa disposition Ă amĂ©liorer sa maĂ®trise du traitement de textes et Ă surfer sur Internet.Un jour, en me rendant dans son « bureau », j’ai surpris Conchita focalisĂ©e sur l’écran de l’ordinateur sur lequel une animation de qualitĂ© mĂ©diocre montrait une femme nue et plantureuse agenouillĂ©e sur un homme allongĂ© tout aussi nu dont le pĂ©nis raide et plutĂ´t Ă©pais coulissait en boucle dans l’intimitĂ© de la dame.Cette scène m’étonna quelque peu et lorsque Conchita s’aperçut de ma prĂ©sence, elle devint toute rouge avant de se mettre Ă bafouiller.— Ce n’est pas ce que vous croyez, monsieur Michel… tenta-t-elle de m’expliquer, confuse.— Mais je ne crois rien, Conchita. Vous ĂŞtes une personne adulte. Vous faites les recherches qui vous semblent utiles sur Internet.— En fait, je profite de mes creux d’activitĂ© pour lire des Nouvelles, se justifia-t-elle. J’adore lire, vous savez.— Vous avez bien raison et c’est tout Ă votre honneur, Conchita. On n’est jamais assez instruit. Je suppose qu’on parle beaucoup d’amour dans les nouvelles que vous lisez sur ce site aux vidĂ©os fort Ă©vocatrices, lâchai-je après avoir examinĂ© la page avec attention.— C’est vrai. Mais moi, je ne lis que des beaux rĂ©cits Ă©rotiques, pas des histoires cochonnes mettant en scène des noirs qui couchent avec des femmes mariĂ©es pendant que leur mari les contemple en train de gĂ©mir avec un Ă©norme pĂ©nis dans le minou et un autre dans le derrière.— Vous pensez bien, Conchita, que jamais je ne pourrais imaginer une chose pareille de vous, rĂ©pondis-je alors sur un ton parfaitement hypocrite.— Je prĂ©fère nĂ©anmoins vous le dire, car mĂŞme si ce n’est pas votre cas, monsieur Michel, les hommes ont souvent l’esprit mal placĂ©.— Alors si ce ne sont pas les histoires cochonnes, qu’est-ce qui peut bien vous attirer sur ce site.— Eh bien, on y trouve de nombreuses publications rĂ©digĂ©es par des Ă©crivains cultivĂ©s et imaginatifs.— Vraiment ? Qu’entendez-vous par cultivĂ©s et imaginatifs ?— Eh bien, je pense notamment Ă une jeune femme qui propose rĂ©gulièrement de très belles histoires, pleines d’émotion, avec une belle intrigue policière et je me suis dit que les lire pouvait m’aider Ă devenir une secrĂ©taire plus efficace.— C’est une belle preuve de conscience professionnelle, Conchita. Et comment s’appelle donc cette brillante autrice ?— Laetitia, monsieur. Vous devriez lire ses rĂ©cits. Vous dĂ©couvrirez ainsi une dĂ©tective très brillante. En plus, c’est une jeune femme blonde très sĂ©duisante.— Qu’est-ce qui vous fait croire ça ? Si ça se trouve, votre Laetitia est en rĂ©alitĂ© un gros type chauve, retraitĂ© et libidineux qui se fait passer pour une beautĂ© blonde. Je suis bien placĂ© pour savoir qu’il ne faut pas se fier aux apparences, et sur Internet encore moins qu’ailleurs.— Je le dis parce que c’est la vĂ©ritĂ©, m’affirma avec conviction l’ex-bignole. Laetitia est sur le point de devenir une cĂ©lĂ©britĂ©. Elle a d’ailleurs reçu rĂ©cemment le Gourdin d’argent, lors d’une cĂ©rĂ©monie très mĂ©diatisĂ©e. Vous n’aurez donc aucun mal Ă trouver des photos de cette belle jeune femme sur Internet. D’autant qu’elle est dĂ©jĂ passĂ©e plusieurs fois Ă la tĂ©lĂ©vision rĂ©gionale.LĂ©gèrement dubitatif, mais nĂ©anmoins curieux de savoir ce que pouvait reprĂ©senter ce Gourdin d’argent vantĂ© par Conchita, je dĂ©cidai de mettre Ă profit une fin de journĂ©e particulièrement oisive pour en apprendre un peu plus sur cette Laetitia qui avait conquis l’estime de mon ex-concierge.Je commençai donc par visiter le site Ă©rotique de prĂ©dilection de Conchita. C’est ainsi qu’après avoir refusĂ© quelques propositions d’échanges virtuels avec d’accortes personnes fort peu vĂŞtues, je pus lire mon premier texte de Laetitia.J’avoue que malgrĂ© quelques gauloiseries distillĂ©es çà et lĂ , je suis très vite tombĂ© sous le charme de l’écriture alerte et non dĂ©nuĂ©e d’humour de la dĂ©nommĂ©e Laetitia, avant d’être dĂ©finitivement conquis par ses textes originaux au contenu circonstanciĂ© rempli de rĂ©fĂ©rences Ă©tayĂ©es.Tout cela me semblait effectivement tĂ©moigner d’une culture Ă©clectique loin de la superficialitĂ© Ă laquelle nous sommes malheureusement trop habituĂ©s par les temps qui courent.Cette personne avait donc une tĂŞte bien faite. Restait Ă savoir ce qu’il en Ă©tait de son corps. Et une fois de plus, je fus Ă©difiĂ© mĂŞme si je dus pour m’en convaincre me fourvoyer sur les pages numĂ©riques des magazines people. OĂą je pus notamment dĂ©couvrir Laetitia tenant sensuellement son Gourdin d’argent aux cĂ´tĂ©s de Jacques Sohn-FaĂŻve, son Ă©diteur, accessoirement PDG des Ă©ditions Emplomb.J’appris de la sorte et en un temps record, Ă©normĂ©ment de choses sur Laetitia, l’espoir montant de la littĂ©rature pour adultes, pour reprendre les propos de la presse spĂ©cialisĂ©e.Selon « Gras-là  », la jeune femme descendrait de la famille royale de Suède. Mais d’après « Poissy », le vĂ©ritable père de Laetitia serait un important homme politique de gauche aujourd’hui disparu. L’autrice aurait ainsi acquis sa passion pour l’écriture auprès de sa demi-sĹ“ur Sarazine.J’ai aussi appris en parcourant « Marine-France » que Laetitia a rĂ©cemment eu une aventure avec le jury de « The Voice ». Et lorsque je demandai Ă Conchita si elle Ă©tait au courant de cette passade et si elle connaissait le nom du membre concernĂ©, ma secrĂ©taire me rĂ©pondit simplement qu’il s’agissait du jury complet.Très vite, je fus donc subjuguĂ© par l’œuvre et la vie aventureuse de la belle Laetitia. Et bien sĂ»r, je ne tardai pas Ă lui envoyer quelques mails pour lui faire part de mon admiration, en lui glissant incidemment que j’étais dĂ©tective privĂ© et que si un jour, elle avait besoin des services d’un enquĂŞteur, je serais prĂŞt Ă la faire bĂ©nĂ©ficier de mes prestations haut de gamme Ă un tarif particulièrement avantageux.La jeune beautĂ© me remercia en rĂ©pondant poliment Ă mon courrier Ă©lectronique et je n’en entendis Ă©videmment plus parler. Du moins jusqu’à la semaine dernière.J’étais alors sur une enquĂŞte que m’avait confiĂ©e madame Martine P. qui comme la grande majoritĂ© de mes clientes soupçonnait son mari d’adultère.Madame P. m’avait expliquĂ© que Patrick, son Ă©poux depuis plus de trente-cinq ans, devait se rendre Ă une des sĂ©ances de dĂ©dicace organisĂ©es après la remise du Gourdin d’argent Ă Laetitia. Cette dernière avait en effet dĂ©cidĂ© de remercier quelques admirateurs triĂ©s sur le volet en signant personnellement l’exemplaire qu’ils avaient achetĂ© de son livre. Martine aurait normalement dĂ» accompagner son Ă©poux Ă la cĂ©rĂ©monie, mais une obligation familiale l’en avait empĂŞchĂ©e. Et ma cliente supposa, peut-ĂŞtre Ă raison, que cette absence constituait l’opportunitĂ© idĂ©ale pour permettre Ă Patrick de retrouver une Ă©ventuelle maĂ®tresse.Je possĂ©dais moi aussi la version originale de l’œuvre de Laetitia, mais je n’étais malheureusement pas conviĂ© Ă la fĂŞte et mes obligations professionnelles ce soir-lĂ me condamnaient Ă surveiller monsieur Patrick P. avec la plus grande discrĂ©tion.Je fus d’ailleurs Ă©tonnĂ© de voir mon « client » se prĂ©senter trois fois devant Laetitia pour qu’elle appose sa signature sur autant d’exemplaires de son livre.Conchita m’avait renseignĂ© sur les liens d’estime unissant Laetitia et Patrick qui publiait lui aussi rĂ©gulièrement sur les sites Ă©rotiques de prĂ©dilection de l’écrivaine, des textes fort apprĂ©ciĂ©s. Ma secrĂ©taire m’affirma aussi qu’il arrivait parfois Ă Patrick de collaborer avec la belle artiste.Mais je n’avais pas pour autant saisi l’intĂ©rĂŞt pour le mari de ma cliente de collectionner les exemplaires du recueil de nouvelles signĂ©s par son auteur, sinon pour assouvir une forme rarissime de fĂ©tichisme.Patrick ne participa pas au cocktail qui suivit la dĂ©dicace. En effet, il s’éclipsa juste après que Laetitia eut dĂ©dicacĂ© le troisième exemplaire de son livre et bien Ă©videmment, je lui emboĂ®tai discrètement le pas.Le sĂ©duisant sexagĂ©naire s’engouffra dans la bouche de mĂ©tro la plus proche pour sortir vingt minutes plus tard Ă la station Goncourt. Une fois dehors, je le vis se diriger vers un immeuble situĂ© Ă quelques centaines de mètres de lĂ .Et je dĂ©cidai donc d’attendre patiemment dans le bar en face que le gaillard daigne ressortir du bâtiment.Quelle ne fut pas ma surprise de voir Patrick rĂ©apparaĂ®tre une heure plus tard accompagnĂ© d’une jeune femme avenante, vĂŞtue d’une robe courte au dĂ©colletĂ© profond et fort bien rempli.Comme les deux tourtereaux prirent le temps d’échanger un baiser torride avant de se sĂ©parer, je pus quitter tranquillement le bar et lorsque la jeune personne me croisa après avoir laissĂ© son amant, j’eus la surprise d’apercevoir le prĂ©nom Patrick tatouĂ© sur son avant-bras.Je laissai la fille s’éloigner avant d’entamer une filature discrète du sĂ©ducteur grisonnant.Alors que je me rapprochais de plus en plus, son portable se mit Ă sonner. Le mari volage s’immobilisa pour rĂ©pondre.Lorsque je suis en mission, je ne sors jamais sans mon discret micro directionnel Bluetooth. Je m’en servis donc une fois de plus pour Ă©couter Ă loisir Patrick Ă©changer avec son correspondant et la teneur de la conversation ne me laissa aucun doute sur leur niveau d’intimitĂ© mĂŞme si je ne pouvais entendre la voix de la personne Ă l’origine de l’appel.— Bonsoir Jessica. J’allais t’appeler, ma chĂ©rie. Je viens de quitter la sĂ©ance de dĂ©dicace de Laetitia et je devrais ĂŞtre chez toi pour t’apporter ton exemplaire d’ici une petite demi-heure.Il ne manque pas d’aplomb le mec ! pensai-je alors, lĂ©gèrement estomaquĂ©, pendant que Patrick Ă©coutait sa correspondante s’exprimer.Les propos qui suivirent me sidĂ©rèrent encore plus :— Mais bien sĂ»r que je vais lui dĂ©foncer son petit cul Ă ma jolie salope ! Crois-moi, mon cĹ“ur, tu vas prendre cher !Après avoir Ă©coutĂ© la dernière rĂ©plique de Jessica, Patrick eut un petit rire puis il remit son tĂ©lĂ©phone dans sa poche.Je pris le temps de remettre de l’ordre dans mon esprit perturbĂ© et de ranger mon gadget dans la poche de ma veste. Puis je me dirigeai d’un pas assurĂ© vers le fougueux Ă©poux de ma cliente estimant que c’était le bon moment pour me faire connaĂ®tre. Je dĂ©cidai nĂ©anmoins dans un premier temps de n’aborder avec Patrick que sa relation avec la jeune femme tatouĂ©e.— Bonjour, Patrick, lâchai-je alors en me plaçant face Ă mon interlocuteur, ce qui eut pour effet de lui faire interrompre sa marche en me fixant avec surprise. Vous avez bien de la chance. La jolie jeune femme que j’ai croisĂ©e il y a quelques minutes a l’air fort Ă©prise de vous. Elle a mĂŞme fait tatouer votre prĂ©nom sur son avant-bras.Monsieur P. me regarda avec un visage peu amène avant de rĂ©pondre.— D’abord, je ne vois pas en quoi ça vous regarde. Secundo, Cindy est juste une grande fan de la tĂ©tralogie « Camping », et tertio, je ne me souviens pas que nous ayons Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s.— En effet, Patrick. Mais malgrĂ© cela, je vous connais un peu. J’ai notamment pu parcourir et apprĂ©cier votre Ĺ“uvre plutĂ´t leste sur divers sites Ă©rotiques. Mais surtout, Martine, votre ravissante Ă©pouse m’a engagĂ© pour s’assurer que vous ne lui cachez pas quelques pĂ©ripĂ©ties de votre existence.Patrick devint tout pâle.— Je ne vais pas vous jeter la pierre. Je conçois que Cindy puisse constituer un dĂ©licieux Ă©lixir de jouvence pour un homme alerte flirtant avec la soixantaine, mais je doute que cette relation soit du goĂ»t de votre femme.Le gaillard grisonnant me gratifia d’une moue contrariĂ©e.— Et que penserait de votre comportement Jacques du Canada qui, comme nous le savons tous les deux, a des opinions bien arrĂŞtĂ©es sur les obligations imposĂ©es aux membres des couples respectables et aux Ă©crivains dignes d’estime.En voyant Patrick blĂŞmir un peu plus, je compris que mon coup avait portĂ©, car je me doutais bien que Martine pardonnerait n’importe quel Ă©cart Ă son mari adorĂ© et pour cette raison, je ne voyais pas l’intĂ©rĂŞt de faire de la peine Ă ma charmante cliente en lui rĂ©vĂ©lant les « petites » infidĂ©litĂ©s de son chĂ©ri.En revanche, je savais bien que si Patrick perdait la considĂ©ration du redoutable et redoutĂ© critique, sa carrière d’auteur Ă©tait dĂ©finitivement compromise.Alors que je laissais le temps au bouillant retraitĂ© de rĂ©flĂ©chir Ă ce que je venais de lui dire, je m’aperçus qu’il n’avait plus que deux exemplaires du livre dĂ©dicacĂ© sous le bras.— Je comprends mieux pourquoi vous vous ĂŞtes prĂ©sentĂ©s trois fois lors de la sĂ©ance de dĂ©dicace de Laetitia. C’était pour offrir un des exemplaires Ă votre amie Cindy. Mais du coup, s’il y en a un pour votre maĂ®tresse et un pour vous Ă qui est destinĂ© le troisième ?Je venais bien sĂ»r d’apprendre que, outre Cindy, Patrick montrait aussi beaucoup d’affection Ă une certaine Jessica, mais j’étais curieux de savoir ce que le Casanova des histoires de cul allait me fournir comme explication.Son silence en disait plus qu’un long discours et je ne pus m’empĂŞcher d’éclater de rire avant de jouer franc jeu.— Ce que j’ai dĂ©couvert ces dernières heures me donne l’impression que vous avez dĂ©cidĂ© d’échanger votre femme de cinquante ans contre deux de vingt-cinq. J’admire votre tempĂ©rament plutĂ´t rare chez un homme de votre âge. Mais je ne suis pas sĂ»r que votre charmante Ă©pouse partage mon enthousiasme.Patrick resta coi en me considĂ©rant avec effarement. Le coco Ă©tait mĂ»r pour l’estocade et je portai le coup fatal.— VoilĂ ce que nous allons faire : demain, j’expliquerai Ă Martine que vous avez eu ce soir un comportement exemplaire et vous allez en contrepartie mettre fin dès maintenant Ă vos relations extra-conjugales et, en remerciement de mon silence, m’offrir le troisième exemplaire dĂ©dicacĂ© du livre de Laetitia.J’accompagnai alors un Patrick tout penaud dans le bar le plus proche oĂą le mari volage fit exactement ce que je lui avais demandĂ© avant d’aller retrouver sa femme la queue basse et, du moins l’espĂ©rai-je, le cĹ“ur plus lĂ©ger.Je ne peux pas dire que j’étais particulièrement fier de la manière dont j’avais traitĂ© cette affaire, mais j’avais le sentiment d’avoir sauvĂ© un couple emblĂ©matique et, cerise sur le gâteau, j’avais pu enfin apercevoir pour la première fois de ma vie la merveilleuse Laetitia en chair et en os. Bien que la distance qui nous sĂ©parait Ă cette occasion fĂ»t consĂ©quente, le simple fait d’y repenser suffisait Ă faire apparaĂ®tre des papillons devant mes yeux et une certaine raideur dans mon caleçon.#########Quelques jours plus tard, je vois Conchita entrer rouge d’excitation dans mon sĂ©jour-bureau.— Que vous arrive-t-il, ma chère ? Vous avez l’air toute retournĂ©e ; l’exhibitionniste du troisième vous aurait-il Ă nouveau montrĂ© sa queue ?— Pas du tout, Monsieur Michel. Madame S., votre rendez-vous du matin vient juste d’arriver.— Très bien et alors ? C’est sa ponctualitĂ© qui vous trouble Ă ce point ?— Pas du tout ! Mais figurez-vous que madame S. N’est autre que l’écrivaine Laetitia.J’encaisse le choc Ă mon tour puis je demande Ă Conchita de faire patienter la jeune femme une ou deux minutes avant de la conduire dans mon repère.Lorsque Laetitia pĂ©nètre dans la pièce, juchĂ©e sur une paire de sandales Jimmy Shoo aux talons dĂ©mesurĂ©s, vĂŞtue d’un tailleur Chanel Ă la fois Ă©lĂ©gant et sexy, je tombe littĂ©ralement sous le charme de cette beautĂ© italo-scandinave.Le sourire discret, mais satisfait de ma visiteuse me fait comprendre qu’elle n’est pas mĂ©contente de l’effet produit sur ma personne.Cette trentenaire blonde au visage angĂ©lique et volontaire est sans aucun doute la plus sublime femme qu’il m’ait Ă©tĂ© donnĂ© de rencontrer tout au long de mon existence et bien sĂ»r je tombe immĂ©diatement amoureux d’elle au moment mĂŞme oĂą je la salue les yeux embuĂ©s d’émotion.— Ravi de vous conrentrer madame ! Coulez-vous un vafé ? je demande alors en proie Ă un trouble que je n’avais plus connu depuis mes annĂ©es de pubertĂ© acnĂ©ique.— Je prendrai volontiers un espresso lĂ©gèrement corsĂ© sans sucre avec une noisette de lait, s’il vous plaĂ®t, lâche alors Laetitia d’une voix cristalline qui me file la chair de poule.— What else ? Euh… bien sĂ»r ! je rĂ©ponds avant de hĂ©ler ma secrĂ©taire :— Conchita ! vous voudrez bien prĂ©parer une tasse de colombien spĂ©cial numĂ©ro 8 pour madame S. avec un soupçon de lait de chèvre.— C’est plus digeste, dis-je en m’adressant Ă la femme sublime qui me fait face.Après avoir pris acte du consentement de Conchita, j’invite ma future cliente Ă s’asseoir.— Je vous prie de vous installer confortablement dans ce fauteuil et de m’exposer l’objet de votre visite.Laetitia sort alors avec une grâce exquise une feuille de papier format A4 de son sac Kelly en crocodile avant de me la tendre et de me prĂ©ciser :— Ce feuillet est une copie. La police a l’original ainsi que l’enveloppe Ă fenĂŞtre qui le contenait et que le facteur a dĂ©posĂ©e dans ma boĂ®te aux lettres la semaine dernière.Avant que je commence la lecture du document, Conchita se prĂ©sente avec un petit plateau pour apporter les deux cafĂ©s et quelques mignardises. Je la remercie avant de dĂ©clarer Ă Laetitia :— Ma secrĂ©taire est l’une de vos plus grandes admiratrices. C’est d’ailleurs elle qui m’a fait dĂ©couvrir vos Ĺ“uvres.L’écrivaine sourit alors Ă Conchita et lui dit :— Si vous avez un exemplaire de mon livre, je vous le dĂ©dicacerai avec plaisir.— J’en serai ravie, dĂ©clare Conchita avant de retourner dans son bureau bibliothèque pour rĂ©cupĂ©rer le fameux bouquin et le prĂ©senter Ă Laetitia.La jeune femme sort un luxueux stylo Montblanc en or de son sac et ouvre le recueil que lui tend son admiratrice.Je la vois sourciller avant de m’adresser la parole :— Comment se fait-il que vous disposiez d’un livre que j’ai dĂ©jĂ dĂ©dicacĂ© Ă mon ami Patrick P.Je pâlis lĂ©gèrement. Conchita s’est trompĂ© d’exemplaire. Au lieu de prendre celui que j’ai achetĂ©, elle a apportĂ© le livre que m’a remis Patrick en Ă©change de mon silence sur ses incartades.J’invente une explication vaseuse pour justifier ma possession du recueil paraphĂ©.— Il se trouve que j’ai rencontrĂ© rĂ©cemment votre ami et qu’à la suite d’un jeu un peu stupide, il s’est vu dans l’obligation de me le cĂ©der.Conchita reprend aussitĂ´t le bouquin et va rĂ©cupĂ©rer l’exemplaire vierge pour obtenir sa dĂ©dicace. Puis elle s’éclipse nous laissant entrer dans le vif de l’affaire.Laetitia n’a pas pris soin de masquer son adresse sur la copie du document. Son domicile, situĂ© 69 rue Thierry-Ardisson 75021 Paris, m’indique qu’elle vit dans le quartier prisĂ© par les Ă©crivains Ă la mode.Cette observation faite, je me mets Ă lire le texte pour le moins imagĂ© imprimĂ© sur la feuille :Sale gouine, on t’accorde dix jours pour retourner dans ton pays de bouffeurs de rennes. Si tu n’obtempères pas, on te fera passer dĂ©finitivement le goĂ»t de la tarte Ă poil et on plantera ton Gourdin d’argent dans ton gros cul jusqu’à ce que les deux soient soudĂ©s.En bas de la page apparaĂ®t un paraphe en caractères italiques gras :La Ligue pour la Garantie de la BiensĂ©ance et des TraditionsJe jette un coup d’œil discret au bassin de Laetitia avant de m’exprimer.— J’ai l’impression que votre correspondant est un piètre observateur. En ce que me concerne, je trouve votre cul parfait. D’autre part, je n’avais jamais entendu parler de cette LGBT avant aujourd’hui.— Moi non plus. Et d’après le Renseignement IntĂ©rieur, cette association est inconnue au bataillon.— Je constate qu’il ne vous reste plus que trois jours pour faire vos bagages si j’en juge par la date inscrite sur le courrier. Vous m’avez laissĂ© entendre que vous avez dĂ©posĂ© une plainte auprès de la police. Y’a-t-il eu enquĂŞte ? Avec quels rĂ©sultats ?— Oui et non ! J’ai une amie très proche qui est commissaire principale, ce qui a contribuĂ© au dĂ©clenchement immĂ©diat des investigations, mais les analyses d’empreintes et d’ADN n’ont rien donnĂ©. Et la lettre a Ă©tĂ© postĂ©e il y a une semaine dans une boĂ®te aux lettres du dix-neuvième arrondissement de Paris Ă©loignĂ©e de toute camĂ©ra de vidĂ©osurveillance.Je rĂ©flĂ©chis un court instant avant de m’adresser Ă ma future cliente :— Je suis flattĂ© que vous m’ayez sollicitĂ©. Je suppose qu’avec les droits de votre livre, vous auriez pu opter pour une agence plus prestigieuse.Laetitia baisse les yeux une fraction de de seconde avant de rĂ©pondre :— Si vous connaissez un peu mon Ĺ“uvre, vous savez qu’il m’arrive de jouer au poker. Et disons que ces derniers temps, j’ai quelque peu manquĂ© d’inspiration. Sans ce fâcheux revers, vous pensez bien que j’aurais fait appel Ă un vrai professionnel.— Je vous remercie pour votre confiance, je rĂ©ponds alors en faisant la grimace.Mon air contrariĂ© fait sourire Laetitia.— Allons ! ne vous vexez pas. Avant de venir vous voir, je me suis lĂ©gitimement renseignĂ©e sur votre cabinet. A priori, votre spĂ©cialitĂ©, c’est plutĂ´t les maris volages et les employĂ©es de maison kleptomanes. Je n’ai pas l’impression qu’on ait dĂ©jĂ fait appel Ă vous pour des affaires criminelles. Mais comme je vous l’ai expliquĂ©, je suis un peu prise de court et si je me souviens bien, vous m’aviez Ă©crit dans un mail que je pouvais compter sur vous en cas de besoin.J’acquiesce avant de la laisser poursuivre :— D’autre part, je n’ai pas l’impression que vous crouliez sous le travail. Donc si vous ĂŞtes disponible, je suis prĂŞte Ă vous engager pour les trois prochains jours afin que vous m’aidiez Ă identifier l’auteur de la lettre de menace et que nous puissions, si nĂ©cessaire, le dĂ©noncer preuves Ă l’appui Ă la police.J’examine un court moment le visage angĂ©lique de Laetitia avant de me prononcer. Et lorsque je sens un soupçon d’érection gagner l’intĂ©rieur de mon caleçon, je dĂ©clare :— C’est d’accord, vous me versez 50 % de la prestation maintenant et le reste lorsque ma mission de trois jours sera terminĂ©e.Puis j’ajoute magnanime :— Et comme c’est mon jour de bontĂ©, si vous avez quelques soucis de trĂ©sorerie, nous devrions pouvoir trouver un arrangement pour le règlement du solde.Laetitia me regarde lĂ©gèrement incrĂ©dule avant de dĂ©clarer dans un grand sourire :— Il ne faut pas croire non plus tout ce que j’écris. Ce n’est pas parce que certaines de mes hĂ©roĂŻnes règlent leurs affaires en payant de leur personne que je procède de cette manière dans la vraie vie. Et puis de toute façon, inutile de fantasmer, vous n’êtes pas du tout mon genre. Voyez-vous, moi je raffole des grands Blacks avec des grosses bites.Son aveu provoque aussitĂ´t l’arrivĂ©e de sang dans mes joues et dans ma queue donnant de fait un coup de fouet Ă©nergique Ă ma gaule naissante.Je profite donc brièvement de cette excitation aussi soudaine qu’agrĂ©able avant de me dĂ©fendre avec virulence d’avoir pu seulement oser envisager le moindre paiement en nature d’une partie de mes honoraires.Ce qui n’empĂŞche nullement Laetitia, quelque peu sidĂ©rĂ©e par mes dĂ©nĂ©gations faussement offusquĂ©es, de partir dans un formidable Ă©clat de rire dĂ©versant de ce fait une douche glaciale qui me fait dĂ©bander Ă vitesse supersonique.Je suppose qu’on a tous connu ça un jour ou l’autre :Alors que je touche au Nirvana faisant face Ă la personne la plus merveilleuse qui soit, mon fantasme absolu, symbole ultime de mon idĂ©al fĂ©minin, un Ă©vĂ©nement sordide et inattendu vient briser le charme divin qui embrase tout mon ĂŞtre.Et je n’aurais sans doute pas Ă©tĂ© plus dĂ©sappointĂ© si, Ă ce moment-lĂ , Laetitia m’avait montrĂ© sa bite.Évidemment, la blonde sublime n’a pas lâchĂ© une longue caisse sonore et nausĂ©abonde. Mais bien pire, elle a ri Ă gorge dĂ©ployĂ©e : un son long et strident entre ricanement d’hyène lubrique et barrissement d’élĂ©phant asthmatique.Et une tristesse infinie m’envahit alors que le rire dĂ©primant semble ne jamais vouloir cesser.Je sais bien que femme qui rit est Ă moitiĂ© dans ton lit, mais moi je ne serais pas sĂ»r d’y ĂŞtre si jamais ce bien hypothĂ©tique Ă©vĂ©nement devait se produire un jour.Lorsqu’enfin la furtive Ă©lue de mon cĹ“ur rĂ©cupère sa jolie voix de cristal, elle ne me tient pas rigueur de ma tentative grossière d’abus de faiblesse financière et valide ma proposition de facturation m’assurant que son compte en banque est suffisamment bien garni pour rĂ©gler le solde de ma prestation lorsqu’elle aura pris fin.J’appelle donc Conchita, ma secrĂ©taire, et lui demande d’éditer Ă l’attention de madame Laetitia S., un contrat de prestation de service avec obligations de moyens au tarif journalier habituel, frais non inclus, avec remise exceptionnelle de 10%.— Permettez-moi de vous accorder cette petite ristourne qui, je l’espère, vous conduira Ă me recommander Ă vos relations lorsque j’aurai brillamment rĂ©solu votre affaire.— Je vous remercie pour ce geste commercial que j’apprĂ©cie, mais je vous trouve plutĂ´t optimiste, dĂ©clare alors Laetitia avec une moue dubitative. Les gens qui m’ont envoyĂ© ce courrier ont fait preuve d’une grande prudence et je ne suis pas aussi sĂ»re que vous que nous pourrons les identifier rapidement et facilement.— Nous verrons bien. Dans un premier temps, je vous propose de rĂ©flĂ©chir aux personnes qui pourraient vous en vouloir suffisamment pour vous adresser une lettre comme celle que vous venez de me montrer. Je suppose que vous n’avez pas l’habitude de communiquer vos coordonnĂ©es personnelles Ă n’importe qui.— Pas plus que mon vĂ©ritable patronyme d’ailleurs, me confirme Laetitia.— Pourtant ce sont bien vos noms et prĂ©noms qui apparaissent sur l’en-tĂŞte de la lettre que vous m’avez montrĂ©e.— En effet.— Ce qui devrait nous permettre de rĂ©duire significativement la liste des suspects si on exclut votre employeur, votre banquier, votre contrĂ´leur des impĂ´ts, vos parents proches et vos amis…Je me rĂ©tracte aussitĂ´t :— Finalement exclure vos amis est peut-ĂŞtre une mauvaise idĂ©e. Car comme disait Voltaire : « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge ». Vous pouvez bien sĂ»r aussi ĂŞtre victime d’un dĂ©sĂ©quilibrĂ© qui vous aurait reconnue et suivi discrètement jusqu’à votre domicile.— Ce qui fait malgrĂ© tout pas mal d’auteurs potentiels mĂŞme si je suis beaucoup moins connue que mon homonyme, la veuve de l’ex-idole des jeunes, admet Laetitia.— Certes, mais mĂŞme si ces personnes ne goĂ»tent guère votre mode de vie, je ne vois pas bien l’intĂ©rĂŞt qu’ils pourraient avoir Ă vous harceler de la sorte. Ă€ moins que…— À moins que quoi ?— À moins que nous ayons affaire Ă un psychopathe pervers. Et là …— Et lĂ quoi ? s’exclame Laetitia, lĂ©gèrement irritĂ©e.Je me mets alors Ă gamberger avant de reprendre la parole :— Pour vous qui ĂŞtes une fine linguiste, « psychopathe pervers », c’est un plĂ©onasme ou une tautologie ?Laetitia me regarde les yeux ronds :— Vous ĂŞtes sĂ»r que vous allez bien ? Vous me filez la trouille en me disant que j’ai un psychopathe Ă mes basques et après vous me faites un cours de rhĂ©torique. Je vais finir par regretter d’avoir fait appel Ă vous.— Ah, c’est agaçant…— Qu’est-ce qui vous agace ? s’énerve Laetitia.— Peu importe. Revenons Ă nos moutons. Pensez-vous que certaines personnes aient pu ĂŞtre jalouses qu’on vous ait attribuĂ© le Gourdin d’argent ?— Il y a sans doute quelques déçus, mais de lĂ Ă m’envoyer une lettre aussi agressive, je n’y crois pas trop.— MĂŞme parmi le petit groupe d’auteurs si prompts Ă louer vos Ă©crits ? Votre ami Patrick P., par exemple, n’est peut-ĂŞtre pas aussi franc du collier qu’il veut bien le laisser croire.Laetitia lâche un rire amer :— Vous parlez de Patrick lĂ , la crème des hommes qui avec sa femme Martine, forment le couple idĂ©al et indestructible.— Mouais, on ne se mĂ©fie jamais assez des apparences.Laetitia hausse les Ă©paules.— Et votre amie hyper sexuelle ! Elle n’aurait pas une bonne raison de vous en vouloir ? Vous ĂŞtes une femme jeune et brillante, extrĂŞmement sĂ©duisante de surcroĂ®t, de quoi agacer n’importe quelle rivale d’autant plus que d’après ce que j’ai compris, son permissif Ă©poux a Ă©normĂ©ment de relations.— Et ce critique, Jacques du Katanga, il me semble plutĂ´t virulent et quelque peu psychorigide. Il pourrait fort bien dĂ©sapprouver votre mode de vie.— Je suppose que vous parlez de Jacques du Canada, rĂ©pond Laetitia.— Si vous voulez.— Inutile d’énumĂ©rer tous mes admirateurs, lâche alors Laetitia lĂ©gèrement agacĂ©e. D’une part, je n’ai nullement l’intention de passer le reste de la journĂ©e dans votre bureau et d’autre part, vous perdrez votre temps en les soupçonnant. Penser que leurs compliments Ă mon Ă©gard puissent ĂŞtre feints, relève du domaine de l’élucubration pure.— Soit. RĂ©flĂ©chissons un peu : outre un jaloux, qui peut vous en vouloir suffisamment pour vous menacer avec tant de violence ?• un(e) amant(e) Ă©conduit(e),• la victime d’un Ă©vĂ©nement que vous auriez involontairement provoquĂ©,• un psychopathe, bien sĂ»r.Je fais une pause avant de reprendre mon exposĂ©.— ConsidĂ©rons la première catĂ©gorie. Avez-vous rĂ©cemment mis fin Ă une relation intime ?Avant que Laetitia ait eu l’opportunitĂ© de me rĂ©pondre, je lui fais part de mon inquiĂ©tude naissante :— Franchement, je vous avoue que je serais plus rassurĂ© si vous Ă©vitiez de rentrer chez vous dans les jours qui viennent. Votre corbeau connaĂ®t votre adresse et il est peut-ĂŞtre dangereux. Ça m’ennuierait qu’il vous arrive quelque chose avant que vous m’ayez rĂ©glĂ© le solde de ma prestation. Vous avez peut-ĂŞtre de la famille proche Ă Paris qui pourrait vous hĂ©berger. J’exclus vos amis, car c’est peut-ĂŞtre un d’eux qui est Ă l’origine de ce micmac.— Malheureusement non, je n’ai pas de famille en Ă®le-de-France. Et puis vous pensez vraiment que je cours un risque ? Si quelqu’un avait voulu me faire du mal, je pense qu’il aurait dĂ©jĂ agi.— Croyez-moi, mĂŞme chez les fĂŞlĂ©s, il y a une certaine Ă©thique. On vous a laissĂ© dix jours pour plier bagage. Il n’y a pas de raison que le marchĂ© soit dĂ©noncĂ© sauf…— Sauf ? s’inquiète Laetitia.— Sauf si vous ĂŞtes suivie et que l’on a compris que vous ĂŞtes venue me voir.— J’imagine que si c’est le cas, mon suiveur doit ĂŞtre complètement paniquĂ©, lâche Laetitia avec perfidie.J’ignore le sourire narquois de la magnifique blonde et la laisse poursuivre sans ciller.— Vous pensez que je devrais prendre une chambre Ă l’hĂ´tel ? demande-t-elle malgrĂ© tout.— Dans votre situation, je vous dĂ©conseille de dĂ©penser de l’argent inutilement. En revanche, je peux vous inviter Ă rĂ©sider chez moi quelques jours, et ce, bien sĂ»r, sans vous facturer de supplĂ©ment d’honoraires.— Ah bon ? vous disposez d’une chambre d’amis ?— Non, mais j’ai un très grand lit.Laetitia Ă©clate de rire. Ma mine fortement renfrognĂ©e m’évite de subir un nouveau hurlement d’hyène castrĂ©e.Laetitia redevient sĂ©rieuse en rĂ©pondant Ă une de mes interrogations :— Vous me demandiez plus tĂ´t si je n’avais pas mis fin Ă une relation compliquĂ©e. En effet, il y a quelques semaines, peu avant la remise du Gourdin d’argent, j’ai rompu avec Sven. Je n’ai pas apprĂ©ciĂ© de le surprendre un soir en train de se faire sucer par un ami que je venais de lui prĂ©senter alors que je me trouvais dans ma cuisine en train de prĂ©parer un plateau apĂ©ritif.— Avez-vous parlĂ© de cette rĂ©cente rupture Ă la police ?— Non je n’ai pas voulu attirer davantage d’ennuis Ă Sven estimant que notre sĂ©paration Ă©tait une punition suffisante pour ce pauvre type.Je m’accorde un moment de rĂ©flexion avant de me prĂ©occuper Ă nouveau de la sĂ©curitĂ© de ma cliente.— Avez-vous dĂ©jĂ dĂ©fini votre planning de la journĂ©e ?— J’ai en effet planifiĂ© quelques rendez-vous cet après-midi.— Bien, comme je vous l’ai dit, il faut Ă©viter Ă tout prix que vous puissiez vous retrouver isolĂ©e et constituer ainsi une cible pour un Ă©ventuel agresseur.Laetitia soulève un sourcil avant que je poursuive :— VoilĂ ce que je vous propose. Vous allez me communiquer une liste de contacts susceptibles de connaĂ®tre votre adresse avec leur activitĂ© et les Ă©lĂ©ments d’information dont vous disposez sur ces gens : numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone, adresse, etc. Je transmettrai ces informations Ă mes correspondants bien placĂ©s qui pourront m’en apprendre un peu plus sur la personnalitĂ© et les activitĂ©s des individus que vous m’aurez indiquĂ©s. Dans un second temps, vous allez me fournir un planning et un itinĂ©raire dĂ©taillĂ©s de vos activitĂ©s pendant les trois prochains jours. Ensuite je vous laisserai vaquer, mais je resterai discrètement Ă proximitĂ© de vous pour m’assurer que personne ne vous suit Ă un moment ou un autre. Enfin, ce soir, je vous raccompagnerai Ă votre domicile pour m’assurer que vous n’y risquez rien et vous vous claquemurerez chez vous jusqu’à demain matin en Ă©vitant bien sĂ»r d’ouvrir votre porte Ă qui que ce soit.— Rien que ça ? C’est bon ? Vous avez terminé ? demande Laetitia quelque peu agacĂ©e.Je reste calme et courtois avant de rĂ©pondre :— Vous m’avez engagĂ© pour vous aider Ă identifier la personne ou le groupe qui vous menace. Je pense que la première chose est de vous protĂ©ger contre ce risque potentiel.Laetitia me considère avec une lĂ©gère lueur de reconnaissance qui m’encourage Ă poursuivre :— Il serait bon que vous contactiez votre ex-petit ami et que nous lui rendions ensemble une petite visite. Le plus tĂ´t serait le mieux, si possible aujourd’hui ou demain. Nous verrons ensuite si nous avons de nouveaux Ă©lĂ©ments. Et je vous renouvelle ma proposition de venir vous installer chez moi si je pense que vous ĂŞtes en danger après nos investigations du jour.La magnifique blonde me fixe de ses yeux azur et je ne peux rĂ©primer l’érection qui en dĂ©coule presque immĂ©diatement.Bon ! pas de panique, je ne porte pas de jean moulant et mon caleçon fait une taille de trop ce qui devrait me permettre de conserver malgrĂ© tout un semblant de dignitĂ©.Tout en faisant passer sensuellement sa langue sur ses lèvres pulpeuses, Laetitia retire alors sa veste, puis ouvre largement son chemisier me dĂ©voilant impudemment son soutien-gorge dĂ©licat dont elle fait jaillir ses seins ronds en les saisissant Ă pleines mains avant de diriger leurs pointes orgueilleuses vers mon visage…— Ohé ! monsieur Marteau ! Revenez avec nous ! crie une voix qui m’oblige Ă rouvrir les yeux.Ce n’est autre que Laetitia qui m’interpelle en me fixant d’un regard inquiet. Comment a-t-elle pu se rhabiller aussi vite ?— DĂ©solĂ© dis-je alors. Je rĂ©flĂ©chissais intensĂ©ment.Finalement, Laetitia se laisse convaincre et accepte ma demande de reprendre contact avec Sven.— Mettez le haut-parleur s’il vous plaĂ®t que je puisse profiter de la conversation.L’ex-petit ami Ă©conduit dĂ©croche Ă la troisième sonnerie.— Bonjour, Laetitia, attaque le type sur un ton peu amical. Quel mauvais vent te pousse Ă m’appeler aujourd’hui après le coup pendable que tu m’as fait ?Je sens que ma cliente est sur le point de lâcher une rĂ©partie qui risque de mettre fin prĂ©maturĂ©ment Ă l’échange et je pose ma main droite sur son bras en lui faisant un geste d’apaisement de la gauche. La belle blonde parvient Ă se maĂ®triser contrairement Ă moi dont le simple contact avec son bras dĂ©licat me file illico une trique embarrassante malgrĂ© l’épaisseur de la luxueuse Ă©toffe de son tailleur Chanel.La belle blonde salue son correspondant avant de lui exposer le motif de son appel :— Écoute ! Je suis dĂ©solĂ©e pour ce qui s’est passĂ© et je voudrais me faire pardonner en t’invitant Ă prendre un verre au Petit Turfiste.— Tu es sĂ»re que tu te sens bien ? demande alors Sven. T’es quand mĂŞme gonflĂ©e. Tu ne m’as plus donnĂ© de nouvelles depuis qu’on t’a attribuĂ© le Gourdin d’argent alors que c’est quand mĂŞme grâce Ă mon rĂ©cit « les vacances terriennes d’un sodomite vĂ©nusien » que tu as Ă©tĂ© nominĂ©e pour le prix. Et voilĂ que tu me rappelles comme une fleur comme si tu avais eu un comportement exemplaire avec moi. Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu es en panne d’inspiration ?Cette rĂ©vĂ©lation me fait dĂ©bander aussi sec. Mais la suite de l’échange me redonne très vite de la vigueur.— Tu oublies la petite pipe que t’a prodiguĂ©e Helmut dans mon salon, rĂ©torque Laetitia.— DĂ©solĂ© de ne pas t’avoir attendue pour lancer les festivitĂ©s, mais c’est ton copain qui m’a sautĂ© dessus le premier et je me suis dit que ce serait mieux si j’avais la queue lubrifiĂ©e par sa salive avant de te sodomiser pendant que tu le suçais.Laetitia est de moins en moins Ă l’aise et ce n’est pas mon air effarĂ© qui la requinque. NĂ©anmoins, elle fait preuve d’un aplomb exceptionnel :— Je pense qu’il est temps de passer Ă autre chose et d’oublier nos petites querelles. J’ai envie de te faire une proposition qui je l’espère t’aidera Ă me pardonner.— Bon OK. Alors pour commencer, tu ne vas pas me payer un pot au « Petit Turfiste », mais un bon gueuleton au « Grand Vefour ». Le premier chef de rang est un copain ; il devrait nous trouver une table pour deux sans problème pour demain soir.Lorsque Laetitia accepte le deal,Je commence Ă m’inquiĂ©ter pour le règlement de mes honoraires.Alors qu’elle vient de mettre fin Ă l’échange, je ne me prive pas d’une remarque :— Je comprends mieux pourquoi vous avez omis de parler Ă la police de votre rupture rĂ©cente avec Sven.Laetitia se contente de hausser les Ă©paules avant que je lui expose mon plan :— Demain, vous irez au rendez-vous proposĂ© par votre ami et vous essaierez de le cuisiner subtilement pour savoir s’il a quelque chose Ă voir avec la lettre anonyme. Je vous attendrai Ă la sortie et si vous n’apprenez rien de tangible lors du dĂ®ner, ce sera alors Ă mon tour d’intervenir.Laetitia me fixe quelques secondes. Je soutiens son regard puis je me saisis de la feuille qu’elle m’a prĂ©sentĂ©e avant d’appeler Conchita.Lorsque ma secrĂ©taire entre dans mon salon-bureau, je lui tends le document et lui demande de constituer un nouveau dossier au nom de madame S. Et de l’accompagner dans son repère pour recueillir les informations sur ses contacts proches et son planning des jours Ă venir.Avant de me prĂ©parer pour sortir et accompagner discrètement Laetitia pendant le reste de la journĂ©e, j’appelle rapidement mon contact Ă la PP pour l’informer que ma secrĂ©taire lui transmettra prochainement par le canal habituel, une liste d’individus que je souhaiterais voir passer au « criblage ».Eon, pseudonyme sous lequel le numĂ©ro de ce correspondant est enregistrĂ© dans mon tĂ©lĂ©phone me confirme que je pourrai rĂ©cupĂ©rer les informations qui m’intĂ©ressent le lendemain et me rappelle de ne pas oublier ma petite contribution Ă l’association des Orphelins de la police.#########AllongĂ© dans le lit depuis plus d’une heure, je laisse mon esprit vagabonder pendant que Djamila, une ravissante infirmière Ă la peau d’ébène s’assure de ma position après avoir vĂ©rifiĂ© le maintien de ma minerve.— Vous devriez dormir, me dit-elle de sa voix chantante alors qu’elle s’apprĂŞte Ă quitter ma chambre pour rejoindre celle du patient voisin.Mais avant de franchir le seuil de la porte, elle se retrouve soudainement face Ă l’alter ego fĂ©minin de SĂ©bastien Chabal.Djamila ne peut Ă©touffer un cri de frayeur en dĂ©couvrant le bulldozer humain qui s’immobilise face Ă elle.La femme aux courts cheveux châtain coiffĂ©s en brosse a le physique d’une lanceuse de disque. La quarantaine rĂ©volue, elle est vĂŞtue d’un jean, d’une Ă©paisse chemise Ă carreaux, de baskets taille 43 et d’un blouson en cuir taille XXL.— Bonsoir m’sieur-dame ! lâche la quadragĂ©naire de sa voix tonitruante avant d’examiner avec un intĂ©rĂŞt non dissimulĂ© la plastique remarquable de la beautĂ© Ă la peau cuivrĂ©e qui lui fait face.En examinant le visage de l’arrivante, je comprends qu’elle se demande, comme je l’ai fait une demi-heure plus tĂ´t si la jeune infirmière noire est entièrement nue sous sa blouse.Un ange traverse la chambre pendant que la visiteuse se rince l’œil avant de se tourner vers moi.— Je suppose que vous ĂŞtes Michel Marteau ! dĂ©clare-t-elle en m’apostrophant du haut de son mètre 85.— En effet, dis-je en tendant la main Ă la femme qui me broie les doigts en me fixant d’un air suspicieux.Je parviens Ă extraire ma main de l’étau de chair avant de dĂ©clarer :— Vous devez ĂŞtre la commissaire Adèle Pettesec.— Tout Ă fait, mon joli, commissaire principale Adèle Pettesec, cheffe du Bureau Urbanisation et RĂ©gulation de la Police au ministère, se prĂ©sente-t-elle brièvement avant d’entamer son interrogatoire.— C’est bien vous qui m’avez appelĂ©e il y a cinquante-deux minutes pour m’avertir que ma grande amie Laetitia S. avait Ă©tĂ© enlevĂ©e sous vos yeux peu avant vingt-trois heures ?— Exactement, commissaire. Madame S. est passĂ©e Ă mon cabinet hier matin pour me faire part de la lettre de menaces qu’elle a reçue il y a un peu moins d’une semaine. Elle m’a ensuite engagĂ© pour que je l’aide Ă identifier l’auteur du courrier après m’avoir expliquĂ© qu’elle avait dĂ©posĂ© plainte Ă ce sujet et que grâce Ă vous, une enquĂŞte avait pu ĂŞtre diligentĂ©e dans les plus brefs dĂ©lais.— En effet, mais comme a dĂ» vous le dire Laetitia, les investigations ne nous ont fourni aucun indice, et l’enquĂŞte est pour l’instant suspendue.— C’est sans doute pour cette raison que votre amie a fait appel Ă mes services.— Et si j’en crois ce que vous dites, vous avez Ă©tĂ© incapable de la protĂ©ger cette nuit.J’encaisse avant de rĂ©pondre :— C’est exact : je n’ai pas fait mieux que la police.La commissaire hausse les Ă©paules avant de me gratifier d’un sourire crispĂ©Â :— Écoutez Marteau, je ne suis pas venu dans cet hĂ´pital Ă deux heures du matin pour faire un concours de quĂ©quette avec vous. Après votre coup de fil, j’ai essayĂ© d’appeler Laetitia Ă plusieurs reprises et Ă chaque fois, la communication a basculĂ© immĂ©diatement sur sa boĂ®te vocale.D’autre part, suite Ă l’information que vous m’avez donnĂ©e concernant le vĂ©hicule dans lequel serait montĂ©e Laetitia, j’ai appelĂ© un de mes contacts qui travaille au centre de vidĂ©o surveillance de la ville pour lui demander de visionner les bandes produites entre 22 h 40 et 23 h 00 par les camĂ©ras proches du Grand Vefour. Je lui ai prĂ©cisĂ© de considĂ©rer avec une attention particulière les SUV allemands noirs qui ont croisĂ© dans le quartier sur cette pĂ©riode. On me recontactera si cette recherche donne quelque chose.La commissaire reprend son souffle avant de poursuivre.— En attendant, j’aimerais bien qu’on reprenne toute l’histoire depuis le dĂ©but et que vous m’expliquiez ce qui vous fait croire que Laetitia a Ă©tĂ© enlevĂ©e.Curieusement, la jolie infirmière semble beaucoup moins pressĂ©e de continuer sa tournĂ©e. Et elle ne cherche mĂŞme pas Ă cacher son intĂ©rĂŞt pour la teneur de la conversation que je viens d’entamer avec la commissaire.Je commence donc Ă dĂ©crire de manière succincte les Ă©vĂ©nements qui ont amenĂ© la laurĂ©ate du Gourdin d’argent Ă dĂ®ner en tĂŞte Ă tĂŞte avec son ex dans un prestigieux restaurant parisien pendant que je planquais Ă l’extĂ©rieur après m’être rĂ©galĂ© d’un kebab frites, sauce piquante.J’avais en effet dĂ©cidĂ© de me faire passer pour un livreur de repas pour justifier ma prĂ©sence dans le coin et j’avais donc installĂ© derrière la selle de mon trail Honda un imposant topcase supposĂ© pouvoir transporter des plats cuisinĂ©s.#########J’attaque ma relation des faits au moment oĂą Laetitia quitte le grand Vefour.— Vers 22 h 50, j’ai vu Laetitia sortir du restaurant en compagnie de Sven Maldini, son ex-amant dont elle est sĂ©parĂ©e depuis plusieurs semaines. Ils se sont saluĂ©s courtoisement avant de partir chacun dans une direction diffĂ©rente. Ce qui semblait signifier que Laetitia n’avait rien appris de particulier au cours du dĂ®ner. Je m’apprĂŞtais donc Ă la rejoindre Ă l’emplacement oĂą je lui avais demandĂ© de m’attendre, une fois son repas terminĂ©.Le temps de remettre mon casque, de dĂ©marrer ma bĂ©cane et d’emprunter la rue qui mène au boulevard, et j’aperçois Ă une centaine de mètres un type cagoulĂ© qui tire violemment Laetitia par le bras avant de la jeter sans mĂ©nagement sur la banquette arrière d’un SUV noir qui dĂ©marre en trombe sans mĂŞme attendre que la portière soit refermĂ©e.La voiture est certes puissante, mais beaucoup moins maniable que ma moto et je ne doute pas de rattraper le vĂ©hicule rapidement malgrĂ© les deux bagnoles que je dois laisser passer avant de griller le feu rouge.Malheureusement, en tournant dans la petite rue empruntĂ©e par le SUV quelques secondes plus tĂ´t, je ne remarque pas des dĂ©chets gras sur la chaussĂ©e. Ma roue avant dĂ©croche et la moto se couche et glisse jusqu’à ce qu’une rangĂ©e de poubelles mette brusquement fin Ă ma course-poursuite.Évidemment, je suis fou furieux lorsque je me relève comme une furie et je retire mon casque d’un coup. C’est Ă ce moment que je suis pris de vertige et que je perds conscience.Constatant qu’Adèle m’écoute religieusement, je poursuis ma narration.— Concernant la suite des Ă©vĂ©nements, je me contente de vous rĂ©pĂ©ter ce qu’a m’a dit le mĂ©decin de garde : un tĂ©moin qui marchait sur le trottoir d’en face a assistĂ© Ă ma chute. Il s’est approchĂ© de moi et a tentĂ© de me parler. Voyant que je ne rĂ©agissais pas, il a appelĂ© aussitĂ´t le 17. Le fourgon est arrivĂ© quelques minutes plus tard. Les infirmiers m’ont installĂ© sur la couchette et ils m’ont emmenĂ© dans le magnifique Ă©tablissement oĂą nous nous trouvons actuellement pour me faire subir divers examens qui n’ont heureusement pas rĂ©vĂ©lĂ© de lĂ©sion.La commissaire reste imperturbable et ne pipe mot ce qui m’encourage Ă poursuivre mon rĂ©cit :— C’est en sortant du dernier examen que je me suis rĂ©veillĂ©. Une infirmière m’a alors prise en charge pour me conduire, minerve autour du cou, dans cette chambre oĂą j’ai enfin pu rĂ©cupĂ©rer mon portable et vous appeler après avoir constatĂ© moi aussi que Laetitia Ă©tait injoignable.Tout Ă mon dĂ©pit de m’être fait semer aussi bĂŞtement, je continue mon exposĂ©Â :— Je ne comprends pas comment j’ai pu me faire piĂ©ger. Je pensais avoir pris les dispositions suffisantes. Ainsi, j’ai placĂ© Laetitia sous surveillance depuis qu’elle a quittĂ© mon bureau il y a un peu moins de deux jours. Et hier, je ne l’ai pas quittĂ© des yeux de la journĂ©e, la prenant en chasse dès qu’elle a quittĂ© son appartement jusqu’à la raccompagner Ă la porte de son immeuble vers 18 h 30. J’ai rĂ©servĂ© moi-mĂŞme le taxi qui est venu la prendre Ă 19 h 45. J’ai ensuite suivi la voiture Ă moto discrètement, sur tout le parcours et je mettrais ma main Ă couper qu’aucun autre vĂ©hicule n’a pris le taxi en filature. Laetitia, elle-mĂŞme, ne savait pas que je planquais en bas de chez elle et que j’avais dĂ©cidĂ© de la surveiller jusqu’à ce qu’elle pĂ©nètre dans le restaurant.— Qui Ă©tait au courant de ce dĂ®ner, Ă part Laetitia et son ex ? me demande Adèle après quelques secondes.— Personne justement. Ça s’est dĂ©cidĂ© en ma prĂ©sence lors du passage de Laetitia Ă mon bureau.— Alors, brillant dĂ©tective, vous en dĂ©duisez quoi ?Je fais un clin d’œil Ă la frangine de Chabal avant de rĂ©pondre.— Qu’il pourrait ĂŞtre utile de rendre une petite visite Ă l’auteur de science-fiction pornographique.— Tout juste Auguste. Et c’est ce que je vais faire de ce pas…— HĂ© commissaire ! Vous n’allez pas me laisser seul ici Ă la merci de cette infirmière qui en a visiblement après ma vertu.La jeune femme noire sursaute et lâche une exclamation de protestation :— Dites donc, papy ! Il ne faudrait pas prendre vos dĂ©sirs pour la rĂ©alitĂ©.Adèle rigole un bon coup.— OK, Marteau, je vous emmène. Il est sĂ»r que dans votre Ă©tat, la levrette n’est pas tellement recommandĂ©e.— C’est ça, amusez-vous ! Faites comme si je n’étais pas lĂ , s’énerve la jolie infirmière.— Commissaire, on ferait bien d’y aller avant que Djamila n’entre dans une colère noire.— Pauvres cons ! lâche la fille Ă©cĹ“urĂ©e en quittant la chambre alors que la policière se plie en deux de rire.J’en rajoute une couche :— Attendez, Mademoiselle ! ne partez pas avant que je vous ai fourni une dĂ©charge.#########Moins d’un quart d’heure plus tard, j’ai rĂ©cupĂ©rĂ© mes vĂŞtements et rempli les formalitĂ©s administratives. De son cĂ´tĂ©, Pettesec s’est fait communiquer l’adresse de Sven Maldini auprès de collègues de permanence et nous nous nous apprĂŞtons Ă prendre la route pour lui rendre une petite visite Ă sa rĂ©sidence de Montreuil.Une sonnerie sur son tĂ©lĂ©phone alerte la commissaire qui s’isole pour passer un rapide coup de fil avant de venir me retrouver :— Changement de programme, mon mignon. Le gars de la vidĂ©o surveillance a vĂ©rifiĂ© les plaques de tous les SUV allemands noirs qui ont croisĂ© dans le quartier du Grand Vefour autour de vingt-trois heures et figurez-vous qu’il a repĂ©rĂ© une BMW X5 dont l’immatriculation est officiellement attribuĂ©e Ă une CitroĂ«n circulant dans les Hautes PyrĂ©nĂ©es. J’ai demandĂ© au collègue de vĂ©rifier si Sven Maldini possède un 4×4 BMW, mais je n’y crois pas trop. Le policier me rappelle dès qu’il a l’info.Quelques minutes plus tard, Pettesec consulte son tĂ©lĂ©phone et me confirme que Sven Maldini n’a pas de BMW X5.— Du coup, on fait quoi commissaire ? je demande.— Est-ce que par hasard, Laetitia vous aurait fourni une liste de contacts ? rĂ©pond la policière. C’est peut-ĂŞtre une de ses connaissances qui est Ă l’origine de l’enlèvement.— En effet, je me suis fait la mĂŞme rĂ©flexion et j’ai bien une liste de coordonnĂ©es que je peux rĂ©cupĂ©rer sur mon cloud personnel si on me fournit un PC avec accès Ă Internet.— OK ! On va passer voir un de mes collègues Ă la PP. Et on va regarder si dans votre liste, il n’y aurait pas un propriĂ©taire de X5.#########Nous roulons depuis une dizaine de minutes en direction du domicile de Jeff Parchemin, l’assistant de Jacques Sohn-FaĂŻve aux Ă©ditions Emplomb.La liste de Laetitia contenait le nom et le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone du bonhomme et en consultant le SIV, le brigadier de la PP a trouvĂ© qu’un certain Jean-François Parchemin rĂ©sidant Ă Meudon Ă©tait propriĂ©taire depuis trois ans d’une BMW X5 noire.Après une petite recherche sur Internet, j’ai dĂ©couvert en consultant le compte Linky (le rĂ©seau social des professionnels) de Monsieur Parchemin qu’il n’est autre que l’assistant du patron de la maison d’édition de Laetitia.#########Je romps le silence en m’adressant Ă Adèle :— Dites-moi, commissaire. Y’a un truc qui me taraude, mais je me demande si je fais bien de vous en parler.— Ça dĂ©pend, mon gars. Ça concerne notre affaire ou c’est personnel ?— Eh bien, je dirais que c’est plutĂ´t personnel.— Dans ce cas, laisse tomber le vouvoiement et le commissaire et appelle-moi PĂ©pette comme tous mes potes.— OK PĂ©pette. Je sais pas si ça m’aidera, mais…— HĂ© Marteau ! Tu la craches ta Valda ou tu te fais prier comme une pucelle le jour de ses fiançailles ? gueule Adèle avant de se radoucir et de me questionner :— Marteau, c’est pas un peu bizarre comme nom pour un privé ?— Ben non ! C’est mĂŞme Ă cause de mon patronyme que j’ai choisi le mĂ©tier de dĂ©tective. Quand j’étais gamin, j’étais un fan de polars amĂ©ricains et je me suis enfilĂ© jusqu’à plus soif les Ĺ“uvres de Chandler, Chase, Hammett et surtout Mickey Spillane, le crĂ©ateur de « Mike Hammer » sans parler de San Antonio et Agatha Christie, mais ça n’a rien Ă voir.— Ben, dis-moi, t’es un chaud, toi, de t’enfiler tout ce monde-lĂ , lâche la policière dans un grand rire gras.— Ah ! c’est malin ça.— Puisque t’es si calĂ©, j’espère que tu apprĂ©cies aussi Tardi.— Évidemment Adèle et LĂ©o Malet aussi.Je me tais tandis qu’une larme perle Ă l’œil de ma conductrice et j’attends respectueusement qu’elle sorte de son mutisme.— Bon, arrĂŞte de jouer les vierges effarouchĂ©es et dis-moi plutĂ´t ce que tu voulais savoir sur moi.— En fait, je me demande jusqu’à quel point vous ĂŞtes proches, Laetitia et toi.Adèle reste Ă nouveau silencieuse plusieurs secondes avant de rĂ©pondre.— Pour faire court, disons qu’il y a quelques annĂ©es, la belle blonde avait souvent le museau plantĂ© dans ma foufoune et je le lui rendais bien.— C’est vrai qu’on fait difficilement plus proche, j’admets. Qu’est-ce qui a fait que vous avez mis fin Ă vos parties de broute minou.— La vie, mon pote, rien que la vie. Qu’est-ce que tu crois ? Laetitia avait envie d’autre chose. C’est normal. Elle est jeune, elle est belle, elle est intelligente. Elle a envie de vivre. Elle a droit au bonheur. Alors le jour oĂą elle m’a dit que c’était fini entre nous, j’ai encaissĂ© en silence, mais je lui ai aussi promis que je serais toujours lĂ si elle avait besoin de moi.— Je suppose que tu as morflĂ©.— Évidemment que j’ai morflĂ©, Ducon ! Alors je me suis laissĂ© aller Ă la facilitĂ© et j’ai trouvĂ© un moyen pour moins penser Ă Laetitia : pendant plusieurs mois, toutes les nuits, j’accompagnais mes copains de la BAC dans leur tournĂ©e et j’expliquais Ă ma manière aux dealers et aux proxos qui avaient le malheur de croiser notre route que ce qu’ils faisaient n’était pas correct.Silencieux, je regarde Adèle les yeux rivĂ©s sur la route se remĂ©morer cette pĂ©riode douloureuse de son existence.— Et qu’est-ce qui a mis fin Ă ton activitĂ© de justicière. Une pĂ©nurie de wheed sur Paris ?PĂ©pette rigole malgrĂ© elle.— Presque. Un jour, j’ai cognĂ© un peu trop fort et le vendeur de coke a failli y rester. Alors mes potes m’ont expliquĂ© que sur ce coup-lĂ , ils n’allaient pas pouvoir me couvrir et l’IGPN m’est tombĂ©e dessus. Et c’est comme ça que je me suis retrouvĂ©e Ă manager des ronds-de-cuir dans un bureau Ă quelques dizaines de mètres de la place Beauvau.Le GPS signale la proximitĂ© de la maison de Jeff Parchemin.— Je crois qu’on arrive, PĂ©pette. Je compte sur toi pour faire preuve de mesure lorsque tu interrogeras l’assistant de Jacques Sohn-FaĂŻve.Adèle Ă©clate de rire.— DĂ©tends-toi, Marteau, c’est de l’histoire ancienne. Je sais me tenir maintenant.Alors que nous nous trouvons Ă trois cents mètres du pavillon, un signal lumineux clignotant annonce l’ouverture du portail Ă©lectrique de la propriĂ©tĂ© d’oĂą s’extrait une 308 grise qui tourne immĂ©diatement Ă droite avant d’accĂ©lĂ©rer en douceur.Je saisis alors brusquement le bras de la conductrice et lâche :— Suis discrètement cette voiture. J’ai comme qui dirait un pressentiment.La commissaire ne moufte pas et cale son allure sur celle de la Peugeot puis elle Ă©teint ses feux.— Putain, qu’est-ce que tu fous, on voit plus rien. Tu vas nous envoyer dans le dĂ©cor.— DĂ©tends-toi, mon joli. J’ai des yeux de chat. C’est pas par hasard que mes copines m’appellent Minou.Je me contente donc de serrer les fesses durant la bonne vingtaine de minutes pendant lesquelles nous filons la 308 jusqu’à ce qu’elle s’arrĂŞte Ă un carrefour en pleine forĂŞt Ă proximitĂ© d’une petite maison abandonnĂ©e.Presque aussitĂ´t, le chauffeur descend, bientĂ´t imitĂ© par son passager.Enfin, c’est ce que je parviens Ă distinguer parce que les phares de la Peugeot sont restĂ©s allumĂ©s.Adèle se gare discrètement pendant que je sors mon micro directionnel pour le connecter Ă mon smartphone.Les deux passagers de la 308 se sont rapprochĂ©s et je baisse ma fenĂŞtre avant de diriger le micro vers eux.AussitĂ´t, leur conversation nous parvient grâce au haut-parleur de mon tĂ©lĂ©phone.— Je sais que ce que nous faisons ne te plaĂ®t pas trop, mais nous n’avons pas le choix. Tu dois 50 000 euros Ă Enzo Zalando et ton livre se vend moins bien que tu l’espĂ©rais.— C’est pourtant bien la première fois que je me fais trahir par un brelan de reines, lâche une voix fĂ©minine que j’identifie comme celle de Laetitia.La rĂ©ponse de Sohn-FaĂŻve se veut fataliste.— Que veux-tu ma belle ? On vit une sale Ă©poque ! C’est le triomphe des roturiers. Une vulgaire suite non royale est supĂ©rieure Ă trois reines. Écoute ! Je n’ai pas l’intention de philosopher ici jusqu’au petit jour. Tu as bien compris ce que tu dois faire. Tu me laisses trente minutes pour rentrer chez moi. Ensuite, tu dĂ©fais les liens de tes mains, tu rallumes ton tĂ©lĂ©phone et tu m’appelles. Je prĂ©viens les flics et la presse dans la foulĂ©e. De ton cĂ´tĂ©, tu tĂ©lĂ©phones au privĂ© demeurĂ© que tu as engagĂ© et tu lui racontes que tu t’es faite enlever Ă la sortie du Grand Vefour, qu’on t’a amenĂ©e tu ne sais pas trop oĂą et que tu as pu rĂ©cupĂ©rer ton tĂ©lĂ©phone, mais que tu es solidement attachĂ©e et que tu es incapable de te libĂ©rer.— C’est bon ! Ça fait cinq fois que tu me rabâches la mĂŞme chose, lâche Laetitia avec agacement.— Bon maintenant, on va aller dans la bicoque oĂą je vais t’attacher, puis t’enfermer Ă clef après avoir mis en Ă©vidence cette nouvelle lettre de menace pour que le premier crĂ©tin qui entrera dans la baraque la dĂ©couvre aussitĂ´t.Je me tourne vers la commissaire avant de la questionner.— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? J’ai l’impression que Laetitia s’est bien foutue de nous.— T’as raison, Marteau ! On va pas se laisser baiser sans rĂ©agir.Adèle ouvre sa portière et extrait sa gigantesque carcasse de la Renault avant de se diriger vers les deux tourtereaux. Je l’imite.Le bruit que nous faisons en nous approchant attire l’attention de l’homme qui sursaute.— Bon sang, qu’est-ce qui se passe ?Adèle affiche un calme impressionnant :— Tout doux, Sohn-FaĂŻve, on passait dans le coin, on a vu de la lumière. Alors on s’est pointĂ©.Laetitia reste silencieuse et regarde alternativement la commissaire et son Ă©diteur que j’ai reconnu grâce aux quelques photos de lui que j’ai consultĂ©es sur Internet notamment lors de notre passage Ă la PP un peu plus tĂ´t dans la nuit.— Mais bordel qui ĂŞtes-vous ? gueule le type.— Commissaire Pettesec pour ne pas te servir, connard, dĂ©clare Ă©lĂ©gamment ma nouvelle copine avant de se diriger vers l’homme qui se tourne vers sa complice.— C’est toi qui a averti les flics ? demande Jacques Ă ma cliente.Adèle rĂ©pond Ă la place de son amie :— En effet, joli cĹ“ur, dit-elle en sortant son flingue de son Ă©tui pour le pointer vers l’éditeur. Lève tes sales pattes et recule-toi, lui ordonne PĂ©pette avant d’ajouter Ă mon attention : Marteau, vĂ©rifie si ce salaud n’est pas armĂ©.TerrorisĂ©, Jacques Sohn-FaĂŻve fait quelques pas vers la maison abandonnĂ©e et s’arrĂŞte. Je le rejoins silencieusement et le palpe consciencieusement.— R.A.S.— Parfait ! lâche laconiquement la flic.Une explosion dĂ©chire la fin de la nuit et la cervelle du patron des Ă©ditions Emplomb se rĂ©pand sur l’herbe avant que son cadavre s’écroule sur le sol.Je regarde la tireuse avec sidĂ©ration avant de hurler.— Putain ! Mais t’es cinglĂ©e. Pourquoi t’as fait ça ?— Ce mec avait une tronche qui ne me revenait pas, dit simplement Pettesec.Laetitia s’approche du mort et crache sur le corps.— De toute façon, ce fumier ne mĂ©ritait pas mieux, dit-elle les yeux brillants de colère.— Bon, c’est pas tout ça les amis, mais vaut mieux Ă©viter de moisir ici, dĂ©clare Adèle en sortant un petit rĂ©volver de sa poche gauche pour le pointer vers moi.— Tu vois, Marteau, je commençais Ă te trouver sympathique, ça me ferait presque de la peine de te descendre. Mais bon, tu sais ce que c’est : on ne fait pas d’omelette sans casser des Ĺ“ufs.Devant mon air ahuri, Pettesec lâche un petit rire avant d’expliquer :— L’idĂ©e de Sohn-FaĂŻve n’était pas mauvaise, mais elle Ă©tait un peu Ă©triquĂ©e. Tu te doutes bien qu’avec un meurtre, le tien en l’occurrence, et une commissaire qui descend le tueur dans la foulĂ©e, on va avoir droit Ă une couverture mĂ©diatique nationale. Rien Ă voir avec ce qu’on aurait obtenu pour la libĂ©ration d’une Ă©crivaine peu connue qu’on retrouve choquĂ©e dans un bois paumĂ© après s’être fait enlever Ă la sortie du Grand Vefour.Je ne peux que m’ébaubir :— Chapeau, les filles, c’est pas très moral votre histoire, mais vous m’avez bien roulĂ© dans la farine.Je marque un temps d’arrĂŞt avant de poursuivre Ă l’attention de Laetitia :— Je suppose qu’il n’y a jamais eu de dĂ©pĂ´t de plainte contre la soi-disante lettre de menace que vous m’avez prĂ©sentĂ©e.— En effet, admet la sublime blonde, mais j’ai quand mĂŞme dĂ©posĂ© une main-courante et fourni aux policiers l’enveloppe postĂ©e par Adèle.— En fait, la lettre, c’était l’idĂ©e de l’éditeur et on l’a reprise telle quelle, prĂ©cise PĂ©pette. Il fallait bien qu’on ait du grain Ă moudre pour la flicaille qui va traiter cette affaire sordide d’enlèvement qui vient de dĂ©raper.Je lâche alors, dĂ©sabusĂ©Â :— Et Ă©videmment, Pettesec, tu n’as jamais contactĂ© le service de vidĂ©o surveillance de la ville.— Dans le fond, Marteau, t’es moins con que t’en as l’air. Tu avais reconnu une BMW X5 avant de te vautrer comme une merde au guidon de ta bĂ©cane. Grâce Ă la liste fournie par Laetitia et que tu lui as obligeamment communiquĂ©e, mon serviable collègue de la PP n’a pas eu de mal Ă retrouver le propriĂ©taire potentiel de la bagnole. D’ailleurs c’était bien vu, le coup de Linky. Je me demandais comment tu allais pouvoir faire le rapprochement entre Jeff Parchemin, le possesseur de la voiture et les Ă©ditions Emplomb. Finalement les rĂ©seaux sociaux, ça a du bon, conclut Pettesec contente d’elle.Je regarde tour Ă tour les deux femmes avec une pensĂ©e triste pour Laetitia prĂŞte Ă n’importe quelle compromission pour avoir sa part de gloire et le fric qui va avec.— Bon assez causé ! s’exclame soudain la commissaire. On en a pas encore fini avec cette histoire. Il faut qu’on s’occupe de notre petite mise en scène avant d’appeler les collègues. Et c’est con pour toi, Marteau, mais tu vas te faire buter par Jacques Sohn-FaĂŻve.La policière recule alors de quelques pas et vise mon torse avec le petit flingue qu’elle a prĂ©cĂ©demment sorti de sa poche.Je ferme les yeux lorsque le coup de feu retentit.Le juron de Pettesec me vrille les oreilles. En ouvrant les yeux, je la dĂ©couvre accroupie en train de tenir sa main en sang Ă laquelle il manque au moins deux doigts. Elle est pâle comme un linge.— Putain Lucca ! je gueule. T’as mis du temps Ă rĂ©agir. J’ai bien cru que la sĹ“ur de Chabal allait m’envoyer rejoindre mes ancĂŞtres.Alors que le soleil pointe Ă l’horizon, mon copain Franck Lucca, commandant de police et tireur hors pair nous rejoint en maintenant son arme pointĂ©e vers la commissaire.— Ce que j’aime chez toi, Marteau, c’est la manière dont tu remercies les gens. Il fallait bien que je te laisse le temps d’enregistrer la confession de ma charmante collègue.— Ouais ! N’empĂŞche que j’ai bien failli me pisser dessus, je rĂ©ponds en sortant le mini enregistreur et la balise GPS qui se trouvent dans ma poche. Puis je m’adresse Ă la femme blessĂ©e.— Tu vois, PĂ©pette… T’es pas la seule Ă avoir des copains dans la police.La première chose que j’ai faite après que ta copine canon m’a engagĂ©e, c’est de vĂ©rifier cette histoire de plainte et d’enquĂŞte. Quand j’ai appris que c’était bidon, je me suis dit qu’il valait mieux sortir couvert et j’ai contactĂ© mon vieux pote Franck.Et avant qu’on prenne la route en amoureux toi et moi cette nuit, je l’ai appelĂ© et j’ai activĂ© ma balise. C’est mon cĂ´tĂ© geek : je peux pas rĂ©sister Ă un gadget qui pourrait me servir un jour.Je me tourne alors vers Laetitia :— Je me demande comment Conchita va rĂ©agir quand elle apprendra que son Ă©crivaine prĂ©fĂ©rĂ©e est la complice d’un meurtre.ÉpilogueEn attendant que les policiers contactĂ©s par mon pote, Franck Lucca, dĂ©barquent pour procĂ©der aux premières constatations, je dĂ©cidai de m’isoler quelques minutes avec Laetitia pour qu’elle m’éclaire sur quelques points nĂ©buleux de cette affaire.D’abord je voulais comprendre sa rĂ©action après le meurtre de Jacques Sohn-FaĂŻve. Pourquoi avait-elle marquĂ© un tel mĂ©pris en crachant sur le cadavre de son Ă©diteur ?La belle blonde m’en expliqua la raison en contenant sa colère avec difficultĂ©Â :— Ce salaud avait nĂ©gociĂ© dans mon dos avec ses financiers africains la somme nĂ©cessaire Ă l’impression et Ă la distribution de mon livre en Ă©change de ma participation Ă un gangbang avec de grands Blacks Ă grosses bites.— Je comprends, avais-je simplement rĂ©pondu en masquant ma tristesse.Ensuite quel Ă©tait le rĂ´le effectif de Jeff Parchemin dans le plan initial et dans sa version finale ?Laetitia ne se fit pas prier pour lâcher le morceau.— Comme la plupart des employĂ©s des Ă©ditions Emplomb, Jeff haĂŻssait son patron qui Ă©tait la plus belle ordure que le monde de l’édition ait connue depuis la publication des Tables de la loi destinĂ©es Ă MoĂŻse. D’autre part, en cas de disparition de Jacques Sohn-FaĂŻve, Parchemin Ă©tait Ă peu près certain d’hĂ©riter de la prĂ©sidence des Ă©ditions Emplomb. Dans le plan Ă©laborĂ© par son patron, il devait juste fournir le vĂ©hicule et l’assistance pour le faux enlèvement, mais quand je lui ai expliquĂ© qu’avec ma copine Adèle, on avait un peu modifiĂ© le scĂ©nario et qu’on allait en profiter pour se dĂ©barrasser de ce fumier d’éditeur, il n’a pas hĂ©sitĂ© longtemps Ă marcher dans notre combine.— MalgrĂ© les dommages collatĂ©raux ? ai-je demandĂ©, lĂ©gèrement sonnĂ©.— Je suppose que vous parlez de votre Ă©limination. J’avoue que je n’ai pas Ă©voquĂ© ce point avec lui, lâcha Laetitia sur un ton dĂ©tachĂ© avant de poursuivre : Jeff a donc collaborĂ© pleinement et lorsqu’Adèle lui a envoyĂ© discrètement un SMS pour lui indiquer que vous approchiez de son pavillon, nous nous sommes arrangĂ©s lui et moi pour convaincre Jacques qu’il Ă©tait temps de gagner la maison abandonnĂ©e oĂą j’étais censĂ©e ĂŞtre retenue prisonnière. Et Jeff a dĂ©clenchĂ© l’ouverture de son portail dès qu’il a aperçu les phares de la voiture d’Adèle au loin.Complètement abasourdi, j’ai Ă©coutĂ© la magnifique et machiavĂ©lique jeune femme pendant que mon cĹ“ur se dĂ©sintĂ©grait.Alors, Laetitia a soudain Ă©clatĂ© en sanglots et malgrĂ© tout ce qu’elle venait de faire et de me dire, je n’ai pas rĂ©sistĂ© et je l’ai prise dans mes bras.La sublime jeune femme a levĂ© la tĂŞte pour me fixer avec un regard de cocker triste et je n’ai pu m’empĂŞcher d’essuyer les larmes qui coulaient de ses beaux yeux rougis de fatigue.Et avant que j’ai pu esquisser le moindre mouvement, elle a posĂ© ses lèvres sur les miennes et nos langues se sont mĂŞlĂ©es dans un ballet endiablĂ©.Le monde Ă©tait devenu merveilleux et alors que je m’apprĂŞtais Ă lui dire combien je l’aimais, que je l’attendrais toutes les annĂ©es nĂ©cessaires et que je serais prĂ©sent le jour de sa sortie de prison, elle me gratifia d’un magnifique coup de genou dans les parties m’envoyant au tapis me tordre de douleur pour un bon moment.— Putain, Marteau ! il faudra qu’un jour je t’explique comment s’y prendre avec les nanas.MalgrĂ© la douleur qui me tenaillait le scrotum, je parvins Ă tourner la tĂŞte vers Lucca qui conclut :— À ton âge quand mĂŞme ! Si c’est pas malheureux de voir ça…